Ce brave Voltaire ajoutait quelques mots particulièrement peu sympathiques pour le christianisme.
Ce qui se passe actuellement en Tunisie déporte le sujet vers l’Islam. Mais finalement il y a probablement un problème inhérent à toutes les religions monothéistes.
En fait quand des gens prétendent qu’il n’y a qu’un Dieu puis très vite qu’il n’y a qu’une vérité, on va passer très vite à ce que nous appelons dans notre langage moderne « le totalitarisme ».
Tout le monde doit suivre le même chemin, avoir les mêmes comportements puisqu’il n’y a qu’une vérité. Nous autres qui avons été élevé ou au moins baigné dans des sociétés monothéistes, avons toujours appris qu’il s’agissait d’un grand progrès par rapport aux religions polythéistes ou animistes. Finalement en sommes-nous toujours aussi sûr ?
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Vendredi 08 février 2013
Vendredi 08 février 2013
« Tant qu’il y aura des fripons et des imbéciles, il y aura des religions. »
Voltaire
Salut Alain,
Nous en avons déjà discuté, mais je pense que le monothéisme ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité, et la faculté des hommes de substituer une religion laïque à la religion traditionnelle a été et demeure riche de potentialités, dont les concrétisations dans l’ordre politique en particulier ont connu des fortunes fort diverses et pas toujours , bien loin de là inoffensives !
La fin du siècle de Voltaire ( guerres européennes de la Révolution et de l’Empire), et l’histoire du XXème siècle-” l’Age des extrêmes ” ,pour reprendre l’expression de feu Eric J. HOBSBWAUM, sont là entre autres illustrations pour en témoigner.
Le triomphe et la déification de la “Raison” au XVIIIème, l’esprit scientifique se transformant en “scientisme” dans la seconde moitié du XIXème siècle pour se poursuivre un peu au delà, stoppé net par la déflagration de 1914 et le massacre qui s’en suivit, ne constituent ils pas une substitution laïque au religieux d’antan?
Nietsche n’avait il pas dit annonçant le XXème siècle comme le siècle des guerres, “Dieu est mort” avec le Moyen Age “à présent il nous faut vaincre la “Science”. Ce n’est pas bien entendu la science en tant que telle qui était en cause mais sa prétention à régir le monde et à transformer radicalement l’individu
Aujourd’hui, notre abandon fataliste face à la toute puissance de la technique dans une société consumériste à souhait, combiné à une remise en cause profonde des institutions traditionnelles aussi bien sociales que politiques, ne signifie t’-il pas à nouveau en ce début du XXIème siècle la fin de la ” religion laïque” traditionnelle ?
Pour en revenir à l’opposition polythéisme/monothéisme, je pense que ce n’est pas tant la croyance en un seul Dieu où en plusieurs qui constitue la différence de fonds mais le fait que les trois grandes religions sont des religions de salut.
A l’aune des religions de salut, les religions antiques polythéistes n’ont pas grand chose de “religieux”. Ainsi dans les polythéismes de la Grèce ancienne et pour faire simple, les Dieux ressemblent aux hommes sauf sur un point fondamental mais irréductible, l’immortalité. Le Dieu des religions monothéistes est beaucoup plus distant particulièrement dans l’ancien testament, le nouveau testament tempérant cette distance par l’intermédiation du christ (“Dieu fait homme”).
Le monothéisme a t’il favorisé une conception “moniste” du pouvoir ? Oui sans conteste si l’on regarde du côté du Pouvoir Pontifical, au moins dans la théorie, c’est sans doute moins vrai sur le versant “politique”.Là les situations sont fort contrastées et s’expliquent par d’autres facteurs. Ainsi la fin du Moyen Age voit en France le renforcement du Pouvoir monarchique , et l’expansion de la civilisation communale en Italie, terre d’élection de la Papauté et de son concurrent direct, le Saint Empire, ceci expliquant cela…..la question mérite réflexion.
Au fond, au delà de la question monothéisme/polythéisme,c’est la question de la croyance dans les sociétés humaines qui est posée qu’elle soit “religieuse” ou “laïque”, et la prédisposition des sociétés humaines à accorder le primat à leur propre culture tant il est vrai qu’une culture se définit d’abord par ce qui la différencie des autres.
Le phénomène de croyance est universel, et il n’existe pas d’être purement rationnel, ce que d’ailleurs les scientifiques reconnaissent implicitement par la formule “On ne trouve que ce que l’on cherche”. Tous les individus et toutes les sociétés ont donc leur part d’irrationnel, y compris la notre particulièrement “policée” et “pacifiée” au moins dans ses principes.
Ce qui se passe en Tunisie comme dans d’autres lieux, nous interpelle à juste titre par l’irruption de la violence politique, mais attention nous avons en la matière une expérience plus que confirmée et nous aurions tort de nous croire seuls dépositaires de la rationalité et de la maturité démocratique. Condamner la violence manifeste, oui, mais ne pas ignorer la violence insidieuse de nos sociétés de “Soft Power”. Mais il est vrai que combattre les prisons de verre est beaucoup plus difficile….
…..à suivre
Pour finir une citation de Voltaire: “Dieu a créé l’homme à son image, il le lui a bien rendu !.”