L’année 2020 correspondait au 60 ans de la mort d’Albert Camus
Il avait 46 ans et avait décidé, au dernier moment, de revenir à Paris non en train comme prévu, mais dans la voiture de son ami Michel Gallimard.
Des décombres de la voiture, on tira une sacoche dans laquelle se trouvait un manuscrit inachevé de 144 feuillets.
Francine Faure, son épouse, qui, à sa mort, était devenu la responsable de la diffusion de l’œuvre ne l’a pas publié.
A la mort de Francine en 1979, Catherine sa fille va reprendre le flambeau. Et c’est elle qui va faire publier le livre en 1994. L’œuvre n’avait pas de titre, Catherine Camus va choisir celui de la deuxième partie : « Le premier homme »
La lecture de ce livre m’a profondément touché. Et c’est en m’appuyant essentiellement sur ce chef d’œuvre que j’ai pu évoquer cet homme exceptionnel et lui rendre hommage.
Livre de souvenirs, d’émotion et aussi de sagesse distillée tout au long de ces 144 feuillets.
La dernière œuvre de Camus ne fut cependant pas la seule source à laquelle j’ai pu puiser pour cet hommage à un humanisme que j’ai découvert tard.
Et qui fait tant de bien quand on on le lit.
1. « C’est absurde de mourir dans un accident de voiture. »
Albert Camus
Mot du jour du Lundi 9 novembre 2020
le 4 janvier 1960, au sud de Fontainebleau, à 13h55, à pleine vitesse, la voiture conduite par Michel Gallimard arrête sa course dans un platane situé le long de la nationale 5 et se disloque.
Albert Camus, assis à la place qu’on appelle «la place du mort», perd la vie immédiatement, à 46 ans.
Michel Gallimard, transporté d’urgence dans un hôpital, mourra six jours plus tard.
A l’arrière de la voiture se trouvait l’épouse de Michel : Janine et leur fille Anne
Le philosophe de l’absurde meurt dans un accident de voiture. Lui qui a dit souvent qu’il trouvait absurde de mourir dans un accident de voiture.
2. « En somme, je vais parler de ceux que j’aimais. Et de cela seulement. Joie profonde »
Albert Camus, « Le premier homme », Annexe page 312
Mot du jour du Mardi 10 novembre 2020
La lecture de la dernière œuvre de Camus : « Le premier homme » me donna des moments d’émotion et de réflexion intenses.
J’expliquais dans cet article mon approche :le récit inspirant et émerveillé de l’histoire que raconte ce livre et les réflexions de sagesse ou d’observations de la vie qu’Albert Camus a su concentrer dans des expressions d’une justesse et d’une clarté peu commune.
C’est une œuvre sur laquelle il travaillait avec acharnement au cours de la dernière année de sa vie, l’année 1959. Il voulait en faire sa grande œuvre. Son « Guerre et paix ».
3. « Ce que Jacques ramenait du lycée était inassimilable, et le silence grandissait entre sa famille et lui »
Albert Camus, « Le premier homme », Page 186. Pour exprimer la séparation du monde du lycée et de sa famille
Mot du jour du Jeudi 12 novembre 2020
Grâce à la bienveillance et l’aide de son instituteur Albert Camus va parvenir à s’arracher au monde de la pauvreté dans laquelle se trouvait sa famille.
Mais ce qu’il décrit c’est que cette pauvreté n’est pas que matérielle, elle est aussi dans la culture, l’esprit et l’appréhension du monde.
Et quand le jeune Albert fréquente le monde du lycée et le monde de sa famille il se rend compte de l’incommunicabilité entre les deux.
Il a cette image terrible et révélatrice pour expliquer l’enfermement : «la misère est une forteresse sans pont-levis »
4. « L’école […] nourrissait en eux une faim plus essentielle encore à l’enfant qu’à l’homme et qui est la faim de la découverte »
Albert Camus, « Le premier homme », Page 138
Mot du jour du Vendredi 13 novembre 2020
Albert Camus était orphelin de père, mais il a rencontré des hommes qui ont joué un rôle considérable dans son développement et qui ont un peu rempli ce manque.
Dans ses premières années, celui qui fut le plus important fut son instituteur : M Germain.
Et c’est pourquoi, immédiatement après avoir reçu le Prix Nobel de littérature, il lui a écrit la fameuse lettre qui est devenue tellement célèbre.
Dans « Le premier homme », il raconte comment cet instituteur agissait pour captiver l’attention de ses élèves et les élever dans l’instruction.
Il raconte comment M Germain est parvenu à convaincre sa terrible grand-mère de le laisser poursuivre ses études au Lycée.
5. « Cette longue période pendant laquelle la violence à l’égard des enfants paraissait la chose la plus naturelle du monde »
Réflexions suscitées par la lecture du « Premier homme » et d’autres sources
Mot du jour du Lundi 16 novembre 2020
Albert Camus fut un enfant battu.
Sa grand-mère qui certes portait la survie de toute la famille sur ses épaules était un tyran et une personne violente.
Mais la violence envers les enfants était chose naturelle.
Les adultes n’avaient pas le droit de frapper leurs égaux sous peine de sanction, mais ils pouvaient frapper leurs enfants vulnérables et sans défense.
Camus avait esquissé la violence de son éducation dans un seul livre précédent « L’Envers et l’endroit (1937) », mais dans son dernier manuscrit il dévoila cette réalité sans artifice.
6. « La faiblesse […] qui contribue à rendre le monde supportable, c’est la faiblesse devant la beauté. »
Albert Camus, « Le premier homme », Page 111
Mot du jour du Mardi 17 novembre 2020
Au début, le mot du jour se limitait à l’exergue.
C’était commode à écrire et rapide à lire.
J’ai eu quelques soucis car les mots de sagesse d’Einstein, de Socrate ou d’autres qu’on trouvait sur Internet, sans précision de leur source, étaient souvent faux et relevaient en fait d’inventions de quelque obscur écrivain qui se cachait derrière un nom célèbre pour écrire une formule qui lui tenait à cœur.
Mais dans « Le Premier homme » je dispose d’une source précise et comportant un certain nombre de ces formules qui révèlent une part de la vérité du comportement des hommes.
7. « Jeune, je demandais aux êtres plus qu’ils ne pouvaient donner »
Albert Camus, « Le premier homme », Feuillet IV, page 272 du livre
Mot du jour du Mercredi 18 novembre 2020
Dans un des feuillets glissés dans le manuscrit, cette parole de sagesse qui rend la vie plus légère et plus simple.
8. « Camus et le football »
Une passion qui n’a jamais abandonné Camus et dont il raconte les prémices dans « Le premier homme »
Mot du jour du Jeudi 19 novembre 2020
Dans la collection de la Pléiade, le volume IV de l’œuvre complète de Camus, p 607, on peut lire la réponse qu’il donnait, en 1959, à la question : Pourquoi je fais du théâtre ?
« Vraiment le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités. ».
Camus avait deux passions la littérature et le football.
Mais il voulut d’abord devenir footballeur professionnel mais sa santé le lui interdit.
9. « Ils savaient maintenant que s’il est une chose qu’on puisse désirer toujours et obtenir quelquefois, c’est la tendresse humaine. »
Albert Camus, extrait de « La Peste »
Mot du jour du Vendredi 20 novembre 2020
En 2020, en pleine pandémie de la COVID19, l’injonction de lire « La Peste » était de rigueur.
Alors j’ai lu « La Peste », ce roman qui décrit l’apparition de l’épidémie dans la ville d’Oran, la lente prise de conscience du danger, la fermeture des portes de la ville, le confinement, la lutte contre l’épidémie.
Ce mot du jour est consacré à ce livre que Camus a écrit à la fin de la seconde guerre mondiale.
10. « Nous étions brouillés, lui et moi »
Jean-Paul Sartre à propos de Camus, le lendemain de son accident mortel
Mot du jour du Lundi 23 novembre 2020
Camus et Sartre furent d’abord amis.
Mais « la cour » de Sartre poussérent ce dernier à se brouiller avec Camus suite au livre qu’il avait écrit : «L’homme révolté» qui ne pouvait plaire aux aveugles et soutiens du communisme soviétique.
Camus fut ostracisé du monde culturel parisien dans lequel Sartre et ses affidés étaient tout puissants.
Aujourd’hui l’Histoire a donné plutôt raison à Camus
11. « En ce moment on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »
Albert Camus, conférence à la maison des étudiants à Stockholm le 12 décembre 1957
Mot du jour du Mardi 24 novembre 2020
Camus aimait profondément sa mère.
Et il était révolté par la violence aveugle qui se développait à Alger pendant la guerre d’Algérie.
Juste après la remise de son Prix Nobel à Stokholm il répondit à une question provoquante par cette phrase pleine de l’angoisse de voir sa mère, innocente femme, victime d’une bombe.
Cette phrase fut sortie de son contexte et fut modifiée pour lancer une nouvelle cabale contre Camus.
L’histoire du jeune homme, membre du FLN algérien, qui interpella Camus, Saïd Kessal, est touchante dans sa perception ultérieure de Camus.
12. « [Notre] tâche consiste à empêcher que le monde se défasse. »
Albert Camus, discours de remerciement du Nobel, le 10 décembre 1957 à Stockholm
Mot du jour du Mercredi 25 novembre 2020
Le discours de Camus pour la réception de son prix Nobel est admirable.
J’en souligne plusieurs extraits.
Le plus fort me semble être le paragraphe que j’ai mis en exergue.
Quand Camus prononce ces mots, le monde vient simplement de mettre à bas l’horreur et la terreur nazis. Les régimes criminels de l’Union soviétique, de ses satellites, de la Chine sont toujours au pouvoir. Le combat des deux camps celui de l’oppression par l’argent et celui de l’oppression par le goulag était lourd de dangers.
Et la bombe atomique avait été utilisé à Hiroshima et à Nagasaki. Contrairement au soulagement de ceux qui ont approuvé parce qu’ils ont pensé qu’elle avait hâté la fin de la guerre, Camus a immédiatement écrit son malaise, son inquiétude sur les perspectives de « suicide collectif » de l’humanité.
Probablement, pense t’il aussi au destin de l’Algérie qui lui tient tant à cœur et qui se déchire et va vers une solution qu’il ne désire pas.
13. « Il y a des êtres qui justifient le monde, qui aident à vivre par leur seule présence. »
Albert Camus, « Le premier homme », Page 39
Mot du jour du Jeudi 26 novembre 2020
Et j’ai fini cette série de mots du jour sur Albert Camus en tirant, une dernière fois, « une pépite » du « premier homme ».
Elle s’adresse à de rares homo sapiens.
Albert Camus est probablement l’un d’eux.