Jeudi 5 Février 2015

Jeudi 5 Février 2015
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
Dans le mot du jour d’hier, Gérard Berry évoquait son scepticisme quant à la possibilité d’une vraie intelligence artificielle.
Il faut se rendre à l’évidence que son point de vue n’est pas largement partagée.
Beaucoup de « sachant » la croit non seulement possible mais surtout sont inquiets sur de telles perspectives.
Ainsi, après le chercheur Stephen Hawking et Elon Musk le président de l’entreprise américaine TESLA qui conçoit et fabrique des véhicules électriques haut de gamme, c’est au tour de Bill Gates de demander à ce que chacun réfléchisse aux progrès de l’intelligence artificielle.
Le fondateur de Microsoft confie son inquiétude sur le sujet et considère que l’utilisation de ce type de technologie doit provoquer des réflexions en chacun de nous.
Interrogé dans le cadre d’une session de questions/réponses organisée sur le site Reddit, Bill Gates explique : « Je suis dans le camp de ceux qui se préoccupent de l’évolution des super intelligences. Tout d’abord, les machines exécuteront de nombreuses tâches à notre place et n’auront pas besoin d’être réellement dotées d’une intelligence redoutable. Ce doit donc être un mouvement positif si nous les gérons correctement. Mais plusieurs décennies après, cette même intelligence sera suffisamment puissante pour qu’elle représente un problème. Je suis donc totalement en accord avec les propos d’Elon Musk et d’autres à ce sujet, et je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi certaines personnes ne s’en préoccupent pas ».
L’ancien dirigeant de Microsoft souhaite donc que les progrès futurs de l’intelligence artificielle puissent être observés et éventuellement interrogés. Il considère cependant la technologie comme un élément important de nos sociétés.
Des inquiétudes déjà formulées par Stephen Hawking ou Elon Musk
Dans une tribune co-signée avec trois autres scientifiques, le physicien Stephen Hawking a formulé cette année des inquiétudes similaires au sujet du développement des intelligences artificielles. Leurs propos, repris dans la presse britannique, évoquaient les réalisations actuelles comme des éléments qui « feront sans doute pâle figure par rapport à ce que les prochaines décennies apporteront »
« On peut imaginer que cette technologie soit capable de déjouer les marchés financiers, de dépasser les scientifiques humains, de manipuler les dirigeants et développer des armes qu’on ne puisse pas comprendre. L’incidence à court terme de l’intelligence artificielle dépend de celui qui la contrôle, mais, à long terme, cela dépend de la possibilité concrète de la contrôler », ajoutaient les chercheurs.
Plus récemment, Elon Musk, a également livré ses inquiétudes à ce sujet. Le dirigeant de Tesla et SpaceX expliquait qu’avec l’intelligence artificielle, « nous invoquons un démon. Dans toutes les histoires mettant en scène un type avec un pentagramme et de l’eau bénite, il est sûr et certain qu’il va pouvoir contrôler le démon. Sauf qu’il n’y arrive pas. » Là encore, l’entrepreneur en appelait à la prudence.
Pour l’instant, il semblerait que nous pouvons continuer à traiter notre ordinateur d’abruti (cf. le mot du jour du 4 février) mais pour combien de temps encore ?

Mercredi 4 Février 2015

Mercredi 4 Février 2015
« Fondamentalement, l’ordinateur et l’homme sont les deux opposés les plus intégraux qui existent.
L’homme est lent, peu rigoureux et très intuitif.
L’ordinateur est super rapide, très rigoureux et complètement con. »
Gérard Berry
Informaticien, Professeur au Collège de France
L’informatique est de plus en plus présente dans notre vie, c’est pourquoi le regard d’expert mais aussi décalé de Gérard Berry, qui selon Rue89 est un des plus grands informaticiens français, est particulièrement intéressant.
Il commence par cette histoire : une fille de10 ans demande à sa mère :
« Mais maman, je ne comprends pas. Tu m’as dit que quand tu étais petite, tu n’avais pas d’ordinateur, comment est-ce que tu faisais pour aller sur Internet ? »
La petite fille n’imagine pas un monde sans Internet. Internet, pour elle, c’est comme l’herbe ou l’arbre, ça fait partie du monde.
En revanche il ne croit pas en l’intelligence artificielle : « Je n’ai jamais cru que les robots pourraient faire des actions intelligentes. On dit : ” Mais l’ordinateur sait jouer aux échecs. ” Oui, ça prouve que les échecs sont un jeu facile, c’est tout. C’est dur pour les hommes, mais ce n’est pas dur en soi. Un homme ne sait pas faire une addition. En revanche, il sait composer de la musique.
[…] Fondamentalement, l’ordinateur et l’homme sont les deux opposés les plus intégraux qui existent. L’homme est lent, peu rigoureux et très intuitif. L’ordinateur est super rapide, très rigoureux et complètement con. On essaie de faire des programmes qui font une mitigation entre les deux. Le but est louable. Mais de là à y arriver…»
Il regrette aussi qu’« En France, on n’a pas cru en l’informatique. […] La France est un pays minier, orienté vers la matière et l’énergie. On a fait le TGV, l’Airbus, mais on n’a jamais fabriqué un ordinateur décent. Raisonner sur la matière et l’énergie, et raisonner sur l’information, c’est très différent. »
Et il nous met en garde sur l’avenir et sur la sécurité informatique « La plupart des ordinateurs sont embarqués, il faut s’y faire. 98% de l’informatique est dans les objets, sans contact direct avec l’homme.
C’est très bien de s’inquiéter de la sécurité de son téléphone, mais les freins de sa bagnole, c’est autrement plus critique. Or des gens ont montré qu’on pouvait prendre le contrôle des freins et les désarmer, à distance. Tout ça est ignoré. Il serait temps de s’occuper de ce problème avant qu’il ne devienne vraiment emmerdant.»
Et il explique qu’«Un système est sûr non pas quand il est inattaquable – ce qui est théoriquement impossible –, mais quand ça coûte trop cher de l’attaquer. »
Et il finit l’article par cette définition de la programmation : «qu’est-ce que programmer un ordinateur ? C’est parler à quelqu’un de totalement obéissant, qui ne pose jamais de question, qui ne s’ennuie jamais. Quand on y pense, c’est une activité belle et absurde de parler à un abruti aussi absolu que l’ordinateur. »
L’article complet est en pièce jointe
et vous trouverez l’article sur Internet <ICI>
Après avoir lu ces réflexions si rafraichissantes, retournons tous vers notre abruti d’ordinateur…

Mardi 3 Février 2015

Mardi 3 Février 2015
«L’égalitarisme est une maladie contagieuse, il tue l’initiative»
Wu Jianmin, ancien ambassadeur de Chine en France
Je partage avec vous un petit échange de 4 mn entre Wu Jianmin et Alain Juppé.
Alain Juppé dans cet échange est résolument l’homme de gauche défendant le modèle social français.
L’ambassadeur de la Chine communiste (sic) lui est le libéral “droit dans ses bottes”.
Cet échange a eu lieu lors de l’université d’été du MEDEF en août 2014.
En résumé : M. Wu Jianmin affirme : « L’égalitarisme est une maladie contagieuse, il tue l’initiative et tire son origine dans le populisme. »
Relancé par Alain Juppé qui rétorque que la Chine essaie bien de s’inspirer du modèle social français pour mettre en place une protection sociale il répond : « La Chine est en train de mettre en place son réseau de protection sociale. Les décideurs chinois ont compris une chose : la protection sociale doit être à la mesure des moyens d’un pays sinon le système n’est pas durable. » et ajoute « que les politiciens français n’ont jamais eu le courage de faire les réformes nécessaires à l’économie de la France.»
Quant à Alain Juppé, il reconnait lui-même que pour gagner les élections en France « il faut être démagogue [mais] que le modèle social à la française fait partie de son logiciel, les électeurs étant ses clients.»
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Lundi 2 Février 2015

Lundi 2 Février 2015
«Je suis convaincu que j’ai sauvé la République en 1995.»
Roland Dumas
C’est un vieil homme de 92 ans.
Il avait pour père un héros : Georges Dumas, fonctionnaire des impôts, qui s’est immédiatement engagé dans la résistance et a été arrêté sur dénonciation par la Gestapo le 24 mars 1944 puis a été fusillé deux jours plus tard à Brantôme (Dordogne), avec vingt-quatre autres résistants. Une avenue de Limoges porte son nom.
Fort de cette filiation le jeune Roland s’est aussi engagé dans la résistance et à  la Libération, il reçoit la Croix de guerre 1939-1945 et la Croix du combattant volontaire.
Et puis après … il devient un des avocats les plus renommés du barreau de Paris il est devenu un grand bourgeois intégré dans l’élite française proche ou détenteur du pouvoir de l’Etat.
Il est notamment très proche de François Mitterrand qui le nomme Ministre des affaires extérieures et deux mois avant la fin du deuxième septennat, en 1995, à la tête du Conseil constitutionnel.
Depuis on a surtout pu observer les dérives de cet homme qui pose un “regard distancié” sur les lois de la République.
À partir de 1997, il est cité dans les affaires Elf et des frégates de Taïwan, pour ce qui devient l’affaire Elf, autour du rôle d’intermédiaire joué par sa maitresse Christine Deviers-Joncour. Affaire pour laquelle il est contraint à la démission du Conseil constitutionnel le 1er mars 2000.
Dans cette affaire il obtient la relaxe en appel en janvier 2003 et est reconnu innocent de l’ensemble des chefs d’accusation qui l’avaient amené devant la justice.
Ce ne fut pas le cas dans une autre affaire où il a été condamné pour complicité d’abus de confiance. En effet, dans le cadre de la succession du sculpteur Alberto Giacometti dont il est l’exécuteur testamentaire, Roland Dumas a été condamné, de manière définitive, à douze mois d’emprisonnement avec sursis et 150 000 euros d’amende par le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation le 10 mai 2007.
Fidèle à ses positions sur le conflit du Proche-Orient, Roland Dumas est l’un des premiers soutiens de Dieudonné en 2006. Il se laisse photographier avec Bruno Gollnish, Jany Le Pen, et Alain Soral.
En décembre 2010, il agite le monde médiatique et politique en se rendant quelques jours en Côte d’Ivoire avec son confrère Jacques Vergès pour défendre les positions du président sortant Laurent Gbagbo, qui conteste la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle, reconnue par la commission électorale indépendante et la quasi-totalité de la communauté internationale.
Il vient de commettre un livre “Politiquement incorrect” (Éditions du Cherche Midi), titre qui rassemble ses carnets intimes, écrits entre 1984 et 2014.
Dans ce livre il écrit :
«Je peux le dire aujourd’hui, les comptes de campagne d’Edouard Balladur et ceux de Jacques Chirac étaient manifestement irréguliers», il poursuit  : «Que faire ? C’était un grave cas de conscience. J’ai beaucoup réfléchi. Annuler l’élection de Chirac aurait eu des conséquences terribles. J’ai pensé à mon pays. Je suis un homme de devoir. Nous avons finalement décidé, par esprit républicain, de confirmer, à l’unanimité au deuxième tour, son élection présidentielle. Je suis convaincu que j’ai sauvé la République en 1995.»
Je partage avec nos amis allemands leur stupéfaction devant cette extraordinaire inclinaison des “politiques français” d’accumuler un nombre extravagant de Lois (ici la loi sur le plafonnement et l’origine des fonds pour les campagnes électorales) pour ensuite ne pas les respecter.
La République c’est définir et voter les Lois utiles et nécessaires puis les appliquer avec rigueur.
Si cette règle simple avait été appliquée, Jacques Chirac n’aurait pas pu rester notre Président de la République en 1995.
Comment accepter cette affirmation : «J’ai sauvé la République», alors que la Loi de la République a été ignorée ?
Comment exiger du commun des citoyens le respect des Lois si au sommet, dans la désignation de l’autorité suprême de l’Etat, la Loi est bafouée !
Nous vivons une drôle d’époque et dans un drôle de pays !
Mais il y a erreur de la part de Dumas, dans <Le Point> , Emmanuel Berretta explique que le rejet des comptes n’auraient pas fait annuler l’élection présidentielle :
C’est ici que Dumas se trompe. Les comptes irréguliers d’un candidat à l’élection présidentielle n’entraînent pas l’invalidité de son élection en cas de victoire. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas de ce pouvoir dans ce cas de figure. En tant que juge de l’élection, il peut invalider des législatives ou des sénatoriales. Mais, s’agissant d’une élection présidentielle, son rôle est différent. Il est juge des éventuels recours formés par les candidats contestant les décisions rendues sur leurs comptes de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Cela signifie qu’il n’a pas le pouvoir d’invalider une présidentielle pour ce motif mais seulement d’interdire le remboursement des frais de campagne du candidat.
Autrement dit, en 1995, le Conseil constitutionnel n’avait pas le pouvoir d’annuler la victoire de Jacques Chirac. Il pouvait décider de proclamer ses comptes irréguliers et refuser la prise en charge publique de son compte de campagne. Roland Dumas n’a donc pas “sauvé” la République, il a juste coûté à la République ! Le contribuable a remboursé la campagne Chirac, évitant à celui-ci d’organiser, à l’image du Sarkothon, un “Chiracthon” qui eût été, en effet, piteux pour un président élu… Dumas peut se vanter d’avoir évité un scandale en l’étouffant. Y a-t-il vraiment de quoi pavoiser ? Et à parler d'”esprit républicain” ?
Pour que le Conseil constitutionnel invalide une élection présidentielle, il faudrait qu’il découvre une fraude électorale. Et encore, que celle-ci soit suffisamment massive pour porter atteinte à la sincérité du scrutin. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas en 1995. Du moins, aucun sage n’a encore jeté le doute sur les scores d’une présidentielle…