Lundi 25 Janvier 2016

Lundi 25 Janvier 2016
« La nuit des chasseurs »
Annick Cojean
Il s’est donc passé des agressions contre des femmes, à grande échelle, par des bandes organisées dans la ville de Cologne le 31 décembre.
Les forces de l’ordre n’ont pas su maîtriser ces actes de violence et dans un premier temps ont communiqué dans un déni de la réalité. Ils ont osé affirmer que la nuit du réveillon s’est bien passée.
« La nuit des chasseurs » est le titre d’un article où la journaliste du Monde, Annick Cojean, donne la parole à des victimes. Vous trouverez cet article derrière ce lien.
Pour une fois je n’en citerai aucun extrait, car ce ne sont pas ces faits que je vais développer, mais un sujet beaucoup plus large, qui vient de loin, qui est toujours présent dans le monde entier, à des stades différents, mais toujours présent : je veux parler de la violence faite aux femmes…
C’est dans la sphère privée que cette violence est la plus forte, la plus présente, la plus extrême.
8 femmes violées sur 10 connaissent leur violeur et le viol se passe à leur domicile ou au domicile du criminel.
En France, on estime il y aurait un viol toutes les 6,3 minutes, ce qui fait à peu près 230 viols par jour.
Concernant les meurtres et les autres violences commises à l’égard des femmes, en France, c’est aussi et massivement le domicile qui est le lieu de l’acte et le criminel un proche, souvent le compagnon de la victime.
Mais ce n’est pas de la sphère privée que je vais prioritairement parler.
Cette semaine j’ai l’intention de parler, plus particulièrement, de la violence contre les femmes dans l’espace public.
Ce n’est pas la première fois que je parle de ce problème.
J’avais déjà fait appel à Annick Cojean, cette grande journaliste du Monde le 8 septembre 2014 pour ce mot du jour : « C’est juste pas de chance d’être une femme dans la plupart des pays du Monde »
Et le mot du jour du 18 novembre 2014 parlait d’une étude pilotée par Sylvie Ayral et Yves Raibaud « la  fabrique des garçons ».
Mais que s’est-il réellement passé à Cologne ? On ne le sait toujours pas très bien 25 jours après les faits.
Et n’est-ce pas cela le plus surprenant dans cette affaire ?
Certaines choses sont sûres :  de manière massive des femmes ont été harcelées sexuellement et pour certaines violées par des hommes en groupe et d’origine immigrée semble-t-il majoritairement.
Mais il y a aussi eu beaucoup de vols.
Dans l’émission la Grande Table de France Culture du 20 janvier L’anthropologue des mondes contemporains Véronique Nahoum-Grappe, ancienne élève de François Héritier qui a beaucoup travaillé sur la question des différences des sexes, sur la domination masculine et la violence faite aux femmes explique qu’en Occident on pensait plutôt que les foules étaient protectrices, qu’avec du monde on ne risquait rien
Et ce fut la sidération de Cologne. Le fait de constater que cette foule peut devenir hostile, créer un mur qui va vous isoler pour vous peloter, vous déshabiller, vous menacer sexuellement pour mieux  vous voler votre sac à main et peut être même vous violer, est terrifiant.
Les femmes n’étaient pas préparées à cela.
Peloter, s’en prendre aux attributs physiques de la femme pour la fragiliser et lui voler son sac dans une manipulation mafieuse, qu’est ce qui est premier ? S’en prendre au corps des femmes ou voler ?
Véronique Nahoum-Grappe parle d’une ratonnade d’un nouveau type. « Les mafias entrent dans toutes les failles, c’est une mafia un peu proto-proxénète qui allie le rapt et le racket »
Alors on a parlé du choc des cultures. Ces arabes et ces migrants qui ne savaient pas se tenir !
Il ne s’agit pas de nier que les pays arabo-musulman du golfe, du moyen orient comme les pays du Maghreb à l’exception de la Tunisie ont une pratique des relations homme-femme bien pire que dans nos pays.
Dans l’émission des matins du 20/01 l’écrivaine et une militante féministe algérienne Wassyla Tamzali a reconnu  : « Il y a un rapport spécifique d’inégalité dans les pays musulmans. Ce sont les seuls pays qui ne reconnaissent pas l’égalité des hommes et des femmes »
Je ne développerai pas cette polémique concernant la provenance des agresseurs. Pour l’instant il semblerait plutôt qu’il viendrait  du Maghreb et donc de ces bandes mafieuses évoquées ci-avant.
Mais après ce malaise de se dire qu’après 25 jours on ne sait toujours pas précisément ce qui s’est passé, c’est-à-dire qui l’a fait ? Pourquoi ? Y a-t-il eu préméditation ? Quel était l’objectif ?
Il y a un second malaise, c’est pourquoi ce silence ? Pourquoi les autorités n’ont-ils rien dit ?
Alors l’explication paraît évidente : les autorités ne voulaient pas stigmatiser les réfugiés !
Ils avaient peur, parce que quelques-uns avaient commis des « mauvais actes » la population pouvait vouloir se retourner contre tous.
Peut-être.
Constatons que c’est raté. Le fait de n’avoir rien dit rend la situation beaucoup plus dangereuse : « Ils nous l’ont caché ! Qu’est ce qu’il nous cache d’autre ? »
Mais l’explication principale n’est-elle pas le fait qu’il s’agit de violences faites aux femmes ?
Marianne Meunier, journaliste à la Croix et invité des matins de France Culture a expliqué : « Les évènements  de Cologne ont entrainé des révélations en Suède. L’extrême droite a pris ce prétexte pour expliquer que ce sont ses noires prévisions qui se sont réalisés : l’afflux de personnes qui ne respectent pas nos standards de vie. Mais d’autres qui sont des associations féministes rapportent que la violence faite aux femmes n’est pas seulement le fait des émigrés. C’est une expérience quotidienne et beaucoup plus récurrente qu’éprouve les femmes en Europe et pas seulement à  Cologne. »
Vous en avez entendu parler ?
La violence faite aux femmes c’est moins grave, semble-t-il !
Si cela est arrivé, c’est qu’elles ont été imprudentes et autres explications scandaleuses !
Véronique Nahoum-Grappe fustige ces attitudes :
 « Fureur ! Fureur de fond !
Parce que cela touche à la liberté, à la liberté de sortir, le soir entre copines !
[…] je suis sidéré par ce silence.
Parce qu’on ne veut pas dire du mal sur ces personnes sur ces migrants, parce que ça gène.
Ne parlons pas de ce qui dérange ! Restons politiquement correct !
Parce que ces violences sont faites aux femmes on peut les cacher ?
Ça c’est inouï !
Ce silence montre que les violences faites aux femmes ne sont jamais perçues aussi violentes que celles qui sont commises à l’égard d’autres groupes ! »
Oui je crois profondément que c’est une des raisons du silence et aussi du peu d’empressement pour intervenir et enquêter sur ces évènements.
La maire de Cologne, une femme ! a immédiatement donné des conseils qui laissaient entendre qu’il fallait être plus prudent…
Quand ce sont des violences faites aux femmes, il y a toujours un peu de la responsabilité de la fille d’Eve …
Fureur ! fureur oui !
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Vendredi 6 mars 2015

Vendredi 6 mars 2015
«Il nait de moins en moins de femmes dans le monde »
Atlas mondial des femmes

Dimanche le 8 mars, on célèbrera la journée internationale de la femme.

Une des origines de cette date du 8 mars nous vient de Lénine, qui décrète la Journée internationale des femmes le 8 mars 1921, en honneur aux femmes qui manifestèrent les premières, le 8 mars 1917, à Petrograd, lors du déclenchement de la révolution russe.

J’ai plusieurs fois évoqué la violence faite aux femmes dans le monde, notamment lors du mot du jour du 9 septembre 2014 : « C’est juste pas de chance d’être une femme dans la plupart des pays du Monde » propos de la journaliste Annick Cojean.

En collaboration avec l’INED, les Editions « Autrement » ont publié « L’Atlas mondial des femmes »

Une des directrices de cet ouvrage, Isabelle Attané était l’invité de l’émission de Christine Ockrent :
<Planète femmes>

Et elle a parlé d’une autre violence faite aux femmes : le déni de naître. Aidé notamment par les techniques modernes de diagnostic prénatal, des parents choisissent ouvertement de ne pas faire naître les filles pour privilégier les garçons.

<Un article> du Monde Diplomatique sur ce même sujet explique :

« Dans une population donnée, quand hommes et femmes sont traités sur un pied d’égalité et si les femmes n’ont pas une propension à migrer plus forte que celle des hommes, elles sont naturellement majoritaires. Si l’Asie se pliait à cette règle générale en enregistrant une légère prépondérance féminine, elle compterait quelque quatre-vingt-dix millions de femmes supplémentaires, une fois et demie la population de la France.

La Chine, qui, il y a encore trente ans, s’imposait comme l’un des fleurons du communisme mondial, fervent défenseur de l’égalité des sexes, est désormais l’un des pays où les discriminations envers les femmes, sur un plan démographique, sont les plus aiguës. Revers de la libéralisation économique et sociale dans ce pays, les rapports de pouvoir traditionnels, structurellement défavorables aux femmes, resurgissent. L’Inde, grande puissance économique émergente – actuellement au septième rang des puissances industrielles mondiales –, discrimine, elle aussi, ses femmes.

Avec ces deux géants, sont également touchés le Pakistan, le Bangladesh, Taïwan, la Corée du Sud et, dans une moindre mesure, l’Indonésie – pays qui, à eux seuls, regroupent trois des six milliards et demi d’habitants de la planète. Elimination des filles par les avortements sélectifs, traitements inégaux des enfants selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon, statut social secondaire et mauvaises conditions sanitaires à l’origine d’une surmortalité féminine dans l’enfance et à l’âge adulte représentent autant de particularités qui concourent à ce déficit.

La structure sexuée d’une population dépend de la proportion de chaque sexe à la naissance, d’une part, et de la fréquence des décès des hommes et des femmes à chaque âge de la vie, d’autre part. En temps ordinaire, c’est-à-dire lorsqu’aucune forme d’intervention humaine ne vient perturber l’effet de ces données, on observe une proportion de garçons à la naissance légèrement supérieure à celle des filles et une surmortalité des hommes à chaque âge de la vie, laquelle vient compenser de manière naturelle l’excédent de garçons à la naissance. Or, dans nombre de pays asiatiques, l’une ou l’autre de ces lois – voire, parfois, l’une et l’autre – sont contrecarrées par des pratiques sociales. Il naît donc moins de femmes qu’il ne faudrait, et il en meurt plus qu’il ne devrait, d’où des proportions accrues d’hommes.

Sur la planète, la norme biologique – environ 105 naissances de garçons pour 100 filles – s’applique avec une régularité remarquable. Et les écarts demeurent faibles : le niveau le plus bas est observé au Rwanda, où il naît 101 garçons pour 100 filles, et le plus élevé, hors pays asiatiques, au Surinam – 108 garçons.

Dans plusieurs pays d’Asie, la réalité est tout autre. Si l’influence des facteurs biologiques, génétiques et environnementaux, habituellement avancée pour expliquer les écarts entre pays, n’est bien sûr pas à exclure, elle ne suffit en aucun cas à expliquer l’évolution observée depuis vingt à vingt-cinq ans. En Chine, en Inde, en Corée du Sud et à Taïwan, garçons et filles naissaient dans des proportions normales au début des années 1980. Mais depuis, avec la baisse de la fécondité, la préférence traditionnelle pour les fils s’exacerbe et vient supplanter les lois biologiques, rompant ainsi l’équilibre naturel.

Désormais, les progrès technologiques permettent d’intervenir sur le sexe de sa descendance : au bout de quelques mois de grossesse, la future mère passe une échographie ou une amniocentèse. Si c’est un garçon, on peut rentrer chez soi et attendre patiemment l’heureux événement. Mais en cas de fille, c’est le dilemme : si on la garde, aura-t-on une nouvelle occasion d’avoir un fils ? Et, le cas échéant, sera-t-on en mesure de faire face à l’escalade des coûts d’entretien des enfants ? Bien souvent, plutôt que de devoir renoncer à un fils, on prend la décision de se débarrasser de la fillette indésirable, et la femme avorte. Ainsi, en Chine, l’excédent de garçons à la naissance est de 12 % au-dessus du niveau normal ; en Inde, de 6 %. En Corée du Sud, après le paroxysme du milieu de la décennie 1990 (115 garçons pour 100 filles), la situation s’améliore, avec 108 garçons en 2004.

Depuis peu, ce phénomène se propage à d’autres parties du continent. Ainsi, une province vietnamienne sur deux enregistre plus de 110 naissances de garçons pour 100 filles. Dans les pays du Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie), cette proportion s’est brutalement accrue, à partir du milieu des années 1990, pour atteindre des niveaux comparables à certaines régions de Chine et d’Inde (voir « Déséquilibres démographiques »). Pourtant, l’équilibre demeure dans les pays voisins que sont la Russie, l’Ukraine, l’Iran ou la Turquie.

En Indonésie, la proportion de garçons parmi les enfants âgés de moins de 1 an, encore normale en 1990, est passée à 106,3 dix ans plus tard. Une masculinisation rampante qui se manifeste par l’apparition d’un déficit de femmes auquel, outre une émigration féminine massive, notamment vers l’Arabie saoudite, le déséquilibre des sexes à la naissance commence à contribuer. »

Un autre article du Monde sur ce sujet : <Une marche paradoxale vers l’émancipation des femmes>

Donnant encore une fois la parole à Ferrat qui déclare avec Aragon que : <la femme est l’avenir de l’homme>

Le problème c’est que dans ces pays, le peuple ne le sait pas.

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Mardi 9 septembre 2014

Mardi 9 septembre 2014
« C’est juste pas de chance
d’être une femme
dans la plupart des pays du Monde »
Annick Cojean

Annick Cojean, est l’une des grandes plumes du journal Le Monde. Elle a reçu le Prix Albert Londres en 1996, dirige la collection Duels sur France 5.

Elle a signé récemment « Les proies » un livre sur le système d’enlèvement et de viols systématiques mis en place sous le général Kadhafi. Le sous-titre est : « Les proies dans le harem de Kadhafi » (aux éditions Grasset).

Elle a signé aussi une enquête très forte sur le viol comme arme de guerre en Syrie.

Elle était l’invité de l’émission « Ils changent le monde » de Caroline Fourest : <Ils changent le monde Annick Cojean>

Et c’est dans cette émission qu’elle a eu cette phrase que j’ai choisie comme mot du jour.

Kadhafi avait organisé un véritable harem dans son palais. Quand il allait visiter une école, le geste de caresser la tête d’une jeune élève indiquait à ses sbires qu’il fallait l’enlever pour son harem.

Kadhafi avait une autre pratique : la sodomisation de ses généraux pour les humilier et les soumettre totalement.

Annick Cojean explique que ce n’est tout simplement pas possible de regretter un tel monstre.

Elle raconte dans son livre le sort que Khadafi réservait à des fillettes de quatorze ou quinze ans dans les lupanars personnels qu’il avait organisés jusque dans l’enceinte de l’université de Tripoli, comme dans son QG de Bab el Azizia : il les faisait enlever, par dizaines, par centaines, les violait et les droguait, avec la brutalité d’un soudard fou. Et il les faisait ensuite assister à ses ébats avec des hommes. Puis il se servait du sang de la défloration pour des pratiques de magie noire. Des membres mâles de son gouvernement, avec lesquels il forniquait aussi, en faisaient autant avec les filles mises à leur disposition.

Sans l’audace et l’obstination d’Annick Cojean, ces faits n’auraient sans doute jamais été portés à la connaissance du public. En effet, « le sujet est tabou, » Les femmes violées ne peuvent pas le revendiquer. C’est un crime parfait, les victimes sont enfermées dans leurs silences. Elles risquent de mourir par un crime d’honneur dans ces sociétés et si elles ne sont pas tuées elles seront ostracisées par leur famille.

Une loi a été réalisée en Libye pour reconnaître les femmes violées comme des victimes. On en a peu parlé en France. Il y a quand même des choses positives en Libye.

Une autre émission de « Ils changent le monde » raconte cette évolution en Libye par la suite d’un combat d’une autre femme : Céline Bardet, qui enquête sur le terrain sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, après avoir été juriste au Tribunal Pénal international de la Haye : <Ils changent le monde : Céline Bardet>

Annick Cojean a raconté aussi ce qu’elle avait vu en Syrie et a eu cette réflexion plus générale sur la condition des femmes dans un trop grand nombre de pays où elles sont opprimées, brutalisées, humiliées, reléguées, exploitées. Elles n’ont même pas le droit de se plaindre quand on commet un crime comme le viol à leur égard, le résultat de leur plainte rendrait leur vie encore plus insoutenable.

La violence, sous toutes ses formes, faite aux femmes dans le monde, à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui est immense, ignoble et encore largement inavouée ou refoulée.

<Dans un rapport tout récent, L’UNICEF estime qu’une petite fille sur dix est victime d’abus sexuels dans le monde>

Le mot du jour d’Annick Cojean est terrible, parce qu’il se lit au présent.

Que le Ciel vous tienne en éveil et que le féminin qui est en vous, femme ou homme, vous permette de voir, de comprendre et de faire votre part, comme le colibri, dans l’évolution nécessaire de notre humanité.

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