Lundi 2 Février 2015

Lundi 2 Février 2015
«Je suis convaincu que j’ai sauvé la République en 1995.»
Roland Dumas
C’est un vieil homme de 92 ans.
Il avait pour père un héros : Georges Dumas, fonctionnaire des impôts, qui s’est immédiatement engagé dans la résistance et a été arrêté sur dénonciation par la Gestapo le 24 mars 1944 puis a été fusillé deux jours plus tard à Brantôme (Dordogne), avec vingt-quatre autres résistants. Une avenue de Limoges porte son nom.
Fort de cette filiation le jeune Roland s’est aussi engagé dans la résistance et à  la Libération, il reçoit la Croix de guerre 1939-1945 et la Croix du combattant volontaire.
Et puis après … il devient un des avocats les plus renommés du barreau de Paris il est devenu un grand bourgeois intégré dans l’élite française proche ou détenteur du pouvoir de l’Etat.
Il est notamment très proche de François Mitterrand qui le nomme Ministre des affaires extérieures et deux mois avant la fin du deuxième septennat, en 1995, à la tête du Conseil constitutionnel.
Depuis on a surtout pu observer les dérives de cet homme qui pose un « regard distancié » sur les lois de la République.
À partir de 1997, il est cité dans les affaires Elf et des frégates de Taïwan, pour ce qui devient l’affaire Elf, autour du rôle d’intermédiaire joué par sa maitresse Christine Deviers-Joncour. Affaire pour laquelle il est contraint à la démission du Conseil constitutionnel le 1er mars 2000.
Dans cette affaire il obtient la relaxe en appel en janvier 2003 et est reconnu innocent de l’ensemble des chefs d’accusation qui l’avaient amené devant la justice.
Ce ne fut pas le cas dans une autre affaire où il a été condamné pour complicité d’abus de confiance. En effet, dans le cadre de la succession du sculpteur Alberto Giacometti dont il est l’exécuteur testamentaire, Roland Dumas a été condamné, de manière définitive, à douze mois d’emprisonnement avec sursis et 150 000 euros d’amende par le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation le 10 mai 2007.
Fidèle à ses positions sur le conflit du Proche-Orient, Roland Dumas est l’un des premiers soutiens de Dieudonné en 2006. Il se laisse photographier avec Bruno Gollnish, Jany Le Pen, et Alain Soral.
En décembre 2010, il agite le monde médiatique et politique en se rendant quelques jours en Côte d’Ivoire avec son confrère Jacques Vergès pour défendre les positions du président sortant Laurent Gbagbo, qui conteste la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle, reconnue par la commission électorale indépendante et la quasi-totalité de la communauté internationale.
Il vient de commettre un livre « Politiquement incorrect » (Éditions du Cherche Midi), titre qui rassemble ses carnets intimes, écrits entre 1984 et 2014.
Dans ce livre il écrit :
«Je peux le dire aujourd’hui, les comptes de campagne d’Edouard Balladur et ceux de Jacques Chirac étaient manifestement irréguliers», il poursuit  : «Que faire ? C’était un grave cas de conscience. J’ai beaucoup réfléchi. Annuler l’élection de Chirac aurait eu des conséquences terribles. J’ai pensé à mon pays. Je suis un homme de devoir. Nous avons finalement décidé, par esprit républicain, de confirmer, à l’unanimité au deuxième tour, son élection présidentielle. Je suis convaincu que j’ai sauvé la République en 1995.»
Je partage avec nos amis allemands leur stupéfaction devant cette extraordinaire inclinaison des « politiques français » d’accumuler un nombre extravagant de Lois (ici la loi sur le plafonnement et l’origine des fonds pour les campagnes électorales) pour ensuite ne pas les respecter.
La République c’est définir et voter les Lois utiles et nécessaires puis les appliquer avec rigueur.
Si cette règle simple avait été appliquée, Jacques Chirac n’aurait pas pu rester notre Président de la République en 1995.
Comment accepter cette affirmation : «J’ai sauvé la République», alors que la Loi de la République a été ignorée ?
Comment exiger du commun des citoyens le respect des Lois si au sommet, dans la désignation de l’autorité suprême de l’Etat, la Loi est bafouée !
Nous vivons une drôle d’époque et dans un drôle de pays !
Mais il y a erreur de la part de Dumas, dans <Le Point> , Emmanuel Berretta explique que le rejet des comptes n’auraient pas fait annuler l’élection présidentielle :
C’est ici que Dumas se trompe. Les comptes irréguliers d’un candidat à l’élection présidentielle n’entraînent pas l’invalidité de son élection en cas de victoire. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas de ce pouvoir dans ce cas de figure. En tant que juge de l’élection, il peut invalider des législatives ou des sénatoriales. Mais, s’agissant d’une élection présidentielle, son rôle est différent. Il est juge des éventuels recours formés par les candidats contestant les décisions rendues sur leurs comptes de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Cela signifie qu’il n’a pas le pouvoir d’invalider une présidentielle pour ce motif mais seulement d’interdire le remboursement des frais de campagne du candidat.
Autrement dit, en 1995, le Conseil constitutionnel n’avait pas le pouvoir d’annuler la victoire de Jacques Chirac. Il pouvait décider de proclamer ses comptes irréguliers et refuser la prise en charge publique de son compte de campagne. Roland Dumas n’a donc pas « sauvé » la République, il a juste coûté à la République ! Le contribuable a remboursé la campagne Chirac, évitant à celui-ci d’organiser, à l’image du Sarkothon, un « Chiracthon » qui eût été, en effet, piteux pour un président élu… Dumas peut se vanter d’avoir évité un scandale en l’étouffant. Y a-t-il vraiment de quoi pavoiser ? Et à parler d' »esprit républicain » ?
Pour que le Conseil constitutionnel invalide une élection présidentielle, il faudrait qu’il découvre une fraude électorale. Et encore, que celle-ci soit suffisamment massive pour porter atteinte à la sincérité du scrutin. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas en 1995. Du moins, aucun sage n’a encore jeté le doute sur les scores d’une présidentielle…