Mercredi 12 novembre 2014

Mercredi 12 novembre 2014
« Pari de civilisation
Abdelwahab Meddeb
Ouvrage paru en 2009 Au Seuil
Non je ne parlerai pas d’un secrétaire de la présidence de la république qui ne sait pas se taire et rester dans l’ombre que veut cette fonction.
Je parlerai encore moins d’une jeune fille prise dans une tourmente personnelle et médiatique qui a été projetée au-devant de la scène pour des motifs incompréhensibles pour un homme simple et raisonnable.
Mais je parlerai d’Abdelwahab Meddeb qui vient de mourir le  mercredi 5 novembre. Le cancer du poumon l’a emporté en quelques mois.
Abdelwahab Meddeb, animait sur France Culture, tous les vendredis, l’émission « Cultures d’Islam ». Entre tradition et modernité, il y décortiquait et interrogeait les enjeux de civilisation de notre temps, en mettant en regard l’Orient et l’Occident, l’Islam et l’Europe. Ci-après le site de cette émission « http://www.franceculture.fr/emission-cultures-d-islam-0
Il avait écrit avec le grand historien Benjamin Stora, un de ses derniers ouvrages :  Histoire des relations entre Juifs et Musulmans (Albin Michel, 2013) <Ici un entretien où il parle de ce livre>
Natacha Polony lui a consacré un magnifique article dans le Figaro publié le 7 novembre :
«Il est des voix qui, lorsqu’elles s’éteignent, emportent bien plus que la chaleur d’un être, son histoire et ses liens innombrables. Il est des voix qui emportent avec elles la lumière qu’elles avaient fait naître, celle de l’espérance. Abdelwahab Meddeb n’est pas seulement la voix qui, sur les ondes de France Culture, dans son  émission «Cultures d’Islam», faisait entendre depuis des années avec la méticulosité précieuse de l’érudit et la fougue émue du passionné la richesse de la civilisation arabo-musulmane. Il était celui qui, à travers ses textes, ses tribunes, ses interventions, ébranlait inlassablement les certitudes de ceux qui veulent confondre, pour le revendiquer ou le dénoncer, l’islam et l’islamisme.
C’est après le 11 septembre 2001 qu’il ouvrit le cycle de ses réflexions sur la «maladie de l’islam», sur cette perversion du religieux qui conduit à la violence et à la barbarie. Avec toute l’exigence de celui qui s’attache à la langue et à ses mots, il explora ce qui, dans la lettre et la tradition du Coran, pouvaient prédisposer à la lecture intégriste. Il dénonça les «semi-lettrés» qui s’autorisaient à toucher à la lettre pour mieux refuser à l’islam sa polyphonie.
Mais il s’interrogea aussi sur les éléments externes qui favorisaient le développement de la maladie. Lui, le Franco-Tunisien que portait sa «double généalogie», il voyait dans le glissement de l’occidentalisation à l’américanisation du monde un des facteurs du déferlement de la violence. »
Elle a donné pour titre à son article «  le poète qui faisait taire les fanatiques »
France Culture lui a consacré une émission hommage très intéressante à écouter : http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-hommage-a-abdelwahab-meddeb-2014-11-06 dans cette émission, Benjamin Stora a expliqué « Abdelwahab Meddeb était un grand intellectuel, un grand érudit mais surtout un homme très courageux. Courageux par ses prises de position politique, contre l’extrémisme religieux par exemple. Mais il avait aussi un grand courage physique, il a affronté la mort jusqu’à hier soir. C’est un homme qui jusqu’au bout a regardé la vie et la mort en face. »
Le mot du jour est le titre d’un de ses ouvrages dans lequel il montre que  « Toute religion qui ne s’adapte pas aux évolutions de l’histoire est condamnée à la violence ». Je pense modestement que ce titre le définit de la manière la plus juste.
C’était aussi, un grand défenseur du soufisme. Il expliquait notamment :
« Par sa portée esthétique et éthique, le soufisme peut aider le citoyen à trouver des réponses de vie aux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui. Il peut par cette voie vivre en poète, ayant le souci de soi, présent à la beauté qui se fait rare dans un monde dévasté. […] Le soufisme est ouvert sur l’autre. Il admet la diversité humaine. Sa conception du religieux est subjective, elle est donc l’alliée de la liberté. Le soufi pense que tous les chemins mènent à Dieu. Il est l’ennemi de la pensée unique et ne croit pas que lui seul accède à la vérité. C’est l’antidote contre le fanatisme et l’exclusivisme. »  <ici>
Restons vigilant pour écouter ceux qui parlent pour nous enrichir l’esprit et fermons notre écoute à celles et ceux qui n’en valent pas la peine.