Mercredi 26/10/2016

Mercredi 26/10/2016
«François Mitterrand»
(26/10/1916 – 08/01/1996)
François Maurice Adrien Marie Mitterrand est né le 26 octobre 1916 à Jarnac, il y a 100 ans.
Jarnac est une ville du département de Charente, située sur la rive droite du fleuve Charente, entre Angoulême et Cognac et qui comptait en 2013, 4 449 habitants.
Mais le nom de Jarnac est surtout connu en raison de l’expression « coup de Jarnac » qui désigne un coup violent, habile et imprévu. Il a pris une connotation de coup déloyal ou pernicieux, qui n’existait pas à l’origine.
Car dans son sens premier et d’escrime, il s’agit d’un coup à l’arrière du genou ou de la cuisse, rendu célèbre par Guy Chabot de Jarnac, qui le porte lors d’un duel judiciaire en 1547.
Vous trouverez, sur le site de la ville de Jarnac, une explication détaillée et historique dans laquelle les habitants de Jarnac tente de dissocier le nom de «Jarnac» de l’adjectif «déloyauté».
Toujours est-il que François Mitterrand est né jarnacais, qu’il a toujours conservé des liens étroits avec sa ville natale et qu‘à la fin de quelques tergiversations, il décida d’y retourner pour sa dernière demeure.
Si je ne me soumets pas à un profond et exigeant travail intellectuel, à l’appel de la raison la plus objective, je tombe tout naturellement dans un réquisitoire à charge qui dénonce le démagogue, l’homme assoiffé de pouvoir, aux relations sulfureuses.
En 1981, plein d’espoir, j’ai voté pour celui qui disait et écrivait :
«La droite n’a qu’une ambition c’est de conserver le pouvoir, moi je n’ai qu’un objectif vous le rendre», «L’Europe sera sociale ou ne sera pas»
Son programme économique de 1981, notamment les nationalisations à 100%, dénoncées par Michel Rocard, a été une absurdité. Il a d’ailleurs dû y renoncer en 1983, sans l’assumer et sans l’expliquer.
Il nous a entraînés dans une course à l’abime, en dissolvant la France dans une Europe du marché concurrentiel sans limite, sans structure, sans pouvoir politique, et élargie sans cesse vers de nouveaux entrants sans que les règles de prise de décision n’aient été adaptées à cette nouvelle configuration.
Il a pensé que l’Euro serait une arme qui permettrait à la France de contraindre l’Allemagne, alors que c’est exactement le contraire. L’Euro est configuré sur le modèle du Mark en harmonie avec le grand pays industriel, composé d’une population vieillissante et rentière, l’Allemagne.
L’Euro est avant tout une contrainte pour un pays ayant une jeunesse beaucoup plus vigoureuse et un tissu industriel beaucoup moins puissant que son voisin germanique.
Il a décidé de la retraite à 60 ans, vécu certes par ceux qui ont en bénéficié comme un magnifique cadeau, mais qui dans cette extraordinaire et bienheureuse explosion de l’espérance de  vie des humains  et dans un  contexte de système de retraite par répartition constituait un acte irresponsable contre notre jeunesse et son avenir.
Il a aussi accompagné la dérive de l’individualisme :
«Moi, moi seul et tout de suite» ce que Régis Debray qualifie du «tout à l’ego» au dépens du «nous», de ce qui fait société et prépare l’avenir.
Dans un des premiers mots du jour, celui du 27 novembre 2012, je rapportais des propos privés que Jean-Pierre Chevènement citait dans son livre « La France est-elle finie » et que Mitterrand lui avait tenu en 1979
«Je ne pense pas qu’aujourd’hui, à notre époque, la France puisse faire autre chose, hélas, que passer à travers les gouttes».
C’était le propos lucide d’un homme politique habile et démagogue qui en public magnifiait la grandeur de la France et qui en privé n’y croyait pas.
Ce à quoi il croyait c’est au pouvoir. Il restera dans le livre des records comme le Président de la République étant resté le plus longtemps dans ses fonctions, deux septennats. Personne ne pourra le dépasser désormais, puisque le quinquennat a remplacé le septennat et que le nombre de mandats est limité à deux.
Et puis il y eut toute cette boue au cours de sa carrière, ses débuts dans l’extrême droite, son attitude ambigüe au début de régime de Vichy, des amitiés coupables avec des criminels de cette époque comme René Bousquet, son manque de clairvoyance lors de la guerre d’Algérie, son approbation active dans l’exécution des condamnés à mort algérien.
Et encore son attitude versatile à l’égard de la 5ème république, écrivant un pamphlet flamboyant contre elle <Le coup d’état permanent> et dès qu’il est parvenu, après 3 tentatives, à s’installer sur le trône de ce régime honni, il s’y est plu et a profité de toutes les manettes que lui donnait ce régime qu’il dénonçait.
Il a utilisé, pour protéger sa vie privée, des outils régaliens réservés pour l’intérêt supérieur de l’Etat et notamment fait écouter des dizaines de françaises et de français, en toute illégalité.
Dans la plupart des pays équivalents, ces manœuvres auraient été dénoncées et conduit à sa destitution. Mais la France n’est pas le pays des droits de l’homme … La France est un pays monarchique qui croit en le pouvoir d’un homme et qui continue à y croire en profondeur, alors que même tout prouve que cela est devenu absolument contre-productif.
Jean d’Ormesson l’a décrit de la manière suivante : «c’est un homme qui avait un rapport complexe avec la vérité».
Finalement ce qui le caractériserait avant tout, dans son combat politique ce serait ce mot d’ordre : « l’essentiel c’est de durer».
Voilà ce que j’écrirais si je me laissais aller.
Mais tu l’as écrit !
Oui …
Je me suis laissé aller.
Mais depuis nous avons eu d’autres présidents de la République et d’autres discours, et d’autres attitudes…
Et alors, quand on lit les discours de Mitterrand, qu’on lit ses livres ou qu’on écoute ou lit ses interviews, la comparaison est accablante.
C’était un homme de culture, de profondeur, d’esprit.
On dit François Hollande très intelligent. Probablement, mais ce n’est pas l’intelligence de Mitterrand.
Et malgré toutes mes réticences et critiques, si je peux me nourrir intellectuellement dans l’expression de l’intelligence de Mitterrand, je n’y arrive pas avec l’intelligence du président actuel.
Lorsque François Mitterrand annonça à tous son cancer de la prostate en 1992, il eut cette phrase : «Dans la hiérarchie des choses agréables, ça ne vient pas en premier rang, c’est un combat honorable à mener contre soi-même.»
«Un combat honorable» ce fut l’expression que j’ai utilisée, quand j’ai eu à annoncer à mes collègues de travail que j’allais devoir m’absenter, quelques temps, pour cette même raison qui tourmenta François Mitterrand à la fin de son existence.
Dans ce type de circonstance, on devient brusquement moins critique.
Et quand on regarde cette émission, Mitterrand face à la mort, on ne peut être que saisi par la profondeur et la richesse du personnage. Il y aussi ce témoignage de gens simples du Morvan où il avait été si longtemps député et qui l’avait aidé et soutenu pendant ses premières années et à qui il envoyait pendant toute sa présidence et au cours de ses voyages des cartes écrites de sa main avec des pensées amicales, car cet homme rusé et manipulateur était aussi fidèle en amitié et capable de gestes gratuits simplement par reconnaissance et fidélité.
C’était un homme de culture et d’Histoire. Ses discours sont des moments habités où le verbe se fait chair et la technocratie n’a pas sa place.
Son dernier discours des vœux le 31 décembre 1994 :
« L’an prochain, ce sera mon successeur qui vous exprimera ses vœux. Là où je serai, je l’écouterai le cœur plein de reconnaissance pour le peuple français qui m’aura si longtemps confié son destin et plein d’espoir en vous. Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. Je forme ce soir des vœux pour vous tous en m’adressant d’abord à ceux qui souffrent, à ceux qui sont seuls, à ceux qui sont loin de chez eux. Bonne année et longue vie. Vive la République. Vive la France»
Il y a aussi ce dernier discours au Parlement européen où on voit son état de santé fragile et pourtant son message reste plein de force et fascine son auditoire : «Le nationalisme c’est la guerre !»
Et il y aussi cet entretien où il se livre à Jean-Pierre Elkabbach en septembre 1994 et où il parle de son parcours, de l’influence de son milieu et de son éducation et aussi de ses relations avec Vichy.
Récemment j’ai entendu, lors de l’émission de France Inter consacré au livre d’entretiens de François Hollande avec deux journalistes, que le président actuel se sentait parfois bien seul dans le palais de l’Elysée et qu’il passait certaines de ses soirées avec un plateau repas devant les chaines d’info, devant des chaines d’info ! François Mitterrand, dans la même situation se serait réfugié dans la lecture, car les livres le nourrissaient et lui donnaient sa consistance et sa force. C’est Piketty qui dit : les hommes politiques d’aujourd’hui ne lisent plus.
Que dire encore ?
Probablement parler des lettres à Anne, je le ferai demain.​