Mercredi 23 janvier 2019

« Nous sommes ainsi à la fois intempérants et intemporels, des analphabètes du temps  »
Marcia Bjornerud

Je continue mon butinage dans le numéro de « Courrier international » de la fin de l’année consacré au « Temps » qui passe trop vite.

Cette fois il s’agit d’un article directement écrit par les journalistes de Courrier international et non la traduction d’un article d’un journal étranger : « Nous, les illettrés du temps »

Cet article donne la parole à la chercheuse Marcia Bjornerud qui est originaire de Norvège, elle a étudié dans son pays, puis au Canada. Elle est aujourd’hui professeure de géologie à Lawrence University (Wisconsin).

Elle a écrit un livre qui a été traduit en français et publié en 2006 : «Autobiographie de la terre» dans lequel elle se penche sur notre planète Terre.

Elle recommande la géologie comme remède à l’analphabétisme temporel.

Car savez-vous que notre planète est âgée de 4,54 milliards d’années ? Qu’une goutte d’eau peut rester neuf jours dans l’atmosphère terrestre ? Ou qu’une molécule de dioxyde de carbone peut y passer des siècles ?

Pour cette géologue ces notions sont essentielles et connaître les rythmes qui régissent la planète Terre est un enjeu majeur pour sa survie.

« La majorité des êtres humains, y compris ceux qui vivent dans des pays riches et techniquement avancés, n’ont aucun sens des proportions temporelles, de la durée des grands chapitres de l’histoire de la Terre, des taux de changement qui ont marqué les précédentes phases d’instabilité environnementale et des échelles de temps des capitaux naturels comme le système des eaux souterraines »

C’est ce qui l’a conduite à proposer le concept de « timefulness », que l’on peut comprendre comme « la conscience du temps ».

Et l’article de Courrier International s’appuie sur un ouvrage publié en 2018, non traduit en français, de la géologue : « Timefulness. How Thinking like a Geologist Can help Save the World » ce qui peut être traduit par : « La Conscience du temps. Comment penser comme un géologue peut contribuer à sauver le monde  »

Marcia Bjornerud invite à prendre conscience du temps qu’il faut à une chaîne de montagnes pour s’élever , de celui qui est nécessaire à son érosion, et des échelles de temps différentes qui régissent les processus terrestres, en particulier à une époque où tout s’accélère.

Car elle écrit :

« N’aimant pas les histoires dépourvues de héros humain, beaucoup de gens ne trouvent tout simplement aucun intérêt à l’histoire naturelle. Nous sommes ainsi à la fois intempérants et intemporels, des analphabètes du temps »

Elle invite, à redorer le blason de cette science d’autant moins prestigieuse qu’il n’existe pas de prix Nobel pour la projeter périodiquement sous le feu des projecteurs.

« L’heure est venue pour toutes les sciences d’adopter le respect géologique pour le temps et sa capacité à transfigurer, détruire, renouveler, amplifier, éroder, disséminer, entrelacer, innover et exterminer. […] Le prisme de la géologie nous permet d’appréhender le temps en dépassant les limites de notre expérience humaine »

Cette réflexion constitue un excellent antidote à l’impatience et à la difficulté de savoir attendre.

Bien sûr, vous pourrez dire cette échelle des temps n’est pas forcément la plus pertinente pour l’échelle d’une vie humaine. Quoique savoir qu’une goutte d’eau peut rester neuf jours dans l’atmosphère terrestre reste à cette échelle et montre la patience de la nature.

Mais lorsque nous nous interrogeons sur les énergies fossiles, cette réflexion devient plus que pertinente, déterminante.

Ainsi le <site de la Radio Télévision Suisse> dans la réponse à une question explique la chose suivante :

« Les énergies fossiles (gaz naturel, le pétrole et houille de laquelle on extrait le charbon) mettent des millions d’années à se former. Le temps exact de leur formation dépend de différentes conditions (température, pression, profondeur, etc.). Selon les spécialistes, les gisements actuels datent de deux périodes principales (200 à 350 millions d’années ou 20 à 150 millions d’années). On estime que moins de 1% de la biomasse des êtres vivants qui ont peuplé la terre a été enfouie dans le sol ou a sédimenté au fond des mers et des océans pour former les ressources fossiles.

Ces ressources, sont donc présentes en quantité limitées et se renouvellent beaucoup plus lentement que nous les utilisons.

Pour se donner une meilleure idée du problème on peut faire un petit calcul : si l’on compare le temps de formation des énergies fossiles (env. 200 millions d’années) à une durée d’une semaine, les hommes commencent à utiliser les énergies fossiles le dimanche à moins d’une seconde de minuit. A minuit, les énergies fossiles sont épuisées. »

C’est dans cette proportion que l’homme dilapide le capital naturel qui lui a été donné.

Pendant ce temps, certains homo-sapiens envisagent d’aller s’installer sur Mars…

Peut être….

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