Vendredi 16/10/2015

Vendredi 16/10/2015
«Le travail humain subira le même sort que celui des chevaux au début du XXème siècle»
Wassily Leontief en 1983
cité par Stéphane Paoli dans son émission AGORA
Wassily Leontief (né le 5 août 1906 à Munich et décédé le 5 février 1999 à New York) est un économiste américano-soviétique qui a été lauréat du « prix Nobel » d’économie en 1973.
Bien avant Google (créé en 1998) ou le Web (début 1990), cet économiste évoquait déjà le problème qui nous semble de plus en plus prégnant.
Dans cette émission très intéressante Paoli avait invité la sociologue Dominique Méda et aussi l’ancien ministre du travail et de la santé Xavier Bertrand
Xavier Bertrand a cité le <Le Rapport Boissonnat de 1995 – Le travail dans 20 ans> dont Dominique Méda avait été la rapporteuse
Il est en effet intéressant de revenir sur ce rapport puisque vous pouvez calculer 1995 + 20  = 2015 donc aujourd’hui.
Ce rapport avait conclu à quatre scénarios pour le futur:
« Le premier scénario du de « l’enlisement » se caractérise par un environnement international peu coopératif (le projet européen avorte ) ; des comportements individuels de  repli, privilégiant le revenu par rapport au temps ; une incapacité de faire évoluer la  répartition entre temps de travail et temps libre ; une segmentation rigide du système productif ; un État condamné à jouer en même temps le rôle de gendarme et celui de providence. La France continue de s’épuiser à endiguer le chômage, qu’aucune reprise économique ne parvient à résorber, et à  financer la survie des  laissés-pour-compte. Chaque élection reste l’occasion de condamner le passé au nom du chômage et de promettre l’avenir en recommençant ce qui a déjà échoué. Jusqu’au jour  de l’inévitable explosion.
Le deuxième scénario du « chacun pour soi » est f ondé sur un système productif qui s’offre à l’arbitrage de la compétition internationale ; les écarts de revenus grandissent (on  laisse le SMIC dépérir) ; le pourvoir normatif en matière de réglementation du travail est dévolu à l’entreprise, avec des syndicats toujours plus affaiblis. Dans ce scénario, la France se rapprocherait du modèle américain : le chômage recule, la précarité et  la pauvreté s’accroissent ou ne reculent pas.
Le troisième scénario de « l’adaptation » croise un environnement assez peu coopératif avec un système  productif plus innovant, des comportements plus ouverts à l’arbitrage entre les revenu et le temps de  travail et la construction progressive d’un nouveau cadre juridique des relations du travail, incorporant  une réduction de la durée du travail. Cela débouche sur une meilleure conciliation entre la cohésion sociale et l’ouverture du monde.
Le quatrième scénario de « coopération » présente un mode de développement  idéal dans lequel se renforcent mutuellement un environnement coopératif (en Europe et dans le  monde), une mutation réussie du système productif orienté vers la performance globale, une acceptation sociale du temps choisi, et une reconstruction radicale du cadre institutionnel du travail dans lequel patronat, syndicats et État coopèrent sans empiéter sur les responsabilités des autres
Xavier Bertrand a reconnu que de ces 4 scénarios, c’est le pire, le premier, qui l’a emporté et il a reconnu la pertinence de cette prospective. Et il a ajouté : cela montre l’échec collectif au delà des clivages politiques et : «personne ne peut donner des leçons. Nous continuons à dire les autres sont des nuls et que moi je vais être superman, ce n’est pas vrai. Ce n’est pas en reprenant les mêmes solutions que l’on s’en sortira. Tout le monde doit se remettre en cause.»
J’aime que ce soit un homme politique dans l’opposition qui soit capable de dire cela, car en général quand les politiques sont au pouvoir, ils font preuve d’une imagination débordante pour expliquer que c’est très très compliqué et qu’ils ne s’attendaient pas à une situation aussi dégradée, et quand ils sont dans l’opposition pour dire que ceux qui sont au pouvoir sont nuls et que si on leur donne le pouvoir tout va changer.