Jeudi 13 juin 2024

« Le sexe d’un côté et le fric de l’autre et on arrive à ça ! »
Roselyne Bachelot

C’est dans l’émission <Face à Alain Duhamel> du 12 juin que Roselyne Bachelot explique le chaos actuel de la manière suivante :

« Cette dilution de la vie politique française vient de loin. Elle n’est pas à imputer à Emmanuel Macron. Emmanuel Macron est l’effet de cette dilution, il n’est pas la cause.
Parce que les ferments de la distorsion de la vie politique française, ils ont commencé avec le scandale de Dominique Strauss Kahn, qui fait que l’élection présidentielle de 2012 choisit François Hollande qui n’était pas le bon candidat et qui scelle la mort du PS. Ils ont continué avec le scandale de François Fillon qui tue la Droite républiaine. Donc ces deux éléments, ces deux colonnes vertrébrales de la vie politique française s’effondrent à cause de la faute de deux hommes.
Le sexe d’un côté et le fric de l’autre et on arrive à ça. »

Ainsi parle Roselyne Bachelot avec sa gouaille et son sens des formules.

Elle, qui fut ministre de la Culture, post COVID, sous la présidence d’Emmanuel Macron, de 2020 à 2022.

Mais elle fut préalablement, ministre de la Santé et des Sports de 2007 à 2010 et ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale de 2010 à 2012 sous la présidence de Nicolas Sarkozy

Et encore avant, cette Docteure en pharmacie, née le 24 décembre 1946 à Nevers, eut sa première expérience gouvernementale, de 2002 à 2004, comme ministre de l’Écologie et du Développement durable. Jacques Chirac était alors Président de la République.

Elle a raison sur un point, Emmanuel Macron est devenu Président de la République suite à un concours de circonstances : un quinquennat raté de François Hollande et une campagne ratée de François Fillon qui proclamait qu’il fallait faire des économies drastiques dans le train de vie de l’État mais qui n’appliquait pas cette règle pour ses besoins personnels et familiaux.

Sans ces deux aventures, Emmanuel Macron n’aurait jamais été élu Président de la République en 2017, malgré ses talents, son ambition et sa bonne étoile.

Dans son discours de la victoire de 2017, il avait fait la promesse suivante :

« Je veux avoir un mot pour les Français qui ont voté simplement pour défendre la République face à l’extrémisme. Je sais nos désaccords, je les respecterai, mais je serai fidèle à cet engagement pris : je protègerai la République.
Et je veux enfin avoir un mot pour ceux qui ont voté aujourd’hui pour Madame LE PEN – ne les sifflez pas, ils ont exprimé aujourd’hui une colère, un désarroi, parfois des convictions. Je les respecte. Mais je ferai tout, durant les cinq années qui viennent, pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes. »

Le résultat des élections européennes du 9 juin 2024 qui a fait monter le Parti de Mme Le Pen à 31,4% des suffrages exprimés et en y incluant les autres mouvements, l’extrême droite à près de 40% des voix, montre que la promesse n’a pas été tenue.

Mais « Le sexe d’un côté et le fric de l’autre » ne suffisent pas à expliquer pourquoi « on arrive à ça ! », c’est-à-dire à une extrême droite devant la porte entrouverte du pouvoir.

Rappelez-vous les dernières années crépusculaires de François Mitterrand, puis les 12 ans de Chirac pour lesquels on se rappelle avec reconnaissance l’opposition à la guerre en Irak, mais qui sur le plan interne ne sut et ne put rien faire sur l’inexorable déclin de la France, l’angoisse de la classe moyenne et l’augmentation des tensions au sein de la société française.

Son successeur, Nicolas Sarkozy, qui a traité son prédécesseur de « roi fainéant » malgré son activisme et son énergie n’a pas davantage réussi à rendre confiance aux français.

Entre temps, il y eut les 5 ans de cohabitation de 1997 à 2002 pendant lesquels Lionel Jospin fut un premier ministre sérieux, rigoureux qui pensait que ses résultats économiques lui permettraient d’accéder, sans difficultés, à la Présidence de la république contre « un Chirac fatigué ».

Que Nenni…

Pour la première fois un représentant de l’extrême droite s’invita au second tour de la Présidentielle.

Puis il y eut François Hollande qui échoua jusqu’au point de ne pouvoir se présenter à sa réélection, trahi il est vrai, par un jeune fougueux qui croyait connaître la solution aux problèmes et qui s’est fracassé, à son tour, au mur des réalités de son impuissance politique, plombé et rejeté avec d’autant plus de force que son arrogance apparait grande.

Je ne crois pas un instant que l’élection de Strauss Kahn en 2012 ou de Fillon en 2017 aurait changé quoi que ce soit de fondamental dans cette évolution.

Pourquoi ?

Je peux essayer d’avancer quelques pistes :

Nous sommes en face d’une impuissance politique, dans laquelle pour se faire élire les politiques promettent des choses qu’ils ne pourront tenir.

Nous n’avons plus ni la démographie, ni la productivité, ni la croissance économique pour faire progresser notre État providence et même le maintenir.

Concernant la démographie, nous avons besoin d’immigration mais nous n’avons plus l’énergie et la force pour intégrer ceux qui viennent et même les enfants de ceux qui sont déjà là. Cette situation crée des tensions identitaires, une montée du communautarisme, alimentée par des groupuscules qui sont hostiles à nos valeurs occidentales, créant en réaction, un rejet de plus en plus fort d’une société en plein doute.

Notre pays s’est désindustrialisé et se trouve bien faible dans un monde interdépendant, mondialisé et financiarisé.

Et je n’ai même pas évoqué le défi climatique et plus généralement de la biodiversité et de l’écologie.

Il faudrait encore parler de notre faiblesse militaire dans un monde de prédateurs carnivores qui se moquent de notre comportement d’herbivores feignant de croire que les normes, les règles de droit sont en capacité d’arrêter ou de faire fléchir ces fauves, ces empires qui nous regardent d’un air narquois.

Mais de tout cela les Politiques ne veulent pas parler et les français probablement ne veulent pas en entendre parler.

Quand des hommes politiques, non démagogues, ont tenté de se faire élire, ils ont été balayés ou empêchés de se présenter. On peut parler de Rocard et de Delors à gauche ou de Barre et de Balladur à droite. Ils n’avaient pas de solutions miracles à proposer, bien sûr, mais ils disaient davantage la vérité.

Interrogé par France Inter Jean-Louis Bourlanges que je qualifierai aussi de Politique à démagogie très modérée, a eu cette phrase :

« Ce que je constate et c’est très dur à dire : c’est un divorce profond entre les besoins du pays et les attentes du pays. Les attentes c’est plus de pouvoir d’achat, c’est plus de subvention, c’est plus de « care » comme disait Mme Martine Aubry. Tout un ensemble de soins et de choses. Et les besoins c’est renforcer les budgets militaires, renforcer l’investissement, renforcer la technologie, accroitre la compétitivité des entreprises. »