Vendredi 27/01/2017

Vendredi 27/01/2017
«It Can’t Happen Here »
Ça ne peut arriver ici 
Sinclair Lewis
Harry Sinclair Lewis (1885 –1951) est un romancier et dramaturge américain. Il fut le premier Américain à recevoir le prix Nobel de littérature en 1930.
Ces dernières semaines, il est souvent question de lui et surtout d’un de ses ouvrages : It Can’t Happen Here (« Ça ne peut arriver ici ») publié en 1935.
L’épouse de Sinclair Lewis, Dorothy Thompson était journaliste. Elle parvint à approcher Adolf Hitler dès 1931 et était effrayé de ce qu’elle avait compris. A partir de cette rencontre, elle tenta par tous les moyens journalistiques de mettre en garde les Etats-Unis contre la possibilité que le fascisme traversât l’Atlantique. Il semble qu’elle n’eût pas droit à une grande écoute.
Son mari décida alors de mettre sa plume romanesque au service de cette cause en racontant l’arrivée au pouvoir d’un pur démagogue aux Etats Unis. C’est le thème de ce livre (« Ça ne peut arriver ici »).
Dans la revue de presse de France Inter, il a été fait référence à un article du journaliste des Echos : Pierre de Gasquet :
« Qualifié d’effroyablement contemporain par la presse anglo-saxonne, ce roman conte l’histoire de l’ascension fulgurante d’un démagogue hors-pair, un certain Buzz Windrip, leader populiste très charismatique qui prend le pouvoir aux États-Unis. Il fait un tabac auprès ‘des mineurs affamés, des fermiers ruinés et des ouvriers au chômage’. ‘Leurs mains se levaient devant lui comme une troupe d’oiseaux effarouchés à la lueur des torches.’
Se réclamant des vraies valeurs traditionnelles américaines, Buzz Windrip balaye littéralement Franklin Roosevelt et remporte l’élection de 1936.
Il promet alors de restaurer la grandeur de l’Amérique, puis très vite, il laisse libre cours à ses pulsions autocratiques. Il nomme des banquiers à son cabinet, ordonne l’invasion du Mexique, et expédie ses opposants dans des camps d’internement. Impossible ici – It can happen here : un cauchemar politique imaginé, donc, par l’écrivain Sinclair Lewis il y a plus 80 ans. Né de l’urgence d’écrire face à la montée du totalitarisme et de l’antisémitisme, cette satire, explique mon confrère, n’a sans doute pas la puissance littéraire de 1984 ou du Meilleur des Mondes. N’empêche : elle prend aujourd’hui une résonance particulière, tant le parcours de Buzz Windrip évoque celui de Donald Trump. Très grand succès aux USA : l’édition américaine du livre est épuisée sur les sites de commerce en ligne. ».
C’est bien l’arrivée au pouvoir de Donald Trump qui explique le succès contemporain de cet ouvrage qui a été réédité avec une préface écrite par Raymond Queneau.
Le titre de l’ouvrage « Ça ne peut arriver ici », s’explique par le fait que les américains considéraient que dans leur grande sagesse les inventeurs de leur démocratie avaient mis en place une constitution les protégeant de telles dérives. D’abord en créant toute une série de contre pouvoir : le Congrès contre l’exécutif, le contrôle de la Cour suprême, les Etats fédérés contre l’Etat fédéral avec en outre une manière baroque d’élire le Président des Etats Unis.
Ce dispositif des grands électeurs qui retire au seul vote populaire la désignation du président est souvent présenté comme la nécessité dans un état fédéral de donner du pouvoir à tous les états fédérés. Et cela est exact, en effet s’il n’y avait pas le vote par Grands Électeurs les petits états comme le Wyoming ne pèserait rien par rapport à la Californie et aucun candidat à la présidence ne s’intéresserait aux aspirations des citoyens de ce petit État.
Mais il y a une autre règle de la constitution américaine que j’avais apprise en faculté de droit qui montre encore davantage la méfiance de ce système à l’égard de la démocratie directe. Les Grands électeurs doivent élire le Président et le Vice-Président à la majorité absolue, soit 270 voix sur 538. Et si aucun candidat n’obtient la majorité absolue, la Chambre des Représentants désigne le vainqueur parmi les trois candidats arrivés en tête. Si le même cas se produit pour la vice-présidence, c’est le Sénat qui est chargé de choisir entre les deux candidats ayant obtenus le plus de voix.
Or mon professeur de droit de l’époque prétendait que les rédacteurs de la constitution n’avaient probablement pas anticipé l’organisation pratique du système américain autour de deux partis écrasant la concurrence et trouvant le moyen de systématiquement résumer l’élection à une finale entre deux candidats issus des primaires de ces partis.
Dès lors, pour ce professeur de droit, les concepteurs de ce système pensaient qu’il serait peu probable qu’une majorité absolue se dégage et que systématiquement la désignation de le tête de l’exécutif se ferait pas les deux chambres. Un système de « démocratie indirecte renforcée » de nature à éliminer tout risque d’arrivée au pouvoir d’un apprenti dictateur.
Donc l’arrivée au pouvoir d’un dictateur  aux Etats Unis n’était pas possible.
Certains aujourd’hui émettent des doutes sur ce point à cause de l’élection de cet homme imprévisible et autoritaire qu’est Donald Trump.
Il semble quand même que les contre pouvoirs s’exerceront.
Vous trouverez derrière <ce lien>un article qui montre les limites de ce livre et de sa pertinence quant à décrire la situation d’aujourd’hui.