Jeudi 17 mars 2016

«[sans] Le noyau chaud de la Terre [nous ne serions pas là !]»
Hubert Reeves – « Là où croît le péril… croît aussi ce qui sauve »
« La belle histoire » Page 26 & 27

<Hubert Reeves écrit :

« Le centre de la Terre est situé tout juste sous nos pieds, à 6400 kilomètres (la distance Paris-Moscou).

C’est un des lieux les plus mal connus de la science contemporaine. Nous connaissons bien mieux le cœur du Soleil et des étoiles que celui de notre propre planète ! La raison ? Les étoiles sont des boules de gaz. Or la physique des gaz est relativement simple. Elle est aujourd’hui bien comprise. Mais les planètes rocheuses comme la Terre sont constituées d’une séquence de phases liquides et solides nettement plus difficile à modéliser. Tout y est plus compliqué. De grands progrès ont été accomplis, mais il reste encore beaucoup à faire dans ces chapitres de la physique. Pourtant nous savons déjà que ce qui se passe là, en bas, mérite à coup sûr de figurer sur la liste de nos « sans ça… ».

Au sujet du noyau terrestre, nous avons quelques informations crédibles. Il y fait chaud : environ 6 100 °C.

Nous connaissons l’origine de cette chaleur. Elle vient de deux sources différentes.

L’une provient des innombrables collisions de météorites de toutes dimensions qui ont frappé notre planète aux premiers temps du Système solaire. L’avalanche de matière, dont l’accumulation a fini par constituer la masse planétaire, y a déposé en même temps une grande quantité de chaleur.

Par ailleurs, ces pierres incorporent des atomes radioactifs à longue vie (uranium, thorium, calcium).

Ces atomes proviennent des explosions d’étoiles qui ont eu lieu dans le bras de la Voie lactée où la Terre est née, il y a 4,5 milliards d’années. Séquestrés dans ces météorites tombées du ciel, les noyaux de ces atomes se désintègrent progressivement, selon leur temps de vie spécifique, et entretiennent la chaleur interne de notre planète.

Cette énergie thermique se propage vers la surface planétaire pour se dégager ensuite dans l’espace. En passant, elle engendre des mouvements de matière de grande envergure. Cette agitation se manifeste à la surface par des éruptions volcaniques, des tremblements de terre, des tsunamis. Elle est également responsable de l’existence du champ magnétique terrestre qui oriente nos boussoles ainsi que nombre d’oiseaux migrateurs.

Comment ces phénomènes situés dans les strates les plus profondes et les plus inaccessibles de notre planète sont-ils reliés à notre existence ? Pourquoi figurent-ils

Sur notre liste des « sans ça » ?

En 1917 un physicien allemand, Victor Hess, et son équipe, grâce à des compteurs embarqués à bord d’un ballon, ont la surprise de constater que la radioactivité naturelle, loin de s’atténuer avec la hauteur atteinte par la nacelle, augmente progressivement. C’est que notre planète est continuellement bombardée de particules chargées de très grande énergie, appelée « rayons cosmiques ».

Issu des explosions d’étoiles massives, ces particules sillonnent en permanence l’espace interstellaire et bombardent les corps célestes qui orbite dans la galaxie.

À cela il faut ajouter une découverte plus récente : celle du vent solaire. Les premières sondes lancées dans l’espace vers les années 1960 ont été accueillies par un flux de particules d’énergie plus faible que les rayons cosmiques mais en beaucoup plus grand nombre. Elles proviennent directement des couches superficielles de notre étoile. Elles diffusent rapidement dans l’ensemble du système solaire.

Pourquoi ces particules rapides n’atteignent elles pas (ou peu) la surface de notre planète ? C’est le champ magnétique terrestre qui, en les déviants, les repousse dans l’espace et nous met à l’abri de leur influence délétère. Mais pas totalement, comme le savent les hôtesses de l’air qui doivent comptabiliser et limiter, en conséquence, leurs heures de vol. Sans ce bouclier magnétique qui entoure notre planète, la vie, telle que nous la connaissons n’aurait jamais pu naître sur les continents.

Notons que la lune et mars, qui n’ont pas de champ magnétique, subissent de plein fouet ce bombardement. La vie y serait impossible. Et pourquoi n’ont-elles pas de champ magnétique ? À cause de leur petite taille. Mars est 10 fois moins massive que la Terre et la Lune 100 fois moins massive. En conséquence, elles ont dégagé leur chaleur initiale beaucoup plus rapidement que la terre. Rappelons que cette chaleur est responsable des mouvements de convection qui engendre le champ magnétique. Leur cœur est maintenant refroidi. […]

[…]

Bien sûr, cela ne durera pas indéfiniment. Comme les chaleurs initiales de la Lune et de Mars celle de la Terre s’épuise avec le temps. Mais les évaluations les plus crédibles nous permettent de compter encore sur quelques centaines de millions d’années de loyaux services de la chaleur centrale véhiculée par la tectonique des plaques. »

Il fallait que le centre de la terre reste chaud suffisamment longtemps pour que nous puissions apparaître lors de l’immense chaîne de l’évolution et rester un peu de temps à l’échelle cosmique.

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