Mercredi 16 mai 2018

« Mai 1968 et la guerre du Viet Nam»
Poursuite du butinage de mai

Dans le mot du jour de lundi, j’avais précisé qu’en Allemagne et bien sûr aux Etats-Unis, les étudiants manifestaient d’abord contre la guerre du Viet-Nam.

Mais la France et le mai 68 sont aussi liés étroitement à la guerre du Viet Nam.

Tout le monde l’écrit aujourd’hui : « Mai 68 a commencé le 22 mars à l’Université de Nanterre».

Il faut même remonter au 20 mars 1968, lorsqu’à l’appel du Comité Vietnam, 200 à 300 personnes brisent les vitrines d’une agence parisienne d’American Express. Plusieurs manifestants, dont Xavier Langlade (futur dirigeant de la Ligue communiste révolutionnaire), étudiant très populaire à Nanterre, sont arrêtés.

Les étudiants de Nanterre veulent les faire libérer. C’est alors que le 22 mars, aucune libération n’étant survenue, entre 400 et 500 personnes se retrouvent à 17 heures pour une AG.

Et c’est Paris-Match qui raconte la suite :

« Plutôt que d’occuper l’habituel bâtiment de sociologie, il est décidé, «pour démontrer [leur] volonté de lutter contre la répression», dixit Daniel Cohn-Bendit, déjà à la manœuvre, de s’installer dans une salle interdite, celle des conseils d’université, au 8e étage de la tour centrale du campus. «J’avais participé à la tentative d’occupation de la Sorbonne en 1964, se souvient Prisca Bachelet, une participante. Ça avait échoué, et pourtant ça avait été tellement préparé! Ce 22 mars, il y avait un rapport à la parole, à l’action et à la décision radicalement nouveau, qu’on devait beaucoup aux anarchistes et aux libertaires comme Jean-Pierre Duteuil ou Daniel Cohn-Bendit. Les gens parlaient librement. Pour moi qui avais l’habitude des groupements politiques et syndicaux, c’était extraordinaire.» Une partie des présents s’attelle à l’écriture de ce qui deviendra le «manifeste des 142», qui appelle à une journée de réflexion la semaine suivante. La séance se termine à 1h20 après une «Internationale» chantée le poing levé. Et l’on se quitte sans savoir que le germe de mai vient d’être planté.

Le mouvement du 22 mars se transforme en une plateforme construite par l’action et emmenée par ceux qu’on appelle les «enragés». Pour la première fois, les groupuscules gauchistes réussissent à dépasser leurs divergences. »

Le premier acte de mai 68 avait pour objet de faire libérer des étudiants qui ont été arrêtés suite à une manifestation contre la guerre du Viet Nam.

Nous sommes en pleine guerre froide, pour les Etats-Unis il s’agit d’empêcher l’expansion communiste. Le Nord Viet Nam est communiste mais le Sud Viet Nam se trouve sous la protection américaine car sinon il ne pourrait résister aux assauts des troupes du Nord Viet Nam et de la guérilla locale qui ont pour nom « Le Viet Cong ». Pour les Etats-Unis c’est avant tout un combat politique.

Mais pour les vietnamiens communistes, le combat est aussi nationaliste il faut chasser les troupes d’occupation.

A l’occasion de la mort du célèbre général vietnamien GIAP, j’avais lors d’un mot du jour de 2013 rapporté cet entretien qu’avait dévoilé le général GIAP, lui-même lors d’une interview de l’Humanité :

« Une autre fois, j’étais à Moscou pour demander une aide renforcée et j’ai eu une réunion avec l’ensemble du bureau politique. Kossyguine m’a alors interpellé :  » Camarade Giap, vous me parlez de vaincre les Américains. Je me permets de vous demander combien d’escadrilles d’avions à réaction avez-vous et combien, eux, en ont-ils ?  »  » Malgré le grand décalage des forces militaires, ai-je répondu, je peux vous dire que si nous nous battons à la russe nous ne pouvons pas tenir deux heures. Mais nous nous battrons à la vietnamienne et nous vaincrons.  »

Et c’est ce qu’ils ont fait. L’Amérique s’est vraiment engagé dans cette guerre à partir de 1961 quand le président John F. Kennedy envoya plus de 15 000 conseillers militaires. Mais la présence des Etats-Unis est antérieure. En 1998, le gouvernement fédéral des États-Unis détermine que les militaires américains tombés après le 1er novembre 1955 — date de la création du premier groupe de conseillers militaires américains au Sud Viêt Nam — peuvent être considérés comme morts durant la guerre du Viêt Nam.

Et Lyndon Johnson qui succéda à Kennedy après son assassinat le 22 novembre 1963 en sa qualité de vice-président, fut contraint à encore augmenter l’effort de guerre. Il terminera la présidence de Kennedy, puis sera élu sur son propre nom, l’emportant largement à l’élection présidentielle de 1964. 1968 est année d’élection présidentielle aux Etats-Unis et Lyndon Johnson peut et veut se représenter, mais il en sera empêché en raison de la guerre du Viet Nam .

Terrible année 1968 aux Etats-Unis, pendant laquelle d’abord Martin Luther King fut assassiné le 4 avril 1968 à Memphis et puis ce fut le tour de Robert F. Kennedy, le 6 juin 1968 alors qu’il venait de remporter la primaire de Californie, ce qui faisait alors de lui le candidat le plus probable du parti démocrate.

Jamais l’engagement américain n’a été aussi fort qu’au Vietnam en 1968. Les GI’s débarquent par vagues entières pour atteindre le chiffre record de 500 000 soldats

Le président Johnson annonça son renoncement lors d’un discours le 31 mars 1968, discours dans lequel il annonce également l’arrêt immédiat et sans condition des raids au Viêt Nam et appelle Hô Chi Minh à négocier la paix.

Car en janvier 1968, avait commencé l’offensive du Tết. Le gouvernement américain avait promis la « lumière au bout du tunnel » et la victoire.

Mais le 30 janvier 1968, l’ennemi, supposé être sur le point de s’effondrer, lança l’offensive du Tết en combinant les forces du Front national de libération du Sud Viêt Nam (ou Việt Cộng) et de l’Armée populaire vietnamienne. L’offensive commence prématurément le 30 janvier 1968, un jour avant la nouvelle année lunaire, le Têt. Le 31 janvier, 80 000 soldats communistes attaquent plus de 100 villes à travers le pays dans la plus grande opération militaire conduite à ce point de la guerre

Le général Giap, mobilisa la quasi-totalité de ses effectifs dans la bataille.

Les buts poursuivis étaient le soulèvement de la population sud-vietnamienne contre la République du Viêt Nam, démontrer que les déclarations américaines selon lesquelles la situation s’améliorait étaient fausses, et dévier la pression militaire pesant sur les campagnes vers les villes sud-vietnamiennes.

Du point de vue militaire, cette offensive, la première guerre ouverte à grande échelle des communistes, fut un échec. Face à la puissance de feu américaine, ils furent massacrés, et il leur fallut deux ans pour reconstituer leurs forces. Mais du point de vue politique, ce fut une victoire. Aux États-Unis, on prit soudain conscience de la force des communistes du Sud. Une grande majorité d’Américains eut le sentiment d’avoir été trompée et la victoire semblait désormais impossible. Le 29 février 1968 le secrétaire à la Défense, Robert Macnamara, démissionna.

9 jours avant les vietnamiens avaient engagé un autre front la bataille de Khe Sanh qui fut la plus longue de la guerre du Viet Nam.

La population américaine perdit la foi en la victoire.

En outre, les médias commençaient à montrer des images et des exactions des soldats américains excédés et devenant fous.

C’est aussi en 1968, le 16 mars 1968 qu’eut lieu le massacre de Mỹ Lai, en plus de ne pas parvenir à gagner la guerre, l’Amérique était en train de perdre son âme. Les jeunes d’Amérique, comme les jeunes des autres pays occidentaux ne pouvaient qu’être révoltés par cette guerre sale devenu incompréhensible.

Ici un journal de Cleveland relate cette tuerie et montre aux américains une photo de la réalité : des civils massacrés.

Depuis le Viet Nam, les occidentaux n’ont plus vraiment pu gagner de guerres, de ces guerres que l’on dit asymétriques.

La plus grande armée du monde peut encore gagner des batailles contre des armées régulières comme celle d’Irak, mais elle ne peut plus gagner la guerre car les politiques n’arrivent plus à gagner la paix.

Contre l’Allemagne nazi et contre le Japon impérialiste, les alliés y étaient parvenus. Depuis ils n’y arrivent plus.

En 1968, ce fut Nixon qui gagna les élections et ce fut lui aidé par Henry Kissinger qui se résolut à arrêter cette guerre par les Accords de paix de Paris en 1973. Mais ce ne fut pas la paix mais simplement le retrait militaire américain.

La guerre continua et se termina en 1975 par la victoire totale du Nord Viet-Nam.

La guerre du Viet Nam hantait les nuits des soldats américains et révoltait la jeunesse du monde entier.

Le secrétaire d’état à la défense, lors de la guerre du Viet Nam, Robert McNamara écrivit un livre « Avec le recul. La tragédie du Vietnam et ses leçons »

On peut y lire cet aveu :

« Nous, membres des administrations Kennedy et Johnson parties prenantes aux décisions sur le Vietnam, avons agi selon ce que nous pensions être les principes et les traditions de notre pays. Nous avons pris nos décisions à la lumière de ces valeurs. Pourtant, nous avons eu tort. Terriblement tort.»

Dans cet ouvrage Mac Namara révèle aussi que de 1965 à 1968, l’opération Rolling Thunder (tonnerre roulant), nom de la campagne de bombardement va « déverser sur le Vietnam plus de bombes qu’on n’en avait lâché sur toute l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale »

Cette guerre aura coûté la vie à plus de 58.000 soldats américains, 250 000 morts sud-vietnamiens et 1 300 000 morts nord vietnamiens. Je ne commente pas. Quelquefois, rarement, les chiffres parlent d’eux mêmes.

Les manifestations contre la guerre du Viet nam fut un grand catalyseur des colères étudiantes en 1968.

L’historien Laurent Jalabert écrivit en 1997 un article sur ce sujet : « Aux origines de la génération 1968 : Les étudiants français et la guerre du Vietnam » que vous pourrez lire <Ici>.

Et en France le 16 mai 1968 les grèves s’étendent dans le mouvement ouvrier : chez Renault à Flins, à Billancourt, au Mans et à Sandouville, à la manufacture d’armes de Bayonne, chez Kleber-Colombes et Rhône-Poulenc à Elbeuf, chez Dresser-Dujardin au Havre, chez Unelec à Orléans. Et à Renault-Billancourt, le cortège venu du Quartier latin trouve porte close, la CGT voulant éviter tout risque de « provocation ». Les ouvriers et les étudiants manifestent, mais pas ensemble !

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