Mardi 22 décembre 2020

« Ce sourd entendait l’infini »
Victor Hugo évoquant Ludwig van Beethoven

Quand un géant parle d’un autre géant…

« Ce sourd entendait l’infini.
Penché sur l’ombre, mystérieux voyant de la musique, attentif aux sphères, cette harmonie zodiacale que Platon affirmait, Beethoven l’a notée.
Les hommes lui parlaient sans qu’il les entendît ; il y avait une muraille entre eux et lui ; cette muraille était à claire-voie pour les mélodies de l’immensité.
Il a été un grand musicien, le plus grand des musiciens, grâce à cette transparence de la surdité.
L’infirmité de Beethoven ressemble à une trahison ; elle l’avait pris à l’endroit même où il semble qu’elle pouvait tuer son génie, et, chose admirable, elle avait vaincu l’organe, sans atteindre la faculté.
Beethoven est une magnifique preuve de l’âme.
Si jamais l’inadhérence de l’âme et du corps a éclaté, c’est dans Beethoven.
Corps paralysé, âme envolée.

Ah ! vous doutez de l’âme ?
Eh bien ! écoutez Beethoven. Cette musique est le rayonnement d’un sourd.
Est-ce le corps qui l’a faite ?
Cet être qui ne perçoit pas la parole engendre le chant.
Son âme, hors de lui, se fait musique. Que lui importe l’absence de l’organe !
Le verbe est là, toujours présent. Beethoven, tous les pores de l’âme ouverts, s’en pénètre.
Il entend l’harmonie et fait la symphonie.
Il traduit cette lyre par cet orchestre.

Les symphonies de Beethoven sont des voix ajoutées à l’homme.
Cette étrange musique est une dilatation de l’âme dans l’inexprimable.
L’oiseau bleu y chante ; l’oiseau noir aussi.
La gamme va de l’illusion au désespoir, de la naïveté à la fatalité, de l’innocence à l’épouvante.
La figure de cette musique a toutes les ressemblances mystérieuses du possible.
Elle est tout. Profond miroir dans une nuée. Le songeur y reconnaîtrait son rêve, le marin son orage, Élie son tourbillon où il y a un char, Erwyn de Steinbach sa cathédrale, le loup sa forêt.
Parfois elle a des entre-croisements impénétrables.
Avez-vous vu dans la Forêt-Noire ces branchages démesurés où la nuit est prise comme un épervier dans un filet et se résigne sinistrement, ne pouvant s’en aller ?
La symphonie de Beethoven a de ces halliers inextricables.
Et. tout à coup, si le rossignol était là, il se mettrait à écouter, croyant que c’est quelqu’un comme lui qui chante.
Le rossignol se tromperait, c’est mieux que lui. Il n’est que dans l’ombre, Beethoven est dans le mystère.
La mélodie du rossignol n’est que nocturne, celle de Beethoven est magique.
Il y a dans l’âme des jeunes filles une fleur qui chante ; c’est celle fleur-là qu’on entend dans Beethoven. De là une suavité incomparable.
Plus qu’un chant, une incantation. Cependant la vie réelle entre brusquement dans ce songe. Au milieu de son monstrueux et charmant poème, Beethoven donne un bal, il improvise une fête, il secoue des castagnettes, il tape sur un tambourin ; toutes les danses tournoient et passent, depuis la valse jusqu’au jaléo ; les bras entrelacés serrent les seins contre les poitrines; à l’écart, dans la clairière, le jeune homme rougissant salue une étoile où il voit une vierge ; des sourires de belles filles apparaissent, montrant des dents pleines de lumière ; des enfants et des moineaux jasent, les troupeaux bêlent, on entend la clochette des vaches rentrantes ; il y a des chaumières sous des saules ; et c’est là le bonheur, la famille, la nature, la prairie, la floraison d’août, la jeunesse, la joie, l’amour, avec l’horreur secrète d’Irminsul debout là-bas, sous des arbres, dans les ténèbres.
Puis vient le tutti, le finale, le dénouement ; le mirage se déforme, se déchire, s’ouvre, il s’y fait une profondeur. et l’on croit être au jour du Rosch-Aschana, et l’on croit voir les innombrables têtes d’Israël soufflant, joues gonflées, dans les cuivres et l’on assiste, ébloui par cette gloire, à la fête furieuse des trompettes.

Les symphonies de Beethoven sont des resplendissements d’harmonie. Les répliques de la mélodie à l’harmonie font de cette musique un intraduisible dialogue de l’âme avec la nature. Ce bruit-là pense. Dans cette végétation il y a le nid, dans cette église il y a le prêtre, dans cet orchestre il y a le cœur humain. Cette grandeur sert à faire aimer.

Insistons-y, et finissons par où nous avons commencé. Ces symphonies éblouissantes, tendres, délicates et profondes, ces merveilles d’harmonie, ces irradiations sonores de la note et du chant, sortent d’une tête dont l’oreille est morte.
Il semble qu’on voie un dieu aveugle créer des soleils. »
(texte destiné primitivement à William Shakespeare ; cote B.N. N.a.f. 24776, folio 85 ; Œuvres complètes, volume « Chantiers », Robert Laffont, 1985, p. 1015-1016)

<Julie Depardieu lit de larges extraits de ce texte> sur les ondes de France Musique.

« Il semble qu’on voie un dieu aveugle créer des soleils » aurait aussi pu être l’exergue de ce mot du jour ou « Écoutez Beethoven. Cette musique est le rayonnement d’un sourd. »

Hugo fréquentait Liszt qui avait transcrit toutes les symphonies de Beethoven pour piano. Il jouait aussi toutes les œuvres de piano de Beethoven. Liszt a fait aimer Beethoven à Hugo et lui a aussi fait découvrir Schubert.

<Ce site> en dit davantage. Je lui emprunte la reproduction d’un tableau de Joseph Danhauser, représentant Alexandre Dumas, Victor Hugo, George Sand, Niccolò Paganini, Gioacchino Antonio Rossini et Marie d’Agoult, tous réunis autour du piano sur lequel joue Liszt, piano surmonté d’un buste de Beethoven.

<L’Obs> signale aussi ce texte et évoque d’autres écrivains parlant de Beethoven.

Je remets tous ces écrivains et musiciens dans leur existence chronologique :


Victor Hugo parle des symphonies. Julie Depardieu était accompagnée par la 6ème symphonie.

Hugo écrit  «Beethoven donne un bal, il improvise une fête, il secoue des castagnettes, il tape sur un tambourin ; toutes les danses tournoient et passent, depuis la valse jusqu’au jaléo». Wagner a appelé la 7ème symphonie «l’apothéose de la danse». C’est pourquoi, je propose l’allegretto de la 7ème symphonie, interprété par <L’orchestre Philharmonique de Berlin et Karajan>

Et pour la version intégrale, écoutez <L’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam et Carlos Kleiber>. Interprétation époustouflante d’un chef d’orchestre génial maniant une gestique inhabituelle.

La 7ème symphonie date de 1812, 10 ans après le Testament d’Heiligenstadt.

<1512>

Lundi 21 décembre 2020

« C’est l’art et seulement lui, qui m’a retenu, ah ! il me semblait impossible de quitter le monde avant d’avoir fait naître tout ce pour quoi je me sentais disposé, et c’est ainsi que j’ai mené cette vie misérable »
Ludwig van Beethoven, dans le « Testament d’Heiligenstadt » du 6 octobre 1802

Ludwig van Beethoven aimait rire et boire. Il aimait la compagnie, avait beaucoup d’amis et du succès auprès des femmes.

Il n’était pas beau mais disposait d’un charisme incroyable. Et il subjuguait les élites viennoises par sa virtuosité pianistique et ses talents d’improvisateur.

Sa musique se vendait très bien et il disposait de mécènes riches qui lui permettaient de vivre confortablement.

Il disposait donc énormément d’atouts dans sa vie pour vivre avec bonheur, passion et réussite.

Il écrit même dans une lettre :

« Parfois je pense devenir fou devant ma gloire imméritée, la chance me poursuit et j’ai déjà peur pour cette raison d’un nouveau malheur. »
Lettre de Beethoven à Nikolaus Zmeskall cité <ICI>

Mais une terrible maladie va le frapper : la surdité.

Beethoven a commencé à ressentir les premiers symptômes de la surdité vers l’âge de 26-27 ans (1796-1797). D’abord localisés au niveau de l’oreille gauche, des acouphènes persistants se sont ensuite propagés à l’oreille droite.

Pendant longtemps, il va vouloir cacher cette infirmité qu’il sent comme une humiliation : comment avouer mal entendre et être musicien ? Il va chercher la solution auprès des médecins, gardant l’espérance d’une guérison. Mais à cette époque les médecins avaient peu de moyens d’intervention et peu de méthodes d’investigations. Le feuilleton de la radio télévision belge, tout au long des dix épisodes, invite un spécialiste de l’histoire de la médecine pour évoquer l’état de l’art et aussi les remarquables progrès qui vont être réalisés tout au long du XIXème siècle. Pour lui, à l’époque de Beethoven, seuls les chirurgiens avaient la technique pour vraiment améliorer certains des problèmes de santé des malades, mais pour le reste il y avait peu de remèdes et beaucoup d’appel à la bienveillance de la nature et à la miséricorde de Dieu.

Beethoven va pour la première fois s’ouvrir de cette maladie à son ami de jeunesse et de Bonn, de 5 ans son ainé, : Franz Gerhard Wegeler qui est devenu médecin. Cette lettre envoyée de Vienne est datée du 29 juin 1801.

Au début de la lettre, il décrit une situation enviable :

« Tu veux savoir quelque chose de ma situation : eh bien, cela ne va pas trop mal. […] Lichnowski m’a versé une pension de 600 florins, que je dois toucher, aussi longtemps que je ne trouverai pas de position qui me convienne. Mes compositions me rapportent beaucoup, et je puis dire que j’ai plus de commandes que je n’y puis satisfaire. Pour chaque chose, j’ai six, sept éditeurs, et encore plus, si je veux m’en donner la peine. On ne discute plus avec moi : je fixe un prix, et on le paie. Tu vois comme c’est charmant. »

Mais dans la seconde moitié de la lettre, il aborde frontalement son handicap :

« Malheureusement, un démon jaloux, ma mauvaise santé, est venu se jeter à la traverse. Depuis trois ans, mon ouïe est toujours devenue plus faible. Cela doit avoir été causé par mon affection du ventre, dont je souffrais déjà autrefois, comme tu sais, mais qui a beaucoup empiré ; car je suis continuellement affligé de diarrhée, et, par suite, d’une extraordinaire faiblesse. Frank voulait me tonifier avec des reconstituants, et traiter mon ouïe par l’huile d’amandes. Mais prosit ! cela n’a servi à rien ; mon ouïe a toujours été plus mal, et mon ventre est resté dans le même état. Cela a duré ainsi jusqu’à l’automne dernier, où j’ai été souvent au désespoir. Un âne de médecin me conseilla des bains froids ; un autre, plus avisé, des bains tièdes du Danube : cela fit merveille ; mon ventre s’améliora, mais mon ouïe resta de même, ou devint encore plus malade. Cet hiver, mon état fut vraiment déplorable : j’avais d’effroyables coliques et je fis une rechute complète. […] Je puis dire que je mène une vie misérable. Depuis presque deux ans, j’évite toute société, parce que je ne puis pas dire aux gens : « Je suis sourd ». Si j’avais quelque autre métier, cela serait encore possible ; mais dans le mien, c’est une situation terrible. Que diraient de cela mes ennemis, dont le nombre n’est pas petit !

Pour te donner une idée de cette étrange surdité, je te dirai qu’au théâtre je dois me mettre tout près de l’orchestre pour comprendre les acteurs. Je n’entends pas les sons élevés des instruments et des voix, si je me place un peu loin. Dans la conversation, il est surprenant qu’il y ait des gens qui ne l’aient jamais remarqué. Comme j’ai beaucoup de distractions, on met tout sur leur compte. Quand on parle doucement, j’entends à peine ; oui, j’entends bien les sons, mais pas les mots ; et d’autre part, quand on crie, cela m’est intolérable. »

Et il lui fait cette demande :

« Je te supplie de ne rien dire de mon état à personne »

Il écrit quelques jours plus tard à un autre ami proche Karl Amenda, théologien et violoniste :

« Mon cher, mon bon Amenda, mon ami de tout cœur, avec une émotion profonde, avec un mélange de douleur et de joie j’ai reçu et lu ta dernière lettre. À quoi puis-je comparer ta fidélité, ton attachement envers moi ! Oh ! cela est bien bon, que tu me sois toujours resté si ami. […] Combien je te souhaite souvent auprès de moi ! car ton Beethoven est profondément malheureux. Sache que la plus noble partie de moi-même, mon ouïe, s’est beaucoup affaiblie. Déjà, à l’époque où tu étais près de moi, j’en sentais les symptômes, et je le cachais ; depuis, cela a toujours été pire. Si cela ne pourra jamais être guéri, il faut attendre (pour le savoir) ; cela doit tenir à mon affection du ventre. Pour celle-ci, je suis presque tout à fait rétabli ; mais pour l’ouïe, se guérira-t-elle ? Naturellement, je l’espère ; mais c’est bien difficile, car de telles maladies sont les plus incurables. »

On comprend bien que cette découverte est dramatique pour le compositeur et musicien. Beethoven est désemparé et il fuit de plus en plus les conversations et tente de cacher son état. En 1802, son médecin, Johann Adam Schmidt, lui conseille une cure de repos et de silence à la campagne. Beethoven décide de partir pour Heiligenstadt qui est une petite ville au nord de Vienne, où il espère trouver un peu de calme. Et le 6 octobre 1802, il décide d’écrire une lettre bouleversante, connue aujourd’hui sous le titre de « Testament de Heiligenstadt ». Il ajoutera un petit texte le 10 octobre 1802.

Cette lettre est adressée à ses frères, mais probablement à toute l’humanité, au moins à tous ses amis et connaissances. Elle contient toute la souffrance et la détresse du musicien face à la tragédie qu’il vit.

Elle ne sera jamais envoyée ni à ses frères ni à quiconque, mais sera retrouvée après sa mort par Anton Schindler et Stephan von Breuning dans un tiroir secret de l’armoire de Beethoven aux côtés de la Lettre à l’immortelle Bien-aimée.

On ne sait pas s’il s’agit d’un vrai testament. Beethoven rédigera par la suite deux autres testaments : en 1824, puis peu avant sa mort, en 1827

Ce document peut aussi se lire comme une trace que l’on laisse derrière soi avant de se suicider même si dans le texte il affirme avoir renoncé à se suicider pour continuer à composer.

De manière surprenante, dans l’entête de sa lettre datée du 6 octobre 1802, il laisse un espace et n’écrit pas le nom de son second frère : Johann :

« Pour mes frères Carl et [espace ] Beethoven.

Il veut d’abord expliquer qu’il entend les critiques qu’on peut lui adresser de fuir la société, d’être « misanthrope », irritable, mais il veut se justifier et expliquer la raison profonde de son attitude :

« Ô vous ! hommes qui me tenez pour haineux, obstiné, ou qui me dites misanthrope, comme vous vous méprenez sur moi.

Vous ignorez la cause secrète de ce qui vous semble ainsi, mon cœur et mon caractère inclinaient dès l’enfance au tendre sentiment de la bienveillance, même l’accomplissement de grandes actions, j’y ai toujours été disposé, mais considérez seulement que depuis six ans un état déplorable m’infeste, aggravé par des médecins insensés, et trompé d’année en année dans son espoir d’amélioration. »

Et en des mots simples il explique sa surdité et les situations insupportables que cela crée pour lui :

« j’étais ramené durement à la triste expérience renouvelée de mon ouïe défaillante, et certes je ne pouvais me résigner à dire aux hommes : parlez plus fort, criez, car je suis sourd, ah ! comment aurait-il été possible que j’avoue alors la faiblesse d’un sens qui, chez moi, devait être poussé jusqu’à un degré de perfection plus grand que chez tous les autres, un sens que je possédais autrefois dans sa plus grande perfection, dans une perfection que certainement peu de mon espèce ont jamais connue »

Et il avoue qu’il a pensé au suicide :

« Mais quelle humiliation lorsque quelqu’un près de moi entendait une flûte au loin et que je n’entendais rien, ou lorsque quelqu’un entendait le berger chanter et que je n’entendais rien non plus ; de tels événements m’ont poussé jusqu’au bord du désespoir, il s’en fallut de peu que je ne misse fin à mes jours. »

Et dans ce document il affirme qu’il se serait suicidé s’il n’avait pas la conscience, la certitude, l’intuition, je ne sais quel est le bon mot, qu’il avait encore tant d’œuvres à donner à l’humanité :

« C’est l’art et seulement lui, qui m’a retenu, ah ! il me semblait impossible de quitter le monde avant d’avoir fait naître tout ce pour quoi je me sentais disposé, et c’est ainsi que j’ai mené cette vie misérable – vraiment misérable ; un corps si irritable, qu’un changement un peu rapide peut me faire passer de l’euphorie au désespoir le plus complet – patience, voilà tout, c’est elle seulement que je dois choisir pour guide, je l’ai fait – durablement j’espère, ce doit être ma résolution, persévérer, jusqu’à ce que l’impitoyable Parque décide de rompre le fil, peut-être que cela ira mieux, peut-être non, je suis tranquille – être forcé de devenir philosophe déjà à 28 ans, ce n’est pas facile, et pour l’artiste plus difficile encore que pour quiconque  »

Il lègue alors ses biens à ses deux frères en leur recommandant de ne pas se disputer et d’être heureux. Et il donne ce conseil humaniste :

« Recommandez à vos enfants la vertu, elle seule peut rendre heureux, pas l’argent, je parle par expérience, c’est elle qui même dans la misère m’a élevé, je la remercie autant que mon art, pour m’avoir fait éviter le suicide – adieu et aimez-vous »

Après plusieurs jours de désespoir, l’état psychique de Beethoven s’améliore. Plongé dans l’écriture de ses deuxièmes et troisièmes symphonies notamment, Beethoven retrouve son énergie créatrice.

<Wikipedia> écrit :

« Mais Beethoven sortit victorieux de cette crise, résolu à affronter son destin plutôt que de s’abattre : c’était le début de la période « Héroïque » qui allait durer jusqu’en 1808 et l’apothéose de la Cinquième symphonie. »

Beethoven perd complètement ses capacités auditives en 1818. Il est possible de le savoir avec une certaine certitude, grâce aux écrits, aux lettres de Beethoven mais aussi grâce aux fameux cahiers de conversation de Beethoven. Ces cahiers de conversation sont de véritables témoignages des dix dernières années de la vie de Beethoven.

Sur le site de <resmusica> un article du 26 mars 2020 revient plus en détail sur les causes possibles de surdité, mais relate aussi comment Beethoven va tenter de lutter concrètement contre son impossibilité d’entendre :

« Il commande à Conrad Graf, facteur de piano de la Cour Impériale de Vienne, un instrument à quadruple cordes, utilise un résonateur, fixe un cornet acoustique sur un serre-tête pour composer, ou une baguette de bois tendue entre ses dents et la caisse de résonance du piano. »

Il utilise la possibilité de faire vibrer la masse osseuse pour essayer de sentir les vibrations et sentir ainsi la musique.

Il va aussi faire appel à un ingénier bavarois Johann Nepomuk Maelzel pour qu’il fabrique des cornets acoustiques, de plus en plus perfectionnés, pour tenter d’entendre.

Maelzel qui sera aussi l’inventeur du métronome qu’il présentera à Beethoven qui en sera enchanté et donnera des indications métronomiques concernant notamment ses symphonies. Indications extrêmement rapides que la plupart des chefs négligent pour adopter des tempos beaucoup plus lents.

Le site <Médecine des arts> essaie de mettre en lien la surdité et l’œuvre musicale.

Car ce qui est extraordinaire c’est que c’est pendant sa période de surdité que Beethoven va écrire ses plus grands chefs d’œuvres, ceux qui vont révolutionner la musique et constituent encore, pour les mélomanes d’aujourd’hui, une offrande inouïe à l’Art et à l’humanité. Une œuvre qui par sa seule existence justifie l’humanité, alors que le désastre écologique qui est en cours, du fait de l’homme, nous fait désespérer de notre espèce et nous demander s’il était utile qu’elle se développe pour devenir l’espèce dominante.

Beethoven entendait la musique à l’intérieur de son esprit et de son corps isolé des sons extérieurs.

Le site <resmusica> rappelle la première interprétation de la 9ème symphonie :

« En 1824 pour la création de la Symphonie n° 9, il est complètement sourd, reste le dos tourné à la salle ne constatant son triomphe qu’après que la cantatrice Karoline Unger le prend par les épaules pour qu’il constate l’ovation du public.»

Le testament d’Heiligenstadt ainsi que les lettres cités se trouvent en intégralité sur ce site https://fr.wikisource.org/wiki/Vie_de_Beethoven/Lettres

Vous pourrez y lire aussi une autre lettre qu’il a écrit, le 16 novembre 1801, à son ami Wegeler et dans laquelle il a cette phrase

« Je veux saisir le destin à la gueule. Il ne me courbera certainement pas tout à fait. »

Comme œuvre, je vous propose aujourd’hui <L’andante du quatuor à cordes N° 9> qui a été écrit en 1806 et fait partie des 3 quatuors à cordes opus 59 « Razumovsky » dans une interprétation du quatuor Belcea.

Et si vous voulez entendre l’œuvre en entier dans la <version lumineuse du Quatuor Alban Berg de Vienne>

<1511>

Vendredi 18 décembre 2020

« Beethoven, Bonaparte, Napoléon, des œuvres, des dédicataires et des mécènes »
Un récit simple qui cache une grande complexité

Après la famille et les maîtres, il me faut parler des mécènes et des dédicataires que Beethoven a eu tout au long de sa vie de compositeur.

Je m’arrêterai un peu plus longuement sur l’histoire que l’on raconte à propos de la 3ème symphonie « Eroïca » et surtout du dédicataire.

Hier, j’ai parlé de l’importance du Comte von Waldstein pour Beethoven : son premier séjour à Vienne et la rencontre avec Mozart, sa rencontre avec Haydn qui accepte de lui donner des cours, son départ pour Vienne, la rente que lui a octroyé le Prince Electeur pour le séjour viennois, tout cela il le doit à Waldstein.

Et :

« Recommandé par le Prince Électeur Max Franz, par Waldstein, introduit par Zmeskall, il est adopté par l’aristocratie mélomane de Vienne : La comtesse von Thun, Lichnowsky, Razumovsky, Lobkowitz, van Swieten, von Browne […]. Nous retrouvons tous ces noms […] au long des années, dans les dédicaces des œuvres de Beethoven. Jusqu’en 1796 Beethoven loge chez le prince Karl von Lichnowsky, non dans l’état de domesticité qu’ont connu Haydn et Mozart, mais en ami entouré, soutenu, respecté. Le prince assume pour lui le rôle d’un véritable imprésario et s’évertue, au piano, à lui prouver que ses compositions sont, malgré leur difficulté, parfaitement exécutables. »
Bourcourechliev, « Beethoven » Page 163

Beethoven ne manquera jamais, tout au long de sa vie, de riches mécènes qui le soutiendront financièrement. Il dispose aussi de nombreux amis fidèles. C’est d’ailleurs un homme plein d’énergie qui aime rire et qui aime boire. Il aime aussi la compagnie des femmes et a de nombreuses maîtresses, c’est un jouisseur. Je ne m’attarderai pas sur ses désillusions de mariage parce que dans le monde aristocrate dans lequel il vit, les femmes qu’il veut épouser sont d’essence noble, souvent déjà promises à d’autres. Et puis ce tabou ne pourra être franchi : il n’obtiendra jamais de rentrer dans ces familles par les liens du mariage.

Il n’est pas beau, mais il a un charisme époustouflant. Sur le site de <France Musique> on peut lire :

«Il est petit, brun, marqué de petite vérole, […] des cheveux noirs, très longs, qu’il rejette en arrière […] ses vêtements sont déchirés, il a l’air complètement déguenillé » : voici ce qu’écrit Bettina Brentano à propos de Beethoven alors qu’elle avoue dans le même temps être littéralement hypnotisée par le compositeur. Car Beethoven ne laisse jamais indifférent. Quand il se met au piano ou compose, « les muscles de son visage se gonflent » et son « regard farouche roule avec violence » : Beethoven est tel un magicien étrange et effrayant, mais qu’on se fait un doux plaisir d’observer.

Le mythe d’un Beethoven solitaire toujours hargneux, triste et coléreux ne correspond pas à la réalité. Les choses changeront, bien sûr, à partir du moment où sa terrible surdité deviendra de plus en plus prégnante.

A Vienne, c’est d’abord en tant que pianiste et improvisateur que Beethoven se fera connaître. C’est un virtuose exceptionnel. Il participe régulièrement à des joutes musicales, fort appréciées à l’époque, dans lesquels il faut improviser et jouer du piano de la manière la plus éblouissante que possible.

Carl Czerny qui est un des grands maîtres du piano, de jeunes pianistes jouent encore ses études et ses exercices, fut à la fois l’élève de Beethoven et le professeur de Frantz Liszt. Il écrit :

« Son improvisation était on ne peut plus brillante et étonnante ; dans quelque société qu’il se trouvât, il parvenait à produire une telle impression sur chacun de ses auditeurs qu’il arrivait fréquemment que les yeux se mouillaient de larmes, et que plusieurs éclataient en sanglots. Il y avait dans son expression quelque chose de merveilleux, indépendamment de la beauté et de l’originalité de ses idées et de la manière ingénieuse dont il les rendait. »

Sa maladie va le conduire à délaisser cette part de son talent pour se concentrer sur la composition de ses œuvres.

Mais c’est d’abord, grâce à sa réputation de virtuose accompli qu’il va encore élargir son cercle de connaissances et rencontrer des aristocrates qui accepteront de le financer, tout en le laissant libre de composer ce qu’il veut.

Sur ce point, sa liberté de composer, il est intransigeant. Sa musique séduit, bouleverse même. Beethoven le sait et son génie musical se dédouble d’un talent commercial qui le place parmi les premiers compositeurs à vivre de leur musique.

Il écrit ainsi à son ami Wegeler :

« Tu veux savoir quelque chose de ma position ? Eh bien, elle n’est pas si mauvaise. Depuis l’année passée, quelque incroyable que cela puisse paraître, Lichnowsky a été et est resté mon ami le plus chaud. De petites mésintelligences ont bien eu lieu entre nous, et n’ont-elles pas affermi notre amitié ? Il m’a réservé une somme de six cents florins que je puis toucher tant que je n’aurai pas trouvé une place qui me convienne. Mes compositions me rapportent beaucoup et je puis dire que j’ai beaucoup plus de commandes que j’en puis faire. J’ai six ou sept éditeurs pour chacune de mes oeuvres, et j’en aurais beaucoup plus si je voulais. »

La musicologue Tia de Nora fait le constat suivant :

« Durant les quatre premières années de Beethoven à Vienne, de novembre 1792 à 1796 (période qui le vit s’imposer comme pianiste-compositeur), son ascension se reflète dans le nombre croissant de ses mécènes et protecteurs. […] Ni la popularité de Beethoven dans sa période médiane, ni sa reconnaissance finale comme le plus grand de tous les maîtres n’auraient pu avoir lieu si en ses débuts, dans les années 90 et aux débuts des années 1800, la société aristocratique ne l’avait pas placé sur un véritable piédestal »

Cette <page> consacré au mécénat dont va profiter Beethoven à Vienne apporte d’autres éléments encore.

Une autre page <Les mécènes> présente les principaux mécènes et leur interaction avec Beethoven.

Mais qui dit mécène, dit aussi dédicace d’une œuvre de Beethoven. Et de cette manière ces hommes resteront dans l’Histoire, grâce aux œuvres de Beethoven.

C’est au Prince Karl von Lichnowsky, celui lui accordera le logis au début de son séjour à Vienne et un soutien continue que Beethoven dédiera son Opus.1 ainsi que plusieurs œuvres majeurs dont la sonate n°8 « Pathétique » et la symphonie n°2.

Il n’oubliera pas ceux de Bonn, Stephan von Breuning, sera le dédicataire du sublime concerto de violon.

Le prince Lobkowitz reçoit un grand nombre de dédicaces de la part de Beethoven, parmi les plus grands chefs-d’œuvre du maître : les Quatuors à cordes Op.18, le Triple Concerto.

Les cinquième et sixième Symphonie lui seront aussi dédiées mais conjointement avec le comte Razumovsky).

Le comte Andrey Kirillovich Razumowski qui sera le seul dédicataire de ces 3 quatuors opus 59 que l’Histoire désignera sous le nom : « les Quatuors Razumowski  ». A Gottfried van Swieten qui fut aussi un de ses premiers soutiens, il dédiera sa première symphonie.

L’Archiduc Rodolphe, le plus jeune fils de l’empereur Léopold II et qui devient, 1803, l’élève de Beethoven. C’est à lui à qu’il dédicacera son immense Missa Solemnis, et aussi son trio pour piano, violon et violoncelle opus 97 qui restera pour l’éternité le Trio « à l’Archiduc ». Il aura aussi droit à la Sonate pour piano N° 26 des « Adieux » et d’autres œuvres majeures encore.

Et nous en venons à la Troisième symphonie opus 55 qui aurait pu avoir pour nom : « Symphonie Bonaparte ». Bonaparte n’était pourtant pas un mécène de Beethoven. Mais on lit partout ce même récit :

Beethoven est profondément épris de l’idéal républicain défendu par la révolution française. Et Bonaparte est considéré comme le sauveur des idéaux de la Révolution française ; comme l’incarnation de ces idéaux.

Beethoven est tellement conquis qu’il voudrait aller vivre à Paris et il a donc cette idée de dédier sa nouvelle symphonie écrite entre 1802 et 1804, à Bonaparte.

Et puis il apprend que Bonaparte s’est fait couronner empereur. Son cœur républicain ne fait qu’un tour, il entre dans une rage folle et déchire la dédicace. La symphonie sera dédiée à un grand homme, sans plus de précision.

Cette fois, l’histoire n’est pas rapportée par le biographe contesté, c’est-à-dire Schindler, mais par un élève et collaborateur de Beethoven Ferdinand Ries qui rapporta après la mort de Beethoven que ce fut lui qui annonça le couronnement de Napoléon et que Beethoven déchira la dédicace et s’exclama :

« Ainsi, il n’est rien de plus que le commun des mortels ! Maintenant il va piétiner les droits des hommes et ne songera plus qu’à son ambition. Il prétendra s’élever au dessus de tous et deviendra un tyran !  »

Lors des émissions de la radio télévision belge dont j’ai déjà parlé, j’entendis l’historienne Elisabeth Brisson remettre en cause ce récit. D’abord parce que la dédicace déchirée du récit de Ries fut retrouvée intact.

J’ai retrouvé des informations similaires sur le site de la fondation Napoléon qui par la plume de son directeur Thierry Lentz rapporte :

« Donc, Beethoven déchira la page de titre qu’il avait préparée… Alors comment expliquer que soit conservée au Archives de la Société philarmonique de Vienne une partition de L’Héroïque où le nom de Bonaparte a été rageusement biffé, jusqu’à faire un trou dans le papier. Il semble bien qu’il s’agisse d’une copie contemporaine, qui n’est pas de la main du compositeur, dont on peut supposer qu’elle était destinée à être envoyée… à Napoléon. Elle fut conservée par Beethoven qui s’en servit pour inscrire des corrections postérieures. Quant à la rature, les spécialistes pensent qu’elle est bien postérieure et pas de son fait. En clair : la copie est vraie et la rature est (probablement) fausse. »

Elisabeth Brisson fait remarquer qu’en outre, juste après être devenu empereur, la France de Napoléon a déclaré la guerre à l’Empire d’Autriche et qu’un habitant de Vienne devait probablement éviter de dédier une de ses œuvres au souverain de la puissance ennemie.

Et j’ai trouvé sur le site de <la Maison de Radio France> une présentation d’un concert dans laquelle Ariane Herbay prétendait que

« Mais derrière cette noble histoire s’en cache une autre. Toute révolution ayant besoin d’être financée, si Beethoven renonça à sa dédicace, en réalité, ce fut pour 400 florins. Somme que son mécène, le prince Lobkowitz, lui proposait, afin d’avoir l’exclusivité de cette symphonie pendant six mois. »

Beethoven était un humaniste et il aimait la liberté, surtout la sienne en matière d’art. Il était peut-être sincèrement intéressé par l’expérience française, mais elle générait beaucoup de désordres et de violences en Europe, ce qu’il devait beaucoup moins apprécier. En outre, il était entouré d’aristocrates qui devaient peu gouter l’ambition révolutionnaire de les mettre à bas. Enfin, nous savons que Beethoven cherchait une place stable, comme son grand père, place qui ne lui a jamais été accordée à Vienne. Il semble bien que la première dédicace visait à obtenir une telle place à Paris.

La page sur le mécénat déjà cité va dans ce sens : « À partir de 1800, le prince Lichnowsky lui procure à une rente annuelle très confortable de 600 florins par an. De ce fait, Beethoven devient relativement indépendant. Cela l’encourage à poursuivre des buts esthétiques d’une plus grande ampleur. Mais cela n’empêche pas Beethoven de chercher un emploi stable à la cour impériale. Comme tous les compositeurs, il est à la recherche d’une situation stable qui pourrait le mettre à l’abri des besoins matériels. »

Et puis s’il est fâché avec Napoléon, il ne le restera pas longtemps. Thierry Lenz explique que :

« Beethoven se « réconcilia » plus tard avec l’Empereur. En 1809, lors de la seconde occupation de Vienne, il confia à un de ses amis français qu’il ne refuserait pas d’être convoqué. Il ne le fut pas. Il rappela par la suite à plusieurs reprises à ses amis et correspondants que c’est à lui qu’il pensait en composant L’Héroïque, déclarant même, en apprenant la mort de Napoléon et parlant de la marche funèbre du deuxième mouvement : « Il y a dix-sept ans que j’ai écrit la musique qui convient à ce triste événement ». »

Il semble même qu’il avait envisagé à écrire une messe en l’honneur de Napoléon.

Et puis plus concrètement, il y a un autre épisode qui montre que si Beethoven a pu être fâché, cela lui était passé. Le propre frère du Tyran, Jérôme Bonaparte, Roi de Westphalie non par le choix libre des citoyens de Westphalie mais par la conquête militaire des armées impériales, invite Beethoven à rejoindre sa cour. Et Beethoven écrira une lettre à ses amis viennois :

« Enfin, je me vois contraint, par des intrigues, cabales et bassesses de toute nature, à quitter la seule patrie allemande qui nous reste. Sur l’invitation de S.M. le roi de Westphalie, je pars comme chef d’orchestre. ». Cité par Boucourechliev « Beethoven » page 181.

Ceci ne se fera cependant pas. En effet, Rudolph Kinsky, l’Archiduc Rodolphe et le prince Lobkowitz, s’associent pour assurer une rente annuelle de 4000 florins à Beethoven, afin qu’il puisse composer entouré de toute la sécurité matérielle. A ce prix, Beethoven restera à Vienne.

Mais Beethoven était un personnage complexe et qui n’acceptait pas la soumission. Il se trouve qu’en automne 1806, l’Autriche est occupée par les troupes impériales de Napoléon Ier. Il habite alors dans la demeure de Silésie du prince Karl Alois von Lichnowsky. Et celui-ci, accueille quelques invités, dont plusieurs officiers français. Il invite alors Beethoven à jouer du piano pour les troupes d’occupation.

Beethoven refuse tout net et repart immédiatement à Vienne. Et il écrit ce message célèbre à son mécène :

« Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi-même. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. »

Par la lecture du Diapason de mars 2015, j’ai appris que je partageais l’avis du grand Chef Mariss Jansons : « Si on m’oblige à en choisir une, ce serait la 3ème : elle me touche encore plus profondément que les autres qui font toute partie de mon univers personnel »

Je vous propose donc <La 3ème symphonie Eroica avec la radio Bavaroise et Jansons>

<1510>

Jeudi 17 décembre 2020

«Recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart !»
Parole du Comte von Waldstein à Beethoven lors de son départ pour Vienne prendre des cours avec Haydn

Aujourd’hui, nous avons une certitude, il y a 250 ans Ludwig van Beethoven vivait, car nous savons qu’il a été baptisé le 17 décembre 1770 en l’église de Sankt Remigius à Bonn.

Après avoir évoqué la famille et les ancêtres de Beethoven, il semble juste de parler de ses maîtres, ceux qui lui ont enseigné la musique qu’il allait magnifier par son génie.

<Ce site> m’a aidé à trouver l’architecture d’ensemble des années de formation de Beethoven

Les premiers cours sont donnés par son père qui est musicien à la chapelle de la cour de Bonn qui je le rappelle est celle du Prince électeur de Cologne.

Mais il comprend que le talent de son fils rend nécessaire de lui faire donner des cours par des professionnels pour chaque instrument.

Ce sont des noms inconnus aujourd’hui, dont la seule renommée est d’avoir été, pendant un peu de temps, professeur de Beethoven :

Cours de piano avec Gilles van der Aeden et Tobias Friedrich Pfeiffer, de violon avec Georg Rovantini, d’orgue avec Willibald Koch et Zense.

Mais son vrai premier maître est connu par ses propres qualités et il a pour nom Christian Gottlob Neefe

Neefe naît le 5 février 1748 à Chemnitz en Saxe. Et il arrive à la cour de Bonn en 1779 en tant que musicien et succédera à l’organiste titulaire de la cour quand ce dernier décédera en 1782 et en 1783 il deviendra le professeur de Beethoven.

L’histoire dit qu’il est franc-maçon, attaché aux idées de la révolution mais il sera pourtant contraint de quitter la ville de Bonn en 1794 quand la France révolutionnaire occupera la ville. Il finira sa vie à Dessau en tant que Directeur de Théâtre où il décédera en 1798.

Et c’est l’enseignement de Christian Gottlob Neefe qui est certainement décisif. Il lui enseigne le piano, l’écriture, mais encore les philosophes de l’antiquité, et certainement le goût pour les idées républicaines. Il sera un ami et un protecteur. Neefe se fera parfois remplacer par le jeune Beethoven au clavecin et à l’orchestre de la cour.

Dans une thèse publiée sur Internet par Nicolas Molle, nous pouvons lire :

« Il fallut attendre 1783 et la rencontre décisive avec son professeur de musique, Christian Gottlob Neefe, pour que le jeune compositeur puisse découvrir les plaisirs de la réflexion intellectuelle. Neefe se fixa pour objectif non pas de former uniquement un musicien mais également de façonner un esprit éclairé. Il lui ouvrit alors les portes de la Société de Lecture (Lesegesellschaft) de Bonn où Beethoven put entrer en contact avec d’autres personnages cultivés de la ville.»

C’est grâce à Neefe que la famille von Breuning le prend à son service comme professeur de piano. Au sein de cette famille, il peut assister quotidiennement à des conversations ou des lectures des œuvres de Goethe, Schiller, Herder. Il suit quelques conférences de philosophie à la nouvelle Université créée par le Prince Electeur, Maximilian Franz.

Maximilian Franz, grand amateur de musique, su reconnaître assez vite le talent de Ludwig, probablement poussé par Neefe. D’ailleurs il compare les valeurs du père Beethoven et de son fils et Boucourechliev dans son livre « Beethoven » nous apprend :

« Max Franz tirant les conséquencse de la situation ôte 15 florins du traitement de Johann et nomme Ludwig second organiste avec 150 florins d’appointement. »
Boucourechliev « Beethoven » page 157

Neefe lui fera aussi découvrir Jean-Sébastien Bach et son clavier bien tempéré. Beethoven étudiera Bach mais aussi Haendel.

Mais Beethoven portera une plus grande admiration à Haendel qu’à Bach :

« Haendel est le plus grand compositeur qui ait jamais vécu. Je voudrais me découvrir et m’agenouiller devant sa tombe. »

Cet avis apparaît surprenant aujourd’hui, alors que de l’avis général Bach est nettement supérieur à Haendel, mais ce n’était pas l’avis de Beethoven.

Peut-être est-il utile de remettre tous ces musiciens que j’ai déjà évoqué et dont je parlerai ci-après dans une chronologie


Neefe l’encouragera aussi à composer pour le piano, entre 1782 et 1783, les 9 variations sur une marche de Dressler et les trois Sonatines dites « à l’Électeur» qui marquent symboliquement le début de sa production musicale.

Il me semble que c’est finalement vers son premier maître que Beethoven exprimera le plus de reconnaissance. Il écrira en 1793 dans une lettre à Neefe :

« Je vous remercie pour vos conseils, ils m’ont soutenu bien souvent dans mes progrès en mon art divin. Si je deviens un jour un grand homme, vous y aurez participé. Cela vous réjouira d’autant plus que vous pouvez en être persuadé. »

Bien sûr, il faut rencontrer Mozart. Mozart auquel son père Johann pensait en essayant de faire produire le jeune Ludwig devant des assemblées nobles et musiciennes. Il ira jusqu’à mentir sur son âge, prétendant qu’il avait 6 ans, alors qu’il en avait déjà 8. Mais cela échoua. Beethoven n’était pas un nouvel enfant prodige et puis Johann Beethoven était loin des capacités pédagogiques de Léopold Mozart.

Pour ce faire, il y aura un intermédiaire, un de ses nombreux mécènes, peut être le premier, le Comte von Waldstein qui est un proche du Prince électeur.

Le comte von Waldstein emmène Beethoven une première fois à Vienne en avril 1787, il y restera du 7 au 20 avril.

Boucourechliev écrit :

De ce voyage du printemps 1787 nous savons peu de choses, sinon que « les deux personnages qui firent le plus d’impression sur Beethoven furent l’empereur Joseph II et Mozart. ». Mozart, malade, écrit Don Giovanni ; de son enfance, il a gardé l’horreur des précoces génies. Donna-t’il à Beethoven quelques leçons, prédit-il que « ce jeune homme ferait parler de lui dans le monde » ? Il semble, en tout cas, qu’il n’ait pas encouragé le jeune musicien rhénan à rester à Vienne. »
Boucourechliev « Beethoven » page 158

En 1787, Mozart a 31 ans, il ne lui reste plus que 4 ans à vivre et Beethoven a 17 ans. Et il semble bien que Mozart ait plutôt négligé Beethoven. On lit parfois que Mozart aurait dit « N’oubliez pas ce nom, vous en entendrez parler ! ». Les historiens sérieux considèrent les références de cet avis non fiables.

Beethoven est d’ailleurs rappelé d’urgence à Bonn, car sa mère est gravement malade, elle décèdera le 17 juillet 1787. Il écrira à son ami Wegeler :

« C’était pour moi une si bonne, une si aimable mère, ma meilleure amie. Oh ! qui donc était plus heureux que moi, alors que je pouvais encore prononcer le doux nom de mère, et qu’il était entendu – et à qui puis-je le dire maintenant ? »

Après la mort de sa mère, Il prend de plus en plus en charge de ses frères, son père sombrant définitivement dans l’alcoolisme. Mais il continue à composer des œuvres assez importantes selon le jugement de Boucourouchliev : Une cantate pour la mort de Joseph II en mars 1790 puis six mois après une autre pour célébrer l’avènement de son successeur Léopold II.

Et en 1790, l’autre grand compositeur de ce temps, Joseph Haydn passe à Bonn, mais personne ne songe à lui présenter le jeune Beethoven de 20 ans.

Le Comte von Waldstein va intervenir à nouveau. En juillet 1792, Joseph Haydn revenant d’une tournée en Angleterre, s’est à nouveau arrêté à Bonn. Cette fois Waldstein va présenter le jeune Ludwig à Haydn.

Et Boucourechliev commente :

« Il a pu lui soumettre une de ses cantates, et Haydn, sans doute frappé des promesses qu’elle contient, invite le jeune rhénan à faire « des études suivies » et de le rejoindre Vienne. »
Boucourechliev « Beethoven » page 160

Waldstein va intercéder auprès du Prince Électeur pour qu’il dote Beethoven d’une rente lui permettant de passer 2 ans à Vienne auprès de Haydn, ce qui fut fait. Au début de novembre 1792, doté de la rente du prince, il se rend un seconde fois à Vienne pour étudier auprès de Haydn. Ce sera une installation définitive, son père meurt en décembre 1792.

1792, Mozart est mort l’année précédente.

Le Comte von Waldstein, écrira, avant le départ pour Vienne, une lettre le 29 octobre 1792. C’est son extrait le plus célèbre que j’ai choisi comme exergue de ce mot du jour. Je cite cette phrase dans son contexte :

« Cher Beethoven, vous allez à Vienne pour réaliser un souhait depuis longtemps exprimé : le génie de Mozart est encore en deuil et pleure la mort de son disciple. En l’inépuisable Haydn, il trouve un refuge, mais non une occupation ; par lui, il désire encore s’unir à quelqu’un. Par une application incessante, recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart »
Waldstein

Pour la musicologue Florence Badol-Bertrand :

« Beethoven a eu la chance de venir après Mozart. Lorsque Beethoven arrive à Vienne, en 1792, Mozart est mort depuis onze mois. […] Doté d’une mémoire phénoménale, il a mémorisé non seulement toutes les compositions de l’auteur de la Petite musique de nuit, mais aussi l’œuvre musicale européenne. Très intelligent, il est en mesure de s’approprier cette musique tout en la remettant en question, et de procéder différemment. Beethoven était tellement bon musicalement qu’il a été difficile à surpasser. »

Et alors qu’en est-il de l’enseignement de Haydn ?

Il y eut certainement des échanges fructueux. Les premières œuvres de Beethoven gardent trace de Haydn, mais ce ne fut pas une relation harmonieuse d’un vieux maître, 60 ans quand même, envers un jeune élève fasciné et brillant.

Beethoven trouve Haydn peu attentif et Haydn trouve Beethoven trop fantaisiste et éruptif.

Il lui dira :

« Vous avez beaucoup de talent et vous en acquerrez encore plus, énormément plus. Vous avez une abondance inépuisable d’inspiration, vous aurez des pensées que personne n’a encore eues, vous ne sacrifierez jamais votre pensée à une règle tyrannique, mais vous sacrifierez les règles à vos fantaisies ; car vous me faites l’impression d’un homme qui a plusieurs têtes, plusieurs cœurs, plusieurs âmes. »

Et une anecdote bien connue est rapportée. Haydn, demande à Beethoven de bien vouloir écrire sur les partitions qu’il publie : « Ludwig van Beethoven, élève de Joseph Haydn. »

Le jeune impétueux refuse. Son argument ?

« J’étais l’élève de Haydn, mais il ne m’a jamais rien appris ! »

Sur le site de <France musique> on lit :

« L’insoumission de Beethoven exaspère chacun de ses professeurs… Haydn, son maître de musique à Vienne, reconnait son talent mais le trouve beaucoup trop indiscipliné. Albrechtsberger, qui lui enseigne la composition, dit même à ses élèves : « C’est un exalté libre-penseur musical, ne le fréquentez pas ; il n’a rien appris et ne fera jamais rien de propre ».

Mais il évoluera, Boucourechliev cite un Beethoven plus sage et plus pondéré, quelques années plus tard :

« Lorsque je revis mes premiers manuscrits, quelques années après les avoir écrits, je me demandai si je n’étais pas fou de mettre dans un seul morceau de quoi en composer vingt. J’ai brûlé ces manuscrits, afin qu’on ne les voie jamais et j’aurais commis bien des extravagances sans les bons conseils de papa Haydn et d’Albrechtsberger »
Boucourechliev « Beethoven » page 163

Haydn va quitter Vienne pour Londres et Beethoven se tournera vers d’autres maîtres de composition et d’harmonie.

D’abord Johann Baptist Schenk qui fut le professeur de Ludwig van Beethoven en 1793. Il semble que cette relation fut plus apaisée et ils restèrent liés par de solides liens d’amitié. Schenk parlera de cette relation dans son autobiographie

« Pour ma peine (si on peut parler de peine), je reçus de mon bon Ludwig un présent précieux, le lien solide de l’amitié qui ne s’est pas relâché jusqu’à sa mort. »

Ensuite Johann Georg Albrechtsberger, musicien qu’on joue encore parfois et qui est organiste à la cour impériale et maître de chapelle de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Il fut l’ami de Haydn et Mozart, et le maître de Beethoven en 1794-1795.

Un peu plus tard vers 1800, il prendra aussi quelques cours avec Antoine Salieri. Ce compositeur qu’une pièce de théâtre de Pouchkine calomniera en le faisant passer pour un compositeur jaloux de Mozart qui finira par l’empoisonner. Thèse fantaisiste et calomnieuse que reprendra Milos Forman dans son « Amadeus »

Antonio Salieri n’eut certes pas le génie de Mozart, mais il fut un compositeur italien de talent qui finira sa vie à Vienne. Il était d’ailleurs une personnalité incontournable de la vie musicale viennoise de son époque, compositeur à la cour impériale du Saint-Empire. Salieri est l’ami de Gluck et de Haydn et entretient des relations avec de nombreux autres compositeurs et musiciens importants. Certains de ses nombreux élèves deviennent plus tard célèbres outre Beethoven : Schubert, Meyerbeer mais aussi le tout jeune Liszt ; d’autres sont moins célèbres mais restent dans les ouvrages érudits : Hummel, compositeur d’un célèbre concerto pour trompette, Reicha, Moscheles, Czerny, Süssmayr, l’élève de Mozart qui finira son Requiem et même Franz Xaver Wolfgang Mozart, le dernier fils de Wolfgang Amadeus Mozart.

Il sera le dernier professeur de Beethoven qui tracera désormais son propre chemin, unique et révolutionnaire.

Le choix de l’œuvre pour aujourd’hui me semble assez simple : « La Sonate de piano N° 21 dédiée au Comte Von Waldstein » jouée par le grand pianiste chilien Claudio Arrau en 1977 à Bonn.

Si vous voulez écouter ce que pouvait être des œuvres que Beethoven composait à 13 ans voici une des sonatines dites « à l’Électeur» cité ci-avant :< Sonatines WoO N°47 n°1 & 2> jouée par un très jeune pianiste.

WoO signifie Werke Ohne Opus c’est dire œuvre sans opus et que Beethoven n’a donc pas fait publier de son vivant.

<1509>

Mardi 15 décembre 2020

« Ce grand père [Ludwig l’ancien] va lui permettre de se forger le mythe de la grandeur et du grand individu qui n’arrêtera pas de le porter et de le pousser. »
Bernard Fournier

Le 15 décembre constitue le premier jour possible de la naissance de Beethoven, ce n’est pas le plus crédible puisque les parents auraient attendu deux jours pour le baptiser.

Contrairement aux Bach, musiciens dont la lignée s’étend sur sept générations, la famille Beethoven n’est musicienne que depuis deux générations.

Je voudrais m’intéresser aujourd’hui à la famille dans laquelle est née Beethoven.

Ludwig van Beethoven n’est pas du tout d’essence noble, le « van » flamand n’a aucune connotation aristocratique. Car la famille Beethoven est originaire de la Flandre.

Selon l’avis le plus fréquent ce nom a l’origine suivante :

«Beet» signifie betteraves en flamand et Hoven est le pluriel de Hof, la ferme. Beethoven est donc « la ferme aux betteraves ». Van Beethoven signifierait donc : « vient de la ferme aux betteraves ».

<Ce site> essaie une autre signification qui serait jardin de bouleaux. Mais j’ai lu par ailleurs que cette origine, qui se fonderait sur une racine latine, semble peu crédible dans cette région.

Quand on cherche, on trouve des choses étonnantes, ainsi sur cette page Wikipedia : <Liste des victimes de chasses aux sorcières> on trouve une certaine Josyne van Beethoven pendue en 1595 à Bruxelles parce qu’elle était soupçonnée d’être une sorcière.

J’avais déjà mentionné le feuilleton que la Radio-Télévision Belge et notamment sa chaîne Musiq3 a consacré à Beethoven. L'<Episode 1> évoque les ascendants du compositeur, ce <site> aussi.

Et puis, il y a un livre récent que j’ai acquis. C’est un livre de Christine Mondon qui avait aussi publié « Franz Schubert, le musicien de l’ombre » que j’ai largement cité lors de la série consacrée à l’année 1828 de Schubert. Christine Mondon a écrit « Incomparable Beethoven » paru en novembre 2020.

C’est grâce à ces trois sources que je peux retracer la trajectoire de la famille Beethoven de la Flandre vers Bonn.

Nous remonterons donc à la ville belge de Malines, dans laquelle arrivent, vers la fin du XVIIème siècle Corneille van Beethoven et sa sœur Maria.

Christine Mondon nous apprend que Corneille est un descendant de Josyne van Beethoven. <Ce site> qui entend dresser la généalogie de Beethoven montre qu’elle était l’arrière-grand-mère de Corneille. Elle était née Van Vlesselaer.

Christine Mandon écrit :

« Josyne van Beethoven, une femme émancipée, idéaliste et indépendante, marquée par une grande ouverture d’esprit, a défrayé son époque car elle fut précisément suspectée d’avoir fait un pacte avec le diable en échange du savoir. Les intrigues, la mesquinerie et la méchanceté des villageois ont fini par l’emporter et elle fut, après de grands sévices, contrainte à l’aveu et exécutée sur la place publique. Cet évènement a laissé des traces dans la mémoire collective de la famille. »
Incomparable Beethoven – pages 13 et 14

Les historiens contemporains ont réalisé un travail considérable pour essayer de comprendre cette folie qui s’est emparée de l’occident et qui a coûté la vie à tant de femmes remarquables, connaissant les plantes, savantes, émancipées et qu’on a torturées, brulées et dans le cas de Josyne Van Vlesselaer, épouse Beethoven, pendues.

Et le rebelle que sera Ludwig van Beethoven descend d’une telle femme !

Revenons à l’arrivée de la famille Beethoven à Malines

La première mention de Cornelius, ou Corneille, sur les registres de Malines date du 30 août 1671, lors du mariage de sa sœur Marie.

Corneille s’est marié à Malines le 12 février 1673, avec Catherine van Leempoel. Et c’est à la paroisse de Notre Dame, le 29 mars 1716, que Corneille van Beethoven a été enterré, escorté par la corporation des charpentiers.

Il était probablement charpentier ou peut être menuisier.

Corneille et Catherine vont avoir comme fils Michel van Beethoven qui est né le 15 février 1684. A côté des Églises, il existait des corporations qui elles aussi rédigeaient et conservaient des registres. Et c’est pourquoi nous pouvons savoir que Michel est apprenti boulanger en 1700 et devient Maître boulanger le 5 octobre 1707.

Michel se marie le 18 octobre 1707 avec Maria Ludovica Stuyckers. Ils auront plusieurs fils dont Ludwig né le 5 janvier 1712 et qui sera le grand père de Ludwig van Beethoven. C’est pourquoi, l’Histoire l’appelle Ludwig l’ancien.

C’est lui le premier de la famille qui va s’installer à Bonn. Il aura une place particulière dans le cœur et la vie de Beethoven.

Mais restons d’abord sur le cas de son père qui est boulanger, mais qui va se lancer dans « les affaires ». Il semble qu’il procède également à l’achat et à la vente de tableaux. puis vers 1720, il exerce le commerce de la dentelle de Malines, particulièrement réputée et objet de luxe. Au début les affaires semblent florissantes puisque le couple investit dans l’immobilier et possèdent en 1727, à Malines, quatre maisons en plus des lieux d’habitation qu’ils avaient chacun hérités de leurs parents.

Mais, probablement qu’ils souhaitent encore faire fructifier leur patrimoine et ils empruntent beaucoup d’argent. Ces emprunts, les époux Beethoven ne vont pas parvenir à les rembourser. Ils sont poursuivis devant les tribunaux et pour échapper à la justice ils s’enfuient et vont retrouver leur fils, Ludwig l’ancien, ainsi qu’un autre qui sont installés à Bonn, sur les terres du prince électeur de Cologne, dont la résidence principale et la vie de Cour se passe à Bonn. Ils sont ruinés mais à l’abri de la justice flamande.

Mais intéressons-nous à Ludwig l’ancien dont nous conservons un portrait. Il avait été peint par le peintre officiel de la Cour du Prince Électeur de Cologne, Amelius Radoux. Ce qui démontre la place éminente que le grand-père occupait. Ce portrait a accompagné Beethoven toute sa vie.

L’historienne Elisabeth Brisson dans l’émission de la radio belge explique :

« Dans le portrait réalisé par Radoux, Ludwig l’ancien tient une partition en main, on pense que c’est la serva padrona de Pergolèse. On a besoin de montrer qu’il avait cette profession de musicien. Alors que son petit-fils, on pourra le montrer sans aucun indice de sa fonction. C’est un personnage important [sinon le peintre de la Cour n’aurait pas fait son portrait]. Il meurt en 1773. Beethoven l’a un tout petit peu connu, mais il restera une figure pour lui. Il ne le dit pas mais on voit bien qu’il voudra être comme son grand-père et devenir maître de chapelle. Mais lui ne va pas y parvenir.

Le musicologue Bernard Fournier a écrit des ouvrages de références sur les quatuors à cordes et notamment de Beethoven ainsi qu’un livre plus général à qui il a donné le titre : « Le génie de Beethoven ». Il intervient aussi dans l’émission et dit :

« Toute sa vie, Beethoven caressera le rêve de devenir maître de chapelle. Mais il n’y arrivera jamais. Il essayera plusieurs fois, mais il passera toujours à côté. Il fera bien mieux que cela, mais il aura toujours ce rêve insensé. Il voulait s’identifier à son grand père qui pendant toute son enfance a constitué le grand individu [de la famille] […] Il n’oubliera jamais l’image, il avait encore le portrait avec lui dans la chambre où il est mort à Vienne. Ce grand père va lui permettre de se forger le mythe de la grandeur et du grand individu qui n’arrêtera pas de le porter et de le pousser. »

Beethoven ne deviendra pas comme son grand-père, un fonctionnaire de la musique. Il restera toute sa vie un musicien précaire qui devra compter sur la générosité de ses mécènes et aussi de ses talents de négociateurs pour vendre sa musique. Il devient ainsi le premier musicien indépendant qui n’est pas rattaché à un souverain, une cour ou une institution.

Ludwig l’ancien se lance donc dans la musique. Il chante, joue de l’orgue et veut faire de la musique sa profession. Mais à Malines, les possibilités de gagner sa vie avec la musique sont peu nombreuses. Aussi, le jeune Ludwig tente sa chance pour un emploi de ténor à l’église collégiale de Saint-Pierre, à Louvain. Il y est reçu et probablement en raison de ses talents est repéré par le maître de chapelle, qui le propose pour le remplacer dans la direction de la maîtrise, ce qu’il devient le 9 novembre 1731.

Mais il ne s’arrêtera pas là, peu après en février 1732, il quitte Louvain pour la cathédrale Saint-Lambert, à Liège, et en mars 1733 part pour Bonn.

Pour faire carrière à cette époque, il faut avoir quelques talents et aussi profiter de certaines opportunités. Certains affirment que cela reste vrai.

Par un heureux hasard de circonstances l’Évêque de Liège qui bien sûr officiait à la cathédrale de Liège, était le Prince Électeur de Cologne, Clemens August qui était aussi archevêque de Cologne. Bref c’était un cumulard !

Visiblement ses qualités lui ont permis d’être repéré par le Prince Électeur qui l’incorpore dans le chœur de la chapelle de sa Cour de Bonn.

Peu après son arrivée à Bonn, Ludwig l’ancien se marie avec Maria-Josepha Poll, le 17 septembre 1733.

Christine Mandon écrit :

« Ambitieux, il convoite la direction de la Chapelle de cour. Grande est sa déception, lorsque le violoniste français Joseph Touchemoulin reçoit le titre de maître de chapelle. »

Mais le Prince Électeur meurt, le 6 février 1761 et il est remplacé par Maximilian-Friedrich qui veut faire des économies car il doit financer la guerre de sept ans. Il décide de rogner du tiers les émoluments du sieur Touchemoulin qui refuse et trouve un poste à Regensbourg.

Ludwig l’ancien qui était certainement un bon musicien mais qui était aussi négociateur, arrive à convaincre le Prince électeur de lui donner le poste convoité en associant sa fonction de chanteur et de maître de chapelle : deux emplois pour le même prix.

D’autant que pour arrondir ses revenus, il se lance dans le commerce de vins.

Je cite à nouveau Christine Mandon :

« La première victime a été son épouse Maria-Josepha (1714-1775) sombrant dans l’alcoolisme et finissant ses jours dans un couvent de Cologne. De cette union sont nés trois enfants […] et Johann, le père de Beethoven, né en mars 1740, le seul qui restera en vie. »

Johann sera musicien comme son père et alcoolique comme sa mère. D’ailleurs Beethoven, grand amateur de vin n’échappera pas à cette addiction.

Jeune, il suit une classe préparatoire au Collège des Jésuites. Puis, il devient soprano à la Chapelle de la Cour, à l’âge de douze ans. Par la suite, Johann est musicien de la Cour.

Il se marie le 12 novembre 1767 à l’église Saint Rémy de Bonn avec Maria Magdalena Keverich (1746-1787) contre l’avis de son père. Elle était fille d’un chef cuisinier et déjà veuve à 21 ans d’un valet de chambre de l’électeur de Trêves. Ludwig l’ancien considéra que ce n’était pas un bon parti pour le fils du maître de chapelle et il refusa d’assister au mariage.

Ludwig est le deuxième de leurs sept enfants, dont trois seulement atteignent l’âge adulte : lui-même, Kaspar-Karl (1774-1815) et Johann (1776-1848).

Même si les relations entre Ludwig et son père sont bien plus complexes que la violence d’une éducation caricaturée à l’extrême par certains biographes, la vie de Johann ne fut pas un exemple de tempérance et de rigueur. Son alcoolisme dégrada peu à peu ses capacités à assumer ses obligations familiales et Ludwig van Beethoven dut assumer de plus en plus les charges de la famille grâce à son talent de musicien.

Christine Mondon précise que jamais Beethoven ne se plaindra de son père et qu’il lui sera toujours reconnaissant de l’avoir initié à la musique. :

«Un document manuscrit permet de constater sa reconnaissance : il s’agit d’une copie effectuée par son père d’une partition de C.P.E. Bach qu’il aimait chanter et où Ludwig inscrit : « Écrit par mon cher père. »»
Beethoven l’incomparable page 19

Comme œuvre aujourd’hui je propose d’aborder le cycle le plus remarquable de Beethoven, celui des quatuors à cordes. Il faut bien sur débuter par les premiers :

<Andante cantabile con variazioni> du quatuor à cordes opus 18 N°5 joué par le Quatuor Emerson.

Et pour écouter le quatuor dans son intégralité voici la version lumineuse du <Quatuor Alban Berg de Vienne>

<1508>

Lundi 14 décembre 2020

« La trahison du biographe de Beethoven. »
La biographie d’Anton Schindler a fait longtemps autorité jusqu’à ce que l’on constate qu’il y avait des falsifications.

Quand on lit plusieurs récits sur une personne et que ces différents récits sont identiques, il y a deux hypothèses : la première c’est que ce qui est relaté constitue la vérité, la seconde est que tous ces récits se fondent sur une source unique qui a initié le récit.

Beethoven a eu une enfance très malheureuse. Son père ayant cru percevoir en lui un nouveau petit Mozart a voulu faire de lui un singe savant. Pour ce faire, il l’astreignait avec beaucoup de violence à des leçons de piano qu’il lui prodiguait. Souvent, il était ivre et rentrait alors à la maison le soir, réveillait le petit Ludwig qui dormait et l’obligeait alors à jouer du piano en le frappant chaque fois qu’il commettait une erreur.

Quand j’étais étudiant en droit, au début des années 1980, la question de l’avortement, malgré la Loi Veil, était encore très présente.

Un professeur de droit nous a raconté une histoire : Un professeur de médecine faisait cours devant un amphithéâtre d’étudiants en médecine. Et il a proposé à ses élèves de donner leur opinion sur le cas d’une femme enceinte qui serait venu le voir en consultation. Le professeur énumère alors la liste des maladies de la mère et aussi du père, tout en décrivant la situation sociale du couple. Et il pose la question à ses élèves, si cette femme vous demande s’il était sage d’avorter que lui répondriez-vous ? La réponse de la salle fut très majoritairement pour le conseil d’avorter. Et… à ce moment-là le professeur triomphant annonce : « Vous venez de tuer Beethoven ! ».

J’ai entendu cette histoire à la même époque, à la radio.

Je ne sais pas si elle est exacte et si vraiment un professeur de médecine s’est livré à cette mise en scène.

De toute façon cette histoire ne dit rien de pertinent sur l’avortement, mais dit tout sur l’image véhiculée par des années de récit sur Beethoven et sa famille.

Récemment j’ai lu un livre écrit par plusieurs auteurs et notamment par l’historienne Elisabeth Brisson : « Beethoven  et après ».

Une des parties écrites par Elisabeth Brisson : « Les enjeux d’une biographie » m’a appris comment un homme qui avait été, lors des derniers mois de la vie de Beethoven son secrétaire, a joué un rôle trouble dans l’élaboration du récit de la vie de Beethoven.

Très rapidement après la mort de Beethoven, le 26 mars 1827, il est apparu essentiel à l’entourage de Beethoven d’écrire une biographie du « grand homme ».

Au départ le projet est entre les mains de Stephan von Breuning qui est le tuteur de Karl, le neveu que Beethoven avait adopté à la suite de la mort de son frère, et qui est donc exécuteur testamentaire puisque Karl est l’héritier.

Mais un autre personnage est immédiatement intervenu, cet homme est Anton Schindler qui était le secrétaire de Beethoven, c’est en tout cas lui qui est resté le plus continuellement près de Beethoven lors des derniers mois de sa vie.

Anton Schindler, né en Moravie, était venu à Vienne faire des études de droit et il est devenu clerc de notaire. Mais parallèlement il se consacre à la musique et joue du violon. C’est en 1814, alors qu’il a 19 ans, qu’il rencontre Beethoven dont il devient le secrétaire bénévole dès 1822 (vivant même dans la maison du compositeur).  Après une brouille de deux ans qui débute en mai 1824, Schindler réintègre le cercle des amis du compositeur jusqu’à la mort de ce dernier, donc de 1826 à 1827.

C’est donc Stephan von Breuning et Anton Schindler qui après concertation décidèrent de répartir la nombreuse documentation de Beethoven en vue d’écrire une biographie entre les trois personnes qui étaient, selon eux, les plus proches de Beethoven, c’est-à-dire eux deux et Franz Wegeler, l’ami de jeunesse à Bonn. C’est à ce dernier que revenait de rassembler et de trier les informations sur la période de Bonn. Anton Schindler ferait la même chose pour la dernière période de 1814 à 1827 et Stephan Breuning s’occuperait de la période médiane.

Et suite à ce travail, il était prévu de confier le travail d’écriture de la biographie à un écrivain spécialisé dans le monde musical.

Ce plan ordonné allait se heurter à une première difficulté Stephan Breuning meurt le 14 juin 1827, soit moins de 3 mois après la mort de Beethoven. l

Elisabeth Brisson précise que Schindler :

« n’a été proche de Beethoven qu’en 1823 et 1824, avant les quelques mois de fin 1826, début 1827 »

Schindler entend cependant bien tenir un rôle éminent dans l’élaboration de la biographie de Beethoven et en retirer gloire et quelques revenus substantiels.

Or, le nouveau tuteur de Karl qui prend la place de Stephan von Breuning est beaucoup moins bien disposé à son égard et par voie de presse appelle tous ceux qui ont connu Beethoven à envoyer leurs témoignages et à contribuer à une souscription destinée à une biographie.

Cette initiative n’est pas du goût de Schindler qui va désormais user de tous les moyens pour convaincre tous les éditeurs que c’est lui qui détient les clés de la biographie. Il va dérober des documents, utiliser les premiers travaux de Wegeler et se vanter que c’est lui qui possède les documents et objets de Beethoven les plus importants pour sa biographie. Il décide d’écrire lui-même la biographie, sans passer par un professionnel. Il ne dit rien de ses intentions à Wegeler ni qu’il utilise déjà les écrits que ce dernier lui a fait parvenir. Parallèlement il fait de nombreuses conférences pendant lesquelles il présente sa vision de Beethoven.

Finalement, Wegeler au bout de plusieurs années commence à se méfier puis à comprendre le rôle trouble de Schindler. Il va tenter alors d’écrire une biographie avec un élève et autre proche de Beethoven. Biographie qui sera publié en 1838, 11 ans après la mort de Beethoven.

En raison de ses manœuvres et de la réputation qu’il était arrivé à se faire sur la place de Vienne Schindler parvient à convaincre que cette biographie n’est pas sincère car elle contredit en plusieurs points ce qu’il affirmait dans ses conférences.

Finalement, Schindler va sortir une première biographie en 1840 puis de nouvelles versions en 1845 et 1860 qui vont s’imposer comme la biographie de Beethoven.

Et pendant plus de 100 ans des livres parlant de Beethoven vont reprendre telles quelles les affirmations et le récit de Schindler, jusqu’à ce que de vrais historiens revenant aux témoignages et aux documents primaires vont émettre de sérieux doutes.

Aujourd’hui, il apparait que Schindler a falsifié des documents de Beethoven, notamment les cahiers de conversation qui permettaient à Beethoven de communiquer avec ses interlocuteurs malgré sa surdité. Il a ainsi ajouté du texte à ces cahiers et il semble même qu’il ait détruit plusieurs de ces sources précieuses d’informations sur Beethoven.

C’est pourquoi beaucoup de propos de Beethoven qu’on a répétés à l’envi sont aujourd’hui remis en question.

Le fameux « pom pom pom » du début de la cinquième symphonie qui serait « le destin qui frappe à la porte » c’est du Schindler, est ce que c’est du Beethoven ? nul ne le sait.

Elisabeth Brisson conteste surtout la vision doloriste de l’enfance de Beethoven et le mythe du Beethoven républicain :

« Fausses anecdotes et vision doloriste de Beethoven côtoyant celle du Beethoven républicain se sont transformées en clichés qui ont la vie dure […] l’attribution à Beethoven d’une pensée politique républicaine alors qu’il n’a cessé de chercher l’appui de mécènes aristocrates et de souverains ou l’image d’un enfant battu, choyé par la haute société de Bonn, accablé par un terrible destin, abandonné de tous et offrant sa vie pour sauver l’humanité auquel il apporte la Joie…Les échos de cette vision héroïque, construite de toutes pièces, se retrouvent dans les monuments, érigés en l’honneur de Beethoven à Bonn en 1845, puis à Vienne en 1878, comme dans la « Vie de Beethoven » par Romain Rolland publiée en 1903 »
Page 100

Quand un biographe trahit comme l’a fait Schindler, le problème est que l’on ne sait plus si ce qui est dit est vrai ou faux. Tout ce que Schindler a écrit n’est pas faux, mais on ne sait pas le déterminer, en l’absence d’autres sources. Dés lors, tout ce qu’il écrit devient suspect, peu fiable, on ne peut pas se fonder sur ses écrits.

Mon père aimait répéter que Beethoven aurait dit : « Je préfère un arbre à un homme ». Je ne suis plus certain que cette phrase fût prononcée un jour.

Et même l’enfance de Beethoven et notamment sa relation avec son père devient sujet à polémique.

Ce n’est pas que le père de Beethoven ne fut pas très sévère et même violent.

Mais comme je l’ai écrit dans la série consacrée à Camus, la violence à l’égard des enfants fut longtemps la norme.

Pour autant des découvertes récentes notamment une lettre que Beethoven a écrit en 1795, à son ami de Bonn Heinrich von Struve qui l’informait de la mort de sa mère, lui révélait combien la mort de sa mère mais aussi de son père l’avait touchées et que

« La disparition d’un des membres de famille a rompu l’harmonie d’un tout »
Cité par Elisabeth Brisson dans « Beethoven et après » page 30

Il faut donc se méfier de ce que l’on raconte sur Beethoven, tout n’est pas vrai et le problème vient de loin… du début.

Et comme j’ai parlé du « Pom pom pom » de la 5 ème symphonie que tout le monde connait je vous propose le mouvement lent de cette symphonie :

<Andante moto de la 5ème symphonie> par l’Orchestre Philharmonique de Berlin et Karajan. Et si vous voulez la voir en entier, je vous propose toujours Karajan mais avec en plus un intérêt cinématographique, car c’est le cinéaste français Henri-Georges Clouzot qui a filmé et cela donne un résultat visuel très étonnant tout en n’enlevant rien à la qualité de l’interprétation : <La 5ème par Karajan filmé par Clouzot>

<1507>

Vendredi 11 décembre 2020

« Beethoven est le premier [musicien] à avoir mis l’homme au centre. »
François-Frédéric Guy

Hier j’abordais le monument qui se dresse sur le monde de l’art et de la musique.

Aujourd’hui je voudrais parler de l’humanité de Beethoven.

Pour ce faire, je vais faire appel à un pianiste français qui a exprimé avec des mots simples l’expérience que je peux vivre avec Beethoven.

La Radio-Télévision Belge et notamment sa chaîne Musiq3 a consacré plusieurs émissions à Beethoven qu’elle a appelé le <feuilleton Beethoven> qui compte dix épisodes d’une heure chacun.

Le premier épisode donne la parole à François-Frédéric Guy qui présente Beethoven ainsi :

«Beethoven est le premier, j’en suis certain, à avoir mis l’homme au centre, l’idéal humain, c’est-à-dire l’homme au sens de la transcendance, l’homme au sens de l’humanité.

Transcender les différences, transcender les cultures, et puis faire que le genre humain cette fameuse « Brüderei » ; la fraternité qui caractérise l’œuvre de Beethoven [soit] mise au centre.

Il y a eu des génies avant Beethoven, évidemment ! Je parle uniquement musicalement : on peut citer Bach, Haendel, Mozart, Haydn, mais Beethoven est le premier à mettre l’homme au centre.
Et non pas à glorifier un Dieu qu’on espère immense, solaire à l’image de ce qu’a fait Bach ou Haendel et même Mozart dans un certain sens. Mozart avait ce lien divin, il existe des manuscrits de ses œuvres presque sans aucune rature, il avait ce côté et on disait mais ce n’est pas l’œuvre d’un homme, c’est l’œuvre d’un Dieu.

Alors que Beethoven c’est tout le contraire. […] C’est un travailleur laborieux. Il met beaucoup de temps à trouver son thème, à lui donner sa forme.

Il barbouille inlassablement ses carnets qu’il a toujours sur lui pendant ses nombreuses promenades pour arriver finalement à l’épreuve finale.

Donc c’est l’homme, c’est le labeur et en même temps la glorification de l’homme, de tous les sentiments humains qui sont exprimés.

Je tiens vraiment à le dire, c’est le premier qui ose. Avant on parle de la divinité, on parle de Dieu, on parle des grandes choses, mais Beethoven parle de l’homme. Il parle aussi de ses turpitudes, ses vicissitudes, ses désespoirs, ses petitesses, autant que de sa mystique, de sa grandeur, de ses aspirations au divin. A surpasser sa condition pour arriver à un idéal humain. Et cela c’est vraiment la définition de l’œuvre de Beethoven.

Et arriver à exprimer cela avec des symboles, des notes de musique sur un papier, moi je trouve cela exceptionnel, probablement unique.
François-Frédéric Guy de 6:38 à 8:45 de l’émission

Vous trouverez cet épisode derrière ce lien : <Episode 1>

C’est peu dire que Beethoven écrivait sa musique avec des ratures et des corrections.

Mais ce qui me semble essentiel dans ce qu’exprime François-Frédéric Guy, c’est en effet, l’abandon de la divinité pour parler de l’essentiel, de la vie, des émotions.

Pour évoquer la profondeur de l’être Beethoven se tourne résolument vers l’homme et l’humanisme.

Dieu, il le cherchait dans la nature, c’était un panthéiste qui quelquefois faisait quelques concessions, de savoir vivre en société, à la religion dominante catholique. Il a ainsi écrit deux messes sur le texte canonique.

Mais dans ses carnets intimes, Beethoven écrivait en 1812 :

« Car le sort a donné à l’homme cette faculté : le courage de tout supporter jusqu’à la fin » (29)

Nulle question du Dieu des chrétiens dans cette affirmation.

En 1815, il écrivait :

« Dieu des forêts, Dieu tout-puissant ! Je suis béni, je suis heureux dans ces bois, où chaque arbre me fait entendre Ta voix. Quelle splendeur, oh Seigneur ! Ces forêts, ces vallons respirent le calme, la paix, la paix qu’il faut pour Te servir ! » (58)

Et en 1816 :

« Ne nous réfugions pas dans la pauvreté pour nous prémunir contre la perte de la fortune ; ne nous privons pas d’avoir des amis pour nous épargner la douleur de les perdre ; ne craignons pas, enfin, d’engendrer des enfants dans la crainte que la mort ne nous les ravisse. Trouvons un préservatif à ces maux dans notre seule raison. » (88)

Trouvons dans notre seule raison…

Il lui arrivait de faire appel à Dieu, mais ce n’était jamais le Dieu dont parlait l’Église catholique.

C’est donc bien l’humain ; l’humanité qui était son horizon, avec sa grandeur et ses faiblesses.

Et c’est de cela qu’il parle dans ses œuvres.

Il y a bien sûr des œuvres de circonstances et même de l’humour, nous y reviendrons certainement. Mais quand il nous touche au plus profond, ce sont les cordes humaines qui sont en nous qui vibrent, l’émotion du miracle de la vie.

Dans l’ouvrage « Beethoven » paru dans la collection Génie et Réalités de Hachette, déjà cité hier, une des parties est rédigée par Jules Romain, l’écrivain inoubliable de « Knock ». Le chapitre qui lui ait réservé a pour titre « Beethoven tel qu’en lui-même »

Il écrit :

« Beethoven est à l’origine d’une innovation beaucoup plus considérable, qui eut pour effet une élévation de la musique quant à sa fonction spirituelle et à sa dignité. […]. Mais l’on peut soutenir, en gros, qu’avec Beethoven la musique se met au niveau des témoignages les plus élevés que l’âme humaine peut donner d’elle-même. […] Avec Beethoven, c’est la première fois que la musique partage avec la grande poésie et la philosophie la tâche et l’honneur de prononcer librement sur le monde, sur la place et la destinée de l’homme. […] Tout se passe, dans des cas privilégiés, comme si le discours musical allait éveiller dans l’âme de l’auditeur, par résonance, des pensées de même espèce que celles qui ont été à l’origine de ce discours. Sans doute, faut-il que l’âme de l’auditeur soit capable de les accueillir ; ou mieux, de les découvrir au fond d’elle-même ; autrement dit, de traduire en pensées plus ou moins distinctes ou radicalement ineffables, mais pareillement issues de ces profondeurs, le rayonnement modulé qu’elle reçoit. »
Beethoven, Hachette, Collection « Génies et Réalités » Page 251-252

Les mots sont bien fragiles et imparfaits pour décrire cette expérience.

Il faut se tourner vers la musique pour comprendre, ressentir pour comprendre.

Aujourd’hui je ne peux que vous proposer une œuvre de Beethoven jouée par François Frédéric Guy qui en est un interprète remarquable.

Il joue, dans un bis, <L’Adagio Cantabile> de la 8ème Sonate de piano opus 13 appelée « Pathétique ». Il s’agit du deuxième mouvement.

Et si vous avez encore quelques minutes …

Ce bis concluait son interprétation du concerto de piano N°5 « L’empereur » avec l’orchestre Philharmonique de radio France dirigé par Philippe Jordan. Les 3 mouvements sont en ligne. Mais pour entendre le mieux l’humanisme s’exprimer par des notes, il faut toujours aller vers les mouvements lents. Nul artifice pour faire briller, il n’y a que l’émotion à faire partager. C’est dans ces moments qu’on entend ce que le compositeur est capable d’exprimer et ce que le musicien est en mesure de communiquer :

< Adagio Un Poco Mosso du concerto N° 5 opus 73>

<1506>

Jeudi 10 décembre 2020

« Beethoven : sans lequel la musique de notre temps ne saurait exister »
Jean Barraqué

Ludwig van Beethoven a été baptisé le 17 décembre 1770 à Bonn. Il est né à cette date ou avant cette date. On ne connait pas la date exacte, parce qu’à cette époque les registres de naissance étaient tenus par l’Église. Et, ce qui intéressait l’église était l’accueil de l’enfant au sein de la communauté des croyants, donc le baptême et non la naissance du corps physique.

Ce que nous savons c’est qu’à cette époque, la croyance religieuse imposait de baptiser très rapidement l’enfant, car le pire était à craindre si l’enfant devait mourir avant d’avoir connu le sacrement de l’église. Or la mortalité infantile était très importante. C’est pourquoi les historiens sérieux écrivent que Beethoven est né le 15 ou le 16 décembre 1770. Il est même possible qu’il soit né le jour de son baptême.

Toujours est-il que c’était donc il y a un quart de millénaire. Et c’est pourquoi, je me lance dans une nouvelle série pour parler de Beethoven, essayer d’approcher ce monument pourtant si profondément humain.

Comment faire ? Comment débuter pour aborder ce géant de la musique et de l’Art ?

Bonn a érigé une statue à son enfant le plus célèbre. Une photo montre cette statue en 1945 après que les alliés aient bombardé la ville et ont en fait un monceau de ruines. La statue de Beethoven était restée debout.

Ce monument Beethoven est une grande statue en bronze qui se dresse sur la Münsterplatz à Bonn et a été inauguré le 12 août 1845, en l’honneur du 75e anniversaire de la naissance du compositeur.

Quand il y eut en 1972, l’attaque terroriste contre les athlètes israéliens lors des jeux olympiques de Munich, il fut décidé malgré le deuil de continuer. Le Président du CIO, Avery Brundage déclara : « The Games must go on » et on joua Beethoven pour essayer d’apaiser et donner la force de continuer. Je ne dis rien sur cette décision de continuer mais sur le fait qu’il est apparu naturel de jouer une œuvre de Beethoven, en l’occurrence je m’en souviens il s’agissait de l’Ouverture d’Egmont et non de la marche funèbre évoquée par l’article vers lequel je renvoie.

Et ce n’est pas qu’en Allemagne. Quand la France fut assaillie par les terribles attentats du 13 novembre 2015, que des fous de Dieu, des terroristes islamistes tirèrent avec des armes de guerre dans les rues de Paris et dans la salle du Bataclan, il fut décidé de se recueillir lors d’une cérémonie <aux Invalides> et … :

« La cérémonie d’hommage est ponctuée par la musique de l’orchestre de la Garde républicaine et du chœur de l’Armée française qui interprètent, pendant l’arrivée des familles et des personnalités, la « marche funèbre » (deuxième mouvement) de la 3e symphonie, puis le deuxième mouvement de la 7e symphonie de Ludwig van Beethoven »

Il y eut aussi d’autres œuvres, mais spontanément et pour commencer on pensa à Beethoven, debout, au milieu des ruines.

Beethoven est aussi associée à des moments plus euphoriques. Pour la chute du mur de Berlin on joua la 9ème symphonie et Bernstein remplaça le mot « Freude », « joie » par « Freiheit » « liberté » mais cela je l’ai déjà raconté lors du mot du jour sur la dernière symphonie de Beethoven.

Je suis né dans une famille de musiciens et dès mon enfance le nom de Beethoven était un nom familier, le nom du compositeur, du musicien par excellence. Que ce soit mon père dont c’est l’anniversaire de sa naissance aujourd’hui, mon oncle Louis ou mon frère Gérard, le mot de Beethoven était toujours prononcé avec déférence et l’évidence que c’était le plus grand.

Cette évidence a été un peu remise en question ces dernières décennies.

Ainsi, Nikolaus Harnoncourt, ce musicien disruptif qui a révolutionné l’interprétation des œuvres baroques puis classiques, répondait au questionnaire de Proust en décembre 2009. A l’interrogation : « Vos compositeurs préférés ? », il répondit :

« Bach et Mozart. »

Et devant l’étonnement du journaliste Gaétan Naulleau : « Pas Beethoven ? », il expliqua  :

« C’est un des très très grands créateurs, soit. Mais si vous prenez tous les grands compositeurs, côte à côte, vous voyez deux têtes qui dépassent. Deux seulement. »
Rapportés dans le Magazine Diapason N° 645 d’avril 2016 page 27

Je me suis exprimé plusieurs fois sur la vacuité de vouloir établir, à l’égal d’une compétition sportive, un classement dans le monde de l’art et des créateurs.

Pourtant cette affirmation d’Harnoncourt m’a choqué.

Que l’on associe Bach, Mozart et Beethoven dans un panthéon de la musique me parait assez sage. Mais qu’on en dissocie Beethoven pour dire qu’il ne fait pas partie des têtes qui dépassent me semblent une erreur de jugement assez étonnante.

Jean-Sébastien Bach fut immense, il a poussé la musique à des sommets de beauté et d’équilibre qui semblaient inaccessibles mais en restant dans les codes de l’académisme musical.

Wolfgang Amadeus Mozart fut simplement divin, sa capacité d’inventer des phrases musicales inattendues, de créer une tension dramatique dans ses opéras, de faire jaillir, à partir de quelques notes, une beauté ineffable, étaient uniques. Mais lui aussi est resté dans les formes et normes qu’on lui avait apprises.

Bref, on composait de la musique de la même façon avant et après Bach, avant et après Mozart. Rien de tel pour celui dont nous fêtons les 250 ans, il y eut un avant et un après Beethoven.

Au cœur de l’œuvre de Beethoven il y a trois grands cycles qui ont révolutionné la musique et la manière de composer :

  • Les 9 symphonies
  • Les 32 Sonates pour piano
  • Les 16 Quatuors à cordes

Il écrivit bien sûr d’autres œuvres sublimes des concertos de piano, le concerto de violon, les sonates pour violoncelle et violon, la Missa Solemnis et les étonnantes Variations Diabelli etc…

Mais pour les symphonies, les sonates de piano et les quatuors il y eut encore plus clairement que pour les autres, un Avant et un après.

Il est connu que Brahms n’osa pas composer de symphonie parce qu’il pensait qu’il n’arriverait pas à écrire de telles œuvres après lui. Il attendit l’âge de 40 ans pour oser la première.

Avant il disait :

« Je ne composerai jamais de symphonie ! Vous n’imaginez pas quel courage il faudrait quand on entend toujours derrière soi les pas d’un géant [Beethoven] ! »
Propos tenus par Brahms au chef d’orchestre Hermann Levi en 1872.

Franz Schubert, cet autre génie se sentait trop petit pour oser l’approcher.

Franz Liszt, immense virtuose du piano, fut un des premiers en capacité technique de jouer les pièces pour piano d’une incroyable difficulté. Dans un élan de passion dont il était capable, il déclara :

« Pour nous musiciens, l’œuvre de Beethoven est semblable à la colonne de nuée et de feu qui conduisit les Israélites à travers le désert – colonne de nuée pour nous conduire le jour – colonne de feu pour nous éclairer la nuit afin que nous marchions jour et nuit. »
Franz Liszt trouvé sur le site de France musique

Son gendre Richard Wagner avait aussi une relation très reconnaissante, je dirai de disciple, à l’égard de Beethoven. C’est tout naturellement qu’il décida que la première œuvre qui serait jouée pour inaugurer son temple théâtre de Bayreuth serait la 9ème symphonie de Beethoven. Il consacra, aussi, un livre au maître pour le centenaire de sa naissance, en 1870, et écrivit dans sa lettre sur la musique :

« La symphonie de Beethoven se dresse aujourd’hui devant nous comme une colonne qui indique à l’art une nouvelle période. »
Richard Wagner cité par Classica de Décembre 2019 – Janvier 2020 page 45

Et Berlioz entraîna les français dans un culte tout aussi lyrique :

« Les Grecs avaient divinisé Homère, tant que Beethoven n’aura pas son temple, on méritera le nom de barbares qu’ils nous avaient donnés ».
cité par Classica de Décembre 2019 – Janvier 2020 page 44

La Société des concerts du conservatoire à Paris fut fondée en 1828. Cette institution avec son premier chef François-Antoine Habeneck se constitua en véritable temple dédié à l’œuvre du maître de Vienne né à Bonn. Il réunissait un public socialement bigarré mais uni par une même ferveur écrit ce même magazine.

Ce culte débuta du vivant du compositeur. Les contemporains de Beethoven avaient pleinement conscience qu’un génie musical vivaient au milieu d’eux. Et cela même si toutes ses œuvres, notamment les plus novatrices et que la postérité classe tout en haut des chefs d’œuvre de la musique, n’étaient pas comprises et appréciées à leur juste valeur.

« L’impact de la musique de Beethoven fut immédiat et durable. Aucun autre compositeur, ne connut de son vivant une telle gloire, à l’exception peut-être de Wagner. »
Bertrand Dernoncourt, Classica-Répertoire Novembre 2007, page 40

La vérité historique montre que Beethoven fut déjà un mythe de son vivant :

« De son vivant, Beethoven était déjà un mythe, ce que l’on appellerait aujourd’hui un compositeur « culte ». Si cela n’avait pas été le cas, cet homme que certaines légendes, nous ont montré pauvre et isolé, n’aurait pas été accompagné à sa dernière demeure par une foule immense – On parle de 20 000 personnes. »
Jacques Bonnaure – Classica octobre 2016 page 54

Finalement Nikolaus Harnoncourt a exprimé une autre perspective après avoir enregistré l’intégrale des symphonies, avec l’Orchestre de Chambre d’Europe. Interprétation qui a été encensée par l’ensemble des critiques, alors que je la trouve, parfois, un peu brutale . Le magazine Harmonie l’avait alors interrogé et il disait :

« Mon approche vient de Haydn et Mozart mais Beethoven est absolument personnel, et différent de l’un comme de l’autre. Il franchit un palier. J’ai longtemps fait la grande erreur de juger la qualité et l’intensité de Beethoven avec des critères issus de Mozart ou Haydn. Mais la mesure de Beethoven est autre, il ne suit pas les traces de Mozart et de Haydn : cette dimension qui représente une réelle coupure, fait toute la grandeur et la spécificité de sa musique »
Harmonie Propos recueillis par Remy Louis

Mais si Harnoncourt vient de la musique ancienne vers Beethoven, il faut plutôt lire les musiciens contemporains pour percevoir ce qu’ils doivent à Beethoven.

C’est le cas d’André Boucourechliev qui parla de :

« La puissance subversive d’un des artistes les plus inépuisablement actuels du monde »

Ce compositeur qui décéda en 1997 avait consacré un livre célèbre à « Beethoven » paru, en 1963, dans la collection Solfège et republié. Ce livre commence ainsi

« De tous les créateurs dont les chefs-d’œuvre défient le temps et modèlent le visage de notre civilisation, Beethoven est sans doute celui que chacun de nous a recréé pour son propre compte avec le sentiment de la plus absolue certitude. Universellement reconnu dans l’évidence de son génie et de sa grandeur morale, il appartient à tous, et à chacun diversement. Son œuvre livre à chacun un message particulier, un secret propre, et l’homme lui-même exalte une idée, une mesure de l’homme exemplaires. Au-delà du musicien, Beethoven est devenu un symbole, ou mille symboles exaltants, exaltés, contradictoires. Tradition et révolution, justice et oppression, volonté et désespoir, solitude, fraternité, joie, renoncement ont élu comme signe ce même homme, cette musique. Toutes les idéologies, toutes les morales, toutes les esthétiques lui ont dressé leurs monuments, lui ont dédié leurs épigraphes, consacré leurs ouvrages savants. […] Plus que toute autre, l’œuvre de Beethoven possède le don de la migration perpétuelle, et rend un sens au mot galvaudé d’« immortelle ». Ce privilège est celui de l’esprit moderne. »

J’aurai pu choisir comme exergue de ce premier mot sur Beethoven : « […] Plus que toute autre, l’œuvre de Beethoven possède le don de la migration perpétuelle, et rend un sens au mot galvaudé d’« immortelle ».

J’aurais aussi pu puiser dans cette description d’André Jolivet (1905-1974)

« Alors que la musique se manifeste par un Lully, un Bach ou un Mozart, Beethoven, lui agit sur la musique. Sa mélodie devient un geste sonore, son œuvre un acte. La production de Beethoven marque une étape de la pensée humaine. Depuis la Renaissance, l’Art se dénaturait, il devenait « Beaux-Arts ».

Beethoven brise cette évolution et, magnifiant l’humain, retrouve le sens du sacré. Cet homme vit pleinement son époque, il s’intègre à l’histoire de son temps. Mais déjà il annonce ce que Berlioz et Wagner issus de lui, puis Debussy, prépareront pour leurs héritiers du XXème siècle : le retour au sacré.»
Beethoven, Hachette, Collection « Génies et Réalités » Page 199

Mais je préfère finalement la formule simple et juste d’un autre compositeur, Jean Barraqué (1928-1973)  :

« Beethoven : sans lequel la musique de notre temps ne saurait exister »
cité par Classica de Décembre 2019 – Janvier 2020 page 45

C’est probablement par les ruptures qu’il a créées et les ouvertures des champs du possible que son monument artistique est le plus exceptionnel.

Pour finir ce premier mot de la série je propose une œuvre de piano : <3ème mouvement de la sonate « tempête » par Sviatoslav Richter>

Et pour replacer ce mouvement dans son contexte : <Daniel Barenboïm joue la sonate N°17 « la tempête » dans son intégralité>

<1505>

Vendredi 4 décembre 2020

« J’ai parfois, l’impression que lorsqu’on parle de soi, on fait une sorte de cadeau aux autres en leur disant : vous voyez vous n’êtes pas seul »
Anne Sylvestre

Il n’était pas dans mes projets d’écrire tout de suite un nouveau mot du jour consacré à cette enchanteresse des mots et des chansons.

Mais voilà, un vieil homme est mort, il avait été élu président de la république il y a 46 ans, je n’avais pas encore le droit de vote. C’était il y a donc très longtemps.

Et puis hop, toute l’espace médiatique ne parle plus que de lui, il n’y a plus de place pour la chanteuse de « J’aime les gens qui doutent »

J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer
J’aime les gens qui disent et qui se contredisent et sans se dénoncer
J’aime les gens qui tremblent, que parfois ils ne semblent capables de juger

Marc m’a écrit pour me dire qu’il aimait aussi la version de Vincent Delerm : <Ici il la chante avec Jeanne Cherhal, et Albin de la Simone>

Ce n’est pas que celui qui jouait de l’accordéon à l’Elysée fut un homme sans qualité.

Je lui consacrerai peut-être des mots du jour, mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui je veux continuer d’évoquer celle qui a écrit la chanson que ma belle-maman adorait comme me l’a révélée Annie : <Clémence en vacances>

Clémence, Clémence
A pris des vacances
Clémence ne fait plus rien
Clémence, Clémence
Est comme en enfance
Clémence va bien

Elle n’avait jamais fait la Une des magazines

Parce que vous comprenez, ce n’est pas juste !

Cette fois, l’hommage était unanime, tout le monde avait enfin reconnu son talent, tout le monde l’aimait.

Alors Paris-Match, l’Express et tous les autres prévoyaient de mettre l’auteure d’une « sorcière comme une autre » en couverture. Christiane nous a envoyé un lien vers une interprétation de <Pauline Julien>

Mais pour les couvertures, c’est raté !

Nous verrons sur les couvertures le crâne dégarni du châtelain de Chanonat qui s’est retiré dans l’Aveyron.

Alors moi j’ai continué à chercher des vidéos sur internet

Et j’ai trouvé, Patrick Simonin qui l’avait interviewé <Sur TV 5 Monde>; Elle avait 63 ans et fêtait les 40 ans de scène.

Lors de l’émission elle a dit :

« [Mes chansons] c’est la vie, c’est les gens qui m’intéressent.

Ce qui leur arrive. Ce qu’ils disent, qu’ils vivent.

Quand on parle de soi, on parle des autres.

J’ai parfois, l’impression que lorsqu’on parle de soi, on fait une sorte de cadeau aux autres en leur disant : vous voyez vous n’êtes pas seul.

Je me considère un peu comme une sorte d’écrivain public.

Parce qu’il se trouve que j’ai un don de dire les choses.

Alors je dis peut-être les choses à la place d’autres qui ne trouvent pas les mots. »

Et puis j’ai trouvé une trace encore plus ancienne : <Radioscopie de Chancel en 1978>

Et puis ce duo avec Pauline Julien cité ci-avant : < <Rien qu’une fois>

Dans une interview que j’ai regardé, elle reprochait au journaliste de ne parler que de ces chansons sérieuses, alors qu’elle a écrit beaucoup de chansons pleines d’humour.

Et j’ai trouvé son jubilé des 50 ans de scène <Concert au Trianon – 2007> et c’est vrai qu’elle est très drôle

Dans ce spectacle elle chante notamment : <Ça ne se voit pas du tout>

François Busnel l’avait reçu à la Grande librairie parce qu’elle venait d’écrire <Coquelicot> un livre sur ses mots préférés. Ce même soir Daniel Pennac était invité aussi. Vous apprendrez le sens du verbe : « débarouler »

Et puis il y a les cinq émissions de Hélène Hazéra « A voix nue » qui datent de 2002.

Et pour finir un autre moment d’humour : < Petit bonhomme >

<1502>

Jeudi 03 décembre 2020

« Juste une femme ».
Anne Sylvestre, titre d’une chanson et d’un album

Aujourd’hui, je ne saurais parler que d’Anne Sylvestre.

J’aurais pu connaître ses fabulettes, alors que j’étais enfant puisque le premier album est paru en 1962, j’avais quatre ans.

Mais il n’en fut pas ainsi, je l’ai connue alors que j’étais devenu père et que j’écoutais ces merveilles avec mes enfants.

Ces chansons sont toujours des histoires qu’elle raconte avec malice « Le Toboggan », avec du vécu « Les Sandouiches Au Jambon », pédagogie familiale « Cécile et Céline », naturaliste « Tant De Choses », poésie « Balan Balançoire », lumineuse « La Petite Rivière ».

Les paroles sont simples, compréhensibles par des enfants mais les phrases ont du sens et expliquent les choses de la vie.

Je prends l’exemple de cette chanson « Je t’aime » :

Ce sont les mots les plus doux
Comme deux bras autour du cou
Comme un grand rayon de soleil
Ce sont des mots Merveille
Ce sont des mots légers, légers
Un papillon qui vient voler
Pour faire plaisir à une fleur
Ce sont des mots Douceur

Ce sont des mots tout ronronnants
Comme le chat quand il est content
Comme le duvet d’un poussin
Ce sont des mots Câlin
Ce sont des mots qui tiennent chaud
Comme la laine sur le dos
Comme une lampe dans le noir
Ce sont des mots Espoir

Ce sont des mots qu’on peut garder
Dans son cœur toute la journée
On peut les dire et les redire
Ce sont des mots Sourire
Ce sont les mots les plus précieux
C’est la prunelle de tes yeux
Tu n’entendras jamais les mêmes
Ecoute bien: je t’aime

Mais c’est encore plus tard que j’ai appris qu’Anne Sylvestre n’était pas qu’une chanteuse pour enfants bien qu’elle fut « fabuleuse » dans cette quête de distraire, d’enchanter et d’enseigner les enfants.

Elle était chanteuse tout simplement, chanteuse avec des textes d’une poésie, d’une profondeur et d’une force extraordinaire.

Le spécialiste de musique, Bertrand Dicale, donne un avis avec lequel je suis pleinement d’accord : « Anne Sylvestre était une des plus grandes plumes de l’histoire de la chanson »

Je lis aussi :

« On doit à cette femme des morceaux gigantesques d’intelligence et de subtilité »
Valérie Lehoux, Télérama, 17 septembre 2007.

Elle savait parler aux enfants comme aux adultes, de sujets légers et de sujets beaucoup plus durs.

Elle a toujours défendu la cause des femmes et dénoncé la violence et l’injustice dont elles étaient victimes.

Et j’ai choisi comme exergue de ce 1501ème mot du jour, le titre d’une de ses chansons « féministes » qui était aussi un titre d’album : « Juste une femme ». Et j’ai trouvé pertinent de citer des extraits de cette chanson tout au long de cet article.

« Petite bedaine
Petite sal’té dans le regard
Petite fredaine
Petite poussée dans les coins »

Cette chanson a été créée en 2013, Anne Sylvestre a presque 80 ans puisqu’elle née le 20 juin 1934 à Lyon. Elle écrit cette chanson dans la suite de « l’affaire DSK », et ne le cache pas aux journalistes qui l’interviewent alors. Elle exprime sa colère face à tous ceux qui relativisent la gravité des agressions sexuelles. Le texte d’Anne Sylvestre jette au monde l’indignation et l’exaspération qui explosera quatre ans plus tard des dizaines de milliers de femmes, lors de la déferlante #Metoo.

Mais ce n’était pas sa première chanson qu’on peut déclarer féministe : « La Faute à Eve », « La vaisselle », « Une sorcière comme les autres », et « Rose » peuvent être classés ainsi.

« C’est juste une femme
C’est juste une femme à saloper
Juste une femme à dévaluer »

Un seul mot du jour lui a été dédié jusqu’à présent. C’était lors de la série sur mai 68 et le mot du jour à la lutte pour la dépénalisation de l’avortement. Elle avait écrit en 1973 la chanson : « Non, Non tu n’as pas de nom »

J’avais pris pour exergue un extrait de cette chanson : « Ils en ont bien de la chance, ceux qui croient que ça se pense. Ça se hurle ça se souffre, c’est la mort et c’est le gouffre »

Cette chanson avait été écrite, deux ans après le manifeste publié en 1971 par Le Nouvel Observateur dans lequel 343 Françaises célèbres reconnaissant avoir avorté. L’année suivante, le « procès de Bobigny », celui d’une jeune fille ayant avorté avec l’aide de sa mère et défendue par Gisèle Halimi, fait grand bruit puis en 1973, 331 médecins déclarent publiquement avoir pratiqué des avortements, crime que la loi punit sévèrement.

Anne Sylvestre écrit l’hymne de cette lutte. Mais elle précisait que ce n’était pas une chanson sur l’avortement, mais une chanson sur l’enfant ou le non-enfant.

« Petit pouvoir, p’tit chefaillon
Petite ordure
Petit voisin, p’tit professeur
Mains baladeuses »

Elle portait une blessure intérieure.

Daniel Cordier était du côté de la France Libre et De Gaulle, le père d’Anne Sylvestre était de l’autre côté, celui de Pétain et du Régime de Vichy.

Car elle est née Anne-Marie Beugras. Son père, Albert Beugras, fut l’un des bras droits du collaborateur Jacques Doriot pendant la seconde guerre mondiale. Sauvé de justesse de la condamnation à mort à la Libération, il purgea dix ans de prison à Fresnes. Elle ne s’est libérée de ce secret que dans les années 1990. Elle le partageait avec sa sœur Marie Chaix, écrivaine et secrétaire de Barbara.

<Le Monde> dans l’hommage qu’il lui a consacré, en dit davantage :

« Marie Chaix, […] raconte, dans Les Lauriers du lac de Constance (Seuil, 1974), la fuite, lors de la débâcle allemande – « Anne, assise près de toi, muette, serrant sa poupée » –, l’arrivée semi-clandestine chez un oncle, à Suresnes (Hauts-de-Seine), la disparition de leur frère, Jean, sous un bombardement, les hommes armés qui viennent quelques jours plus tard, cherchant Albert Beugras. « Et la famille du traître. » Marie a 3 ans, Anne 10.

Longtemps Anne Sylvestre a caché son secret, refusant de dire que Marie Chaix était sa sœur : « J’avais 10 ans, la photo d’Albert Beugras était partout, des pages entières dans les journaux. C’était mon père, un père aimant. Je suis allée à son procès, maman y tenait, elle a eu raison. On m’avait mise à l’école chez les dominicaines. Mes camarades chapitrées par leurs parents, m’ont placée en quarantaine. La directrice, qui était la sœur du colonel Rémy, résistant notoire, elle-même déportée, m’a défendue et sauvée. »

[…] Elle aime les marges et déteste la droite radicale. En 1997, elle publie un album succulent, Chante… au bord de La Fontaine, douze chansons inventées à partir du fabuliste, dénonciation des loups patrons de bistrots glauques, qui font la peau du petit mouton noir et frisé qui a taggé leurs murs. « Le racisme, la banalisation de la discrimination me font froid dans le dos, et cette façon de dire : “On n’y peut rien” ! », dit-elle alors. Le spectacle est créé à La Comedia de Toulon, « en solidarité pour ce théâtre qui avait en face de lui une mairie Front national ».

Anne Sylvestre écrira une chansons paru dans l’album « D’amour et de mots », sorti en 1994. Cette chanson a pour titre «Roméo et Judith». Elle y chante ces vers

«J’ai souffert du mauvais côté
Dans mon enfance dévastée
Mais dois-je me sentir coupable»

On ne choisit pas ses parents

« Mais c’est pas grave
C’est juste une femme
C’est juste une femme à humilier
Juste une femme à dilapider »

<Libération a republié un portrait de 2019> la qualifie justement d’artiste féministe et libre. Dans cet article, le journaliste pose la question : « Mais ces chansons, elles ne sont jamais vraiment passées à la radio. Pourquoi ? ».

La réponse d’Anne Sylvestre est dubitative :

«Il ne faut pas trop faire réfléchir les gens, j’imagine.»

Les médias sont, en effet, passés grandement à côté de son immense talent. Pour ma part, je ne l’ai compris que récemment il y a environ 5 ans, après avoir entendu une émission de radio.

Alors Pourquoi ?

« Le Monde  » suggère :

« Anne Sylvestre n’a pas toujours eu la place qu’elle méritait dans la chanson française. Il est vrai qu’elle n’a pas tout fait pour. Elle n’était pas tous les jours de bonne humeur. « »

Une autre explication se trouve peut-être dans les sujets abordés par la chanteuse.

Parmi ses premières remarquables chansons, en 1959 avec « Mon mari est parti» qui est une chanson sur la guerre à l’heure où la France est aux prises avec ce qu’on appelle les «événements» en Algérie.

Et Pendant toute sa carrière, elle s’intéresse aux faits de société, et notamment à la condition des femmes, revendiquant le terme de chanteuse « féministe », qui fut parfois lourd à porter. Elle dit elle-même

« Je suppose que ça m’a freinée dans ma carrière parce que j’étais l’emmerdeuse de service, mais ma foi, si c’était le prix à payer… »

Mais l’explication qui semble la plus vraisemblable est que c’est l’immense succès des « Fabulettes » qui a vampirisé l’autre partie de son œuvre.

Elle a raconté à <France Culture> que le succès des fabulettes ont peut être joué un rôle de frein pour la réputation de sa carrière de chanteuse universelle :

« Je ne me suis pas méfié suffisamment puisque beaucoup de gens ont continué à me considérer comme une chanteuse pour enfants, sans faire attention du tout à mon répertoire qui est quand même un répertoire de chanteuse pour les “gens”, les adultes.

Ainsi, elle évoque l’anecdote de cette petite fille à qui l’on demandait de citer des chanteuses qu’elle aimait. La liste de chanteuses et chanteurs passant à la radio s’allonge. “Mais, et Anne Sylvestre que tu aimes tant ?”. La petite fille de répondre étonnée : “Oooh, mais ce n’est pas pareil, Anne Sylvestre ce n’est pas une chanteuse !”. La chanteuse sourit : “Vous voyez, moi j’étais un meuble”. »

Ainsi le succès des Fabulettes, soutenues par toutes les écoles de France, dont les ventes se comptent en millions ont conduit l’auteure-compositrice-interprète y être exclusivement identifiée, alors qu’elle avait écrit près de quatre cents chansons « adultes », dont des chefs-d’œuvre tels que « Lazare et Cécile », « Les Gens qui doutent », « Maryvonne »

Le Monde rapporte sa colère devant une « fake news » :

« On a dit : quand Anne Sylvestre a eu moins de succès, elle s’est reclassée dans la chanson pour enfants. Faux.
Ce sont deux répertoires distincts, deux activités parallèles.
J’ai commencé à chanter en 1957 et, dès 1961, je me suis mise à écrire des chansons pour les enfants, par plaisir et pour ma fille. Parce que je voulais retarder la crétinisation…
En 1963, pour me faire plaisir, Philips avait accepté d’enregistrer un 45-tours où il y avait Veux-tu monter sur mon bateau, Hérisson.
Je savais ce qui est au centre des préoccupations quotidiennes des enfants, le rôle du vélo, des nouilles…
Avec les Fabulettes, j’ai pu les structurer, leur donner le goût de la liberté, du plaisir de chanter. »

Anne Sylvestre a toujours refusé de chanter ses Fabulettes sur scène. Elle a dit :

«  Et puis une salle remplie d’enfants… ça me fait peur !»

Et dans la Grande table du 06/02/2014 elle a dit :

« Je suis heureuse et fière d’avoir écrit les Fabulettes. Mais je ne suis pas une chanteuse pour enfants. »

Mais celles et ceux qui ont écouté avec attention son autre répertoire savent combien il est grand.

<TELERAMA> raconte

« Une jeune femme vient de lui sourire. Sans rien dire. Mais avec dans les yeux une joyeuse reconnaissance. « Voilà ce qui arrive dans la rue : des gens m’offrent leur sourire. C’est joli. » Ceux-là, c’est sûr, ont écouté son œuvre. Pas seulement ses Fabulettes pour enfants mais aussi ses chansons pour adultes. Ils savent combien elles sont précieuses. Pour qui connaît le répertoire français, le nom d’Anne Sylvestre égale ceux de Brassens, Brel, ­Barbara, Ferré, Trenet. On ne le dit pas assez ? Si seulement les radios et les télés avaient daigné diffuser ses chansons, tout le monde saurait. Mais l’histoire s’est écrite autrement, et le trésor s’est partagé avec plus de discrétion, scène après scène, disque après disque. »

« Mais c’est pas grave
C’est juste une femme
C’est juste une femme à bafouer
Juste une femme à désespérer »

Christine Siméone a titré son hommage : <Mort d’Anne Sylvestre après 300 chansons et une vie passée à raconter les gens> et nous apprend qu’Anne Sylvestre est l’autrice de 18 albums de “Fabulettes”, pour les enfants, et d’une vingtaine d’albums pour les adultes. Parisienne et citadine dans l’âme, Anne Sylvestre est montée pour la première fois sur scène en 1957, dans le cabaret parisien “La Colombe” où ont également débuté Jean Ferrat, Pierre Perret, Guy Béart ou Georges Moustaki.

Et elle cite Georges Brassens qui écrit, en 1962, au dos d’une des pochettes de disques d’Anne Sylvestre :

« On commence à s’apercevoir qu’avant sa venue dans la chanson, il nous manquait quelque chose et quelque chose d’important. »

<TELERAMA> a tenté de sélectionner les dix plus grandes chansons d’Anne Sylvestre, « Juste une femme » en fait partie. Et ajoute :

« Nous en avons choisi dix…Nous aurions pu en prendre vingt, ou trente, tant [son] répertoire est l’un des plus riches et des plus beaux de la chanson française. Curieusement méconnu, mais à la hauteur de ceux de Barbara, Brassens, Brel. »

Il est difficile de choisir parmi tant de beautés, j’avoue une faiblesse pour cette chanson « Écrire pour ne pas mourir »

Elle a dit

« Écrire pour ne pas mourir, écrire fait beaucoup de bien. »

Et aussi « Je me vois comme un écrivain public : je trouve les mots » ou encore « Les mots, il faut les laisser venir, et il faut aller les chercher »

Elle n’a pas arrêté.

« Y a-t-il une vie après la scène ? Je m’aperçois, après cinquante ans de chanson, qu’à part ma famille et mes amis proches, il n’y a qu’une seule chose qui m’intéresse, écrire et chanter. C’est mon bonheur, c’est ma vie », racontait-elle à Bertrand Dicale dans les pages du Figaro pour

Jamais elle n’a posé le micro. Elle avait encore une tournée prévue pour jouer son spectacle « Nouveaux manèges », notamment quatre dates à la Cigale en janvier 2021.

Mais dès qu’une femme […]
Est traitée comme un paillasson
Et quelle que soit la façon
Quelle que soit la femme
Dites-vous qu’il y a mort d’âme

C’est pas un drame
Juste des femmes »

Le texte intégral de « Juste une femme » peut être trouvé <ICI> et son interprétation <ICI>

Je vous donne aussi le lien vers <Ecrire pour ne pas mourir> elle chante dans l’émission de Pivot, puis répond à ses questions.

Et je finirai par ce bel hommage du Rabbin Delphine Horvilleur :

« Anne Sylvestre
Bien souvent, on me demande qui je rêverais de rencontrer.
Depuis longtemps, c’est ton nom que je cite.
Je rêvais de te croiser, pour simplement de te dire merci. »

<1501>