Jeudi 16 juin 2022

« Le délit de clameur. »
Délit prévu par l’article L98 du Code électoral

Il se passe des choses étranges en France.

Il y a déjà eu le fiasco du Stade de France pour la finale de la Ligue des Champions de football qui a montré des difficultés d’organisation, des lacunes pour rapidement prendre la mesure de ce qui se passe et réagir et enfin l’incapacité de nos gouvernants a reconnaître simplement que les choses se sont mal passées et s’en excuser. J’y reviendrai peut-être

Mais aujourd’hui, je voudrais narrer simplement ce qui s’est passé, lors du premier tour des élection législatives, dans le bureau de vote nº 13, de la 9e circonscription de Paris, place Jeanne-d’Arc dans le quartier de la Gare du 13ème arrondissement.

Plusieurs journaux ont narré cette histoire, le journaliste Stéphane Foucart, dans « Le Monde » l’a décrit de manière assez détaillée : <Une nuit en garde à vue pour avoir alerté d’une confusion possible>.

Je reprends ses explications

Dans cette 9ème circonscription, la NUPES avait présenté l’écologiste Sandrine Rousseau que tout le monde connait depuis qu’elle a failli battre Jadot à la primaire écologiste et qu’elle a multiplié des déclarations qui ont interpellé et surpris par leur radicalité.

Cette femme politique irrite beaucoup de monde notamment le Mouvement de la ruralité qui est le nouveau nom de ce parti politique qui avait pour objet de lutter contre les tentatives trop modernistes  «  Chasse, pêche, nature et traditions ».

Ce mouvement, dans le but évident de nuire à Sandrine Rousseau, a investi dans la même circonscription une « novice » écrit le Monde, je comprends une parfaite inconnue mais qui avait pour singularité de porter le même nom et prénom que la candidate écologiste.

Un retraité de l’enseignement supérieur (université Paris-I), historien d’art, Patrick de Haas, vote dans ce bureau :

« C’est en arrivant dans le bureau de vote nº 13, place Jeanne-d’Arc à Paris, que M. de Haas et sa compagne remarquent que, sur la table de décharge, le premier bulletin disposé au nom de Sandrine Rousseau, « sans photographie de la candidate », dit-il, n’est pas celui de la candidate écologiste investie par la Nupes. « Les bulletins de la candidate de la Nupes se trouvaient à l’autre bout de la table et j’ai été abusé par cette disposition, raconte-t-il. Il était évident que des votants allaient se tromper et prendre le premier bulletin au nom de Sandrine Rousseau sans réaliser qu’il s’agissait de la candidate investie par le Mouvement de la ruralité.

L’historien demande alors de meilleures indications aux assesseurs et au président du bureau de vote. Une signalétique spéciale est refusée au motif qu’elle serait irrégulière, risquant de créer un régime de faveur pour les deux Sandrine Rousseau. Choqué, M. de Haas décide alors de prévenir les votants à leur arrivée au bureau de vote, que deux piles de bulletins au nom de Sandrine Rousseau sont disposées. « Je ne suis pas militant politique, je n’ai, à aucun moment, dit à quiconque quoi faire ou comment voter, explique-t-il. Tout se passait dans le plus grand calme. J’avais le sentiment d’accomplir un devoir citoyen en avertissant les autres de la situation. »

M de Haas pensait faire œuvre utile pour informer les électeurs de la confusion possible.

Ce n’était pas ainsi que le député sortant macroniste, Buon Tan analysait la situation :

« En milieu de journée, le député sortant, Buon Tan (La République en marche), passe dans le bureau de vote : il signale, lui aussi, la présence d’une personne sur la voie publique alertant les votants du piège homonymique. Mécontent, le parlementaire demande que l’information soit consignée dans le procès-verbal des opérations de vote. M. Tan n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde. Craignant une irrégularité, le président du bureau appelle alors le service ad hoc de la Mairie de Paris pour s’informer sur la marche à suivre. Il lui est conseillé de contacter la police nationale, pour demander une intervention. »

Et c’est ainsi qu’une voiture de la police nationale s’arrête devant le bureau de vote. Trois gardiens de la paix lui intiment de s’éloigner.

« Je leur ai demandé s’il m’était possible de me mettre à une cinquantaine de mètres du bureau et ils n’y ont pas vu d’inconvénient », raconte-t-il. Mais, alors qu’il s’est éloigné et qu’il continue à alerter les personnes qui se dirigent vers le bureau, les trois gardiens de la paix changent d’avis.

Ils sont revenus vers moi un quart d’heure plus tard pour me dire qu’ils s’étaient trompés et que même à 50 mètres du bureau de vote je n’avais pas le droit de prévenir les gens, poursuit-il. Je n’ai pas protesté, ni même discuté, et je suis rentré chez moi, à 150 mètres de là. » Les trois mêmes gardiens de la paix, changeant manifestement une nouvelle fois d’opinion, le retrouvent au pied de son immeuble, le cueillent et lui disent qu’il doit passer devant un officier de police judiciaire (OPJ). « Une fois au commissariat, je n’ai alors pas pu dire un mot, j’ai eu le sentiment d’être traité comme un criminel de guerre. [L’OPJ] a refusé de m’entendre et m’a signifié que j’étais placé en garde à vue pour des faits de « clameurs, attroupement et menaces », raconte l’historien. Tout cela étant complètement faux, j’ai refusé de signer le procès-verbal. »

Au matin, après une nuit de garde à vue et une demi-heure d’entretien avec un avocat commis d’office, M. de Haas est entendu par un autre OPJ qui ne conserve que les faits de « clameurs », prévu par l’article L98 du code électoral, qui punit « les atteintes à l’exercice du droit électoral ou à la liberté du vote ».

Le Monde précise que

« Contactée lundi 13 juin en début d’après-midi, la préfecture de police de Paris n’avait pas donné suite, mardi en fin de matinée, aux sollicitations du Monde. »

Je suis donc allé consulter l’article L98 du code électoral sur le site de <Legifrance> Je le cite intégralement :

« Lorsque, par attroupements, clameurs ou démonstrations menaçantes, on aura troublé les opérations d’un collège électoral, porté atteinte à l’exercice du droit électoral ou à la liberté du vote, les coupables seront punis d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 euros. »

On comprend bien que si on suit la description des faits il ne saurait être question de « démonstration menaçante » ni « d’attroupement », il restait donc « la clameur ».

A ce stade j’ai trouvé judicieux de chercher la définition exacte de clameur.

« Le Larousse » après avoir précisé qu’il s’agissait d’un nom féminin le définit ainsi :

« Cris violents et tumultueux indiquant, en particulier, une véhémente protestation, un grand enthousiasme, etc. : Les clameurs de la foule. »

Et donnent pour synonymes :

« huée – hurlement – tollé – tumulte – vocifération »

Il ne me semble pas que le comportement du professeur retraité puisse être décrit par cette définition.

Il tentait au contraire d’instiller de la clarté, là où régnait la confusion.

La Préfecture de Police ne me semble pas avoir agi avec discernement dans cette affaire, je n’en dirai pas davantage.

Dans cette 9ème circonscription, la participation a été de 54,80%, donc supérieure à la moyenne nationale

Malgré ces manœuvres Sandrine ROUSSEAU est arrivée largement en tête avec 42,90% des voix devant le député sortant Buon TAN 26,77%.

La manœuvre du Mouvement de la ruralité ne semble pas avoir d’effet.

Quoique ! L’autre Sandrine Rousseau a quand même reçu 1,88% des voix devançant 6 autres candidats.

Sans aucune notoriété, aurait-elle eu le même résultat sans la confusion dénoncée par M De Haas ?

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