Vendredi 22 Janvier 2016
«47 % des Français souhaiteraient un homme fort qui ne se préoccuperait ni du Parlement ni des élus. »
Enquête CEVIPOF de décembre 2015 publié dans le JDD du 16 janvier 2016
Le Centre d’études de la vie politique française, acronyme CEVIPOF, qui appartient à Sciences Po, réalise chaque année une enquête sur l’état du pays et la confiance des Français. De manière scientifique, cette enquête repose sur un sondage OpinionWay réalisé en ligne du 17 au 28 décembre 2015 auprès d’un échantillon représentatif de 2.064 personnes âgées de 18 ans et plus.
Le journal du dimanche a publié un article sur les résultats de cette enquête et révèle que l’état d’esprit des Français se situe entre lassitude, morosité et méfiance
«[C’est] une étude qui confirme une coupure croissante, parfois vertigineuse, entre les citoyens et leurs représentants. La lassitude! C’est le qualificatif qui arrive en tête de ceux proposés pour qualifier le mieux l’ »état d’esprit actuel » des Français. […] Ce sentiment était déjà en tête fin 2014.
Au terme d’une année pourtant marquée par les tragédies terroristes de janvier et de novembre, la « peur » n’est citée qu’en 7e position (l’item est même en recul de 1 point par rapport à 2014). Mais, comme l’observe l’universitaire Martial Foucault, directeur du Cevipof, les trois premiers qualificatifs évoqués par les Français en disent long sur l’état d’une société de la défiance : la lassitude donc (31%, =), puis la morosité (29%, –1 point) et la méfiance, sentiment de plus en plus prégnant (28%, +2 points). En quatrième position seulement, distancée mais en hausse : la sérénité (18%, +2 points).»
Le Figaro donne des précisions supplémentaires en faisant référence à l’enquête du JDD : «Sur les institutions, les Français accordent leur confiance avant tout dans celles qui incarnent l’autorité comme l’armée (81%, +5) et la police (75%, +6). En bas de la liste se trouvent toujours les banques (29%, -3), les syndicats (27%, identique), les médias (24%, -1) et les partis politiques (12%, +3).
Plus des deux-tiers des Français (67%,-6) continuent de penser que la démocratie fonctionne mal. L’image des hommes politiques reste toujours aussi dégradée: 81% des Français ont des sentiments négatifs à leur égard et 88% (-1) jugent qu’ils ne se préoccupent pas de leur avis.»
Mais vous ne trouverez pas en ligne l’intégralité de l’article du JDD. Et c’est lors de la revue de presse de Frédéric Pommier du week end du 17 janvier que j’ai tiré le mot du jour :
«47 % des Français souhaiteraient un homme fort qui ne se préoccuperait ni du Parlement ni des élus. »
Cette demande illustre bien sûr un malaise chez les français. Mais elle déclenche aussi un malaise chez moi, car ce souhait est exactement le contraire de ce que je pense.
Je pense en effet, que nos élites politiques sont à la fois déconnectés du réel et en trop proche connivence avec un groupuscule de représentants des pouvoirs économiques et financiers dont l’intérêt égoïste est le plus souvent très éloigné du plus grand nombre des citoyens et même de l’avenir de notre planète.
Cette vision est un peu trop brutale : les hommes politiques ne sont pas que « méchants », « déconnectés » ou « liés à des intérêts privés ». Ils sont aussi obnubilés par des préoccupations de court terme à la fois pour des raisons électorales, « les prochaines élections », mais aussi les préoccupations à court terme des citoyens individualistes que nous sommes devenus.
Mais croire qu’un homme ou une femme providentielle, sorte de « Deus ex machina », puisse les sortir de cette situation est signe d’une immaturité incommensurable.
Quand on voit les exemples : Erdogan en Turquie, Poutine en Russie, Orban en Hongrie, Sissi en Egypte ou même la Chine que constate-t-on ? Des régimes et des hommes proches du pouvoir encore plus corrompus que dans nos démocraties libérales. Un appel au nationalisme qui entraîne systématiquement des tensions externes et des risques de conflits.
Au niveau économique, il y a des résultats contrastés mais toujours le même accaparement de l’essentiel des richesses par un petit nombre.
Un homme seul ne peut et ne va rien faire. Obama est parmi les dirigeants politiques un de ceux qui est le plus remarquable à la fois en intelligence et je crois en éthique. Mais il est paralysé par les lobbys, les pressions des milieux faible en nombre mais économiquement immensément riches et puissants.
En France nous avons eu successivement un président qui s’est présenté comme un homme autoritaire et fort, puis un autre qui a voulu être « normal » et consensuel. Force est de constater que les résultats sont décevants et même déprimants comme le montre les résultats de l’enquête.
Et pourtant, le Président de la République française a du pouvoir, il peut décider de faire la guerre sans demander l’aval du Parlement, ce qui n’existe nulle part dans les pays comparables et certainement pas en Grande Bretagne ou en Allemagne. Il décide contre l’avis de ses ministres, il arrive à contraindre sa majorité parlementaire comme nulle part ailleurs.
Et pourtant cela ne marche pas.
Susan George a dit : « Ce que je voudrais éviter c’est que l’on cherche, chaque fois qu’il y a une élection présidentielle, la femme ou l’homme providentiel » –
Moi je crois que ce qui nous manque ce n’est pas plus d’autorité, mais c’est plus de démocratie c’est à dire plus de contre-pouvoir, plus de transparence, plus d’explications.
Les moyens techniques existent aujourd’hui pour à la fois davantage expliquer et aussi davantage faire participer le plus grand nombre aux décisions et à la préparation des décisions.
Il est inconcevable que notre démocratie existe uniquement pendant quelques heures tous les 5 ans pour élire un président sur un programme qu’il n’appliquera pas. Et que pour le reste il fera ce que bon lui semble, avec au moins pour l’instant la sanction finale qu’il est battu systématiquement à la prochaine manifestation démocratique.
Ce n’est pas vraiment un problème d’homme ou de femme c’est un problème d’organisation et de fonctionnement !