Vendredi 7 octobre 2016
«Personne au monde, ni en Algérie, ni au Sénégal, ni en Chine, ne souhaite devenir minoritaire dans son village. »
Christophe Guilluy, lors des matins de France Culture du 13 septembre 2016
Christophe Guilluy est géographe et présente des analyses très intéressantes sur la France d’aujourd’hui, la répartition des richesses sur le territoire, le rapport qu’il définit comme « complexe » à l’autre et la distance de plus en plus grande qui devient une séparation entre la France d’en haut et la France d’en bas.
L’exergue du mot du jour est sa réponse à la citation de Guillaume Erner qui reprenait une des affirmations de son dernier ouvrage < Le crépuscule de la France d’en haut> : « L’opinion, il n’y a pas trop d’étrangers en France, n’est majoritaire que chez les cadres !».
Le rapport à l’autre constitue un vrai sujet selon lui, mais :
« Avant d’aborder ce sujet je voudrais savoir :
1° Combien tu gagnes ?
2° Où vis-tu ?
3°A quoi ressembles les gens qui habitent dans ton immeuble ?
4° et où as-tu scolarisé tes enfants ?
Après la réponse à ces questions, on peut parler. »
Le clivage se fait selon classes supérieures et classes prolétaires.
« Le multiculturalisme à 1000 euros par mois, ce n’est pas la même chose que le multiculturalisme à 10 000 euros par mois. »
Mais il considère que cette fracture se trouve dans les discours pas dans les faits. Il explique ainsi que : « Les bobos qui aident les immigrés sont probablement et dans leur plus grande majorité sincère dans leurs démarches » mais quand il s’agit de choix résidentiel ou du choix de la scolarisation des enfants, le choix est celui du séparatisme.
Et il élargit son propos en disant bien qu’il ne parle pas que du « petit blanc », il en va de même pour la population d’origine maghrébine bien implantée en France qui va aussi pratiquer l’évitement et la fuite lorsqu’elle constate que le quartier, dans lequel elle vit, voit affluer une nouvelle population d’immigration subsaharienne.
Et il précise :
« Ce que je critique c’est la condamnation des gens d’en bas par les gens d’en haut. Le rapport avec l’autre est plus complexe pour les gens d’en bas. »
Avant son dernier ouvrage, Christophe Guilluy en avait publié 2 autres qui avaient fait grand bruit et déclenché des polémiques :
D’abord : < Fractures françaises >, puis surtout <La France périphérique ; comment on a sacrifié les classes populaires>
Dans ce dernier ouvrage, le géographe détaille sa vision de la fracture territoriale en France.
Il oppose les grandes métropoles où sont produits les richesses et où vivent les dominants et les gagnants de la mondialisation et la France périphérique, c’est-à-dire le reste du territoire donc hors grandes métropoles où vivent la majorité des classes populaires.
Plus précisément, il décrit trois territoires : la France périphérique, les Grandes métropoles et les banlieues des grandes métropoles qu’il décrit comme « les coulisses » ou « les vestiaires » des métropoles où vivent les émigrés qui travaillent dans le BTP, comme serveur ou dans les emplois de service au profit des dominants des métropoles. La Seine Saint Denis est le meilleur exemple de telles « coulisses ».
Il montre cette évolution où les classes populaires ne vivent plus à l’endroit où se créent les richesses. Le besoin d’ouvriers dans les usines nécessitait leur présence. Paris était une ville remplie d’ouvriers et de classes populaires. Le marché immobilier, la logique économique s’est chargée d’évacuer les gens qui n’étaient plus utiles pour les besoins de l’économie. Aujourd’hui les classes populaires ne peuvent plus habiter près des grandes métropoles que dans le parc social, alors qu’au XXème siècle, les ouvriers étaient logés pour leur plus grande part dans le parc des logements privés.
Ce découpage du territoire correspond d’assez près au vote pour ou contre le Front national.
Cette pensée très riche aurait probablement mérité plusieurs mots du jour. Dans son dernier ouvrage il insiste sur la rupture et l’incommunicabilité entre la France d’en haut qui profite de la mondialisation et la France d’en bas qui est la perdante de la mondialisation. Je finirai par cette réflexion du géographe : « On a un système économique qui marche mais qui ne fait pas société ».
Voici un lien vers un article qui <Qui développe et approuve les thèses développées dans La France périphérique>
Et aussi deux articles plus critiques <Slate> et <Libération>