Lundi 15 septembre 2014
« Aujourd’hui quand on parle de rente, on parle de rente de monopole.
Moi aussi j’aimerai payer les taxis moins chers.
[Mais la vraie rente, c’est la rente du capital] »
Moi aussi j’aimerai payer les taxis moins chers.
[Mais la vraie rente, c’est la rente du capital] »
Thomas Piketty
Je reviens souvent à ce mot de Camus « Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde. » (mot du jour du 22 août 2013).
C’est ce que rappelle Thomas Piketty lors de sa leçon inaugurale aux rencontres de Pétrarque de Montpellier coproduit par France Culture et Le Monde (vous trouverez en fin de message le lien).
Je suis certain que peu d’entre vous ont eu le courage de lire les mille pages du « Capital du XXIème siècle » de Piketty.
Mais nous avons la chance que Piketty expose régulièrement des synthèses de ses travaux dans différents interviews et colloques.
Ce qu’il fait aussi lors de cette leçon inaugurale.
Lors de cette intervention il a ajouté un éclairage sur un élément de langage pour montrer combien aujourd’hui la parole est détournée pour que nous regardions ailleurs qu’à l’endroit où se situe le problème.
Cela fera encore penser à un autre mot du jour : c’était le 5ème celui du 18 octobre 2012 : « Il est nécessaire de mettre fin aux petits privilèges d’un grand nombre pour pouvoir préserver les grands privilèges d’un tout petit nombre ! » Emmanuel Todd
Qu’est-ce que Piketty a démontré par son étude ? C’est tout simplement que de tout temps le rendement du Capital a toujours été supérieur à la croissance.
Autrement dit les revenus du capital sont toujours supérieurs aux revenus du travail.
Il y a eu une parenthèse qui nous a fait penser que les choses allaient évoluer.
En effet, dans la première partie du 20ème siècle, les destructions de capital des deux guerres et la crise de 1930, ainsi que la croissance exceptionnelle des trente glorieuses ont donné un sérieux coup de pouce aux revenus du travail.
Piketty évoque également la peur que le communisme, implanté dans une partie du monde, a déclenchée auprès des capitalistes, les conduisant à faire des concessions aux salariés.
La rente : c’est la rente du capital. C’est ce phénomène qui entraîne la continuité et l’augmentation des inégalités. Lorsqu’en outre la dévolution successorale se fait vers peu d’héritiers, parce que les parents ont peu d’enfants, l’inégalité va encore augmenter d’une génération à l’autre. Aujourd’hui, selon les études de Piketty nous sommes revenus aux mêmes tendances que celles qui existaient avant la première guerre mondiale.
Et dans le cadre de sa leçon inaugurale il rappelle notamment que le banquier de Goldman Sachs qui est aujourd’hui le patron de la BCE, Mario Draghi a fait aussi cet abus de langage quand on lui a demandé ce qu’il convenait de faire pour améliorer la situation en Europe. Et le banquier de répondre » il faut s’attaquer à la rente », en parlant de la rente des monopoles ou des professions réglementées.
Encore tout récemment, Jean Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP-Europe-Paris et chargé de cours à l’Ecole des Mines de Paris vient de publier un livre » L’Etat de connivence : en finir avec les rentes » ou dans lequel il célèbre la concurrence économique en temps de crise. Il veut donc en finir avec certains monopoles et de professions réglementés. (Il était l’invité des matins de France Culture du 11/09/2014)
Piketty ne dit pas qu’il ne faut pas ouvrir les professions réglementées ou optimiser la concurrence. Ce qu’il dit c’est que la première raison des inégalités est la rente capitalistique.
Parler de rente dans ces situations de monopoles industrielles ou de professions protégées est un abus de langage qui détourne l’attention des vrais rentiers, notamment ceux qui détiennent la dette des Etats qu’on demande aux contribuables de rembourser ou qui alimentent la spéculation pour augmenter encore leur rendement.
Cela dure 59 minutes, c’est moins long que mille pages : <Les rencontres de Pétrarque Leçon inaugurale de Thomas Piketty>