Vendredi 12 Novembre 2021

« Lhasa de Sela qui remuait la vie de celles et ceux qui entendaient sa voix. »
Vincent Delerm

Le 3 janvier 2010 le site internet de l’artiste avait publié ce message :

«Lhasa de Sela est décédée à son domicile de Montréal pendant la soirée du 1er janvier 2010, un peu avant minuit. Un cancer du sein qu’elle a combattu avec courage et détermination pendant plus de 21 mois l’aura finalement emportée. Durant cette période difficile, elle a continué à toucher la vie des gens qui l’entouraient avec la grâce, la beauté, et l’humour qui la caractérisaient.
Il a neigé plus de 40 heures à Montréal depuis son départ. »

Le cancer qui l’a frappé l’a donc tué en moins de deux ans

Le cancer est une trahison ! Une trahison cellulaire.

Des cellules n’acceptent pas leur destinée : naitre, vivre et mourir pour l’intérêt supérieur du corps vivant qui les portent.

Elles n’acceptent pas de mourir et se multiplient créant des métastases et, finalement tuent le tout dont elles ne sont qu’une partie.

Quand cette trahison a lieu dans un corps jeune comme celui de Lhasa, le dynamisme de vie est utilisé par les cellules rebelles pour se répandre encore plus vite.

Lhasa quand elle a appris le diagnostic, a refusé de se soumettre aux traitements conventionnels que lui proposaient les médecins et que ses proches lui enjoignaient de prendre.

Elle voulait se soigner avec des méthodes naturelles.

Personne n’est en mesure de dire si l’utilisation immédiate des traitements conventionnels auraient pu la guérir ou lui accorder quelques années supplémentaires, ou simplement quelques mois.

Elle acceptera finalement ces traitements rejetés dans un premier temps.

Elle aura l’espoir de guérir, jusqu’en novembre 2009, après selon ce qu’écrit Fred Goodman le sentiment monte que c’est la fin.

Le cancer se généralisa, sa fin de vie sera très dure.

Sa demi-sœur Gabriela déclara :

« Je ne sais pas s’il est utile de voir quelqu’un souffrir aussi atrocement. Je pense que ça n’apporte rien. C’est ce que j’en retiens. J’aurais vraiment souhaité qu’elle décide elle-même de mettre fin à ses jours, plusieurs mois auparavant au lieu de vivre une telle épreuve. Je l’aurais souhaité »
« Envoutante Lhasa » Page 168

Elle passera le nouvel an, mais pas le premier jour de 2010.

La famille attendra le 3 janvier pour officialiser la nouvelle qui s’était répandu sur la toile.

Il y aura une pluie d’hommages.

Je m’arrêterai sur celui de Vincent Delerm que je trouve très beau et très juste.

Ils avaient chanté ensemble <L’échelle de Richter>

Elle avait cependant déclaré :

« J’ai grandi en me sentant hors du temps, sans télévision, ni électricité, ni eau courante… et j’aimais ça. Aujourd’hui, quand j’écris, j’ai tendance à davantage chercher des images de choses éternelles que transitoires. Je ne parle jamais de téléphones, de voitures ni de marques. Je suis le contraire de Vincent Delerm. J’aime plutôt chanter les vérités éternelles… »

Son contraire a donc écrit et c’est Vincent Josse qui l’a publié sur France Inter le 5 janvier 2010 : <C’était ça Lhasa>

« Trois fois comme si le sol avait tremblé. Trois fois la voix de Lhasa.

La première c’était chez elle, à Montréal, il y a six ans. Nous étions venus faire un concert là-bas avec Mathieu Boogaerts et le lendemain, dans sa maison, elle nous faisait écouter les maquettes de son deuxième album. Dehors, nuit et tempête de neige. Dedans, bougies, cadres minuscules avec photographies de proches sur un mur et cette chanson « J’arrive à la ville ». Sa voix sur cette chanson. La vie privée vacillait depuis quelques temps et cette musique, écoutée près d’elle qui souriait à côté de la chaîne hifi, m’a convaincu de tout changer en rentrant à Paris.

La deuxième, c’était lors de son concert au Rex l’année suivante. J’étais assis à côté d’une amie commune qui avait affronté une épreuve violente quelques semaines plus tôt. Nous étions au balcon et la minuscule silhouette de Lhasa sur scène en contrebas a dit, avec son accent étrange, quelque chose comme « parfois, la vie ne ressemble pas à ce qu’on voudrait. Cette chanson c’est pour toi, Ingrid ». Après le spectacle, dans sa loge, pas pu parler, lui dire que c’était un concert incroyable, juste fondu en larmes, à cause de sa voix qui avait tout remué pendant deux heures.

Sa voix comme tout le temps relié au sol. Sa voix de trois-mille ans.

La troisième fois c’était autour d’un projet initié par notre maison de disques, Tôt ou Tard, qui souhaitait faire un album entièrement composé, joué et interprété par les artistes du label.
Lhasa m’avait dit « j’aimerais bien que tu écrives une chanson pour nous deux, mais une chanson sans nom propre, sans références, parce que moi je ne vis pas en France et parfois, tes références, je ne les comprends pas ».
J’avais envoyé la chanson, sans référence. Le jour où nous l’avons enregistrée, nous avons décidé de chanter l’intégralité du titre à deux voix, elle a juste dit : « à l’hôtel, en écoutant la chanson, j’ai pensé faire ce petit contrechant-là », et bien sûr, ça changeait la mélodie en mille fois mieux.

C’était violent, une fois de plus, d’entendre sa voix, très fort dans le casque.
Entendre sa voix articuler les mots écrits pour elle et qui faisaient allusion à l’histoire que j’avais quittée dans ma tête en écoutant “J’arrive à la ville”, quelques années plus tôt.
Je me souviens de ne pas avoir dormi la nuit qui a suivi.
C’était Lhasa.
Lhasa de Sela qui remuait la vie de celles et ceux qui entendaient sa voix. »

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