Vendredi 8 mai 2020

«Sonate pour piano N°19 D. 958»
Franz Schubert

Mot de jour spécial pendant la période de confinement suite à la pandémie du COVID-19

Nous sommes en septembre 1828. Il reste moins de 2 mois de vie à Schubert.

Et il va écrire en quelques jours trois immenses sonates pour piano qui reste parmi les plus grandes du répertoire des pianistes à l’égal des dernières sonates de piano de Beethoven.

« J’ai composé entre autres trois sonates pour pianoforte sel, que je voudrais dédier à Hummel […] J’ai joué ces sonates en différentes endroits avec beaucoup de succès »
Schubert à son éditeur Probst, le 2 octobre 1828 – Cité par Brigitte Massin page 1275

Notez : « entre autres » il écrivait en même temps d’autres œuvres

Hummel était compositeur, il était surtout un grand ami de Beethoven.

On ne dédiait les œuvres qu’à des personnes vivantes.

Il est probable donc que par ce geste Schubert voulait en réalité rendre hommage à Beethoven.

Quand ces sonates seront publiées, Hummel était déjà mort, la dédicace ne pourra donc lui être faite.

Les musicologues ne sont pas tous d’accord sur le nombre de sonates de piano de Schubert en raison du fait que certaines sont inachevées et sont comptés par les uns et non par les autres.

Récemment Daniel Barenboïm a réalisé une remarquable intégrale des sonates de piano, mais il n’a enregistré que les sonates complètes.

Cependant un consensus s’est dégagé et on retient le nombre de 21 sonates et 18 sonates avaient été composées avant ce mois de septembre 1828.

Concernant les trois dernières,

« Schubert a noté lui-même sur les manuscrits, les indications de « Sonate I, II et III » dans l’ordre où elles se présentent aujourd’hui.

Le manuscrit de la dernière sonate porte à la fin l’indication « Vienne, le 26 septembre 1828 » ; cette date doit donc être considérées comme celle de l’achèvement de la trilogie.

Dans l’esprit de Schubert, les trois œuvres forment un tout et c’est bien ensemble qu’elles seront publiées, dix ans après la mort de leur auteur en 1838, par les soins de Diabelli »
Brigitte Massin, ibid.

Aujourd’hui, je vais m’intéresser au premier de ces chefs d’œuvre.

Beaucoup en soulignent la dimension Beethovenienne de cette sonate, notamment par son entrée en matière avec des accords tonitruants. Mais très rapidement on en revient à la poésie qui n’appartient qu’à Schubert.

Voici ce qu’il dit lorsqu’il se confie à son mentor Antonio Salieri :

« Croyez-vous réellement que quelque chose puisse sortir de moi ? (…) Dans le calme, en secret, j’espère bien pouvoir encore faire quelque chose moi-même, mais que peut-on encore faire après Beethoven ? »

Je vous propose d’écouter cette œuvre dans l’interprétation de Sviatoslav Richter : <Studio recording, Salzburg, 12 & 13.VIII.1972>

Cet enregistrement n’est qu’audio, si vous préférez y adjoindre de la vidéo, je vous renvoie vers cette interprétation de <András Schiff>

Pour entrer dans cette œuvre, il faut peut-être commencer par l’adagio, deuxième mouvement de cette œuvre. Vous trouverez sur le site de France musique <L’adagio par Philippe Cassard>

Sur le site Musicologie.org Michel Rusquet écrit :

« Autre chef-d’œuvre incontesté, cette sonate ouvre la fameuse trilogie que Schubert, dans une formidable explosion d’énergie créatrice, composa en septembre 1828, deux mois avant de disparaître. De ces trois immenses sonates qui, à bien des égards, ont valeur de testament artistique, celle-ci, « ainsi que l’annonce sa tonalité, est la plus agitée, la plus sombrement passionnée et la plus violente, la plus beethovénienne aussi, encore qu’elle ne contienne pas une mesure qu’un autre que Schubert eût pu écrire. » D’entrée, on croit entendre Beethoven derrière les élans farouches et la puissance titanesque du thème initial du premier allegro, mais bientôt va apparaître un second thème doucement rêveur, typiquement schubertien, et surtout, avant de déboucher sur une conclusion presque désespérée, le mouvement va connaître un développement bien éloigné des schémas classiques, une sorte de musique informelle, aux antipodes de Beethoven, où Schubert associe ballade funèbre et marche héroïque, chromatismes mystérieux et motifs obsessionnels.

L’adagio, un des rares adagios véritables du musicien, adopte une forme de rondo avec, entrecoupés d’épisodes sombres et véhéments, des refrains dont l’ample mélodie, d’un détachement presque mystique, fait l’effet d’un chant de pèlerinage, non sans évoquer par instants les sombres paysages du Voyage d’hiver. L’étrange menuetto qui suit, un scherzo en réalité, n’apporte guère de détente qu’à travers son lumineux trio car, avec ses lourds accents, ses brusques cassures de rythmes et ses contrastes dynamiques abrupts, on y sent avant tout une forte passion dramatique. Et cette œuvre décidément sombre et passionnée s’achève sur une chevauchée infernale, une cavalcade effrénée, d’une allégresse sardonique et macabre, effrayante aussi bien par ses dimensions que par son déchaînement presque ininterrompu. Rares en effet sont les moments de répit dans cette course frénétique où l’instabilité tonale est permanente. On aura bien, peu avant la fin, une brève échappée vers on ne sait quel Paradis perdu, mais ce sera pour mieux replonger dans le tourbillon lugubre de ce finale dantesque. »

Pour choisir un enregistrement CD de cette œuvre, je propose parmi d’autres très belles interprétations celle de Radu Lupu.

Mais Alfred Brendel, Daniel Barenboim, Wilhem Kempff sont tout aussi remarquables.

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