J’ai trouvé cet économiste tellement intéressant que, cette fois, j’ai acheté le livre dont il assurait la promotion lors de cette émission de France Culture du 16 novembre 2016 qui avait pour titre pertinent : « Comment sortir l’économie de la croyance ? ». Car c’est bien le centre de la question, l’économie se donne les apparences d’une science dure, d’une science du chiffre, de la rationalité, mais elle est avant toute chose une science sociale.
L’inoubliable, Bernard Maris disait : [l’économie] « C’est du jargon, c’est de la rhétorique, ce n’est pas de la science, c’est un peu de statistiques, c’est beaucoup de psychologie et pas mal de bavardages».
J’avais relaté ce propos dans le mot du jour du mardi 13 janvier 2015, quelques jours après son assassinat lors du carnage de Charlie Hebdo.
<En mars 2016, Eloi Laurent avait été l’invité de Patrick Cohen à France Inter pour le même ouvrage>
Éloi Laurent, né en 1974 enseigne à Sciences Po. Il est aussi professeur invité à l’université Stanford ainsi qu’à Harvard. Il participe aussi à l’OFCE : Observatoire français des conjonctures économiques. Il possède donc des références sérieuses et sa parole peut être prise en considération même si elle peut et même doit être, bien sûr, contestée.
Dans le prologue de son livre « Nos mythologies économiques » il écrit notamment :
« L’économie est devenue la grammaire de la politique. […] Le politique parle de nos jours sous réserve d’une validation économique, et on le rappelle promptement à l’ordre dès que son verbe prétend s’affranchir de la tutelle du chiffre. Or cette grammaire économique n’est ni une science ni un art, mais bien plutôt une mythologie, une croyance commune en un ensemble de représentations collectives fondatrices et régulatrices jugées dignes de foi, aussi puissante que contestable.
Quelle est donc l’utilité de la mythologie économique ?
Qu’espère le politique en se soumettant à son empire?
Il croit vraisemblablement en tirer l’autorité qui, de plus en plus, lui file entre les droits. […]
Ce livre ne prétend pas rétablir la raison économique contre l’économie mythologique : il n’y a pas de vérité en économie. Il n’y a que des hypothèses en amont et des choix en aval, et, entre les deux, dans le meilleur des cas, une méthode et des instruments robustes. En revanche, il veut redonner aux lecteurs le goût du questionnement économique, dont la disparition progressive est lourde de menaces pour notre débat démocratique. »
Prologue (page 9 à 14 du livre)
Ce petit livre d’une centaine de pages, publié en février 2016, par l’éditeur : « les liens qui libèrent » est divisée en trois parties :
- 1 – mythologie néolibérale
- 2 – la mythologie sociale xénophobe
- 3 – la mythologie écolo sceptique
Chacune de ces parties est encore divisée en sous chapitres. Ainsi, la « mythologie néolibérale » comprend cinq points :
- une économie de marché dynamique repose sur une concurrence libre et non faussée
- Il faut produire des richesses avant de les redistribuer
- l’État doit être géré comme un ménage, l’État doit être géré comme une entreprise
- les régimes sociaux sont financièrement insoutenables
- les réformes structurelles visant à augmenter la compétitivité sont la clé de notre prospérité
Je développerai certains de ces points dans les prochains mots du jour.
Comme chaque fois, ces réflexions ne constituent pas la vérité, mais une vérité, un éclairage intéressant pour comprendre le monde et remettre en question le discours dominant qui prétend constituer une évidence, un consensus pour tous les gens raisonnables. Ce qu’Alain Minc a appelé « le cercle de la raison ». Ce qui aurait pour signification que tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ce consensus sont forcément déraisonnables. Je ne conteste pas que certains discours, certains programmes politiques sont certainement déraisonnables. Mais tout ce qui remet en cause les pseudo évidences qui sont répétées à satiété par des économistes et des politiques qui prétendent à un discours de raison et d’intelligence, ne sont pas systématiquement en dehors du raisonnable et de la compréhension des forces d’intérêts qui sont à l’œuvre dans le monde aujourd’hui.
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