Emmanuel Macron a beaucoup de contrariétés ces derniers temps.
Une révolte provenant de la profondeur de la France, en dehors des métropoles insérées dans la mondialisation, conteste sa politique et sa vision économique du monde.
Au moment où il entend donner son discours à la France pour répondre à cette révolte, Notre Dame s’embrase et l’oblige à changer de discours.
Sur le plan international, rien ne va non plus comme il l’espérait. Malgré tous ses efforts de calinothérapie avec Donald Trump, ce dernier n’a en rien infléchi sa politique ni ses décisions vers des choix souhaités par notre président.
Mais sa plus grande déception, vient de l’Allemagne. Il espérait le soutien de l’Allemagne après avoir lancé une politique de réforme du marché du travail dans le sens voulu par l’Allemagne, après avoir courtisé Angela Merkel ; toutes ses propositions ont été systématiquement ignorés par nos voisin d’outre Rhin.
Celui que beaucoup d’hommes de gauche aiment traiter d’europhile béat ce qu’il conteste : « Jean Quatremer : « Il faut arrêter d’être euro-béat ! », le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer pense que le divorce entre les responsables des deux pays est proche.
Jean Quatremer a en effet publié, le 14 avril, un article dans libération avec ce titre : « Le couple franco-allemand au bord du divorce »
Il explique notamment
« La fiction du «couple» franco-allemand a volé en éclats lors du sommet spécial Brexit, mercredi et jeudi. S’il y a souvent eu de profonds désaccords entre les deux rives du Rhin, c’est la première fois qu’Angela Merkel l’a affiché publiquement et sans précautions diplomatiques excessives. La chancelière a jugé «incompréhensible» le «raisonnement» d’Emmanuel Macron défavorable à une extension trop longue du délai avant un Brexit définitif, alors qu’elle était prête à donner un an de plus à Theresa May pour lui donner le temps d’essayer de faire adopter l’accord de divorce conclu avec l’Union. »
Jean Quatremer est résolument du côté de notre président et ironise sur les positions allemandes:
« Le «raisonnement» du chef de l’Etat français est pourtant simple : l’Union, confrontée à d’autres défis, ne peut se permettre d’être prise en otage par une classe politique britannique incapable de mettre en œuvre la décision d’un référendum qu’il a lui-même provoqué… Finalement, un compromis a été trouvé – prolongation jusqu’au 31 octobre –, mais le gouvernement allemand n’a pas caché sa colère face à la résistance d’un partenaire d’habitude plus docile. Norbert Röttgen, le président (CDU) de la commission des affaires étrangères, n’a pas hésité à accuser Macron, dans un tweet vengeur, de «donner la priorité à ses intérêts de politique intérieure sur l’unité européenne». Car il est bien connu que Berlin n’a jamais aucune arrière-pensée de politique intérieure, comme l’a si bien démontré la crise grecque gérée de façon brutale pour ne pas effrayer les électeurs allemands… »
Jean Quatremer accuse les médias français de donner une vision biaisée de la France qui serait isolée alors qu’elle dispose de soutien. En outre le désaccord n’est pas seulement sur la stratégie à l’égard de la Grande Bretagne mais aussi sur les discussions concernant les relations commerciales avec les Etats-Unis. La France pense que l’Allemagne pour amadouer Trump sur les importations de voiture américaine, entend brader l’agriculture européenne et particulièrement française pour ouvrir la porte à une importation plus massive de produits américains.
« Curieusement, les médias français ont souligné l’isolement de Paris – qui était pourtant soutenu par la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, Malte, mais aussi, en second rang, par l’Autriche et le Danemark –, l’accusant presque de ne pas avoir joué collectif en refusant de s’aligner sur Berlin. «Il est incroyable que l’on nous présente comme des empêcheurs de tourner en rond alors qu’on a été les empêcheurs de sombrer en rond face à la mollesse collective», se récrie-t-on à l’Elysée. Une position que Macron s’apprête à assumer ce lundi en votant contre l’ouverture de négociations commerciales avec les Etats-Unis, là aussi initiée sous la pression de l’Allemagne, qui craint que Donald Trump ne taxe ses importations automobiles. […]
Emmanuel Macron semble avoir fait son deuil de la relation franco-allemande après y avoir longtemps cru. Il a pris conscience que les démocrates-chrétiens de la CDU-CSU, mais aussi les sociaux-démocrates, défendent avant tout les intérêts allemands travestis en intérêts européens, comme on l’analyse désormais en France. Depuis un an et demi, le chef de l’Etat n’a cessé de recevoir des rebuffades sur quasiment tous ses projets (création d’un budget de la zone euro, d’un Parlement de la zone euro, d’une taxe sur les géants du numérique, d’une Europe de la défense, etc.). »
Cela devient un drame shakespearien. Sans l’Europe, la France ne représente plus grand chose sur le marché économique mondial. L’Union européenne n’est forte que si les allemands et les français parviennent à s’entendre et à s’accorder. Mais l’Allemagne et la France ont des intérêts de plus en plus divergents.
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Inénarrable Jean QUATREMER qui nous invite a cesser d’ être euro-béat, alors que pendant des années il a fait preuve, c’est le moins qu’on puisse dire, d’un européisme débridé …Il s’aperçoit mais un peu tard, il est vrai qu’il y a divorce du couple franco-allemand.
Une prise en compte des réalités politiques et géopolitiques et un effort d’analyse plus poussé lui auraient évité cette déconvenue tardive.
En premier lieu bien voir que depuis sa réunification, l’Allemagne a conduit une véritable réalpolitik qui l’a conduite a imposer au sein de l’Union européenne sa vision économique qualifiée d’ordo-libéralisme, vision qu’elle considère conforme à ses intérêts nationaux. Pour ce faire elle s’est adroitement appuyé sur la France à travers le « couple » franco-allemand ( dans lequel c’est la France et ses élites de droite et de gauche qui ont pleinement adhéré à la vision allemande, l’Allemagne ayant très peu concédé ) source de légitimation des politiques économique et surtout monétaire conduites au nom de l’Union Européenne mais dont l’Allemagne est l’inspiratrice principale. L’ Allemagne n’a consenti à l’Union Monétaire qu’à la condition que l’euro soit un substitut du mark, d’où pour faire bref les conditions fixées par les traités et surtout les pactes successifs de stabilité . Consciente que les seuls traités ne sauraient suffire, l’Allemagne par ailleurs grande exportatrice a poussé l’Union Européenne à une intégration croissante dans la mondialisation, les contraintes du marché constituant un élément essentiel à ses yeux , garantie de la discipline budgétaire dans les états « dépensiers ». Cela explique également que l’Allemagne ménage la Grande-Bretagne plus proche de ses conceptions économiques que la France.
Pourquoi s’étonner dès lors du refus opposé par l’Allemagne aux propositions de notre Président ?
L’ Allemagne ne souhaite pas et n’a jamais souhaité la constitution d’une Europe fédérale dont elle constituerait le centre économique avec les responsabilités et solidarités qui en découlent. elle préfère en appeler à la discipline budgétaire des états ainsi qu’à leur responsabilité propre en matière sociale, ce qui de fait exclut l’établissement d’un budget de la zone euro ainsi que toute harmonisation au niveau européen. a fortiori refuse t’elle la mutualisation des dettes qu’elle a toutefois été obligée d’accepter par défaut et dans une certaine mesure en 2012 pour le sauvetage de l’euro.
Il ne s’agit pas là d’un procès d’intention mais d’une prise en compte des réalités . Il y a une véritable nécessité à repenser véritablement le projet européen. Aussi axer le prochain débat électoral européen sur l’opposition Progressistes/Populistes est une simplification abusive à visée intérieure bassement électorale, plutôt que d’engager une réflexion sur la redéfinition du projet européen, en demeurant conscient que l’Europe ne saurait être simplement assimilée aux institutions actuelles de l’Union Européenne coiffée par un couple franco-allemand qui n’existe pas.
Il est vrai que pour notre Président qui nous a vendu sa politique en nous garantissant le consentement allemand au renforcement de l’europe sur la base des propositions françaises, il est difficile de changer de pied . Et pourtant au vu de ces réalités et du contexte international, la redéfinition du projet européen n’ a jamais paru aussi urgente.
Merci pour ce commentaire très argumenté qui montre le problème que la France a avec l’Allemagne et réciproquement.
Jean-Louis Bourlanges lors du nouvel Esprit Public du 12 mai 2019 a eu ce mot : « le problème c’est que la France change d’idée 3 fois par mois et que l’Allemagne change d’idée 3 fois par siècle. C’est un problème de temporalité. »
Je ne crois pas que ce soit la seule raison, mais c’est peut être une piste…