Début février, le magazine « le Un » posait cette question « Les riches sont-ils trop riches ? ».
Que signifie cette question ?
Il y a évidemment la question morale que chacun peut poser :
Est-il moral de posséder autant de patrimoine et d’avoir des revenus aussi importants que certain multi milliardaires ?
Beaucoup, dont je fais partie, trouveront certains seuils de richesses indécents.
Surtout si on écoute Lao-Tseu qui aurait dit :
«Savoir se contenter de ce que l’on possède, c’est être riche ».
Le Un cite Nietzsche :
« Celui qui possède, lorsqu’il ne s’entend pas à utiliser les loisirs que lui donne la fortune, continuera toujours à vouloir acquérir du bien : cette aspiration sera son amusement, sa ruse de guerre dans la lutte avec l’ennui. C’est ainsi que la modeste aisance, qui suffirait à l’homme intellectuel se transforme en véritable richesse, résultat trompeur de dépendance et de pauvreté intellectuelles »
Nous somme dans le divertissement pascalien, pour tromper l’ennui et la mort, le riche s’adonne à la course vers de plus en plus de richesses.
Et pourtant, comme le rappelle <cet article du Figaro> :
« Une étude menée par des chercheurs de l’Université de Princeton a montré qu’un revenu plus élevé augmentait le niveau de bonheur, mais seulement jusqu’à un salaire d’environ 75.000 dollars (soit un peu moins de 70.000 euros) par an. Et après? Après, cela bouge peu. Voire plus du tout. C’est pour cela qu’un actif ne peut avoir pour unique ambition de gagner beaucoup d’argent. C’est ce que montre également une étude de la LSE (London School of Economics), dirigée par l’économiste britannique Lord Richard Layard. «Les États doivent mettre de côté la création de richesse pour se concentrer sur la création de bien-être», explique-t-il, arguant notamment que le bien-être des citoyens est la valeur de demain. »
Cette quête semble donc assez vaine.
Mais la question intéressante que pose le Un est plutôt de savoir : « Est-ce que les choses iraient mieux dans le monde si les riches étaient moins riches. »
Toutefois, la première question qui se pose est plutôt de savoir qui est riche ?
Car il est apparaît qu’il est possible et juste de demander une contribution au bien commun plus importante aux riches.
Le journal <La Croix> avait aussi posé cette question qui est riche ?
Et ce journal explique que le riche est une espèce inconnue des statisticiens :
« L’Insee, qui scrute les Français sous toutes les coutures, reconnaît être un peu démuni. Aucune définition ne permet de fixer de façon incontestable le moment où un individu quitte la table de la classe moyenne supérieure pour s’installer au banquet des riches. « Les politiques publiques de lutte contre la pauvreté existent depuis longtemps. Elles ont besoin d’indicateurs statistiques. C’est très différent pour la richesse », explique Julie Labarthe, cheffe de la division revenus et patrimoine des ménages. »
La meilleure réponse se trouve peut-être dans ce dessin de Deligne que le journal publie.
La conclusion est simple : « le riche c’est l’autre, celui qui est plus riche ou apparemment plus riche».
Pour essayer d’aborder cette question, le UN donne la parole à l’économiste Pierre Concialdi qui est membre de l’association des « économistes atterrés » :
« Plusieurs travaux récents permettent aujourd’hui de proposer une définition conceptuelle robuste d’un seuil de richesse ainsi que de premières estimations empiriques. Aux Etats-Unis, le mouvement Occupy Wall Street a popularisé l’idée d’une fracture au sein de la société entre la masse des citoyens (« les 99% ») et une petite élite oligarchique (le « 1% ») qui concentre à la fois le pouvoir économique et politique. Il est devenu depuis fréquent de définir « les riches » comme ceux qui font partie de ce 1%. Dans les sociétés capitalistes contemporaines caractérisées par une inégalité démesurée, cette façon d’identifier la population riche emporte assez facilement la conviction des citoyens ordinaires. En France, cela correspond pour une personne seule à un revenu annuel avant impôts de plus de 100 000 euros »
C’est à cette définition que fait appel Emmanuel Todd, dans son livre « Les luttes de classe dans la France du XXIème siècle» où il oppose deux classes « les 99% » et les « 1% ».
Cette définition cependant ne convainc pas l’économiste parce qu’elle méconnaît le fait que la proportion de riches peut varier dans le temps et aussi selon les pays.
Une seconde approche peut être proposée en retenant comme seuil de richesse, un multiple du revenu médian (2 fois ou 3 fois plus).
Rappelons que le revenu médian est celui que touche celui qui se trouve au milieu d’une population : 50% se trouve au-dessus et 50% se trouve en dessous.
C’est ainsi qu’on définit le seuil de pauvreté, fixés selon les pays à 60% ou 50% du revenu médian.
Le seuil de richesse serait la même chose dans l’autre sens. Pierre Concialdi y voit un avantage :
« Cette démarche présente l’avantage de s’appuyer sur un repère collectif (le revenu médian), ce qui signale que la richesse comme la pauvreté est une notion relative.’
Cette démarche présente le caractère subjectif de déterminer le coefficient multiplicateur.
Ainsi avec un revenu média, de 1 735 euros par mois en 2017 est-on riche à partir de 3 470 euros (2x) ou 5 205 euros (3x) ou encore 8 675 euros (5x)
Et il explique une autre manière d’aborder le sujet :
« Des travaux plus récents ont proposé de définir un seuil de richesse de façon plus argumentée en l’arrimant, en quelque sorte à un objectif d’éradication de la pauvreté.
Le seuil de de richesse correspond alors au niveau de revenu maximal auquel il faudrait abaisser les plus hauts revenus pour rééquilibrer la distribution de façon à permettre à tous d’atteindre un niveau de vie minimum décent.
L’idée qui fonde cette approche est que la société devrait avoir une aversion totale pour la pauvreté et donc se donner les moyens de l’éradiquer. Dit autrement, si nous voulons faire société, il est nécessaire que tous les citoyens puissent y participer au moins de façon minimale, ce qui nécessite de fixer une limite au plus hauts revenus. Une fois défini un seuil minimum d’inclusion sociale, on peut alors définir le seuil de richesse qui y est associé. »
La difficulté est d’aboutir à un consensus argumenté sur le panier de biens et de services nécessaires pour accéder à un niveau de vie décent.
La démarche proposée par des chercheurs britanniques est de parvenir à ce consensus par une démarche participative.
En France, une démarche analogue a été engagée par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) qui a défini <les budgets de référence> représentant précisément un niveau de vie décent. Le revenu minimum est d’environ 1 500 euros par mois pour une personne seule.
Et pour déterminer alors le seuil de richesse Concialdi cite un ouvrage de la Fondation Copernic « Vers une société plus juste » qui détermine une fourchette comprise entre 3,5 fois et 4 fois le seuil minimum d’inclusion. Soit toujours pour une personne seule, un revenu disponible (après impôts) égal à environ 6 000 euros par mois.
L’économiste prétend que :
« Cette approche présente l’avantage d’articuler la définition d’un socle minimum d’égalité socialement validé avec celle d’un revenu maximal. Elle permet ainsi de définir un repère collectif permettant d’orienter les politiques publiques en vue de contenir l’inégalité dans des limites socialement acceptables ; »
Il rappelle que la satisfaction des besoins peut aussi passer par le développement de services publics.
Concialdi répond donc précisément à la question posée par « le Un » : Oui les riches sont trop riches.
Et lutter contre la pauvreté, dispose comme premier levier d’empêcher les riches d’être trop riches.
Mais il en est qui conteste cette vision et pense qu’on ne lutte pas contre la pauvreté en luttant contre les riches.
La position défendue par Concialdi se heurte à une autre grande difficulté : Les contraintes qu’il propose sont de l’ordre du politique qui s’exerce dans le cadre des États.
Or la répartition des richesses dépend en grande part de l’économie pour laquelle les frontières étatiques ne représentent pas grand-chose.
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Je crois que ce qui est vraiment indécent et parfaitement toxique au plan économique est l’hyper richesse d’une infime partie de la population mondiale (sans doute pas plus de 1 %) mais cette population a tous les moyens politiques, économiques et juridiques pour échapper au naturel partage des ressources.
Lorsqu’on parle de faire payer les riches, on vise essentiellement les gens aisés, voire très aisés qui finalement ont une place prépondérante dans le fonctionnement de l’économie.