Mot de jour spécial pendant la période de confinement suite à la pandémie du COVID-19
Pendant cette période de confinement, j’écris aussi des mots du jour le week-end.
Ces mots sont souvent tournés vers la musique ou d’autres arts.
Et je m’aperçois que j’ai écrit 1404 mots et je n’en ai consacré aucun à Franz Schubert.
Il est vain d’essayer de classer les compositeurs, mais Schubert a toujours occupé une place particulière dans mon cœur.
C’est un amour de jeunesse et qui continue. C’est mon père qui m’a appris à le connaître et à révéler l’immensité de son génie.
Il faut songer que Schubert est mort à 31 ans le 19 novembre 1828 à Vienne, un an après Beethoven mort en 1827.
Ils vivaient dans la même ville et Schubert n’a jamais eu le courage d’aller à sa rencontre.
Mais Il fut un des porte-flambeau lors des funérailles du génie allemand inaccessible pour lui.
Exactement, un an plus tard, le 28 mars 1828 se déroula le premier concert public entièrement réservé à ses œuvres.
Oui Schubert n’eut de son vivant qu’un concert public de ses œuvres et ce fut ce 28 mars 1828.
Ce qui explique qu’il n’entendit jamais jouer certaines de ses œuvres qui nécessitait un orchestre ou un grand chœur.
L’essentiel de ses œuvres il les joua au milieu de son cercle d’amis.
Car, il avait en effet beaucoup d’amis et d’amis assez riches pour lui permettre de vivre au milieu d’eux sans avoir d’autres revenus de quelques leçons de piano qu’il donnait.
Ces réunions d’amis organisées autour de lui et de ses œuvres avaient été nommées par tous : « Les Schubertiades ».
Et aujourd’hui je vais partager avec vous « la Fantaisie D. 940 pour piano à quatre mains. »
<La revue de piano> la décrit de la manière suivante :
« Œuvre mythique du répertoire, la Fantaisie en fa mineur ouvre immanquablement, dès ses premières notes, les portes de ce monde simple et nostalgique qui caractérise les grandes œuvres de Schubert. Achevée en avril 1828 – les premières esquisses datent de janvier de la même année. ».
Cette fantaisie est un somment du répertoire de la musique pour piano à 4 mains.
<La lettre du musicien> consacrée au répertoire de la musique de piano à 4 mains écrit :
« Fantaisie en fa mineur, op.103, D.940, de 1828. Sans doute la plus belle œuvre écrite pour le piano à 4 mains, si ce n’est l’une des plus belles œuvres de musique qui soit. Rien que par son existence, elle justifie le genre. »
Je vous propose de l’entendre dans une version qui associe l’extraordinaire pianiste portugaise Maria Joao Pires avec une de ses élèves la jeune pianiste arménienne Lilit Grigoryan :
<Maria-João Pires et Lilit Grigoryan – Franz Schubert – Fantasie D.940>
Lilit Grigoryan est née à Erevan, en Arménie en 1985. Elle a été entre 2013 à 2016, artiste en résidence à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth en Belgique, sous la direction de Maria-João Pires.
Christine Mondon écrit un long développement très sensible et juste consacré à cette fantaisie. J’en tire ces extraits
« Sa […] Fantaisie en fa mineur D.940, est son chef-d’œuvre. [parmi les fantaisies pour piano…] elle s’empare de l’être tout entier avec une telle puissance que l’on a le sentiment que le temps est suspendu au souffle de l’éternel voyageur des sons qu’est Schubert. […]
Toujours est-il que ce chant sublime – le plus beau « quatre-mains » de la musique – laisse entendre la fragilité de la vie, notamment lorsqu’il module vers le majeur ce qui le rend plus tragique encore, dans la quinte diminuée si-fa où Schubert traduit sa révolte face à la maladie et à la mort.
Dès les premières notes s’élève une mélodie d’une ineffable beauté. Molto moderato… une quête s’amorce, celle du voyageur vers l’inaccessible étoile. […]
Bouleversant est le cri étouffé de celui qui commence sa longue descente vers la mort. On ne sort pas indemne à l’écoute de la Fantaisie. En elle se cristallisent nos émotions car c’est de notre vie même dont il s’agit. »
Christine Mondon : « Franz Schubert, Le musicien de l’ombre », pages 221 à 223
Cette œuvre a donc été écrite entre janvier et avril 1828.
Benjamin Britten a dit que l’année 1848 était l’année la plus féconde de l’Histoire de la musique, parce que ce fut la dernière de la vie de Schubert et que jamais de mémoire d’homme, un compositeur n’a écrit autant de chef d’œuvre que Schubert, cette année-là.
Cette fantaisie en est une.
Les œuvres de Schubert ont été classées par un musicologue Otto Erich Deutsch. Ainsi D 940, signifie que l’œuvre occupe la place 940 dans le classement de Deutsch. Ce classement est chronologique.
Les œuvres de 1828 occupent les numéros de 937 à 965.
Il y a cependant quelques numéros après 965, jusqu’à 998 et concernent des œuvres que Deutsch n’est pas parvenu à dater.
Schubert lui-même, accompagné par son ami Franz Lachner, jouera la fantaisie D940, pour la première fois, à Vienne le 9 mai 1828, au cours de l’une de ses fameuses Schubertiades.
Elle est dédiée à la comtesse Caroline Esterházy, une élève du compositeur. En février 1828, Eduard von Bauernfeld, dramaturge et autre ami de Schubert, note dans son journal :
« Schubert semble être réellement amoureux de la comtesse E. Il lui donne des leçons. ».
Le même von Bauernfeld (1802-1890) écrira bien plus tard :
« Lorsque la statue de Schubert fut inaugurée au Stadtpark, le 15 mai 1872, j’allai à la cérémonie avec Lachner. « Te rappelles-tu, me dit Lachner, comment je t’ai joué pour la première fois avec Schubert sa nouvelle fantaisie à quatre mains ? »
Cité par Brigitte Massin « Franz Schubert » chez Fayard page 439
Quarante-quatre ans plus tard, ces deux amis de Schubert se souvenaient de cet instant privilégié : la découverte d’un chef d’œuvre
Il y en eut bien d’autres, en cette année 1828, mais j’y reviendrai.
Pour celles et ceux qui voudrait approfondir, vous trouverez derrière ce lien <Fantaisie en fa mineur, Philippe Cassard et Cédric Pescia> une analyse faite par ces deux pianistes de l’œuvre. Et vous apprendrez que Schubert cite dans sa fantaisie un extrait de la 9ème symphonie de Beethoven.
Si on souhaite un enregistrement audio de cette œuvre, il est possible de se tourner vers la superbe interprétation de <Murray Perahia et Radu Lupu>
Il en est bien d’autres.
Maria Joao Pires l’a enregistré avec Huseyin Sermet
Un peintre von Schwindt qui faisait partie du cercle d’amis de Schubert a peint quelques années après la mort de Schubert, un tableau montrant l’ambiance des Schubertiades.
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