Mercredi 25 octobre 2017

« Ce n’est pas de Luther qu’il s’agit, c’est de nous tous ; le pape ne tire pas le glaive contre un seul, il nous attaque tous. Ecoutez-moi, souvenez-vous que vous êtes germains »
Ulrich von Hutten

<Ulrich von Hutten> était un chevalier et aussi un polémiste qui soutint Martin Luther dès le début de son aventure de la Réforme.

Il faut savoir que sans qu’il ne l’ait excommunié le Pape a publié, en 1520, une bulle «  Exsurge Domine » condamnant ses opinions, livrant au feu ses ouvrages et lui laissant 60 jours pour se soumettre.

Mais Luther n’est pas un moine isolé, il va obtenir des soutiens en Allemagne et notamment celui de ce Ulrich von Hutten.

Je tire ce discours de la page 102 de l’ouvrage de Lucien Febvre <Martin Luther, un destin> :

[Hutten] mène alors contre Rome une campagne enragée. En avril 1520 à Mayence […] paraissent des écrits violents contre les romanistes :
« Ce n’est pas de Luther qu’il s’agit, c’est de nous tous ; le pape ne tire pas le glaive contre un seul, il nous attaque tous. Ecoutez-moi, souvenez-vous que vous êtes germains »

Hutten est parmi les soutiens de Luther, un des plus virulents, des plus intransigeants, refusant tout compromis avec le Pape et Rome. Mais il exprime ici un point essentiel, la Réforme, le combat de Luther sont intimement lié à l’Allemagne, l’Allemagne désunie en nombreux États mais voulant se libérer de la tutelle romaine et aussi de l’Empereur du Saint Empire Germanique qui était le représentant temporel du Pape, dans les terres germaines.

Et dans la suite de cette campagne, Luther va rédiger et publier toujours à Wittenberg en 1520 un ouvrage qu’il va simplement appeler « À la noblesse chrétienne de la nation allemande », dans lequel il va attaquer le Pape, la curie, Rome et demander au peuple de soutenir les réformes notamment celle qui consiste à permettre à chacun de lire la bible et de s’en nourrir sans faire appel aux prêtres ;

Et je cite Lucien Febvre page 104 :

Ainsi ce petit livre, écrit en allemand à l’usage de tout un peuple, qu’il se soit enlevé chez les libraires avec une rapidité inouïe; qu’en 6 jours, on en ait débité quatre mille exemplaires, chiffre sans précédent : rien d’étonnant. Il visait tout le monde, tout le monde l’acheta.
Quand il vint en Allemagne publier la bulle [Le représentant du Pape] pu noter : « Les neuf dixièmes de l’Allemagne crient : Vive Luther ! et tout en ne le suivant pas, le reste fait chorus pour crier : Mort à Rome ! »

Et le 1er novembre 1521, dans une lettre Luther écrit : (Febvre page 137)

« Je suis né pour mes Allemands et je les veux servir. »

Et à partir de 1525 Febvre fait remarquer que Luther n’écrit plus qu’en allemand  (page 181)

« Il renonce au latin, langue universelle, langue de l’élite. Ce n’est pas à la chrétienté qu’il s’adresse : à l’Allemagne seule, même pas, à la Saxe luthérienne. »

Les relations avec Rome et le Pape vont empirer, il faut dire que Luther est très intransigeant. Il est mis au ban de l’empire ce qui signifie que n’importe qui peut le mettre à mort impunément. Mais son protecteur, l’électeur de Saxe, Frédéric le Sage continue à le protéger. Et Aussitôt sa condamnation prononcée, l’électeur de Saxe Frédéric III le Sage, craignant qu’il ne lui arrive malheur ordonne à des hommes de confiance de l’enlever alors qu’il traverse la forêt de Thuringe le 4 mai 1521. Pour le mettre à l’abri dans le château de la Wartbourg.

Dans ce château, Luther demeure jusqu’au 6 mars 1522 sous le pseudonyme de chevalier Georges. Et c’est là qu’il va accomplir une autre tâche fondamentale le rattachant à l’Allemagne, il commence sa traduction de la Bible, en langue allemande.

On dit souvent que c’est la langue allemande qui a fait l’Allemagne. Mais cette langue n’était pas unique, de multiples patois coexistaient et c’est Luther qui va unifier cette langue, notamment par ce travail sur la bible il va créer une sorte de langue officielle. On parle désormais, pour désigner cette langue, de « la langue de Luther ».

La réforme de Luther est donc une réforme théologique.

Mais ce que nous apprenons ici, c’est qu’elle est aussi une révolte des allemands, sinon du peuple, au moins de l’élite et de la noblesse allemande contre l’hégémonie de Rome et de la papauté.

Et pendant ce temps, l’allié du Pape, l’empereur du Saint Empire Germanique, Charles Quint qui devrait rétablir l’ordre dans son empire et mettre à la raison Luther est paralysé. Il l’est parce qu’il est en guerre contre François 1er, le roi français, et qu’il ne dispose pas des ressources pour mener deux batailles à la fois. En outre, il soit ménager les nobles allemands qui soutiennent Luther et qui parallèlement sont ses électeurs.

La réforme va par la suite s’étendre rapidement à d’autres pays : la Suisse, les Pays bas et l’Angleterre qui dans sa réforme anglicane va se rapprocher du mouvement réformateur. Mais du point de vue de Luther elle est avant tout un combat du peuple allemand dont il se sent l’étendard.

A cela va s’ajouter, mais nous le verrons dans un autre mot du jour, un antisémitisme très virulent de Luther à la fin de sa vie.

Les nazis utiliseront dès lors la figure tutélaire de Luther pour cautionner leur système et leurs actes.

« Souvenez-vous que vous êtes germains » disait Ulrich von Hutten, le soutien de Luther.

<957>


Mardi 24 octobre 2017

« Une dispute qui termine mal ? »
Didier Poton de Xaintrailles, titre d’une conférence à la Rochelle à propos des 95 thèses de Luther.

Trouver l’exergue qui introduit ce que je souhaite partager dans le mot du jour est parfois compliqué. Pour aujourd’hui, j’ai trouvé le titre d’une conférence qui a eu lieu le 17 octobre 2017, dans une ville qui a été longtemps une place forte du protestantisme en France : La Rochelle. C’était une conférence de de Didier Poton de Xaintrailles, professeur émérite à l’université de la Rochelle, président du musée rochelais d’histoire.

Le titre de cette conférence : « 31 octobre 1517 : une dispute qui tourne mal ? »

Je n’ai pas trouvé de compte rendu, ni de vidéo sur cette conférence. Je n’en connais donc pas le contenu. Mais le titre de cette conférence correspond exactement à la conclusion que j’ai tiré du livre de Febvre sur Luther et des différents articles ou émission que j’ai écoutés sur ce sujet.

J’ai vu une émission qui me semble particulièrement pertinente sur ce sujet, sur la chaine de télévision catholique KTO et qui explicite ce que je vais raconter ici.

<Emission de KTO qui fait dialoguer un catholique et un Luthérien>

Le 31 octobre 1517, Luther a donc publié ses « 95 thèses », il y a 500 ans. Et on fixe à ce moment fondateur le début du mouvement réformateur.

Rappelons de manière simplifiée la version officielle :

Luther est scandalisé par « les indulgences » qui sont utilisées par les ecclésiastiques catholiques pour financer leurs dépenses somptuaires. « Les indulgences » sont en terminologie contemporaine une taxe payée par les catholiques, surtout riches, pour racheter leurs fautes morales ou contre la religion. Le terme faute était remplacée par « péché ». A cette époque, les gens étaient saisis d’effroi de ce qui pourrait arriver après leur mort : l’enfer, le purgatoire et les tourments etc. Donc ils étaient très enclins à accepter de payer. Et les spécialistes marketing de l’Église de l’époque ont alors même imaginé de faire payer pour des péchés futurs. Donc Martin Luther, religieux austère et rigoureux part en guerre contre ces abus et va clouer sur les portes du château de Wittenberg en Saxe ses 95 thèses contre les indulgences, le 31 octobre 1517. La Papauté ne va apprécier, il va s’en suivre des conflits et une scission dans l’Église catholique romaine (Rappelons qu’il y a eu une précédente scission avec l’Église d’Orient, historiquement de Constantinople dont est issu l’Église orthodoxe) et la création des églises protestantes ou réformées.

Fernand Braudel disait qu’en Histoire les choses sont toujours vrai à peu près. Mais cette version est à peu près fausse.

D’abord les historiens d’aujourd’hui doutent beaucoup du fait que ce long texte aurait été placardé sur les portes du château de Wittenberg, le 31 octobre 1517.

Ce qui est certain c’est que ce texte a été écrit par Luther et imprimé. Ce qui est aussi certain c’est qu’il a été envoyé à certaines autorités ecclésiastiques et universitaires.

Ensuite la vision morale de l’Histoire qu’on nous a apprise est largement fausse.

Luther ne s’est pas élevé contre l’Église catholique parce que les mœurs de cette dernière étaient moralement condamnables. Cette version « L’église catholique est corrompue et en contradiction avec son message christique, il faut remettre de la morale et de l’ordre dans tout ça », nous convient bien, à nous autres hommes modernes, parce que nous la comprenons.

Il faut savoir par exemple que Le Prince Electeur de Saxe, Frédéric III dit le « sage », qui sera le protecteur de Luther tout au long de la controverse était lui-même un utilisateur des indulgences, parce qu’elles lui permettaient de financer des reliques très prisées à l’époque et dont il a été un grand collectionneur.

La vérité c’est que cette controverse est totalement incompréhensible à la plupart d’entre nous. Je vais quand même essayer de vous l’expliquer, j’en appelle à votre indulgence.

La controverse déclenchée par Luther est d’essence théologique. Il est bien question des indulgences, mais non pour une question de morale, pour une question théologique.

C’est incompréhensible aujourd’hui pour les européens que nous sommes, peut-être pas pour le reste de l’Humanité qui est encore largement influencé par la religion.

A cette époque on s’entretuait pour ces questions !

Des questions aussi extraordinaires que :

  • Est-ce que l’hostie que l’on vous donne à l’Eglise symbolise le corps du Christ ou est-ce vraiment physiquement le corps du Christ ?
  • Que signifie exactement la Trinité, est-ce un seul être ou 3, existe-t-il une hiérarchie entre eux ?

A cette époque,  selon votre réponse vous pouviez être un homme respecté ou un hérétique qui devait être torturé puis brulé. Et s’il existait suffisamment de personnes pour défendre des réponses antagonistes, ces groupes se faisaient la guerre, une guerre totale.

Nous autres européens sécularisés ne comprenons pas cela même si l’actualité et d’autres religions que la chrétienne devraient nous interpeller.

Les religions monothéistes ont apporté quelques bienfaits à l’humanité, notamment les moines qui ont beaucoup travaillé, asséché des marais et réalisé d’autres choses utiles. Mais le fondement du monothéisme qui entraine la confusion entre « une croyance » et « la vérité unique » a une fabuleuse capacité à crétiniser ceux qui se laissent happer par ces mythes.

Le plus simplement possible je dirai que Luther prétendait que l’enseignement de l’église catholique se trompait en prétendant que c’est le comportement, les actes (il disait les œuvres) des croyants, notamment les mortifications (les jeûnes, se donner la discipline ce qui signifiait se fouetter soi-même ou se faire fouetter ce qui n’était pas vue comme une manifestation de masochisme mais une preuve de foi) permettaient de « se faire bien voir » par Dieu, « d’obtenir la grâce » selon le vocabulaire d’époque.

Selon lui, pour plaire à Dieu il fallait simplement avoir la Foi, croire très fort et la grâce de Dieu faisait le reste.

Alors bien sûr, les indulgences cela n’allait pas du tout puisque cette manière d’agir laissait entendre qu’un acte de la part du croyant : « payer » pouvait conduire à ce que Dieu sois content !

Ce qui est vrai, c’est que Luther n’avait pas pour intention de créer une nouvelle église. Ses 95 thèses étaient l’expression de son désaccord avec l’enseignement de l’Université qui essentiellement consacrait son enseignement à la théologie. Il voulait déclencher un débat, à l’époque on parlait de « dispute », pour débattre avec d’autres de ce qu’il avançait.

Mon propos d’aujourd’hui se moque totalement du contenu des 95 thèses qui sont 95 affirmations d’une vingtaine de mots chacune. En revanche, je vais vous citer, in extenso, l’introduction de ce texte historique :

«Par amour pour la vérité et dans le désir de la mettre en lumière, nous débattrons à Wittenberg des 95 thèses ci-après sous la présidence du Père Martin Luther, Maître ès Lettres et Docteur en Théologie, Professeur ordinaire en ce lieu. Nous demandons à ceux qui ne peuvent être ici présent en ne pourront par conséquent pas prendre part oralement au débat, de le faire par écrit. Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, Amen.»

Il s’agit pour prendre des termes modernes, d’un débat intellectuel, de la confrontation d’idées dans l’espace universitaire.

Luther eut deux surprises :

  • La première c’est ce que ce débat n’a pas eu lieu ;
  • La seconde, c’est que son texte a eu un écho énorme, notamment en Allemagne et que pour différentes raisons dont certaines politiques, il avait enclenché un mouvement qui allait secouer l’Occident et mener à des guerres.

Ce que je vous ai raconté dans ce mot du jour est vrai à peu près, mais c’est très vrai à peu près. En tout cas beaucoup plus que la thèse officielle apprise dans nos livres d’Histoire et que j’ai rappelé ci-avant.

<Et je vous renvoie vers cette émission de KTO citée précédemment>

Vous conviendrez que l’exergue sous forme de question « Une dispute qui termine mal ? » est particulièrement adapté à ce que j’ai développé dans cet article.

<956>.

Lundi 23 octobre 2017

« La Réforme »
Mouvement religieux né en 1517 en Allemagne et conduisant à la création des églises protestantes

2017 est une année pleine d’anniversaires et de commémorations. Le mot du jour du 13 octobre en a rappelé certains.

J’avais omis de citer l’anniversaire qui a motivé notre jeune président improbable et cultivé à inviter pour notre fête nationale le vieux président improbable et inculte des Etats-Unis. Il n’y a que le caractère improbable de leurs élections respectives qui permet de trouver un point commun entre ces deux hommes. Il y a cent ans les Etats-Unis entraient en guerre au côté des anglais et des français contre les allemands et les empires centraux. Ce point de départ de l’hégémonie militaire et économique américaine a continué tout au long du XXème siècle pendant lequel les américains se sont occupés des affaires européennes, un peu pour préserver leurs intérêts, beaucoup parce que nous autres européens nous nous sommes très mal comportés et avons entraîné le monde dans des guerres mondiales apocalyptiques et des totalitarismes meurtriers qu’ont été le nazisme et le communisme bolchévique.

Et justement, un autre centenaire est à commémorer, les cents ans de la révolution russe d’abord celle de février qui renversa le Tsar, puis la vraie, la tragique celle qui allait permettre aux bolcheviks de prendre le pouvoir, d’essayer de mettre en place un système productiviste alternatif au capitalisme, de nier les libertés, et d’assassiner des millions de leurs concitoyens pour s’écraser dans la déroute économique : la révolution d’octobre qui a eu lieu selon notre calendrier le 7 novembre 1917. Cette révolution aura duré moins de 75 ans puisqu’elle s’acheva avec la fin de l’Union Soviétique le 25 décembre 1991.

Mais j’entends parler cette semaine non d’une révolution (quelqu’un saurait-il m’expliquer pourquoi on utilise ce mot qui signifie tourner autour d’un astre pour revenir au même point pour qualifier des bouleversements politiques, cela signifierait-il que forcément les révolutions tournent en rond ?) mais de la Réforme.

On oppose souvent la révolution et la réforme. Mais la Réforme fut un bouleversement religieux, politique et même économique selon Max Weber qui écrivit : «  L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme  »

Selon l’excellent outil du <CNTRL> du CNRS le verbe « Réformer » est lié à la racine « former » et signifie « ramener à sa forme primitive », ce sens existerait depuis la fin du XIIème siècle.

La Réforme a 500 ans et s’inscrit dans le temps long, plus long que la révolution bolchevique.

Les humains aiment dater le début d’une période, d’un phénomène de temps long.

Et on date le début de la Réforme au 31 octobre 1517. Ce jour-là, un moine augustin, professeur de théologie à l’université de Wittembourg en Thuringe sur les terres du Prince électeur de Saxe, Martin Luther a rendu public et envoyé à certains interlocuteurs un document qui a gardé pour nom dans l’Histoire : « Les 95 thèses » contre les indulgences et le fonctionnement de l’église en vue de provoquer un débat théologique, une bataille d’idées à l’intérieur de l’Eglise Catholique. Par un concours de circonstances, des malentendus mais aussi des postures politiques et nationalistes ce débat d’idées va s’abimer dans des guerres, des affrontements et une rupture au sein de la chrétienté occidentale. Nous y reviendrons pendant quelques jours pour éclairer ce moment de l’Histoire européenne et mondiale, car les Etats Unis sont imprégnés par cette révolution luthérienne qui va générer le mouvement protestant.

Pour ce premier mot de la série, je vais m’intéresser au Monde « européen » dans lequel ce document de controverse théologique allait mener à une explosion de rivalités, de haines et aussi de dynamisme intellectuel, politique et économique.

Nous disons donc 1517.

Tous les élèves ayant fréquenté des classes d’Histoire de l’école française ont au minimum une date gravée dans leur mémoire : « 1515 » donc 2 ans avant 1517.

<1515>  donc François 1er, donc Chambord, donc la Renaissance dans sa flamboyance.

Luther (1483-1546) et François 1er (1494-1547) sont des contemporains, Luther un peu plus âgé, 11 ans quand François 1er naît. Mais à partir des 95 thèses et pendant tout le reste de la vie de Luther, la France n’eut qu’un seul roi, un roi catholique mais qui par sa politique aida grandement la diffusion du protestantisme en Europe et notamment au sein des Etats du Saint Empire Romain germanique où régnait son ennemi principal l’empereur Charles Quint.

1515, donc <la bataille de Marignan> en Italie à 16 km au sud-est de Milan. Pour les plus savants la bataille eut lieu les 13 et 14 septembre 1515 et opposa le roi de France François Ier et ses alliés vénitiens aux mercenaires suisses qui défendaient le duché de Milan.

Donc l’Italie …au cœur des rivalités européennes, siège de la papauté et de rivalités internes fortes entre Venise, Gènes, Milan et Rome.

Et Florence… <Laurent de Médicis dit le Magnifique> (1449-1492), donc un aîné pour Luther qui avait 9 ans quand Laurent le Magnifique est mort. Mais en 1513, le Pape qui est élu à Rome a pour nom Léon X, ce fut le Pape qui dirigeait l’Eglise catholique en 1517. Qui est Léon X en réalité ?

<Léon X> eut pour nom de baptême Giovanni Médicis, c’est le second fils de Laurent de Médicis. Il fut Pape de 1513 à 1521.

Léon X, comme tous les souverains européens et particulièrement italiens fut un grand protecteur des arts. Il fit notamment travailler pour lui Raphaël (1483-1520) né la même année que Luther. Il peignit le portrait de Léon X, que l’on peut admirer de nos jours à la galerie des Offices de Florence.

Léon X succéda au pape Jules II, le pape de Michel Ange (1475-1564) qui naquit donc avant Luther et mourra après. Jules II fut aussi le Pape qui entreprit l’édification de la <basilique Saint Pierre> qui fut financée en partie par les <Indulgences> qui jouèrent un rôle certain mais toutefois limité dans le combat théologique de Luther.

Le successeur de Léon X, Adrien VI ne régna qu’un peu plus d’un an. Il était originaire d’Utrecht ville des futurs Pays-Bas. Il est surtout connu comme étant le dernier pape non italien avant Jean-Paul II !

Et après ce Pape de transition, il y eut Clément VII (1523-1534) en pleine expansion du protestantisme, il était en réalité le fils illégitime de Julien de Médicis, frère de Laurent le Magnifique.

Pour rester avec les Médicis et Florence, nous devons rappeler que les Médicis seront renversés par la conquête française en 1494. Un frère dominicain du nom de Savonarole va alors jouer un rôle essentiel dans la cité des Médicis. Il rencontre le roi de France Charles VIII, négocie les conditions de la paix et évite le sac de la ville. Les Florentins sont autorisés par le roi de France à choisir leur propre mode de gouvernement. Savonarole devient alors dirigeant de la cité. Il institue un régime qu’il décrit comme une « République chrétienne et religieuse ».

Homme intransigeant, voulant lutter contre toute corruption il va instituer un pouvoir totalitaire, dans le sens qu’il veut tout contrôler de la vie des florentins même la vie intime. Il finira très mal puisqu’il mourut pendu et brûlé à Florence le 23 mai 1498, Luther avait 15 ans. Certains citent Savonarole comme un précurseur de Luther car il voulait lutter contre la corruption et les abus de l’Eglise, mais nous verrons que ce ne fut pas le combat principal de Luther.

Savonarole fut donc l’allié du roi de France et l’ennemi du Duché de Milan qui était au main de la famille Sforza, ce qui était encore le cas lorsqu’en 1515, à Marignan, François 1er vainquit les troupes alliées au duché de Milan.

Un autre grand ennemi de Savonarole était le pape Alexandre VI, pape de 1492 à 1503, de la famille romaine des Borgia, père de Lucrèce Borgia et César Borgia (1475-1507). Ce dernier est mort 10 ans avant les 95 thèses, il avait 8 ans à la naissance de Luther.

Qui dit César Borgia, pense à Machiavel (1469-1527) un autre contemporain de Luther, même s’il est un peu son aîné. Je n’ai vu nulle part que Luther aurait lu Machiavel, d’ailleurs <Le Prince> est paru en 1532. Mais dans le monde européen de Luther existait la pensée de Machiavel sur le pouvoir.

Revenons à François 1er et l’Italie, dans ce cas un autre nom illustre d’entre les illustres nous revient en mémoire : <Léonard de Vinci> (1452-1519), il est mort 2 ans après 1517, il faisait partie du panthéon culturel de l’Europe de Luther.

François 1er eut pour principal ennemi Charles Quint, pour lutter contre lui il se chercha des alliés. Et dans un épisode fameux <Le camp du Drap d’or> qui est le nom donné à la rencontre diplomatique du 7 au 24 juin 1520, dans un lieu situé dans le Nord de la France, près de Calais il rencontra le roi Henri VIII d’Angleterre. Cette rencontre n’aboutit pas à l’alliance souhaitée.

Mais Henry VIII de la famille Tudor (1491-1547) qui fut roi d’Angleterre et d’Irlande de 1509 à sa mort, fut aussi un grand contemporain de Luther. Il devint roi alors que Luther avait 26 ans. Ce dernier ne connut à partir de cet instant aucun autre roi d’Angleterre jusqu’à sa mort.

<Henry VIII> avait épousé Catherine d’Aragon mais souhaitait l’annulation de ce mariage pour épouser une des dames de compagnie de la reine : <Anne Boleyn>. Mais pour ce faire il avait besoin de l’appui du Pape, et Clément VII dont nous avons déjà parlé a refusé obstinément de céder à l’injonction du roi. C’est pourquoi Henry VIII entreprit, à sa façon, une réforme pour donner naissance à l’église anglicane dont le chef est le souverain britannique. Sans le mouvement lancé par Luther en Allemagne, probablement qu’Henry VIII n’aurait pas eu cette initiative qui s’inscrit immédiatement dans la Réforme.

Wikipédia affirme à propos d’Anne Boleyn que :

« Sa réputation d’être favorable à la réforme religieuse se répand dans toute l’Europe, elle est adulée par l’élite protestante ; même Martin Luther voit d’un bon œil son accession au trône. »

Vous savez que cette pauvre Anne Boleyn fut décapitée sur ordre de Henry VIII mais que leur fille fut reine d’Angleterre et que cette reine fut la Grande <Elisabeth 1ère> (Reine de 1558-1603), début de l’âge d’or de la Grande Bretagne. Elle consolida l’Eglise anglicane et l’inscrivit dans le protestantisme. Fort de cet héritage l’Acte d’établissement de 1701 exclura de la succession des rois d’Angleterre, les catholiques. Ce qui explique l’avènement comme roi d’Angleterre, du Prince électeur de Hanovre sous le nom de Georges 1er (roi de 1714 à 1727). Car à la mort de la reine Anne de Grande-Bretagne, si plus de 50 nobles avaient des liens de parenté plus étroits avec la reine Anne que lui, ils étaient tous catholiques. George était donc le plus proche parent protestant d’Anne. C’est ainsi que la maison allemande des Hanovre s’empara de la couronne britannique.

La couronne britannique a toujours ses racines allemandes. La reine Victoria fut la dernière des souverains de la Maison de Hanovre. Mais ayant épousé, en outre, un allemand : le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, lorsque Édouard VII, fils de la reine Victoria, monte sur le trône, il portera le nom de son père et la maison royale prend dès lors le nom de Saxe-Cobourg-Gotha. Et c’est en pleine première guerre mondiale, il y a 100 ans, en 1917, que ce nom trop clairement lié à l’ennemi allemand fut changé. Ainsi, cette dynastie toujours au pouvoir pris le nom d’un château, situé dans le Berkshire à l’ouest de Londres : le château de Windsor.

Ceci nous éloigne de Luther mais il fallait bien expliquer les conséquences de la décision de Henry VIII de créer l’église anglicane pour épouser Anne Boleyn et le lien avec le protestantisme issu de la Réforme luthérienne

Mais venons maintenant au cœur de la réforme luthérienne. Luther est allemand. Il est professeur à l’université de Wittemberg, en Thuringe. Le souverain de ce lieu, est en 1517, le Prince électeur de Saxe : Frédéric le Sage. Il est électeur de l’Empereur du Saint Empire Germanique. Car l’Allemagne a un semblant d’unité représentée par l’Empereur.(Le premier Reich, le deuxième sera celui créé par Bismarck pour Guillaume 1er, le troisième est tristement célèbre) .

En 1517, l’Empereur est Maximilien 1er de la maison des Habsbourg. Il va mourir en 1519 ouvrant une nouvelle période électorale incertaine dans laquelle vont s’affronter François 1er qui veut devenir empereur et le futur Charles Quint de la maison des Habsbourg. On sait que ce fut <Charles Quint> qui l’emporta mais la rivalité entre la France et la maison Habsbourg ne gagna qu’en intensité. Le début de la réforme après 1517 émergea dans un empire affaibli par un jeune empereur non encore aguerri, des Etats allemands souhaitant de plus en plus d’indépendance par rapport à l’Empereur et la Papauté et un roi de France qui trouva dans cette fracture en train de naître entre catholiques et protestants un germe fécond de division de nature à affaiblir son ennemi, voire le vaincre. Cette division allait cependant s’emparer quelques années après de la France s’abimant dans les guerres de religion.

Luther et la Réforme auraient été anéantis aussi sûrement que les tentatives précédentes de réformer l’Eglise et la papauté de <Jan Hus>ou de <John Wyclif> s’il n’avait pas pu bénéficier du soutien sans faille même s’il fut ambigüe de Frédéric le Sage et de cette rivalité fondamentale entre François 1er et Charles Quint.

Mais cette description du Monde de Luther et de la Réforme ne serait pas complète, si on ne rappelait pas 3 dates :

  • 1453 : L’empire Ottoman s’empare de Constantinople et met fin à l’Empire romain d’Orient. Luther naîtra 30 ans après.
  • 1492 : Luther a 9 ans et Christophe Collomb découvre l’Amérique. Les 95 thèses sont publiées le 31 octobre 1517, ce même mois d’Octobre 1517, à Séville, Fernand de Magellan commence les préparatifs du premier tour du monde. <Magellan>, (1480-1521) est un autre contemporain immédiat de Luther.
  • Et probablement la plus importante pour la réforme : 1451 : Le premier livre européen est imprimé par Gutenberg avec des caractères mobiles « la grammaire latine de Donatus ». Puis la première édition latine de la Bible est celle dite de la « Bible à quarante-deux lignes » en 1453 par Gutenberg. Des presses s’installent rapidement dans les grandes villes d’Europe : Cologne (1464), Bâle (1466), Rome (1467), Venise (1469), Paris (1470), Lyon (1473), Bruges (1474), Genève (1478), Londres (1480), Anvers (1481) et des centaines d’autres. En 1500, on comptait plus de 200 ateliers d’imprimerie dans la seule Allemagne. Sans l’invention de l’imprimerie, Luther et les Réformés n’auraient jamais pu diffuser leurs idées avec une telle puissance et vitesse.

Il faut bien arrêter cet exercice d’érudition présentant le monde où Luther a agi et proclamé ses thèses réformatrices. Mais je ferais une impasse trop importante si je ne citais un autre immense penseur de la culture européenne, contemporain de Luther, d’abord son allié puis son adversaire, l’humaniste hollandais <Erasme> (1467-1536)

Luther est le contraire d’un penseur isolé dans un coin obscur de Thuringe. Il nait et prêche dans un monde en plein mouvement, en plein dynamisme avec de grands artistes, de grands penseurs et de grands découvreurs. Un dernier : 10 ans avant la naissance de Luther, naissait Nicolas Copernic (1473 – 1543) qui défendra la théorie de l’héliocentrisme.

<955>

Mardi 26 septembre 2017

« En France, on pense le concept en haut lieu,
on s’en tient à une idée globale qui peut parfois tenir sur le seul verso d’un ticket de métro »
Philippe Oddo qui essaye d’analyser la différence entre les français et les allemands

L’Allemagne est un modèle pour certains et un repoussoir pour d’autres.

Mais connaissons-nous vraiment les allemands ?

Je me souviens, alors que je travaillais encore dans l’administration centrale de la Direction Générale des Impôts, je participais à un séminaire où intervenait un industriel français dont j’ai oublié le nom et qui nous parlait de son expérience en Allemagne :

Il venait de prendre la tête d’une filiale française en Allemagne et venait d’être invité à une réunion de patrons de la ville dans laquelle il était installé. Il nous a alors raconté un échange avec un patron allemand qui était venu vers lui et lui a posé la question : « Que faites-vous dans votre entreprise pour l’emploi des jeunes ? »

Notre patron français était un peu déconcerté par cette question et il a répondu comme un français raisonne :

« Je viens d’arriver, je ne connais pas toute la réglementation que vous mettez en œuvre ici, mais soyez assuré que nous respecterons strictement ce qui nous sera demandé ! »

Le patron allemand lui a répondu alors :

« Mais enfin il n’y a pas de réglementation spécifique sur ce sujet en Allemagne, c’est simplement pour chacun de nous une ardente obligation ».

Je ne peux pas assurer que le terme qu’il avait utilisé fût « une ardente obligation » que nous autres français avons liée au fameux « Plan » français. Mais ce qui est certain, c’était que la réponse contenait bien cette idée que le patron allemand poursuivait cet objectif de penser à l’emploi des jeunes parce qu’il considérait que c’était bon pour tout le monde d’agir ainsi et qu’il n’attendait pas une quelconque injonction de l’administration ou du gouvernement.

J’ai donc été intéressé par cet article du Point du 21/09/2017 qui donne la parole à Philippe Oddo, patron du groupe Oddo BHF qui a un pied en France et l’autre outre-Rhin.

L’article a pour objectif d’analyser les similitudes et les différences des deux pays.

J’en tire les extraits suivants :

Philippe Oddo : « […]  Ce qui frappe d’abord en Allemagne, c’est combien l’entrepreneur est important et respecté. Faisons un peu de linguistique : là-bas, employeur se dit « Arbeitgeber », littéralement « celui qui donne un travail » ; quant à l’employé, « Arbeitnehmer », à savoir « celui qui prend le travail. Voilà qui en dit long sur le rôle de l’entrepreneur dans la culture allemande : chacun comprend que sa réussite bénéficie à tous… »

Philippe Oddo raconte d’abord sa vie en Allemagne et en tire de premiers enseignements :

« Je passe trois jours par semaine en Allemagne : deux à Francfort en moyenne, au siège, et au moins une journée un peu partout dans le pays à la rencontre de nos clients. Très souvent, je vais dans de petits villages, des bourgs, des villes moyennes où se trouvent de grosses entreprises et même des leaders mondiaux. Car l’entrepreneur reste fidèle à son village et à sa région, quoi qu’il arrive, qu’il reste petit, devienne moyen ou numéro un mondial, et cela de génération en génération. Ses enfants vont dans la même école que ceux de ses salariés, il s’implique souvent fortement dans la vie locale, crée une fondation d’entreprise – elles sont quatre fois plus importantes là-bas qu’en France – pour financer des musées, des infrastructures sportives, des programmes sociaux ou d’intégration des immigrés… Bien sûr, ce maillage territorial s’explique par le fait que l’Allemagne n’est absolument pas un pays centralisé. Elle n’a pas eu de Louis XIV !  […]

En fait, il n’y a que très peu d’endroits en Allemagne où les gens n’ont pas de perspectives. Alors qu’en France la seule issue, c’est bien souvent de partir vivre dans une grande ville – Lyon, Marseille ou Paris… »

Et il explique d’où vient son analyse parce qu’il a été contraint de faire travailler ensemble des français et des allemands. Il a donc fait usage de méthode pour arriver à cet objectif :

«Pour réussir la fusion, nous avons fait appel à des consultants pour bien comprendre les écarts culturels. Car ils existent et il faut parvenir à les gérer.

Parfois, c’est anecdotique, comme la ponctualité : pour un Français, arriver cinq minutes en retard, c’est être à l’heure, quand un Allemand est toujours en avance.

Mais d’autres différences peuvent avoir de lourdes conséquences. En France, on pense le concept en haut lieu, on s’en tient à une idée globale qui peut parfois tenir sur le seul verso d’un ticket de métro, puis les équipes se débrouillent pour la mettre en œuvre ; en Allemagne, à l’inverse, on ne prend aucune décision si toutes les implications n’ont pas été étudiées en détail et avec précision. Un processus de décision certes plus lent et plus méticuleux, mais parfaitement adapté à l’industrie, car rien n’est laissé au hasard.

D’autant que jamais un Allemand ne mettra en œuvre une décision venue de plus haut si lui-même n’est pas convaincu de sa pertinence.

Les Français pensent souvent que l’Allemand est discipliné, c’est une grave erreur ! S’il n’est pas d’accord, il ne bouge pas… Mais, une fois convaincu, plus besoin d’être derrière lui, plus besoin de s’en préoccuper, il agit. Parfaitement et sans jamais dévier. Voilà pourquoi les Allemands sont les meilleurs industriels au monde. N’oublions pas qu’ils exportent trois fois plus que nous ! Ce n’est pas une question de dumping social : les Allemands ne sont pas moins payés que les Français, ils ne travaillent pas beaucoup plus, d’ailleurs peut-être même ne travaillent-ils pas davantage, ce sont avant tout des industriels hors pair. »

Un processus de décision plus lent, une implication du « terrain » pour le dire vite, moins de technocratie, moins de concept …

Et ce jugement : «jamais un Allemand ne mettra en œuvre une décision venue de plus haut si lui-même n’est pas convaincu de sa pertinence. ».

Alors qu’il reconnait qu’en France, les injonctions viennent d’en haut et sont en réalité des concepts dont la vacuité est décrite par l’étalon d’un ticket de métro. Cette image m’a beaucoup plu, c’est pourquoi j’en ai fait l’exergue de ce mot du jour.

Peut-être que Macron devait méditer sur ce point…

Du point de vue de la question controversée du coût du travail, il affirme :

« Certes, quand on regarde le coût du travail là-bas par rapport à la France, l’écart de charges sociales est quand même énorme. Je suis bien placé pour l’observer. Pour 40 000 euros net dans la poche du salarié avant impôt, cela nous coûte, à nous employeurs, 30 % plus cher en France qu’en Allemagne. Si on monte à 100 000 euros de revenu net, l’écart grimpe à 50 %. Et même à 70 % de plus pour 400 000 euros. Dans l’autre sens, il faut avoir en tête également que les rémunérations sont plus élevées en Allemagne qu’en France alors même que le coût de la vie y est très souvent inférieur – à Francfort, le logement, le transport, l’alimentation, tout est moins cher. Mais ces rémunérations plus élevées ne compensent pas, pour l’employeur, l’écart de charges sociales. »

Concernant le droit du travail qui est une autre cause de crispation en France, il explique qu’il n’y a pas forcément moins de rigidité en Allemagne, mais l’extraordinaire force des entreprises vient aussi d’une relation patronat-syndicat basée sur une confiance et une écoute réciproque qui semble aujourd’hui totalement hors de portée en France :

« Attention, l’Allemagne a aussi ses rigidités, par exemple la durée des préavis : quand les gens démissionnent, ils doivent rester encore dans l’entreprise au moins six mois, ce qui peut freiner le recrutement de compétences à l’extérieur. Contrairement à ce que beaucoup croient, il n’est pas plus facile d’y licencier qu’en France. Il faut absolument obtenir l’agrément du comité d’entreprise. Ah, le Betriebsrat ! [Comité d’entreprise] Dès qu’on est entré en négociations pour acheter BHF, j’ai vite rencontré la présidente du comité d’entreprise pour connaître son état d’esprit ; elle m’a alors expliqué que l’intérêt des salariés était que la banque retrouve son prestige. Aujourd’hui encore, je la vois très régulièrement, c’est presque un second département des ressources humaines : sa démarche est toujours constructive, elle n’est pas dans la négociation permanente, elle peut dire : “Là, il y a un problème à résoudre pour que l’entreprise marche bien” ; et donc je l’écoute attentivement. C’est la fameuse cogestion à l’allemande. Au conseil de surveillance de la filiale allemande, trois des sept membres sont des élus du personnel, avec absolument le même pouvoir que les autres. »

Toutes ces réflexions me poussent à dire que ce n’est probablement pas les qualités les plus fécondes de l’Allemagne que mettent en avant les politiques qui veulent réformer la France et donnent l’Allemagne en exemple.

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Lundi 25 septembre 2017

« L’Allemagne a été gouvernée quasi sans exception par une coalition depuis 1949 ! Toutes ces coalitions, sauf une, ont conduit la politique jusqu’au terme de la législature. C’est une stabilité absolue. »
Olivier Duhamel

Donc Angela Merkel sera très probablement Chancelière de la République Fédérale d’Allemagne pour la quatrième fois !

Probablement, parce que l’élection de ce dimanche, en Allemagne, n’était pas l’élection du chancelier allemand, mais une élection pour élire des députés pour le Bundestag selon leur appartenance à un Parti Politique.

Et maintenant, la tête de liste du parti arrivé largement en tête 33% (pour comparer Emmanuel Macron a obtenu au premier tour des présidentielles 24 %) va négocier pendant plusieurs mois avec d’autres partis pour former une coalition et un accord de gouvernement dans lequel ces partis vont se mettre d’accord sur ce qu’ils vont faire.

Et croyons-nous cela, nous autres français, ils vont appliquer pendant la législature ce qu’ils auront négocié dans le pacte de gouvernement !

Mais les « ravis de la crèche » français vont dire : mais c’est ce que fait Macron !

Macron c’est moins du quart des électeurs qui se sont exprimés, et il gouverne tout seul entourés de députés qui suivent aveuglément ses ordres.

Angela Merkel qui part de 33% va se mettre d’accord avec d’autres pour pouvoir mettre en œuvre une politique ! Et encore elle devra tenir compte de ses amis du CDU et surtout du CSU bavarois pour accepter les conditions et l’accord avec les Verts et les Libéraux, si finalement c’est cette coalition qui finalise l’accord.

Si vous ne comprenez pas l’immense différence avec le système français, c’est que vous ne comprenez rien à la démocratie et au gouvernement des hommes en démocratie libérale !

Personne n’imagine un seul instant qu’il ne sera pas possible de créer une coalition.

Pour ma part, je suis persuadé que si en fin de compte cela s’avère très compliqué, le SPD reviendra sur sa décision de ne pas participer à la coalition.

Car en Allemagne, les politiques considèrent toujours qu’il faut préférer l’intérêt du pays à l’intérêt de son parti.

Le politologue Olivier Duhamel a poussé un « coup de gueule, lors de son émission de ce samedi sur Europe 1 : <Mediapolis>

(Un peu après 20 mn d’émission) :

« C’est très important de comprendre comment fonctionnent les élections allemandes.

Les uns ne regardent qu’une chose : est-ce que Merkel va être chancelière ou pas ?
Alors certains font un petit effort et regardent une deuxième chose est ce que l’extrême droite va entrer au Parlement et à quel niveau ?
Mais rare sont ceux qui regardent la troisième chose : qui est la chose fondamentale : avec qui va-t-elle gouverner ?

Parce que je veux dire à nos auditeurs monarchisés, césaro-papisés au dernier degré par la culture française comme nous le sommes tous :

  • Que ce n’est pas une élection présidentielle ;
  • Que c’est une élection à la proportionnelle, non un scrutin majoritaire ;
  • Et qu’il y aura une coalition.

Alors en France quand on vous dit qu’il y aura une coalition, on dit : « c’est l’horreur, ils ne pourront pas gouverner ! Il y aura une instabilité ! »
C’est débile de dire cela !
L’Allemagne a été gouvernée quasi sans exception par une coalition depuis 1949 !
Toutes ces coalitions, sauf une, ont conduit la politique jusqu’au terme de la législature.
C’est une stabilité absolue.
Une chancelière qui va être réélue une quatrième fois. C’est le sommet de la stabilité, avec proportionnel et coalition.
Alors si cela pouvait ouvrir un peu l’esprit de nos amis monarchistes, c’est-à-dire quasi tout ceux qui nous écoutent, ce serait une très bonne nouvelle »

Pour donner plus de résonnance à cette analyse tranchée, comparons un peu nos pays depuis 1974.

Il faut évidemment tenir compte du régime « bâtard » français : quand l’élection législative confirme l’élection présidentielle et transforme la chambre des députés en simple chambre d’enregistrement, celui qui gouverne la France est le Président de la République. Quand ce n’est pas le cas, nous appelons cela « la cohabitation » et celui qui gouverne est le premier ministre.

En Allemagne celui qui gouverne est le chancelier.

En 1974, Helmuth Schmidt est devenu chancelier le 16 mai 1974 et Valéry Giscard d’Estaing devient président le 27 mai 1974, 11 jours plus tard.

Et puis voilà ce qui va se passer :

FRANCE ALLEMAGNE
1974 : Valery Giscard d’Estaing (1) 1974 : Helmut Schmidt (1)
1981 : François Mitterrand (2)
1982 : Helmut Kohl (2)
1986 : Jacques Chirac (cohabitation) (3)
1988 : François Mitterrand (4)
1993 : Edouard Balladur (cohabitation) (5)
1995 : Jacques Chirac (6)
1997 : Lionel Jospin (cohabitation) (7)
1998 : Gerhard Schröder (3)
2002 : Jacques Chirac (8)
2005 : Angela Merkel (4)
2007 : Nicolas Sarkozy (9)
2012 : François Hollande (10)
2017 : Emmanuel Macron (11)

D’un côté 11 gouvernants, 8 si on compte que Chirac apparait trois fois et Mitterrand deux fois. De l’autre 4 !

Coalition, accord de gouvernement voici les recettes allemandes !

Les recettes françaises sont en devenir ?


Mardi 20 juin 2017

«Dans sa vie publique, il toucha le manteau de l’Histoire, sa vie privée fut un désastre. »
Réflexions sur le destin d’Helmut Kohl, inspiré de deux articles du Point et de l’Express

Lorsque Helmut Schmidt est mort le 10 novembre 2015, j’avais écrit un mot du jour en son honneur et j’avais notamment cité un discours exceptionnel de 2011 au Congrès du SPD qu’il avait réalisé en chaise roulante à 93 ans <Vous trouverez ce mot derrière ce lien> .

Je n’avais pas l’intention de faire la même chose pour son successeur Helmut Kohl qui a eu la chance d’être chancelier au bon moment à savoir quand le mur de Berlin s’est écroulé et que Michaël Gorbatchev a laissé faire sans intervenir militairement. Il est donc désormais, devant l’Histoire, comme le chancelier de l’unification allemande.

Il a su faire les concessions nécessaires et prendre des décisions politiques qui ont contribué à ce que cette unité se réalise rapidement.

Mais il ne m’inspirait pas suffisamment avant que je lise cet article du Point qui raconte la face cachée ou les coulisses de ce colosse triomphant qui devrait avoir la statue d’un des pères de l’Allemagne puissante économiquement et pacifique politiquement.

Sort enviable !

Il remplaça Helmut Schmidt, le 1er octobre 1982, non lors d’une élection triomphante mais par un retournement d’alliance du Parti des Libéraux démocrates (FDP) de Hans-Dietrich Genscher qui formait une coalition avec le SPD depuis 69 et qui tomba à droite dans les bras de la CDU-CSU.

Lors de cet affrontement Helmut Schmidt eu cette formule assassine à son encontre : « Vous êtes très sympathique, mais le problème avec vous, c’est qu’on ne sait pas du tout ce que vous pensez. D’ailleurs, pensez-vous ? » .

Avec cette coalition il gagna cependant plusieurs fois les élections législatives et resta au pouvoir de 1982 jusqu’en septembre 1998, où le SPD remporta les élections législatives et Gerhard Schröder devint chancelier.

Par la suite de scandales politico financiers, autrement dit de caisses noires, il fut évincé de la tête du Parti par Angela Merkel qu’il avait pourtant soutenu tout au long de sa carrière et dont il considéra l’acte de le remplacer comme une trahison.

Ce rappel pour dire qu’Angela Merkel est le contraire d’une politique bienveillante et débonnaire.

Mais tout ceci ne m’incitait pas à écrire un mot du jour.

L’article du point que vous trouverez <ICI> donne un autre éclairage. Un éclairage sur ce que coûte le choix de faire de la Politique son seul métier, sa seule passion et ce qui se passe parfois dans l’intime, derrière les murs.

Helmut Kohl a deux enfants qu’il a eu avec sa femme Hannelore et pour le reste je vous livre des extraits de cet article publié le 18/06/2017 par la journaliste Pascale Hugues.

On apprend d’abord qu’à la fin de sa vie Helmut Kohl était très malade et totalement sous l’influence de sa nouvelle compagne de 34 ans sa cadette : Maike Kohl-Richter

«Walter Kohl, 53 ans, le fils aîné d’Helmut Kohl, […] l s’est contenté de déplorer qu’Helmut Kohl ait rompu depuis des années toute relation avec ses deux fils et ses petits-enfants.

[…] Walter Kohl confie pourtant qu’il a essayé à plusieurs reprises de rendre visite à son père, mais la police lui a interdit l’accès à la maison. Cloué dans un fauteuil roulant après avoir, en 2008, fait une mauvaise chute à la suite d’un AVC, incapable de parler distinctement, le visage figé, l’ancien chancelier vivait reclus dans son pavillon d’Oggersheim avec sa seconde épouse, une chrétienne-démocrate feu et flamme, ancienne collaboratrice de la section économie de la chancellerie, qui faisait office de garde-malade et de gouvernante. »

Et la journaliste raconte cette histoire qui vient de loin :

«  Quel contraste en effet entre, d’un côté, l’homme public admiré et, de l’autre, le père de famille absent, dépourvu d’empathie, incapable d’apporter à ses enfants la sécurité émotionnelle dont ils ont besoin pour bien grandir. Walter Kohl estime n’avoir servi qu’à décorer l’image publique de son père. Les Allemands se souviennent du portrait de groupe harmonieux que présentait chaque été la famille Kohl sur les rives du Wolfgangsee : deux garçons en culottes courtes, une mère blonde et éternellement souriante, un père en sandales-chaussettes observant ses rejetons d’un œil bienveillant. Une famille modèle sur fond de paysage alpin idyllique.

C’est Walter Kohl qui a détruit une fois pour toutes cette belle façade. Dans un livre publié en 2011 et intitulé Vivre ou être vécu, qui n’est ni exhibitionniste ni un vulgaire règlement de comptes avec ce père inadéquat, Walter Kohl laisse parler enfin ce petit garçon solitaire, abandonné des adultes. Un de ces nombreux « fils de… » qui n’ont pas droit à une vie comme les autres et connaissent souvent des destins tragiques. Des pères téléguidés par leur agenda bourré d’obligations, de réunions au sommet, de voyages officiels. Ils sont omniprésents dans les médias et absents à la maison. […] À ce train-là, il ne reste guère de temps pour ses fils. « La famille de mon père, constate Walter Kohl, c’était son parti et sa vie, c’était la politique. »

Une enfance exposée aux médias et sous haute protection. Quand durant l’« automne allemand » de la sombre année 1977, les attentats et les enlèvements perpétrés par les terroristes de la Fraction armée rouge traumatisent l’Allemagne, le pavillon d’Oggersheim est transformé en forteresse. Un mur et des barbelés sont érigés autour du jardin. Des vitres pare-balles sont installées dans les chambres des enfants. Interdiction de sortir de la place forte sans être escorté par un garde du corps. […] Quand il ose confier son angoisse à son père, celui-ci se raidit et lui rétorque : « Tu dois faire face ! »

[…]

Walter Kohl décrit cette génération d’Allemands sévères, profondément traumatisés par la guerre, incapables d’avouer une faiblesse, de reconnaître la légitimité d’une inquiétude et de parler à leurs enfants. Helmut Kohl est adolescent à la fin de la guerre. Comme tous les jeunes de son âge, il vit les bombardements, les cadavres extirpés des maisons en feu. Dans les derniers mois de la guerre, cet « écolier-soldat» est réquisitionné comme auxiliaire dans la défense aérienne. Il apprend à enfouir sa peur, à cacher ses émotions et à « faire face ».

Le destin d’Hannelore Kohl est encore plus dramatique. À 11 ans dans sa ville natale de Leipzig, la petite fille accueille avec ses camarades de classe les trains de soldats blessés revenus du front russe. […] À 12 ans, elle est violée à plusieurs reprises par des soldats russes et – c’est ce qu’elle confie à l’un de ses biographes – jetée par la fenêtre « comme un sac de ciment ».

[…] Walter Kohl décrit une mère qui fit de l’autodiscipline sa ligne de conduite. Pas question de se laisser aller ou de se plaindre.

Mais la vie politique a une fin et notamment Helmut Kohl perd la chancellerie. La famille devrait pouvoir vivre plus paisiblement.

« Mais le répit est de courte durée. Quelques mois après le départ à la retraite du patriarche, le scandale des caisses noires de la CDU éclate. Helmut Kohl se retrouve propulsé au centre d’une très vilaine affaire de financement occulte de son parti. Il redevient pendant des mois la cible de la presse allemande déchaînée. La réputation de probité de la famille Kohl est souillée. Hannelore Kohl et ses enfants disent en avoir énormément souffert.

À partir de là, c’est la débandade. Helmut Kohl vit à Berlin, rentre rarement à Oggersheim. Hannelore se retrouve isolée dans le pavillon familial avec pour seule compagnie le fidèle chauffeur des Kohl et l’épouse de celui-ci employée comme gouvernante. Hannelore Kohl, douée pour les langues et qui parlait couramment le français, appartient à cette génération de femmes qui renonça à toute vie professionnelle et personnelle pour se mettre au service de la carrière de son mari.

La tragédie s’intensifie : Hannelore Kohl tombe gravement malade, une allergie rare à la lumière du jour. Elle vit recluse, volets baissés, rideaux tirés, dans la pénombre de son pavillon. Elle ne sort que la nuit et doit renoncer à assister au mariage de son fils Peter en Turquie. En 2001, le chauffeur appelle Helmut Kohl à Berlin : sa femme s’est suicidée.

Helmut Kohl vit avec une nouvelle femme, très jeune par rapport à lui.

«  Peter Kohl raconte sa première visite dans l’appartement de Maike Kohl-Richter alors qu’elle n’était pas encore mariée à son père. Quand la porte s’entrouvre, il découvre un véritable musée à la gloire du chancelier, des photos de lui sur tous les murs. « C’était comme dans un film de propagande. J’en ai eu la chair de poule », confie Peter Kohl, qui a l’impression inquiétante d’avoir à faire à un stalker. Les choses ne tardent pas d’ailleurs à se gâter. Peter et Walter Kohl ne sont pas invités au remariage de leur père. La presse publie une photo qui montre la jeune femme portant un tailleur et des bijoux de famille ayant appartenu à Hannelore. Elle a dû se servir dans la penderie d’Oggersheim. »

L’article relate la dernière visite de Peter Kohl à son père :

«  C’est sa femme qui lui ouvre la porte et le conduit dans le salon. « Mon père avait l’air heureux de nous voir, ma fille et moi. » Mais au bout de dix minutes, comme un enfant qui a peur d’être puni, le chancelier, jadis si puissant, chuchote à son fils : « Il vaut mieux que tu t’en ailles, sinon je vais avoir des ennuis. » Helmut Kohl, affirment ses fils, vivait comme « un prisonnier » ayant totalement perdu le contrôle de sa propre vie. C’est sa femme qui décide qui a le droit de lui rendre visite. […] Entre les fils et le père, le contact est rompu. Walter et Peter n’ont pas vu leur père depuis plusieurs années. »

L’article se termine par ses propos de Walter Kohl qui regrette de ne pas avoir pu faire la paix avec son père de son vivant.

« Les choses sont comme elles sont », soupire-t-il au bord des larmes, avant d’aller se recueillir sur la tombe de sa mère tout près de là.

Pourquoi raconter ces faits et dévoiler la vie privée de ces personnes ?

C’est d’abord pour montrer qu’il y a souvent une grande différence entre ce que l’on voit, ou qu’on nous montre et la réalité de la vie, notamment pour les Hommes politiques.

Je pense que si l’on s’intéresse de plus près à la vie et à la famille de Jacques Chirac, les choses ne sont pas évidentes non plus.

Ensuite, on critique beaucoup les politiques et on a raison. Il y a la soif du pouvoir, le goût des honneurs. Mais il est aussi important que notre univers de connaissance sache qu’il y a une servitude politique qui souvent présente une face sombre. Et que dans cette face sombre, des enfants, des épouses, des familles sont sacrifiées. La recherche du bonheur se trouve rarement sur ce chemin.

C’est l’article du Point que j’ai trouvé le plus précis sur la vie privée de Kohl mais <Vous trouverez ici un long article dans le journal l’Express> dont j’ai tiré l’exergue du mot du jour. Car l’Express nous apprend que les allemands ont cette expression : « Il a touché le manteau de l’Histoire » pour parler des hommes qui ont fait l’Histoire, mais cet article évoque brièvement ce qui est développé dans le Point sous le titre : « Sa vie privée est un désastre ».

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Mercredi 01/02/2017

Mercredi 01/02/2017
« Un salarié allemand sur quatre a un bas salaire, contre un sur dix en France »
Catherine Chatignoux
On nous raconte tant de choses. On nous explique surtout que l’Allemagne est un pays bien mieux géré que la France et que nous devrions nous en inspirer pour toutes nos politiques économiques.
Et il est vrai que l’Allemagne est plus riche, est moins endettée et dispose d’une balance commerciale bien plus favorable que la France.
Certes, mais cette politique économique a un prix ou disons son côté obscur qui est de plus en plus éclairé par des études internationales.
Catherine Chatignoux est journaliste dans le journal « Les Echos ». Elle a écrit un article en s’appuyant sur une étude statistique produite par Eurostat qui a a calculé la proportion de « bas salaires » dans les différents pays de l’Union européenne.
Vous trouverez cet article, derrière ce lien : <Un salarié allemand sur quatre a un bas salaire>
Mais Grâce à cet article, ce mot du jour et les deux précédents, j’espère que plus personne ne pensera que je n’aime pas les chiffres. Mais un chiffre n’est pas neutre, je vous l’ai déjà écrit…
Je cite l’article : « Si l’Union européenne est toujours considérée comme un îlot de prospérité relative dans le monde, les dernières données de l’office statistique Eurostat montrent que la précarité n’épargne aucune de ses économies et révèlent quelques anomalies. »
Mais montrant d’abord le schéma :
«Première indication : la proportion de bas salaires parmi l’ensemble des salariés de l’Union européenne atteint 17,2 %, la zone euro en compte un peu moins, 15,9 %, ce qui est logique compte tenu de sa plus grande homogénéité économique. Est considéré comme un bas salaire celui qui touchait en 2014 deux tiers ou moins du salaire horaire national brut médian. Il s’agit donc d’un niveau relatif et non en valeur absolue.
S’il n’est pas étonnant de trouver le plus grand nombre de ces bas salaires en Lettonie (25,5 %), en Roumanie (24,4 %) ou en Pologne (23,6 %), leur forte proportion est plus inattendue en Allemagne (22,5 %), au Royaume-Uni (21,3 %), en Irlande (21,6 %), et même aux Pays-Bas (18,5 %). A noter que, pour des raisons liées à la réorganisation du système de collecte, les données de la Grèce n’apparaissent pas.
A l’inverse, les pays scandinaves continuent de mériter leur réputation de pays plus égalitaires puisque moins de 10 % des salariés percevaient des bas salaires en Suède (2,6 %), en Finlande (5,3 %) et au Danemark (8,6 %). La France (8,8 %) et la Belgique (3,8 %) apparaissent également plus équitables tandis que les pays du sud de l’Europe, Espagne, Portugal et Italie, affichent un niveau de bas salaires intermédiaire, inférieur à 15 %.
Concernant le niveau du salaire brut médian, les écarts restent très importants dans l’Union européenne puisqu’ils s’échelonnent de 1 à 15. Le niveau le plus élevé a été enregistré au Danemark (25,50 euros de l’heure), devant l’Irlande (20,20 euros) et la Suède (18,50 euros). A l’autre bout de l’échelle, le salaire médian le plus faible se trouve en Bulgarie (1,70 euro) et en Roumanie (2 euros). En Allemagne, il s’élève à 15,70 euros et en France à 14,90 euros. »
L’étude d’Eurostat confirme par ailleurs que les femmes sont davantage concernées par les bas salaires (21,1 %) que les hommes (13,5 %) et les moins diplômés (28,2 %) bien plus que ceux qui ont un niveau d’éducation supérieur (6,4 %). Les faibles rémunérations concernent enfin davantage les CDD (31,9 %) que les CDI (15,3 %).
Ces chiffres que nous disent-ils ?
On nous dit que le Royaume-Uni et l’Allemagne ont un taux de chômage nettement inférieur à la France, c’est vrai !
Mais parallèlement ils ont aussi le système qui produit une plus grande précarité et une plus grande inégalité des salariés.
Bien sûr que la France a un grand problème avec le chômage, mais quand j’entends certains politiques dirent nous allons appliquer les recettes qui ont marché ailleurs en pensant à l’Allemagne et à la Grande Bretagne je ne peux être qu’inquiet.

Mardi 23 décembre 2014

Mardi 23 décembre 2014
“Zhu Xiao Mei”
Pianiste chinoise qui magnifie Bach
A l’approche de Noël je voudrais partager un moment de grâce.
J’essaye de m’ouvrir à beaucoup de domaines que je partage, mais il n’y a qu’un domaine où je crois qu’on peut me reconnaître une connaissance approfondie, c’est celle de la musique classique occidentale.
Les amis ou les connaissances qui le savent m’interrogent souvent : mais qu’est ce qu’il faut écouter ?
Dans la musique occidentale le plus grand est Jean Sébastien Bach, c’est mon avis c’est aussi l’avis de beaucoup d’autres. J’ai même entendu un jour  Serge Gainsbourg le dire.
Même mal joué, souvent Bach reste beau.
Mais quand Zhu Xiao Mei, se met au piano et joue Bach, la beauté et l’émotion jaillissent immédiatement.
Zhu Xiao Mei est une chinoise qui a 10 ans est entrée au Conservatoire de Pékin où elle commence de brillantes études. Mais ses études sont brutalement interrompues par la Révolution Culturelle maoïste.
Pendant cinq années, elle est envoyée dans un camp de rééducation aux frontières de la Mongolie-Intérieure.
Dans ce camp se trouve un mauvais piano désaccordé, grâce à des gardiens plus laxistes que d’autres elle peut continuer à jouer quelquefois. Elle joue du Bach. Elle recopie aussi pendant des heures sur du mauvais papier de la musique de Bach dont elle se souvient.
Elle dit dans son livre “La rivière et son secret” que Bach lui a permis de survivre dans ces moments d’injustice et de bêtise que des théories humaines menées jusqu’à l’absurde ont imposés à des millions d’humains.
Par suite, elle parvient à s’enfuir de Chine et se retrouve à Paris, on la découvre et elle devient professeur au Conservatoire National de Musique de Paris
J’ai eu la chance de l’entendre jouer les Variations Goldberg à Lyon, salle Molière le 13 janvier 2010. Un de mes plus grands souvenirs musicaux.
Qu’une chinoise, adepte du Tao, puisse jouer ainsi la musique d’un luthérien allemand de culture exclusivement chrétienne montre l’universalité de cette musique.
Zhu Xiao Mei revient à Lyon, au Palais de la Mutualité, le 27/02/2015 jouer, le sommet de la musique de Bach : l’art de la Fugue.
Dans le livret de son dernier disque justement consacré à l’Art de la Fugue elle donne deux clés pour comprendre le lien entre la Chine et Bach à travers ces deux œuvres :
Les variations Goldberg se terminent par l’aria qui les débute et elle l’éclaire par ce mot de Lao-Tseu : “Le retour est le mouvement du Tao
L’art de la fugue se termine par une fugue inachevée et elle fait songer Zhu Xiao Mei à une phrase du Livre des mutations, le Yi King le plus ancien des grands textes chinois “sheng sheng bu xi”ce qui signifie “La vie engendre la vie : il n’y a pas de fin
Mais les mots ne peuvent exprimer ce que sait faire la musique, Arte a capté, dans de remarquables conditions, un concert de Zhu Xiao Mei où elle joue les Variations Goldberg.
Elle les interprète dans le temple de Bach, je veux dire l’Église Saint Thomas de Leipzig où il a été cantor de 1723 jusqu’à sa mort en 1750. Il est enterré dans cette église
A la fin du concert Zhu Xiao Mei qui reçoit des fleurs va immédiatement les déposer sur sa tombe : http://concert.arte.tv/fr/zhu-xiao-mei-variations-goldberg-bach?language=fr
Vous pourrez l’écouter jusqu’au 14/03/2015.
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Vendredi 27 septembre 2013

Vendredi 27 septembre 2013
«C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches.»
Victor Hugo – L’homme qui rit – Livre deuxième, chapitre 11

Le paragraphe dans son entier :

«Oui, murmura Gwynplaine pensif,
c’est de l’enfer des pauvres
qu’est fait le paradis des riches.»

Je pense qu’aujourd’hui ce mot de Victor Hugo reprend tout son sens…

Lors de l’émission du 23/09/2013 de L’Eco du Jour de France Inter, Philippe Lefébure a montré une des faces du modèle allemand, ce modèle tant vanté, en racontant une histoire de l’économie quotidienne :

« Il y a quelques mois, cette jeune Française, installée à Berlin, depuis 2 ans, a raconté sur le site Rue89, ses déconvenues sur le marché du travail berlinois. Par la même, elle a décrit l’envers du décor d’une réussite allemande, beaucoup enviée à l’étranger (et, notamment, en France), le “boom”, ici, des start-ups internet.
A tel point qu’on surnomme Berlin, la “Silicon Allee”, dans une référence facile à la Silicon Valley californienne. […]C’est l’expérience malheureuse de Mathilde, qui ignorait, en arrivant ici, qu’il n’existe pas de salaire minimum en Allemagne: c’était un des thèmes de la campagne, on le sait. Mathilde, du coup, en a fait la douloureuse expérience: à son premier entretien d’embauche, elle a pensé qu’on lui proposait un mi-temps pour 650 euros par mois. Non, il s’agissait bien d’un contrat de 40 heures par semaine.
Dans les start-ups qu’elle a fréquenté par la suite, c’est la “précarité qui domine” raconte-t-elle. Quand ce n’est pas un statut de stagiaire, on y pousse, souvent, les jeunes dans le statut “indépendant”.
Des “free lance”, qui, du coup, remplissent les cafés de la ville à la recherche d’une connexion internet pour travailler. Certains y trouvent leur compte. Pas Mathilde, une Française de Berlin qui se classe, sans hésiter, parmi les “déçus” du modèle allemand. »
Par ailleurs, saviez-vous que vous pouviez lire en ligne et télécharger “L’homme qui rit” et bien d’autres livres sur Wikisource ?
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