Mardi 11 septembre 2018

« L’urbanisation a transformé radicalement la société française »
Michel Lussault

Michel Lussault, est Géographe et professeur d’études urbaines à l’École Normale Supérieure de Lyon (ENS). Il dirige l’École Urbaine de Lyon (EUL) qui a été créée en juin 2017 dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir (PIA2) par le Commissariat Général à l’Investissement (CGI).

Sur la page d’accueil du site de cette école on lit la description suivante :

« A travers son projet interdisciplinaire expérimental de recherche, de formation doctorale et de valorisation économique, sociale et culturelle des savoirs scientifiques, l’École Urbaine de Lyon innove en constituant un domaine nouveau de connaissance et d’expertise : l’urbain anthropocène.

Aux défis mondiaux de l’urbanisation et de l’entrée dans l’anthropocène correspondent en effet à la fois de nouveaux champs de recherche et de formation, de nouvelles professions et compétences, mais aussi une mutation profonde de la pensée, des représentations, des pratiques et des métiers de la ville. »

Il a été interrogé par la revue : Horizons publics
qui se présente comme ayant pour objet d’étudier la transformation de l’action publique. Elle est éditée par la maison d’édition Berger-Levrault.

Le titre de l’article est : « L’urbanisation a transformé radicalement la société française »

Dans cet article il est question de l’anthropocène, cette ère géologique qui succède à l’holocène et à partir de laquelle l’influence de l’homme marque le système Terre dans son ensemble. Le changement climatique est des manifestations les plus prégnantes de l’anthropocène.

Michel Lussault explique :

« L’urbanisation a transformé radicalement la société française en même temps que le monde. C’est un changement qui a la particularité d’être local et global. L’entrée dans l’anthropocène est également un changement global. D’ailleurs, en américain, on disait « global change » avant de parler d’anthropocène. Ces deux changements ont des conséquences simultanées sur toutes les sociétés et à toutes les échelles. Mon souci est de penser l’entrecroisement de ces deux changements globaux : comment s’alimentent-ils l’un l’autre ? Quels effets ont-ils sur les individus, sur les territoires, en fait sur le monde et toutes les échelles intermédiaires ? Il n’y a pas de plus grande urgence que de penser ces grands changements pour comprendre ce qu’ils produisent aux plans économique, politique, culturel, environnemental, social, paysager, architectural, urbanistique, etc.

D’ailleurs, plus que de changement, il faut parler de véritables mutations, qui non seulement imposent de reconsidérer les manières classiques de penser les réalités sociales et territoriales, mais aussi les façons d’agir, d’habiter les espaces et d’envisager notre futur.

Les instituts Convergence [dont fait partie l‘EUL] qui se comptent au nombre de 10 en France ont été créés [pour] rassembler sur un même site des scientifiques de haut niveau pour traiter de manière innovante des questions d’intérêts scientifique et sociétal majeurs.

Chacune des thématiques traitées par ces instituts est dite de sciences-frontières : elles imposent de sortir des cadres académiques institués, de poser les problèmes scientifiques autrement en recourant par exemple à une interdisciplinarité radicale.

Celui de l’école urbaine de Lyon consacré aux mondes urbains anthropocènes en est une parfaite illustration.

On doit y fonder des types de savoirs pertinents pour rendre intelligibles les évolutions urbaines et anthropocènes contemporaines. Nous pensons que les sciences classiques, constituées depuis deux siècles, n’offrent plus les ressorts suffisants pour saisir convenablement la complexité des systèmes urbains anthropocènes. »

Vous pourrez vous reporter à l’intégralité de l’article.

Mais j’ai trouvé cette approche intéressante et positive par rapport aux questions que nous nous posons : comment continuer à vivre sur cette planète en acceptant ses limites tout en trouvant des solutions pour permettre d’élargir le champ des possibles.

La science d’aujourd’hui doit se différencier de la science d’hier, en portant aussi la même considération aux réalités humaines et non humaines que nous observons, dans le sens de certaines anthropologies inspirées de la sociologie des sciences de Bruno Latour.

La réalité est composée d’une grande variété de modes d’existence qui oblige à sortir de notre posture anthropocentrique.

Comment écouter les voix de l’ensemble des opérateurs d’une situation données et évitant que celle du chercheur autorisé ne couvre les autres ?

« Notre projet de recherche échouera si nous ne parvenons pas à embarquer le plus grand nombre de protagonistes pour produire des savoirs différents, dans toute leur richesse et leur pluralité, des savoirs qui changeront radicalement l’intelligibilité des réalités sociales. Mais nous échouons également si nous ne répondons pas aux questions « qu’est-ce que agir, quels sont les modes de faire, quels sont les modes d’action à inventer dans l’urbain anthropocène ? » Ce sont des questions auxquelles nous nous pourrons répondre qu’avec les acteurs territoriaux, des professionnels jusqu’aux quidams si je puis dire. « Qu’est-ce que agir ? » ne relève plus dans l’anthropocène de la seule professionnalité mais fondamentalement du politique. Cela débouche sur une double interrogation : comment un individu à travers ses actions contribue-t-il à rendre intelligible la réalité du monde urbain anthropocène ? Comment un même individu à travers ses actions contribue à faire en sorte que les sociétés humaines soient capables d’affronter les défis de l’urbain anthropocène ? »

Je retiendrai aussi cette invitation de « sortir de notre posture anthropocentrique »

Grâce à Nicolas Copernic nous avons pu sortir de la théorie erronée du géocentrisme qui pensait que notre terre était au centre de l’Univers pour entrer dans l’héliocentrisme qui montrait que la terre tournait autour du soleil.

Il reste que pour beaucoup ce géocentrisme a subsisté sous la forme de l’anthropocentrisme, la terre n’est peut-être pas au centre du monde, mais l’homo sapiens peut-être ?

En tout cas, un doute subsiste pour certains… Les religions monothéistes y ont beaucoup contribué.

Cette vision est totalement déraisonnable.

Homo sapiens ne peut rien sans la nature, sans les produits et ressources de notre terre.

Parler d’environnement n’est pas qu’une erreur, c’est une faute. Je veux dire une faute morale.

Parler d’environnement c’est justement se placer dans la croyance de l’anthropocentrisme où homo sapiens est au centre et ce qui l’entoure est l’environnement.

C’est une théorie aussi erronée que le géocentrisme.

Nous sommes dans la nature et la nature est en nous.

Cela n’enlève rien au génie de notre espèce mais si nous ne parvenons à nous réconcilier avec la nature et la terre et à rendre notre société des hommes compatible avec les ressources et l’équilibre de la nature, nous disparaîtrons.

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Lundi 10 septembre 2018

« Cette climatisation qui surchauffe la planète »
Michel Revol

Il a fait chaud cet été.

Pour certains, cette chaleur est insupportable.

Dans notre société moderne, individualiste et privilégiant le court-terme, la tentation est grande d’acheter une climatisation.

Vous trouverez, de manière assez humoristique cette vidéo sur Internet : <Comment les climatiseurs ont changé le monde>

Vous apprendrez que chaque seconde, dix climatiseurs sont vendus dans le monde. En 2050, on en comptera près de six milliards. Inventé en 1902 par l’ingénieur américain Willis Carrier, le climatiseur a profondément modifié nos sociétés contemporaines. L’industrie culturelle, d’abord, en accompagnant l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Les entreprises se sont ensuite équipées en masse, la climatisation étant réputée augmenter la productivité des salariés.

S’il a fallu attendre les années 1950 pour que les climatiseurs entrent dans les ménages américains, ils représentent aujourd’hui, aux Etats-Unis, une dépense énergétique équivalente à celle du continent africain tout entier.

Arrêtons-nous un instant sur ce constat :

« La dépense énergétique des ménages américains sur l’unique consommation dû aux climatiseurs est équivalente à celle du continent africain tout entier ! »

Et nous savons que c’est une autre dimension de la mondialisation : les africains veulent vivre comme les américains.

Nous savons aussi qu’au milieu du monde des chiffres pervers, il en est qui sont davantage sérieux et fiables. C’est le cas de ceux la démographie.

Les États-Unis comptaient 325 millions d’habitants en 2016. Mais selon <Wikipedia>, l’accroissement naturel du pays est de 0,81 %. Donc même avec l’immigration la démographie des Etats-Unis devraient rester stable à moyen terme.

Or l’Afrique comptait déjà 1,2 milliard en 2016, soit plus de 4 fois la population états-uniennes. Et selon les projections démographiques, dans les années 2050 la population de l’Afrique se situera entre 2 et 3 milliards puis 4,4 milliards en 2100.

La terre qui permettrait aux africains de se climatiser comme les américains n’existe pas !

Le problème dépasse bien la seule question de la climatisation pour s’étendre à l’ensemble du spectre de la consommation, des transports, de l’alimentation etc.

Mais pour ce mot du jour restons sur le sujet de la climatisation.

A l’heure d’aujourd’hui, le remède de la climatisation pour lutter contre la canicule est dévastateur.

Michel Revol a publié dans le Point un article qui a pour titre : « Cette clim qui surchauffe la planète »

Il écrit :

« C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux : non seulement, à raison de 0,5 à 2 degrés, la climatisation réchauffe les villes en rejetant dans les rues de l’air chaud, mais elle participe aussi à élever la température de la planète en consommant beaucoup d’électricité, produite surtout par du gaz et du charbon, deux énergies fossiles – donc actrices de l’effet de serre. Et, puisque la planète se réchauffe du fait de la clim, il faut bien la faire fonctionner encore plus fort pour refroidir les magasins et les habitations. Impitoyable.

L’Agence internationale de l’énergie vient de s’alarmer du danger dans un rapport publié en mai dernier. Selon l’organisation, le nombre de climatiseurs devrait tripler dans le monde jusqu’en 2050. Il pourrait se vendre en moyenne un climatiseur toutes les quatre secondes d’ici à cette échéance, pour atteindre un total de 5,6 milliards de machines, contre 1,6 milliard aujourd’hui ! Cette flambée pourrait provoquer ce que l’AIE appelle un « cold crunch », un choc du froid : si rien n’est fait, la consommation d’énergie pour faire fonctionner les climatiseurs pourrait tripler d’ici à 2050. À ce niveau d’équipement, et si rien n’est fait, l’électricité nécessaire pour faire tourner ces équipements pourrait atteindre l’équivalent de la consommation actuelle de la Chine. Quant aux émissions de dioxyde de carbone dues à la climatisation, elles pourraient quasiment doubler d’ici à 2050 avec un milliard de tonnes supplémentaires – soit le volume de ce gaz rejeté chaque année par l’Afrique… »

Alors, bien sûr actuellement les équipements utilisés dans le monde sont peu performants et probablement que la technique pourra améliorer le rendement énergétique de ces appareils.

Mais globalement nous sommes confrontés à un problème technique de la conservation de l’énergie qui fait que si vous voulez refroidir un endroit vous allez en réchauffer un autre.

Il apparait clairement que la climatisation n’est pas la solution.

Une des solutions serait de créer des villes végétalisées..

Et aussi de rénover ou de construire des bâtiments qui deviennent ou soient thermiquement isolés.

Ces solutions ne sont pas individualistes et ne sont pas à court terme.

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Lundi 20 novembre 2017

«La théorie des 3D : Désastres, Découvertes, Décence.»
Hans Joachim Schellnhuber

Hans Joachim Schellnhuber est un physicien allemand, climatologue et fondateur de l’institut de Potsdam de Recherche sur le climat.

Il fut un des premiers scientifiques à avertir sur le danger du réchauffement climatique, il est connu comme père du concept de la limite de 2°C

Il était bien sûr à Bonn, à la COP23, la 23e conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui a été organisée conjointement par les iles Fidji et l’Allemagne du 6 novembre au 17 novembre. Il était déjà à la COP1 à Berlin en 1995

Après les espoirs de la COP 21 d’il y a deux ans à Paris, il y eut entretemps une COP 22 à Marrakech, les nouvelles ne sont pas bonnes.

Il y a bien sûr l’attitude irresponsable du Président des Etats-Unis mais aussi une nouvelle hausse de la production mondiale de CO2.

La situation est telle que 15 000 scientifiques de 184 pays ont signé un appel contre la dégradation de l’environnement qui a été publié dans la revue Bio Science de l’Université d’Oxford, le lundi 13 novembre. Vous trouverez une version française <ICI>. Cet appel rappelle qu’il y eut un premier appel il y a 25 ans. Il y a 25 ans, il n’était que 1500 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats du prix Nobel dans les sciences qui avaient écrit l’avertissement des scientifiques du monde à l’humanité de 1992.

Ce nouveau texte base son analyse sur les évolutions de 9 indicateurs mondiaux, dont l’évolution est suivie depuis 1960 jusqu’à 2016.

Le site France Culture consacre une page « Alerte de 15 000 scientifiques » qui donne la liste des 9 indicateurs et renvoie vers plusieurs émissions consacrées à ces différents sujets.

Voici ces 9 indicateurs

1/ L’ozone stratosphérique : le seul indicateur au vert, grâce au protocole de Montréal (1987)

Ce qui prouve que si les humains agissent, ils ont la capacité de faire évoluer les choses

2/ L’eau douce : des ressources par habitant divisées de moitié par rapport à 1960

3/ La pêche : les limites d’une pêche soutenable sont dépassées depuis 1992

4/ Les zones mortes maritimes : plus de 600 en 2010. Les zones mortes maritimes, déficitaires en oxygène, voient la vie sous-marine asphyxiée (poissons, coraux…), dans des zones de plus en plus importantes, en taille et en nombre. Elles sont principalement dues au lessivage des engrais agricoles.

5/ La déforestation : une superficie de forêts de la taille de l’Afrique du Sud perdue entre 1990 et 2015

6/ Les espèces vertébrées : diminution de 58% entre 1970 et 2012

7/ Les émissions de CO2 : après une courte stabilisation depuis 2014, une nouvelle hausse

8/ La hausse des températures : les 10 années les plus chaudes depuis 136 ans ont eu lieu depuis 1998, c’est-à-dire au cours des 20 dernières années.

9/ La population : les humains pourraient être 11 milliards en 2100

Ces scientifiques qui plaident notamment pour la promotion de nouvelles technologies vertes et l’adoption massive des sources d’énergie renouvelables, considèrent aussi qu’il faut réviser notre économie pour réduire les inégalités et veiller à ce que les prix, la fiscalité et les systèmes incitatifs tiennent compte des coûts réels que les modes de consommation imposent à notre environnement.

Ils ont aussi cette proposition qui heurte un grand nombre de politiques et d’économistes qui dénoncent un retour aux théories de Malthus :

« Estimer une taille de population humaine scientifiquement défendable et durable à long terme tout en rassemblant les nations et les dirigeants pour soutenir cet objectif vital. »

La conclusion des scientifiques est préoccupante :

« Pour éviter une misère généralisée et une perte de biodiversité catastrophique, l’humanité doit adopter des pratiques alternatives plus durables sur le plan environnemental que les modalités actuelles. Cette prescription a été bien formulée par les plus grands scientifiques du monde il y a 25 ans, mais, à bien des égards, nous n’avons pas tenu compte de leur avertissement. Bientôt, il sera trop tard pour dévier de notre trajectoire défaillante, et le temps s’épuise. Nous devons reconnaître, dans notre vie quotidienne et dans nos institutions gouvernementales, que la Terre avec toute sa vie est notre seul foyer. »

C’est dans ce contexte que s’exprime Hans Joachim Schellnhuber :

« Le temps ne joue pas en notre faveur […]

Parfois je désespère. Vous vous levez le matin et vous vous sentez vraiment déprimé. Puis vous ouvrez votre ordinateur, vous regardez les nouvelles, et vous trouvez quelque chose qui vous redonne de l’espoir. Tant qu’il y a de l’espoir, il est de notre responsabilité d’expliquer encore et encore.
[…]
Mon moment […] a été quand j’ai réalisé que la machinerie planétaire – moussons, circulation océanique, écosystèmes… – ne fonctionnait pas de manière linéaire: vous avez de nombreux points de non-retour.
Prenez l’Antarctique, Si la barrière de glace est détruite, la glace arrive dans la mer. C’est comme déboucher une bouteille. En Antarctique il y a probablement une trentaine de ces « bouteilles », et on est en train de les déboucher les unes après les autres ».

Pourra-t-on tenir les 2°C quand les émissions de gaz à effet de serre continuent à croître?
Bien que le défi soit énorme, je pense que oui, si nous faisons tout notre possible. (Une étude récente) montre qu’on peut réduire un tiers des émissions en gérant mieux forêts et agriculture »

Il reste pourtant dans l’optimisme de la volonté car pour lui, le monde finira par agir plus fortement contre le réchauffement.

« « C’est ma théorie du « 3D »: désastres, découvertes, décence. Les gens auront peur, car des désastres naturels vont se profiler. Et il y aura des découvertes, comme aujourd’hui la révolution photovoltaïque, et d’autres, comme le bois « high tech » pour remplacer le ciment », très émetteur. Enfin, la décence, l’instinct humain élémentaire: nous ne voulons pas la fin des îles Marshall, nous ne voulons pas tuer nos descendants !  »

Après la Seconde guerre mondiale, « nous avons choisi le mauvais modèle pour une vie heureuse : confort, consommation… Mais ce mode de vie ne nous rend pas plus heureux […]

Mon espoir est que la jeunesse a envie de casser ce modèle. Mon fils a 9 ans. Je suis sûr qu’à 15 ans il ne priera pas le Dieu de la croissance du PIB ! Je pense que nous pouvons espérer que les prochaines générations, pour qui nous essayons de préserver le climat, contribueront elles aussi à le sauver ».

Il est facile de critiquer les politiques, mais il serait plus juste probablement de parler de l’impuissance des Etats à agir tant sont nombreux les contraintes et les désirs contradictoires des concitoyens des gouvernants.

« L’esprit Public » de France Culture de ce dimanche a abordé ce sujet dans la deuxième partie de l’émission.

J’ai trouvé très pertinente une intervention de François-Xavier Bellamy que j’essaie de résumer :

« Nous sommes devant un problème de nos démocraties qui sont structurellement constituées pour répondre aux besoins des citoyens dans un temps court.
Dans le temps d’un mandat et dans un espace limité par des frontières.
La question que pose l’écologie est : comment nous pouvons ajuster nos politiques à un défi qui ne se limite pas à des frontières et qui par ailleurs engage le temps long et même le temps très long ?
Il n’est pas juste d’invoquer le poids des conservatismes, nous ne sommes pas assez conservateur à cause de ce culte de la vitesse [qu’impose notre société].

Nous avons construit notre économie sur l’idée du progrès, sur l’idée de l’accélération, sur l’idée du mouvement.
Nous ne cessons de remplacer en permanence les produits de consommation que nous achetons et auquel nous substituons des versions nouvelles.
Notre économie de la croissance et de l’invention est une économie du remplacement permanent.
C’est une anti économie. C’est une économie qui s’est retournée contre elle-même. L’économie, au sens le plus classique consiste à économiser.
Or, on ne peut plus rien économiser aujourd’hui.
Si vous acheter un smartphone et que vous décidez pour l’économiser de ne pas en faire trop d’usage, vous le ranger et vous ne vous en servez pas. Même si vous n’en faites rien, deux ans plus tard il ne vaudra plus rien.
C’est à dire sa valeur marchande s’est effondrée.

Contrairement à un tableau peint il y a plus de 500 ans par léonard de Vinci et qui a battu le record de vente des œuvres d’art.

En réalité, ce culte du progrès nous appauvrit terriblement.
Puisqu’il fait faner, dans nos mains, tout ce que nous avons construit et que nous avons acheté.
L’économie de la consommation est en réalité une économie de la destruction.
Littéralement, puisque consommer c’est détruire. Une économie qui mesure son taux de croissance à l’intensité de la destruction des biens qu’elle produit ne peut pas aboutir à autre chose qu’à la crise économique que nous connaissons aujourd’hui. »

Et il donne ce conseil :

« Pour être capable de transmettre à nos descendants un monde qui reste vivable, nous ferions bien de devenir un peu plus conservateur. »

Il faut s’entendre sur le mot conservateur. Mais je crois qu’il a raison au fond.

Nous devons aussi compter sur les découvertes qu’évoque Hans Joachim Schellnhuber pour garder l’espoir, sans penser que celles-ci pourront nous permettre d’éviter de remettre en question notre modèle consumériste.

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Mardi 27 juin 2017

« La chambre forte du Jugement dernier est-elle menacée par le réchauffement climatique ? »
La réserve mondiale de graines, en Norvège, a été menacée par une inondation en raison de la fonte du permafrost naturel

Les records sont synthétisés par des chiffres, ils ont vocation à être battus. C’est ce qui se passe pour les températures presque partout dans le monde et en France en particulier.

Ces derniers jours en France de nouveaux records ont été ainsi établis. Le problème c’est qu’il s’agit d’une évolution qui se confirme d’année en année.

L’article des Echos que je cite ci-après rappelle que l’année 2016 a constitué l’année la plus chaude sur Terre depuis le début des relevés de températures en 1880.

Mais c’est mon amie Martine qui a attiré mon attention sur un incident préoccupant qui s’est passé en Norvège. Les esprits curieux et attentifs sont probablement au courant. Je dois avouer, pour ma part, que j’ignorais l’existence, de la « chambre forte du jugement dernier » jusqu’à mes recherches récentes suite à l’information de Martine.

Ces informations montrent à la fois la prudence des homo-sapiens, en même temps leur angoisse devant l’avenir.

En février 2008, dans l’archipel de Svalbard, cachée sous une montagne sur l’île du Spitzberg, à 1000 km du pôle Nord a été inaugurée la réserve mondiale des semences de l’humanité.

Le site Huffington Post nous apprend que:

« Dans ce caveau enterré dans l’Arctique sont stockées des milliers de graines, mais aussi de documents. Au cas où le pire arriverait.

[…] La réserve de semences, créée en 2008, contient 541 millions de graines de plus de 843.000 espèces différentes de plantes et se situe dans une zone démilitarisée. Elle a d’ailleurs servi lors du conflit syrien, pour reconstituer les stocks dans les pays voisins de la Syrie, dévastés par la guerre. »

Cette réserve mondiale a été, en effet, conçue en 2006 sous l’égide de l’ONU, pour protéger des catastrophes les graines de toutes les cultures vivrières de la planète et préserver la diversité génétique.

Creusée dans le flanc d’une montagne, à 120 mètres de profondeur, Les graines sont stockées dans des caisses ou des caissons alignés sur des étagères dans des pièces où la température ne dépasse pas -18°C, pour une conservation optimale.

Ce lieu de stockage qui est une ancienne mine, est désigné par plusieurs appellations, « Banque des semences de l’humanité », « Arche de Noé  souterraine » et ce nom un peu plus fantasmagorique : « La chambre forte du Jugement dernier » que j’ai eu la faiblesse d’utiliser dans l’exergue de ce mot du jour.

Cette réserve est entourée de glace permanente qu’on appelle le « permafrost » et a été conçue pour être autonome, c’est-à-dire qu’elle puisse fonctionner et perdurer sans intervention humaine. Au cas où le pire arrivait…

Les températures de 2006 ont fait fondre une grande partie du permafrost et l’eau a inondé le tunnel d’entrée, le mois dernier. La chambre forte et les semences ont été préservées. Mais cette information a inquiété les spécialistes qui ne s’attendaient pas à une telle évolution en 10 ans.

Je cite :

Huffington Post :

« L’État norvégien, qui a participé à la création de cette réserve de graines, n’avait pas prévu de devoir s’occuper du site en permanence. Ce qui explique qu’ils ne se sont pas rendu compte plus tôt de cette fuite d’eau.»

Libération :

« La hausse des températures a provoqué une fonte du permafrost naturel, censée rester gelé toute l’année, provoquant des inondations dans le hall d’entrée de quinze mètres de long. «L’Arctique et surtout Svalbard se réchauffent plus vite que le reste du monde », a expliqué Ketil Isaksen, de l’Institut météorologique norvégien, au journal Dagbladet, repris par The Guardian. Le climat change radicalement et nous sommes tous étonnés de la rapidité avec laquelle cela se passe.»

Le courrier international cite le Guardian qui a interrogé Hege Njaa Aschim, membre du gouvernement norvégien, propriétaire de la réserve :

«Nous n’avions pas prévu que le permafrost ne serait plus là et qu’il subirait un climat aussi extrême »

Il n’y a pas lieu de tenir des propos catastrophistes car l’eau fondue n’a pas atteint la réserve. Mais je cite les Echos :

« Les précieuses graines restent en lieu sûr dans l’entrepôt, stockées à une température de -18°C, optimale pour la conservation. Les variétés de semences sont stockées 100 mètres sous la montagne, dans des emballages sous vide. Censée protéger les graines pendant des centaines d’années. Mais cet incident sème le doute sur la capacité de cette « Arche de Noé végétale » à résister au changement climatique. »

Bien entendu le gouvernement Norvégien a pris des mesures pour l’amélioration de la sécurité du site

Par ailleurs il existe dans d’autres endroits du monde des banques de semence, moins importantes que la réserve de Svalbard, mais qui sont des compléments à cette prudence qui s’est emparée d’homo sapiens depuis qu’il sait que la nature et le climat terrestre sont en train de changer à grande vitesse.

J’ai écrit ce mot en m’inspirant ou en citant les articles suivants :

Les Echos : « La réserve mondiale de graines est menacée par le réchauffement climatique «

https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/030354054730-la-reserve-mondiale-de-graines-est-menacee-par-le-rechauffement-climatique-2089931.php

Huffington Post : « « L’arche de la fin du monde » prend l’eau avec le réchauffement climatique »

http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/22/larche-de-la-fin-du-monde-prend-leau-avec-le-rechauffement-c_a_22103054/

Libération : « En Norvège, la réserve mondiale de graines rattrapée par le réchauffement »

http://www.liberation.fr/planete/2017/05/26/en-norvege-la-reserve-mondiale-de-graines-rattrapee-par-le-rechauffement_1572264

Le Courrier International : « Changement climatique. Le permafrost entourant la banque mondiale de graines a fondu »

http://www.courrierinternational.com/article/changement-climatique-le-permafrost-entourant-la-banque-mondiale-de-graines-fondu

France Inter : « La banque de graines prend l’eau »

https://www.franceinter.fr/emissions/la-une-de-la-science/la-une-de-la-science-22-mai-2017

<Lien vers le site de la réserve de Svalbard>

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Entrée et intérieur de la réserve

 


Mardi 13 mai 2014

« Anthropocène »
Paul Crutzen

Enfin un mot du jour qui est un «mot».

Peut-être savez-vous ce qu’il signifie, comme ça vous n’aurez pas à lire la suite.

Mal nommer les choses est ajouté du malheur au monde disait Camus (mot du jour du 22/08/2013). Donc nommons bien les choses : Anthropocène est le nom de l’ère dans laquelle vous et moi vivons.

«Anthropocène» est un terme proposé par Paul Crutzen, chimiste et météorologue néerlandais nobélisé pour ses travaux sur la couche d’ozone.

Il signifie que l’espèce humaine est devenue la principale force géophysique de la Terre, capable de modifier définitivement son environnement.

L’impact de ses activités l’emporte en effet, pour la première fois dans l’histoire de notre planète, sur toutes les autres, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs naturels.

Dans cet anthropocène –du grec anthropos, être humain–, l’homme modifie le climat planétaire ainsi que les grands équilibres de la biosphère, essentiellement par la masse de gaz polluants qu’il produit.

Nous voilà donc passés de l’ère de l’holocène, période géologique d’environ 10.000 ans, stable et relativement chaude, qui suit la dernière ère glaciaire et permet notamment l’agriculture et l’expansion des civilisations, à l’ère de l’anthropocène, qui débute à la fin du XVIIIe siècle avec les prémices de la révolution industrielle.

L’usine remplace alors le travail agricole et artisanal. Le volume de la production industrielle et fumante s’en trouve considérablement augmenté tandis que la révolution des transports tend à raccourcir les distances du marché mondial, bien avant Internet. Suit alors, dans les années 1950, ce que bon nombre de scientifiques appellent la «grande accélération» avec l’avènement de l’actuelle société de consommation au menu désormais bien connu: mondialisation, industrie, pub et tourisme.

Nos colocataires? On s’en fiche!

Bon. A supposer que nous prenions conscience de l’impact de nos faits et gestes industriels sur la nature qui, semble-t-il, n’a rien demandé, cette nouvelle ère à l’équilibre fragile nous expose à un défi majeur. Les premiers effets économiques de notre espèce sur la planète Terre sont loin d’être globalement positifs. Le bilan commence même à s’alourdir sérieusement.

Appauvrissement de la biodiversité, flux d’azote, pollution chimique, charge des aérosols dans l’atmosphère, surconsommation d’eau douce, diminution de la couche d’ozone, flux de phosphore, exploitation de sols, acidification des océans, changement climatique. Autant d’écueils causés par des activités humaines et reconnus par nombre de responsables scientifiques qui n’ont aucun intérêt à jouer les Cassandre (voir à ce sujet le dernier rapport du Giec…).

Si voulez en savoir plus sur ce sujet voici un <Article de Slate sur l’anthropocene>

Pour les plus curieux un matin de France Culture consacré au même thème <Les matins avec comme invité Christophe Bonneuil et Herve Le Treut 2013-11-14>

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