Lundi 5 septembre 2016

Lundi 5 septembre 2016
« Georges Servet » 
Alias Michel Rocard
Après que ma belle-sœur ait attiré mon attention sur Michel Rocard, je me suis intéressé à lui et j’ai vite été conquis. J’ai même adhéré une première fois au Parti Socialiste en 1979, j’avais 18 ans, à l’époque du Congrès de Metz. Ce Congrès où Rocard avait défié Mitterrand et où Mitterrand allié à Chevènement a gagné. C’est lors de ce Congrès  que Laurent Fabius a lancé à Michel Rocard « entre le marché et le plan, il y a le socialisme ». Après un an, je n’ai pas renouvelé ma carte.
Mais qui était Michel Rocard ? 
Michel Rocard était un homme de convictions et un homme ancré dans l’Histoire. Et je voudrai commencer ces quelques mots que je lui consacre par cet acte qu’il a commis quand à partir de 1953 il a pris le pseudonyme de « Georges Servet » du nom d’un hérétique protestant, Michel Servet.  C’est sous ce nom qu’il est connu au PSU avant 1967.
Le local du PS de Villeurbanne se situe Rue Michel Servet. Un jour que je m’y trouvais avec d’autres membres du PS, l’un d’entre eux demanda mais qui était Michel Servet ? Et je constatais ce jour l’ignorance assez générale sur cette question. Les histoires de religion n’ont jamais beaucoup intéressé le commun des socialistes.
Michel Servet est né en 1511 dans le Royaume d’Aragon et il a été assassiné le 27 octobre 1553 à Genève,  à l’instigation de Jean Calvin, en étant brûlé vif parce qu’il avait été condamné pour hérésie.  Il avait notamment osé interroger le dogme de la Trinité. Oui ! À cette époque le christianisme et le protestantisme aussi, tuait pour des idées. Il a été tué notamment parce qu’il contestait la conception d’un Dieu unique qui existait en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, égaux, participant d’une même essence divine et pourtant fondamentalement distincts. Les hommes de religion tuaient pour cela ! Pour une divergence d’idée sur un concept abscons !
Michel Servet, outre, qu’il était théologien fut aussi médecin. En tant que médecin, il découvre la circulation pulmonaire. Wikipedia écrit : «Sa vaste intelligence et sa soif de connaissances l’incitent à s’intéresser à toutes les branches du savoir, incluant la géographie et les mathématiques. Il compte au nombre des martyrs de la pensée.»
Michel Rocard a souhaité, pour ses obsèques, bénéficier d’une cérémonie au Temple protestant.
Sa mère, Renée Favre, institutrice était protestante mais son père Yves Rocard, était de famille catholique.
Ce père, avec qui il a eu des relations tumultueuses, avait été membre de la Résistance mais fut surtout un grand professeur et chercheur en physique. <Il fut un des pères de la bombe atomatique française>
Son père voulait que le jeune Michel devienne scientifique comme lui, il détestait l’idée qu’il se lance dans la vie politique.
Dans son livre «Si la gauche savait» Michel Rocard a écrit de son père : « C’était un personnage compliqué… Un génie aux facettes multiples… Un professeur Tournesol enfermé dans ses silences, maladroit de son corps comme pas possible. Il détestait sa femme. Ma mère était une petite institutrice de Savoie mariée à un immense savant ; d’une certaine façon, elle vivait une promotion sociale. Elle empoisonnait la vie de mon père. Il a fini par déserter le domicile conjugal pour échapper à son caractère dominateur. Et, surtout, elle m’accaparait. Il lui a beaucoup reproché de m’avoir soumis à elle ; et, de ce fait, de m’avoir éloigné de lui. Il disait: « Je ne comprends rien à mon fils. C’est un con, et à cause de toi. » Après cet épisode, il a passé sept ou huit ans sans guère m’adresser la parole.»
Michel Rocard passe par le scoutisme où il porte le surnom d’« Hamster érudit » qui sera souvent rappelé lors de sa carrière politique.
Très vite, il s’engage en politique, à gauche et c’est lors de la guerre d’Algérie qu’il montre publiquement la force de ses convictions. Il rejoint  les socialistes en rupture avec Guy Mollet à propos de la politique algérienne. Il écrit : « Pendant plus d’un siècle, la France a prétendu mener en Algérie la politique dite de l’assimilation, qui seule justifiait l’intégration de l’Algérie dans le territoire de la République. En fait, cette politique fut proclamée et jamais appliquée […] L’égalité des devoirs existait, et notamment l’impôt du sang, mais point d’égalité des droits ». Il relève « une mentalité proche de la ségrégation raciale qui interdisait aux musulmans, sauf exception, l’accès aux fonctions de responsabilités, même mineures, dans leur propre pays ».
Pendant cette guerre, il joue un rôle éminent sur lequel nous reviendrons demain.
Mais rappelons que le ministre de la Justice, du gouvernement de répression que ces hommes inconséquents appelaient les évènements d’Algérie et non la guerre était François Mitterrand. Dans cette fonction, Mitterrand refuse 80 % des demandes de grâces des condamnés à mort algériens. Rocard écrira alors de Mitterrand qu’il est un « assassin ». Ainsi commencèrent leurs relations conflictuelles.
Contrairement à Mitterrand qui adorait rester dans l’ambiguïté et que la démagogie ne dérangeait pas, Michel Rocard aimait ancrer ses raisonnements et sa pensée dans le réel, la vérité et l’Histoire.
Dans son émission Mediapolis du 9 juillet 2016, Olivier Duhamel a fait la remarque suivante : 
Les mots utilisés par les hommes politiques pour lui rendre hommage sont surprenants :
«C’était un homme d’idées … Ah bon, les hommes politiques n’ont plus d’idées ?
C’était un homme de conviction … Ah bon, ils n’ont plus de convictions ?
C’était un homme honnête … Ah bon,…
Il y a, en creux un réquisitoire terrible contre les hommes politiques d’aujourd’hui.»