Lundi 29 avril 2024

« L’évocation d’une ancienne tradition qui est en réalité très moderne. »
Max Fisher, journaliste qui rappela que le relais de la flamme olympique est une invention de l’Allemagne nazie

Ces derniers jours quand on allume la radio et je suppose la télévision (que je ne regarde pas) on nous parle beaucoup de la flamme Olympique.

Actuellement, elle se trouve sur le navire le BELEM pour faire le trajet d’Athènes à Marseille où elle arrivera le 8 mai. Puis elle sera portée par de nombreux athlètes dans un très long trajet à travers la France, toute la France, c’est à dire aussi les départements et territoire d’outre mer.

Un site <Relais de la flamme olympique : parcours> vous permet d’en connaître tous les détails. Un article plus simple de l’hebdomadaire <Le Point> donne la liste des villes et les dates.

Lyon et d’autres villes ont refusé d’accueillir la flamme pour ne pas s’acquitter des 180 000 euros exigés pour que le trajet daigne passer par la métropole lyonnaise.

Au préalable, il a fallu allumer cette flamme à Olympie grâce aux rayons du soleil et l’aide de femmes habillées de manière hollywoodienne, dans l’objectif de ressembler à des prêtresses grecques.

J’espère que les adeptes exacerbés des trois monothéismes se rendent compte que nous sommes en pleine célébration polythéiste. On ne dira jamais assez que le polythéisme constitue une invitation à la tolérance, contrairement au monothéisme qui confond croyance et vérité.

Le polythéisme est aussi pragmatique puisque la flamme n’a pas été allumée par le soleil le jour prévu, c’est à dire mardi 16 avril, parce que les nuages ne l’ont pas permis. Il y avait un plan B, une flamme, allumée selon le rite,  attendait sagement de pouvoir transmettre le feu.

Mais quelle est cette tradition qui consiste à faire parcourir à la flamme olympique un si long trajet ?

Il existe même une question préalable : Cette tradition de la flamme olympique existait-elle lors des jeux antiques ?

Sur le site officiel des jeux olympiques de Paris, les organisateurs prétendent que oui :

« Lors des Jeux Olympiques antiques, la Flamme était générée par les rayons du soleil et restait allumée pendant toute la durée des Jeux dans un sanctuaire d’Olympie, le Prytanée. ».

Ce n’est pas ce qu’affirme Wikipedia dans son article sur la flamme olympique :

« La flamme olympique n’existait pas dans les Jeux olympiques antiques. Elle est apparue pour la première fois le 28 juillet 1928 lors des Jeux olympiques d’été de 1928, à Amsterdam. »

La bible française en matière de sport : L’Équipe pose la question à Vinciane Pirenne-Delforge, professeur au Collège de France, qui confirme : « Pas de flamme olympique dans l’Antiquité ».

Une recherche Google donne comme élément de rapprochement qu’à l’époque, des torches étaient allumées pour des cérémonies religieuses, en hommage à certains Dieux ou durant des compétitions sportives, comme des courses de flambeau !

Voilà qui est dit !

Lors de la création des jeux olympiques de l’ère moderne, en 1896 à Athènes, il n’a pas été question non plus de flamme olympique. Elle est apparue, comme l’écrit Wikipedia en 1928 à Amsterdam.

Mais le parcours de la flamme à  travers des villes et des pays a été inventé par d’autres : les nazis. C’est ce que qu’on peu voir sur le Mémorial de l’Holocauste. Mais un article du journal « Le Monde » de 2012 nous donne plus de précision :

« Le journaliste Max Fisher, du magazine américain The Atlantic, rappelle les conditions dans lesquelles est née cette tradition moderne, en 1936, pour les Jeux de Berlin. Le régime nazi avait inventé cette année-là le relais de la flamme, l’utilisant comme instrument de propagande.
A l’origine, Adolf Hitler ne voulait pas des Jeux, qu’il qualifiait d’« invention des juifs et des francs-maçons » [mais] convaincu par le ministre de la propagande, Joseph Goebbels, en 1934, Hitler en fit une démonstration du pouvoir nazi, une évocation des racines aryennes du peuple allemand, unifié par « l’esprit combattant » de ses athlètes. Il saisit aussi l’occasion de lier symboliquement son régime aux empires de l’Antiquité qui lui étaient chers. La flamme fut utilisée pour exprimer la continuité historique naturelle, imaginée par le régime nazi, entre son propre essor et l’héritage grec, via Rome et le Saint-Empire romain germanique. Cette année-là, les porteurs de flambeau passèrent par la Tchécoslovaquie. La propagande allemande encouragea des heurts entre des membres de la communauté allemande et la majorité tchèque. Deux ans plus tard, l’Allemagne envahissait le pays. […] L’idée originale de la torche avait été soufflée à Hitler et Goebbels par un dénommé Carl Diem, patron du Comité olympique du Reich, qui avait mené une longue campagne pour obtenir l’organisation des jeux en Allemagne. ».

Le Monde cite Max Fisher, qui écrivait que l’on peut encore discerner « les échos lointains de cette première cérémonie […] : les costumes, l’orchestration minutieuse, le fer et la flamme, l’évocation d’une ancienne tradition qui est en réalité très moderne ».

A ce stade, on peut conclure soit que le régime nazi a peut être eu des innovations qu’on peut reprendre, soit sentir un certain malaise devant cette antiquité inventée de toutes pièces par des monstres du XXème siècle.

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