Vendredi 25/07/2014
«Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie !»
Jean Jaurès, 25 Juillet 1914
C’est à Lyon, dans le quartier de Vaise que Jean Jaurès a prononcé son dernier discours en France le 25 juillet 1914, une semaine avant son assassinat le 31 juillet, qui précéda de 2 jours le début de la guerre de 14-18.
Venu soutenir à Vaise, près de Lyon, le candidat socialiste pour une élection législative, il met en garde contre les erreurs qui pourraient conduire à une guerre qu’il décrit comme une immense boucherie.
Alors que la plupart des hommes politiques de cette époque s’enthousiasment à l’idée de se battre et bien sûr vaincre l’Allemagne et en plus rapidement : « On sera de retour à Noël », sa lucidité devant ce qui va arriver à l’Europe est extraordinaire.
Par exemple voici ce qu’il dit lors de ce discours :
« […] j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.
Vous avez vu la guerre des Balkans ; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.
Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé. Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué. »
Hélas l’espoir de Jaurès, sera déçu quelques heures après sa mort les socialistes allemands et français rejoindront l’union nationale, chacun de leur côté et se combattront férocement.
Il faut savoir que Jaurès n’était pas un pacifiste au sens commun de ce nom. Il avait ainsi écrit « l’armée nouvelle » en 1911.
Il n’était pas contre toutes les guerres, il était contre cette guerre qui se préparait parce qu’il avait l’intuition du carnage que ce serait.
Dans la première du lien que je donne, on entend Rolande Trempé, historienne spécialiste du mouvement ouvrier, qui a été la première à soutenir une thèse sur les mineurs de Carmaux. Et dans ce cadre elle s’intéresse particulièrement à Jaurès. Elle décrit Jaurès. C’était un philosophe, un homme qui savait manier les idées, transporter le verbe. C’était un formidable intellectuel qui savait dialoguer avec les ouvriers qu’il allait voir simplement et souvent. (Pour la petite histoire Rolande Trempé est née en 1916).
J’ajouterai que c’était un visionnaire. Un peu le contraire des hommes politiques d’aujourd’hui
Que le ciel vous tienne en joie, la France a aussi donné naissance à des personnes comme Jaurès