Michel Lussault, est Géographe et professeur d’études urbaines à l’École Normale Supérieure de Lyon (ENS). Il dirige l’École Urbaine de Lyon (EUL) qui a été créée en juin 2017 dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir (PIA2) par le Commissariat Général à l’Investissement (CGI).
Sur la page d’accueil du site de cette école on lit la description suivante :
« A travers son projet interdisciplinaire expérimental de recherche, de formation doctorale et de valorisation économique, sociale et culturelle des savoirs scientifiques, l’École Urbaine de Lyon innove en constituant un domaine nouveau de connaissance et d’expertise : l’urbain anthropocène.
Aux défis mondiaux de l’urbanisation et de l’entrée dans l’anthropocène correspondent en effet à la fois de nouveaux champs de recherche et de formation, de nouvelles professions et compétences, mais aussi une mutation profonde de la pensée, des représentations, des pratiques et des métiers de la ville. »
Il a été interrogé par la revue : Horizons publics
qui se présente comme ayant pour objet d’étudier la transformation de l’action publique. Elle est éditée par la maison d’édition Berger-Levrault.
Le titre de l’article est : « L’urbanisation a transformé radicalement la société française »
Dans cet article il est question de l’anthropocène, cette ère géologique qui succède à l’holocène et à partir de laquelle l’influence de l’homme marque le système Terre dans son ensemble. Le changement climatique est des manifestations les plus prégnantes de l’anthropocène.
Michel Lussault explique :
« L’urbanisation a transformé radicalement la société française en même temps que le monde. C’est un changement qui a la particularité d’être local et global. L’entrée dans l’anthropocène est également un changement global. D’ailleurs, en américain, on disait « global change » avant de parler d’anthropocène. Ces deux changements ont des conséquences simultanées sur toutes les sociétés et à toutes les échelles. Mon souci est de penser l’entrecroisement de ces deux changements globaux : comment s’alimentent-ils l’un l’autre ? Quels effets ont-ils sur les individus, sur les territoires, en fait sur le monde et toutes les échelles intermédiaires ? Il n’y a pas de plus grande urgence que de penser ces grands changements pour comprendre ce qu’ils produisent aux plans économique, politique, culturel, environnemental, social, paysager, architectural, urbanistique, etc.
D’ailleurs, plus que de changement, il faut parler de véritables mutations, qui non seulement imposent de reconsidérer les manières classiques de penser les réalités sociales et territoriales, mais aussi les façons d’agir, d’habiter les espaces et d’envisager notre futur.
Les instituts Convergence [dont fait partie l‘EUL] qui se comptent au nombre de 10 en France ont été créés [pour] rassembler sur un même site des scientifiques de haut niveau pour traiter de manière innovante des questions d’intérêts scientifique et sociétal majeurs.
Chacune des thématiques traitées par ces instituts est dite de sciences-frontières : elles imposent de sortir des cadres académiques institués, de poser les problèmes scientifiques autrement en recourant par exemple à une interdisciplinarité radicale.
Celui de l’école urbaine de Lyon consacré aux mondes urbains anthropocènes en est une parfaite illustration.
On doit y fonder des types de savoirs pertinents pour rendre intelligibles les évolutions urbaines et anthropocènes contemporaines. Nous pensons que les sciences classiques, constituées depuis deux siècles, n’offrent plus les ressorts suffisants pour saisir convenablement la complexité des systèmes urbains anthropocènes. »
Vous pourrez vous reporter à l’intégralité de l’article.
Mais j’ai trouvé cette approche intéressante et positive par rapport aux questions que nous nous posons : comment continuer à vivre sur cette planète en acceptant ses limites tout en trouvant des solutions pour permettre d’élargir le champ des possibles.
La science d’aujourd’hui doit se différencier de la science d’hier, en portant aussi la même considération aux réalités humaines et non humaines que nous observons, dans le sens de certaines anthropologies inspirées de la sociologie des sciences de Bruno Latour.
La réalité est composée d’une grande variété de modes d’existence qui oblige à sortir de notre posture anthropocentrique.
Comment écouter les voix de l’ensemble des opérateurs d’une situation données et évitant que celle du chercheur autorisé ne couvre les autres ?
« Notre projet de recherche échouera si nous ne parvenons pas à embarquer le plus grand nombre de protagonistes pour produire des savoirs différents, dans toute leur richesse et leur pluralité, des savoirs qui changeront radicalement l’intelligibilité des réalités sociales. Mais nous échouons également si nous ne répondons pas aux questions « qu’est-ce que agir, quels sont les modes de faire, quels sont les modes d’action à inventer dans l’urbain anthropocène ? » Ce sont des questions auxquelles nous nous pourrons répondre qu’avec les acteurs territoriaux, des professionnels jusqu’aux quidams si je puis dire. « Qu’est-ce que agir ? » ne relève plus dans l’anthropocène de la seule professionnalité mais fondamentalement du politique. Cela débouche sur une double interrogation : comment un individu à travers ses actions contribue-t-il à rendre intelligible la réalité du monde urbain anthropocène ? Comment un même individu à travers ses actions contribue à faire en sorte que les sociétés humaines soient capables d’affronter les défis de l’urbain anthropocène ? »
Je retiendrai aussi cette invitation de « sortir de notre posture anthropocentrique »
Grâce à Nicolas Copernic nous avons pu sortir de la théorie erronée du géocentrisme qui pensait que notre terre était au centre de l’Univers pour entrer dans l’héliocentrisme qui montrait que la terre tournait autour du soleil.
Il reste que pour beaucoup ce géocentrisme a subsisté sous la forme de l’anthropocentrisme, la terre n’est peut-être pas au centre du monde, mais l’homo sapiens peut-être ?
En tout cas, un doute subsiste pour certains… Les religions monothéistes y ont beaucoup contribué.
Cette vision est totalement déraisonnable.
Homo sapiens ne peut rien sans la nature, sans les produits et ressources de notre terre.
Parler d’environnement n’est pas qu’une erreur, c’est une faute. Je veux dire une faute morale.
Parler d’environnement c’est justement se placer dans la croyance de l’anthropocentrisme où homo sapiens est au centre et ce qui l’entoure est l’environnement.
C’est une théorie aussi erronée que le géocentrisme.
Nous sommes dans la nature et la nature est en nous.
Cela n’enlève rien au génie de notre espèce mais si nous ne parvenons à nous réconcilier avec la nature et la terre et à rendre notre société des hommes compatible avec les ressources et l’équilibre de la nature, nous disparaîtrons.
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