Jeudi 06 juin 2019

« L’histoire du Zolgensma »
Un médicament de 2,1 millions de dollars

J’ai entendu cette histoire incroyable dans la revue de Presse de Claude Askolovich, <ce mercredi>.

Il a cité l’Express et le Canard enchaîné que j’ai achetés immédiatement.

Vous avez entendu qu’un laboratoire Suisse est parvenu à faire accepter aux Etats-Unis la commercialisation d’un médicament dont le prix unitaire est 2,1 millions de dollars.

Le laboratoire Suisse est « Novartis. »

La question est de savoir comment Novartis a investi dans les brevets et la recherche pour parvenir à ce résultat.

Et cette histoire pourrait commencer par :

« Il était une fois, en France, le téléthon ».

Voici comment Claude Askololovich raconte cette histoire :

« On parle d’une culbute financière…qu’a révélée l’Express et dont parle aussi le Canard enchaîné, une culbute scandaleuse et légale dont nous sommes français les victimes, et qui, sacrilège, concerne la santé.

On a appris en mai que la firme suisse Novartis allait commercialiser le médicament LE PLUS CHER DU MONDE; le Zolgensma qui à deux millions cent mille dollars la prise combat l’amyotropie spinale, maladie génétique qui tue des nourrissons, paralysant leurs muscles et leur respiration.

Et bien, ce médicament a été inventé chez nous en France, par le Généthon, le laboratoire du Téléthon, cause pour laquelle nous mettons chaque année la main à la poche. Les chercheurs du Généthon avaient déposé des brevets; mais quand on dépose des brevets, vos données deviennent publiques, dans le monde réel qui est plus dur qu’un brave labo née d’une association de malades.

Le Généthon avait investi 15 millions d’euros pour des expériences sur les souris, une start-up americaine Avexis a levé 500 millions de dollars pour réaliser des essais cliniques et le passage à l’espèce humaine.

Et le Généthon dépassé, pour quinze millions de dollars, en gros le prix de ses recherches, a cédé ses brevets à son jeune vainqueur…

Lequel vainqueur s’est fait racheter par Novartis pour 8.7 milliards de dollars.

Et Novartis espère vendre pour 2 milliards par an de Zolgensma; le généthon touchera des royalties sur ces ventes, qui seront réinvesties dans la recherche, car nous sommes français des gentils, peut-être inadaptés.

L’Express et le Canard le martèlent, la France n’a pas su créer de  filière pour les thérapies génétiques, qui irait de la recherche jusqu’à l’industrialisation, pas seulement pour être nous aussi milliardaires, mais pour maîtriser le prix des médicaments…  »

Donc résumons :

1° Un sympathique laboratoire français investit 15 millions d’euros.

2° Mais pour la suite il faut un financement bien plus important. Une start up américaine arrive à mobiliser 500 millions de dollars et rachète les brevets du petit laboratoire français.

3° La start up américaine est très efficace mais ne sait pas industrialiser sa découverte. Pas de souci un laboratoire suisse rachète tout pour 8,7 milliards de dollars.

  • Les suisses ont un magnifique business plan, ils pensent vendre pour 2 milliards par an de ce Zolgensma.
  • Les propriétaires de la start up américaine sont devenus très riches et pourront s’ils ont en le besoin acheter le médicament.
  • Le laboratoire français peut tenter de faire d’autres recherches pour trouver des brevets qui permettront d’assurer un nouveau business plan pour une autre firme fortunée.

L’Express rapporte la défense de Novartis devant le tollé provoqué par le prix de ce médicament :  :

« Ce prix est inférieur de moitié au coût sur 10 ans du seul autre traitement existant contre cette pathologie, qui doit être administré durant toute la vie des malades »

Et précise

« L’information est passée inaperçue jusqu’ici, mais ce produit est en effet né dans un laboratoire de recherche français. Et pas n’importe lequel : le Généthon, à Evry (Essonne). Celui-là même qui est largement financé par les dons du Téléthon et par des fonds publics, à travers le salaire d’une partie des chercheurs, issus du CNRS ou de l’Inserm, qui y travaillent. »

Le Canard Enchainé donne la parole aux professionnels français :

« « On s’effondre dans son fauteuil en découvrant des montants pareils ! s’indigne Alain-Michel Ceretti le président de France Assos Santé qui fédère les associations de patients. Au bout de la spirale, le prix du médicament est totalement déconnecté de son coût de recherche développement. […]

Pour la France, c’est une réussite sur toute la ligne : non seulement la découverte lui échappe, mais en plus la Sécu devra payer le remède au prix fort (une centaine de bébés pourraient en bénéficier chaque année. Le 22 mai 2018, au cours d’un déjeuner organisé par le club de l’Europe (une boite de lobbying), le patron de Novartis France avait déjà évoqué devant une brochette de députés, sénateurs et associations de patients, le coût du futur Zolgensma : « Il a parlé de 800 000 euros » pour la France mais ce sera peut-être plus, vu le prix délirant obtenu aux Etats-Unis » raconte un des participants. »

Et le Canard enchaîné donne le mot de la conclusion à Laurence Tiennot-Herment, la présidente de l’AFM-Téléthon :

« On tire la sonnette depuis des années pour éviter ce scénario. Je ne compte plus les ministres et les présidents (y compris Macron) que l’on a interpellés pour les convaincre de créer une filière française des thérapies géniquesqui irait de la recherche jusqu’à l’industrialisation et qui permettrait de maîtriser le coût du médicament. Sinon on est dépossédés de nos brevets. »

Que dire de tout cela ?

D’abord que le prix de ce médicament doit une petite part au travail de recherche et développement des laboratoires qui ont œuvré à sa réalisation et une très grand part à la spéculation puisqu’il y a eu accord sur un prix exorbitant que la firme suisse a accepté de payer parce qu’elle en espérait un profit ultérieur énorme.

Et la firme suisse a trouvé un allié de poids : les assurances américaines privées qui n’ont pas négocié pour minimiser le prix mais ont eu pour objectif de créer la rareté pour pouvoir augmenter leur profit par une hausse de leurs tarifs justifiée par un médicament exceptionnel.

Je ne dis pas que le marché n’est pas efficace et que les entreprises privées ne sont pas utiles pour la création de valeur.

Mais cet exemple montre aussi la perversité et l’oubli des valeurs humaines quand la logique du marché est poussée à son paroxysme et la cupidité des hommes ne se heurte à aucune limite.

Je me souviens d’un professeur qui comparait la santé organisée par le « Public » et celle par le « Privé »

Le « Public » cherche à soigner la population au meilleur coût.

Le « Privé » cherche à soigner la population en maximisant les profits.

Par ailleurs, il ne me semble pas juste de dire qu’il n’y a pas d’argent en France. Les français épargnent énormément. Simplement nous n’arrivons pas collectivement à mobiliser ces capitaux pour aider et continuer les travaux de nos laboratoires jusqu’à la commercialisation.

Ce mot du jour montre le monde économique comme il fonctionne.

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2 réflexions au sujet de « Jeudi 06 juin 2019 »

  • 6 juin 2019 à 12 h 19 min
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    Comment y disait déjà l’autre? ha oui, ” la monde ne tient que grâce aux gentils!!”

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    • 7 juin 2019 à 6 h 08 min
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      Les dirigeants de Novartis et les actionnaires de la start-up américaine ne sont pas des gentils. Le monde ne tient pas grâce à eux. Au contraire, ils sont des ferments de division à l’intérieur des sociétés.

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