Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants »
Il faut bien savoir être un peu léger parfois, quoique…
Dans ce cas, il suffit de faire un tour dans l’univers de la créativité de l’Education Nationale pour s’amuser et aussi se dire : Peut-on être pédagogue, c’est-à-dire selon ma définition rendre simple des choses complexes, quand on se complaît dans un tel vocabulaire ?
Rappelons qu’« allophone » a pour définition : « Personne qui parle une langue autre que celle(s) de la majorité. ».
Bref il s’agit ici d’une « classe à destination d’immigrés qui ne parlent pas le français ».
On pourrait même dire « classe à destination d’immigrés allophones », car le terme allophone est précis et signifie exactement ce de quoi on parle. Il ne s’agit pas de faire l’éloge d’une langue pauvre et de ne pas utiliser des termes précis et appropriés.
Ce qui est en cause ici et qui constitue la novlangue des technocrates ce n’est pas l’utilisation du mot « allophone » mais bien son association avec « unité pédagogique » et surtout « élèves arrivants ».
En outre si on lit rapidement l’acronyme d’« UPEAA », on entend « duper » qui a lien étroit avec tromperie.
J’ai appris l’existence des « UPEAA » grâce à cet article : <Madame vous avez fait quoi pour devenir francaise ?>
Cet article présente un autre intérêt : celui du témoignage d’une française d’origine vietnamienne : Doan Bui, journaliste qui a été invitée à retourner dans son ancien collège « Berthelot » au Mans où elle a rencontré des élèves migrants originaires de Syrie, du Kosovo, du Tchad.
Je cite quelques extraits de ce reportage :
« Fin avril, je suis donc retournée en classe, et j’ai vu mes « successeurs »… Cette fois, c’est moi qui étais au tableau.
Avec cette double casquette : journaliste à « l’Obs » et fille de migrants (ou plutôt l’inverse). […]
Erza, blonde aux yeux bleus, est kosovare (elle dit « albanaise » sur sa page Facebook), Aminata vient de Mauritanie, « où il y a la guerre », Rama de Syrie, Nawele d’Italie et de Tunisie, Mariam ou Jamilati du Tchad.
Derrière leurs grands sourires, elles traînent avec elles des histoires d’exils et de déchirements parfois terribles, et pourtant, quand on les voit, impossible de les distinguer de leurs camarades.
Ce ne sont pas des « migrantes ». Juste des ados, qui se taquinent, pensent à l’avenir, à l’amour, et pouffent quand elles évoquent les garçons.
Zain, 15 ans, est gêné quand les filles l’appellent pour poser. Il est plus timide. Il attendra la pause goûter pour me raconter son histoire. Zain est un Mineur Isolé étranger, un « MIE ». « Je viens d’Islamabad. Mes parents m’ont envoyé en France. A l’aéroport, j’étais tout seul. Mais j’ai rencontré un autre Pakistanais. Il m’a conseillé d’aller à Laval où il connaissait des gens. J’ai été dans un foyer, dans l’Aide Sociale, c’était le nom. Et puis après, je suis arrivé au Mans. […]
Zain est « très sociable » me disent ses professeurs. Scolarisé en troisième, il commence à se débrouiller. Derrière lui, souriant et mutique, Yannick, un autre « MIE » vient d’Angola. Hanh Baillat, professeur de Français : On a d’autres MIE qui sont arrivés cette semaine. L’éducateur ne savait rien d’eux, à part qu’ils ont été trouvés à Paris, qu’ils seraient originaires d’Egypte. Ils ne parlent pas un mot de français, pas un mot d’anglais. Ils sont « NSA », comme on dit. « Non scolarisés antérieurement »
Mais ça n’a pas l’air de lui faire peur à Hanh. Elle me désigne ainsi Aminata, vive comme du vif argent, qui est arrivée de Mauritanie, il y a moins d’un an. « Elle était NSA aussi, au départ, pour lui apprendre le français, on travaillait avec des images. » Aminata parle si bien français qu’on croirait qu’elle l’a appris depuis toute petite. En Mauritanie, par exemple. Aminata s’exclame : « Ah non, je n’ai pas appris le français là-bas !!!
L’école en Mauritanie, c’était pas bien. Ici, en France, tout est mieux. Même le froid, je m’y suis habituée. » […]
Qui se sent venir à 100% d’un endroit ? » demande Françoise Leclaire, qui a lancé le projet auprès des élèves de l’UEPAA. Personne ne lève le doigt…
Sur les murs, des cartes où sont épinglés tous les pays d’où viennent les enfants, leurs parents, leurs grands-parents. […]
Mariam, du Tchad, qui a également habité à Moscou, est très tracassée par ce que ça veut dire « devenir français » :
« Madame, est ce que vous vous sentez française ? Qu’est-ce que vous avez fait pour devenir française ? »
Hum… Qu’est-ce que j’ai fait pour devenir française ?
Moi qui suis née française (enfin presque, naturalisée à deux ans), j’ai toujours eu l’impression d’être française.
A cause des livres peut être : je me rêvais en petite fille modèle, façon Comtesse de Ségur. »
Voilà au-delà d’apprendre quelques acronymes amusants ou débiles, cet article parle d’enfants, de déchirures, de guerres, d’exil et de cette difficile quête : « devenir français »
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