Lundi 7 mars 2016
« La bienveillance est une partie de la solution et non une preuve de naïveté »
Christophe André
Ce sont 3 amis : Christophe André, Matthieu Ricard et Alexandre Jollien et ils ont écrit un livre.
Mais avant de parler de ce livre, avez-vous vu le documentaire d’ARTE : Vers un monde altruiste ?
Il n’est plus disponible gratuitement sur le site d’Arte.
Mais pour résumer, dans ce documentaire vous vous rappellerez que le cyclone Katrina avait dévasté la Nouvelle Orléans et que toutes les télévisions européennes n’ont montré que des images de pillages et de forces de l’ordre obligés d’intervenir pour y mettre bon ordre. C’étaient les seules images que l’on montrait. La conclusion était : les hommes sont des loups pour les hommes ! Mais des chercheurs américains ont enquêté sur ce qui vraiment passé à la nouvelle Orléans. Il y a bien eu des pillages, mais cela s’est révélé ultra minoritaire, ce qui a très largement prédominé c’est l’entraide entre les voisins entre les gens.
Et ce documentaire vous montrera des scientifiques qui font des expériences avec de très jeunes enfants ou des adultes et qui concluent ce qui est très largement majoritaire, c’est l’entraide pas l’indifférence.
Voilà c’est cela que les scientifiques constatent.
Maintenant nous pouvons revenir à ces trois hommes qui mettent en avant la bienveillance.
Christophe André est médecin psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne de Paris, il a été l’un des premiers à introduire la méditation dans le traitement de ses patients. Il a écrit plusieurs livres parmi lesquels Méditer jour après jour-25 leçons pour vivre en pleine conscience qui a eu un grand succès.
Matthieu Ricard est moine bouddhiste, il est aussi le fils du philosophe Jean François Revel, auteur aussi de nombreux ouvrages, proche du dalai lama.
Alexandre Jollien est philosophe. Il a vécu dix-sept ans dans une institution spécialisée pour personnes handicapées physiques. Il a écrit Éloge de la faiblesse (1999, prix de l’Académie française).
Ils ont écrit un livre à 3 voix, publié en janvier 2016 : <3 amis en quête de sagesse>
Pour parler de ce livre ils ont été invités à France Inter le dimanche 17 janvier et Christophe André a été invité seul au Club de la Presse d’Europe 1
Et ils ont été interviewés dans le magazine Psychologies de février 2016, entretien que vous trouverez en pièce jointe et dont je tire les extraits suivants :
Alexandre Jollien :
«Nous voulions nous garder de faire un livre bourré de théories. Une idée de Christophe nous a particulièrement inspiré : « si nous n’avions plus beaucoup de temps à vivre, qu’aimerions-nous laisser d’essentiel ? »
[…]
La journaliste leur pose la question : « vous développez le chemin pour aller vers les autres, sortir de la souffrance, écouter…Mais au regard de l’actualité, des attentats, n’est-ce pas un idéal inatteignable, presque décalé ?
Alexandre Jollien : Qu’est-ce qu’on entend par « actualité » ? À mes yeux, véhiculer la générosité, l’altruisme, c’est au contraire d’une actualité très vibrante. Ce n’est pas du tout idéaliste. Pourquoi croit-on qu’un peu plus de sagesse procède de l’utopie ? C’est un mode de vie concret.
Privilégier l’écoute de l’autre c’est le minimum. J’aime bien les mots de Spinoza : « ne pas mépriser, ne pas pleurer, mais comprendre.».
Christophe André : cette question du rapport avec l’actualité me surprend toujours. C’est un peu comme si on ne pouvait parler de bonheur, de fraternité, d’altruisme que lorsque tout va bien. Mais c’est encore plus nécessaire quand tout va mal !
L’actualité, c’est quoi ? Les attentats une épouvantable violence, la montée du Front National… c’est justement dans ces instants qu’il faut rappeler inlassablement que l’instinct des humains n’est ni la violence, ni le rejet, mais la fraternité et l’entraide, que la bienveillance est une partie de la solution et non une preuve de naïveté. Même et surtout lorsque nous sommes confrontés à des personnes qui nient l’humanité, il faut qu’une parole de bienveillance, de fraternité soit présente. Il va falloir reconstruire tous les liens brisés dans notre pays, entre les musulmans et les non-musulmans, les gens qui ont voté Front National et les autres.
Si on cesse de parler de fraternité, on est foutu !
La seule force de ce discours n’est peut-être pas suffisante, mais elle est indispensable. Je ne crois pas que nous soyons décalés nous sommes complémentaires à l’action politique.
Matthieu Ricard : Ceux qui essaient d’asséner, avec une sorte d’indignation que « la fraternité face au terrorisme, c’est le monde des Bisounours » sont ceux qui fragmentent la réalité. Excusez-moi II y a des drames, des massacres partout dans le monde, un milliard de personnes sous le seuil de pauvreté, et pourtant, le plus souvent la plupart des sept milliards d’êtres humains se comportent de manière décente les uns vis-à-vis des autres.
La banalité du bien, c’est d’actualité, vous savez
Aujourd’hui, nous vivons malgré tout la période la moins violente de toute l’histoire de l’humanité. En Europe, par rapport au XIVe siècle, les homicides sont passés de cent pour cent mille habitants par an à un pour cent mille. Le nombre de victimes par conflit – en prenant en considération l’ensemble des conflits chaque année dans le monde – a été divisé par cinquante par rapport à 1950.
Cette dictature de l’actualité nous fait regarder les étincelles et jamais parler de la prévention des feux […]
La haine et la violence peuvent être contagieuses, mais la bonté et la bienveillance aussi !
Une étude scientifique montre qu’une personne bienveillante avec quelqu’un augmente la probabilité que cette personne le soit à son tour […]
Si c’est la haine que l’on propage, cela ne cessera jamais Est-ce cela que l’on veut, ou préfère-ton une société bienveillante. C’est naïf de vouloir cela ?
Et c’est aussi Matthieu Ricard qui insiste sur l’importance de l’acceptation.
Il écrit : « Accepter le présent avec lucidité et fortitude »
Et Christophe André précise :
« C’est drôle comme ce mot «acceptation» peut, en Occident, hérisser certains. L’acceptation est ce temps durant lequel on se met en contact avec le réel !
« Que se passe-t-il et que puis-je faire ? »
L’acceptation précède l’action juste, réfléchie et adaptée. Elle ne consiste pas à dire « c’est bien », mais « c’est la »
Certains les traitent de bisounours et par réaction ils se sont nommés eux-mêmes le commando des bisounours.
Mais ils ont profondément raison : le mal existe mais la bonté aussi. La bienveillance est partie de la solution. Bienveillance qui n’est pas faiblesse et bienveillance qui ne se soumet pas au mal, mais le combat fermement, avec dignité et sans jamais se mettre au niveau de bassesse et de destruction du mal.
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