Vendredi 12 octobre 2018

« Qu’adviendra-t-il de la société, de la politique et de la vie quotidienne quand des algorithmes non conscients mais hautement intelligents nous connaîtrons mieux que nous nous connaissons ? »
Yuval Noah Harari « Homo deus » ultime phrase du livre.

Nous avons tous à résoudre notre questionnement par rapport à notre avenir incertain.

Chacun fait comme il peut, pour ma part je ne blâmerai personne.

Certains ne pensent pas à toutes ces choses trop angoissantes et se contentent de vivre au jour le jour, en essayant de croquer à pleines dents dans toutes les opportunités qui se présentent : les relations avec leurs proches, les fêtes, les loisirs, les jeux de toute sorte, les voyages, les compétitions, les expériences artistiques et culturelles, le bien être personnel du corps et de l’esprit, peut-être la réussite professionnelle ou l’augmentation de leur capital pécuniaire. Bref, tout ce qui ressort du divertissement Pascalien.

Il y a bien sur quelques-uns qui se réfugient dans l’absorption de substances diverses qui permettent à l’esprit de s’échapper des réalités.

D’autres restent résolument optimistes et pensent que l’instinct de survie d’homo sapiens surmontera les difficultés et que toutes les découvertes techniques, l’intelligence artificielle permettront encore d’améliorer les soins aux maladies et le sort global des humains. Celles et ceux qui ont perdu un être cher de manière prématurée, une fille, un fils d’une maladie que la médecine ne savait pas encore guérir ne peuvent qu’espérer et soutenir une telle perspective.

Il y a aussi celles et ceux qui se réfugient dans la transcendance, la croyance dont, pour l’instant, le modèle le plus accompli est la foi religieuse. Ce type de réponse est très confortable puisque même si les humains se fracassent dans une catastrophe apocalyptique ayant pour dimension la terre entière, la perspective de se retrouver parmi les élus dans un autre monde au sein d’un univers dominé par la puissance et la sagesse divine, permet de se projeter dans un avenir rassurant et rimant avec l’éternité. L’humilité m’oblige à écrire que je ne peux définitivement affirmer que cette perspective constitue une chimère. Toutefois mon esprit rationnel, ce que je comprends de l’évolution d’homo sapiens, notre espèce, si remarquablement décrit par Yuval Noah Harari, mon expérience personnelle et ma fréquentation des religions, des croyants et de leurs discours, me pousse à penser qu’il s’agit d’une perspective peu vraisemblable.

Il y a bien sûr les transhumanistes extrémistes comme Kurzweil qui rêvent un homo sapiens augmenté, « a-mortel » agrémenté pour des gens comme Ellon Musk d’une fuite de quelques humains hors de notre vaisseau terrestre pour aller coloniser une autre planète, permettant de repartir sur de nouvelles bases après avoir définitivement abimé la terre. Pour ces esprits, il faut bien comprendre que la suite de l’aventure ne se fera pas avec 10 milliards d’homo sapiens. La quasi-totalité d’ « homo sapiens » sera probablement traitée par les « Homo deus » comme aujourd’hui les autres animaux sont traités par « homo sapiens »

Je privilégie quant à moi, le choix d’essayer de regarder la réalité en face, tout en gardant l’optimisme de la volonté et en essayant d’agir modestement et en essayant de comprendre ce qui se passe et quelles idéologies, quels mythes sont à l’œuvre quand des hommes de pouvoir économique ou politique, des intellectuels s’expriment ? mettent en œuvre des actions concrètes ou font des choix et prennent des décisions.

Yuval Noah Hariri soulève, à la fin de son livre ce défi intellectuel qui nous est posé :

« Nous sommes en face de tant de scénarios et de possibilités […]. Le monde change plus vite que jamais et nous sommes inondés de quantités inimaginables de données, d’idées, de promesses et de menaces [qu’il est essentiel de comprendre à quoi nous devrions prêter attention.]

Dans le passé, la censure opérait en bloquant le flux de l’information. Au XXIème siècle, elle opère en inondant la population d’informations non pertinentes. [nous] passons notre temps à débattre de problèmes annexes.

Dans les temps anciens, avoir le pouvoir voulait dire accéder aux données. Aujourd’hui, cela signifie savoir ce qu’il faut ignorer. » P.426

Et c’est alors qu’Harari exprime ces problématiques dans différentes unités de temps. C’est en cela que je trouve l’apport de Yuval Noah Harari particulièrement structurant et fécond.

« Si nous pensons en mois, nous ferions probablement mieux de nous concentrer sur des problèmes immédiats comme les troubles au Moyen-Orient, la crise des réfugiés en Europe et le ralentissement de l’économie chinoise. »

Et l’historien israélien évoque ensuite les questions qui se posent dans les décennies qui viennent :

« Le réchauffement climatique, l’inégalité croissante et les problèmes du marché de l’emploi passent au premier plan. »

Mais les questions à long terme, si on prend encore plus de recul mettent au premier plan trois processus liés les uns aux autres :

« 1 La science converge sur un dogme universel, suivant lequel les organismes sont des algorithmes et la vie de réduit au traitement des données.

2. L’intelligence se découple de la conscience.

3. Des algorithmes non conscients, mais fort intelligents, pourraient bientôt nous connaître mieux que nous-mêmes. »

Et en face de ces questions essentielles pour l’avenir d’«homo sapiens », Yuval Noah Harari finit son livre par trois questions cruciales dont il espère qu’elles resteront présentes à notre esprit longtemps après avoir refermé ce livre :

  • «Les organismes ne sont-ils réellement que des algorithmes, et la vie se réduit-elle au traitement des données ?
  • De l’intelligence ou de la conscience, laquelle est la plus précieuse ?
  • Qu’adviendra-t-il de la société, de la politique et de la vie quotidienne quand des algorithmes non conscients mais hautement intelligents nous connaîtrons mieux que nous nous connaissons ? » P. 427

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La semaine prochaine, je ne vais pas écrire de mots du jour.

Le mot du jour reviendra le 22 octobre 2018.


Une réflexion au sujet de « Vendredi 12 octobre 2018 »

  • 12 octobre 2018 à 9 h 40 min
    Permalink

    J’ajouterai une 4ème question:
    « qu’adviendra-t-il si on commence à ne plus faire confiance à l’intelligence et à la conscience humaine »?
    J’ai choisi délibérément de ne pas faire partie de cette dernière catégorie et de proposer aux autres d’en faire autant

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