Lundi 28 novembre 2016
«Ce que j’ai ressenti, ce n’est pas l’empathie habituelle du médecin : c’est l’effroi face au crime
Irène Frachon pour l’affaire du Mediator
Le film <La Fille de Brest>, consacré à l’affaire Mediator réalisé par Emmanuel Bercot est sorti le 23 novembre avec dans le rôle principal la remarquable actrice danoise Sidse Babett Knudsen qui a été révélé en France par la série danoise Borgen.
Mais le vrai héros de cette histoire est Irène Frachon.
Pour celles et ceux qui ne se souviennent pas précisément de cette question sanitaire, il me semble qu’on peut résumer le sujet de la manière suivante :
Les laboratoires Servier ont mis au point un médicament appelé « Mediator » qui devait servir pour les diabétiques et qui a été commercialisé à partir de 1976. Mais un de ses effets a été utilisé beaucoup plus largement, car il servait de coupe-faim à tous ceux qui avait des difficultés de surpoids.
Jusqu’à son retrait en 2009, 145 millions de boîtes ont été vendues et plus de 5 millions de personnes en ont consommé en France.
Le problème du « Mediator » est qu’il comporte un composant : le benfluorex qui produit des dysfonctionnements des valves cardiaques.
Les premières alertes à propos du benfluorex, sont apparues au cours des années 1990. Il est interdit dans les préparations en pharmacie dès 1995 mais le Mediator, lui, reste alors en vente en France, tandis qu’il est successivement retiré par Servier du marché en Suisse (1998), en Espagne (2003) ou encore en Italie (2004), « pour des raisons commerciales », argue le groupe. La France, elle, tarde. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ne publie d’abord en 2007 qu’une simple recommandation de ne pas prescrire le Mediator comme coupe-faim.
Et c’est Irène Frachon, une pneumologue de Brest, qui alerte l’Afssaps en février 2007 sur les risques d’accidents cardiaques liés à la consommation du médicament. Ce dernier n’est retiré de la vente que le 30 novembre 2009. C’est ce combat d’Irène Frachon suivi de la lutte contre les laboratoires Servier pour reconnaitre sa responsabilité et indemniser les victimes qui est le sujet du film.
Elle a beaucoup été invitée à l’occasion de la sortie de ce film. Notamment sur France Inter par Patrick Cohen, le 18 novembre 2016.
Et c’est lors de cette émission qu’elle a déclaré : « Face à moi, ce n’était pas des malades, mais des gens empoisonnés. Ce que j’ai ressenti, ce n’est pas l’empathie habituelle du médecin : c’est l’effroi face au crime ».
Elle a ajouté qu’elle a pu quand même compter sur la mobilisation autour de cette affaire : « l’engagement successif d’improbables citoyens, qui ont permis que cette histoire bascule », et pour aboutir à la condamnation au civil des laboratoires Servier.
Le procès avait d’ailleurs été l’occasion de dénoncer les liens avec l’agence du médicament, où « Servier menait la danse et faisait la loi », selon Irène Frachon. Une institution réformée depuis, mais dont l’évolution est difficile : « recruter des experts qui ne soient pas issus de l’industrie pharmaceutique aujourd’hui, c’est quasi impossible ».
Vous trouverez aussi en pièce jointe un entretien avec Mediapart dont le titre est explicite «Le Mediator, c’est l’histoire d’un déni sans fin»
Irène Frachon est un exemple de ce qu’il convient de faire dans ce monde compliqué où tant de jeunes et de moins jeunes se sentent impuissants à faire évoluer les choses : Quand on est certain de détenir une vérité qui dérange souvent les puissances de l’argent quelquefois du pouvoir, il faut se battre pour que la vérité éclate et aider celles et ceux qui sont dans un tel combat.
Si vous voulez en savoir plus sur Affaire du mediator le point si vous avez raté un épisode
Irène Frachon a aussi écrit un livre sur cette affaire : <Mediator 150 mg : Sous-titre-censure>.
Le sous-titre censuré était celui de la première version : combien de morts ? Le laboratoire Servier est parvenu à faire interdire ce sous-titre. Mais en appel Irène Frachon a gagné le combat contre la censure.
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