Après le séisme politique de 2002 : Le Pen au second tour, j’avais décidé comme d’autres à m’engager politiquement. C’est pourquoi, j’ai adhéré au PS. Nous habitions alors à la Croix Rousse, dans le quatrième arrondissement de Lyon. C’est pourquoi j’ai rejoint la section de la Croix Rousse dont le local se trouvait 12 rue Perrod. Le parti socialiste qui a subi quelques déconvenues ces dernières années a du s’en séparer récemment.
Et c’est ainsi que j’ai rencontré Jean-Philippe qui animait un groupe de travail sur l’exclusion et le logement.
J’ai voulu partager cette expérience et nous avons ainsi, avec d’autres camarades, travaillé, sur plusieurs années, en essayant de comprendre techniquement les sujets, en faisant des recherches documentaires entre les réunions mensuelles, en rencontrant des acteurs notamment du logement social, en confrontant nos idées, en nous écoutons et en avançant ensemble, pour finir par rédiger un rapport que nous avons remis aux élus de Lyon, puisqu’à l’époque le PS dirigeait Lyon et la Métropole.
Cette expérience montre qu’il existait des personnes qui acceptaient, à l’intérieur d’un Parti Politique, de donner de leur temps, pour réfléchir à des sujets politiques, sans démagogie, concrètement et pour le bien commun.
Cette manière de faire était assez éloignée de la définition que David Kimelfeld, qui faisait partie de notre section, avait un jour donné :
« Le Parti socialiste est une association formée d’élus, d’anciens élus et d’aspirant à être élus »
Bref, pour lui on ne pouvait être dans un Parti que parce qu’on aspirait à avoir du pouvoir ou une parcelle de pouvoir.
Pour les non lyonnais, il faut préciser que David Kimelfeld a été le Président intérimaire de la Métropole de Lyon pendant que Gérard Collomb avait tenté de jouer au Ministre de l’Intérieur à Paris. Cette lubie lui était venue après la victoire de celui dont il avait imaginé être sinon le tuteur, au moins le conseiller spécial le plus écouté. Après s’être rendu compte de son erreur, il est revenu à Lyon. Il pensait que les intérimaires qui lui devaient leur place se soumettraient à son pouvoir hégémonique et reprendraient leur rôle de vassal dévoué et fidèle. Rôle de vassal qui avait justifié la possibilité de l’intérim.
Il n’en fut rien et il y eut donc affrontement politique à la Métropole comme à la commune de Lyon. La division a entraîné la victoire, sur ces deux terrains, des écologistes qui n’en espéraient pas tant quelques mois auparavant.
Pour ma part, je me suis réjoui de la défaite du baron lyonnais qui à plus de 70 ans ne voulait pas abandonner le pouvoir
Cette manière de penser et de pratiquer la politique en a découragé beaucoup. Le bien public, la réflexion politique a été mis de côté pour garder des places d’élus, rester ou accéder au pouvoir.
Beaucoup aujourd’hui ne croit plus en la politique. Ils pensent qu’elle n’a plus de moyen d’action et s’en détournent.
Jean-Philippe a eu le courage de se lancer dans l’écriture d’un livre qui vante l’engagement politique, le travail en commun pour bâtir un socle de solutions permettant au bien commun de progresser.
Le titre de ce livre qui a paru à la fin de l’année 2020 est « Construisons ensemble ».
Ce titre est complété par l’invitation suivante :
« Un réseau militant pour coconstruire un projet socialiste ambitieux, réaliste et partagé »
Exactement le contraire de ce que Gérard Collomb faisait à la fin de son mandat à Lyon quand il décidait de tout et de Macron à Paris qui étonnamment a l’air de s’en désoler puisqu’il aurait dit : « Je suis obligé de m’occuper de tout !».
Evidemment, quand deux comportements aussi égocentrés que Collomb et Macron se rencontrent, la co-construction a du mal à se faire.
Mais peut-on sérieusement penser que Mélenchon serait différent ?
Jean-Philippe évoque d’ailleurs le travail que nous avions fait en commun pour évoquer une sorte de modèle de construction d’un projet.
Il évoque les obstacles à dépasser et la nécessité de clarté sur des objectifs rationnels atteignables :
« Le vivre ensemble ne va pas de soi. Et la mise en œuvre du projet socialiste se heurte à de nombreux obstacles.
Les êtres humains développent des comportements divers, parfois incohérents, parfois violents, guidés par des besoins de reconnaissance, par la peur ou la jalousie de l’autre. Les nouveaux outils de communication promeuvent les comportements narcissiques et égoïstes. La société de consommation attise nos pulsions de possession, d’exclusivité, de reconnaissance. La fin des valeurs traditionnelles place l’individu face à ses propres limites. Les citoyens, sans repères, dans une société atomisée, se retrouvent pris dans une société de production de plus en plus dure, génératrice de stress, et d’une société de consommation, génératrice de frustrations. Dans ce contexte souvent émotionnel, le raisonnement humain, aussi pertinent soit-il, empêche de cerner les situations dans leur globalité, clairement trop complexes. Le débat est mené, sans rationalité, expertise et prise de distance. Les nouveaux réseaux sociaux font la loi, phagocytés par la facho-sphère et les extrémistes de tout poil.
Ce constat ramène à des questions fondamentales sur le sens de l’action politique. Dans une société exacerbant les pulsions des uns et des autres, il faut être clair sur les objectifs du projet socialiste. Qu’est-ce que la politique peut assurer aux citoyens : de l’argent, une place dans la société, une réussite sociale, des règles de vie commune ou des services ?
Certainement tout cela, mais sous peine de malentendus et de rejet, il faut absolument fixer un périmètre clair sur les objectifs du projet. »
Pages 177 & 178
Jean-Philippe insiste sur le travail en commun pour aboutir à un projet qui pourra être porté plus tard par une femme ou un homme.
Alors, qu’aujourd’hui emporté par les ambitions personnelles il est très évident qu’on fait le contraire.
D’ailleurs, les partis politiques ont été remplacés par des mouvements qui se construisent autour de l’ambition d’un ego. Ces mouvements n’ont pas vocation à attirer des militants qui réfléchissent et coconstruisent un projet mais des supporters qui collent des affiches, organisent l’accueil des réunions politiques, applaudissent en chœur quand la voix de son maître s’exprime et acceptent de pratiquer le porte à porte pour vanter les qualités exceptionnelles de leur champion et l’intelligence de son projet auquel ils n’ont pas participé. Jean-Philippe parle de « fan-club d’élus »
Il reste optimiste et propose une autre démarche :
« Si on veut faire face aux enjeux de la société, il est temps de promouvoir un militantisme actif et responsable en associant les militants tout au long du processus de construction du projet. »
Page 249
Pour ce militantisme et la mise en place d’un réseau de co-constructeurs Jean-Philippe veut s’appuyer sur des outils numériques et modernes de communication comme support d’échange.
Je partage sa conclusion :
« L’objet de ce livre était d’abord de partager des valeurs, des principes et un regard sur la société et la politique. A partir du constat sur les difficultés à mettre en place un projet socialiste, j’ai esquissé une méthode et une approche replaçant l’engagement militant au cœur de la construction d’un projet socialiste à la fois ambitieux, réaliste et partagé.
L’objectif d’un projet socialiste doit être de permettre à tous d’accéder à ses droits fondamentaux de manière décente et digne. Chacun a droit au respect, à la liberté, à la justice et à sa part de richesse. Chacun a sa place à la table de la république. Dans un projet socialiste, le collectif n’écrase pas l’individu et l’individu ne peut s’imposer au collectif. Tout est question d’équilibre pour permettre l’émancipation de chacun dans une société pacifiée. »
Page 279
C’est ambitieux mais salutaire.
Celles et ceux qui croient qu’elles et ils n’ont rien à faire de la politique doivent se rendre compte que la politique a beaucoup à faire avec eux et qu’ils en subissent des conséquences.
La démarche de Jean-Philippe dans cette perspective est finalement très rationnelle.
<1556>
Cher Alain,
je pourrais aussi dire que ce groupe de travail fut l’occasion de te rencontrer, toi et quelques autres, des militants qui sont devenus des amis. Militer c’est aussi aller au devant des autres, c’est se confronter, c’est partager, c’est construire ensemble. J’ai aimé cette aventure du groupe de travail.
Je profite aussi de l’occasion, même si je sais que tu n’aimes pas les compliments, pour te faire tous mes compliments pour ton à-propos, ton humour et ta bienveillance. Tu as été un des grands artisans du groupe de travail. Et un grand merci à toi, car au travers de ton mot du jour, tu continues innlassablement à porter le flambeau du socialisme. Témoigner, c’est aussi militer.
Aujourd’hui, la difficulté pour beaucoup d’entre nous, convaincus que nous sommes de l »utilité d’un engagement socialiste, c’est de porter cet engagement dans un mouvement politique ouvert et bienveillant, un mouvement politique qui travaille ses dossiers, qui diffuse dans la société et qui pourra alors, le moment venu, renverser les montagnes des conservatismes. Ce mouvement viendra surement, mais bien sûr, il ne faudrait pas trop attendre.
Car si nous, militants, nous pouvons nous mobiliser pour coconstruire un projet ambitieux, réaliste et partagé, alors oui, nous pourrons changer la société.
Amitiés socialistes, Jean-Philippe.