Vendredi 21 octobre 2016

Vendredi 21/10/2016
« La France n’est pas le pays des droits de l’Homme, elle n’est que le pays de la déclaration des droits de l’Homme »
Robert Badinter, invité des matins de France Culture le 10 octobre 2016

Le 9 octobre 1981, il y a 35 ans, la loi d’abolition de la peine de mort est promulguée en France.

Le 10 octobre 2016 célébrait la 14ème journée mondiale d’abolition de la peine de mort.

A cette occasion, Les matins de France Culture était allé rendre visite à Robert Badinter, le ministre de l’abolition pour un entretien.

Robert Badinter a 88 ans, sa voix est plus faible mais garde la force de la conviction qui est la marque de ce grand homme.

Dans cette émission, il a déclaré :

« Pour moi, l’abolition était inévitable. Elle a été trop tardive par rapport aux autres pays de l’Europe occidentale. […] La conscience des français que c’était fini a été plus lente que je ne le pensais. Aujourd’hui c’est terminé. »

A la question, du retour de la peine de mort que préconisent certains politiques en raison du terrorisme, il affirme d’abord que ce sont des démagogues qui prétendent que la France pourrait à nouveau recourir à la peine de mort :

« Ceux qui demandent le rétablissement de la peine de mort font preuve d’une prodigieuse méconnaissance des principes de notre Etat de droit. Ils oublient que l’abolition ne relève pas seulement de la loi de 1981, due à l’initiative de François Mitterrand.

Aujourd’hui, grâce à Jacques Chirac, à la fin de son mandat en 2007, l’abolition est une loi constitutionnelle. Il faudrait donc modifier la Constitution pour rétablir la peine de mort.

De surcroît, l’abolition est inscrite dans une série de conventions internationales dont la force juridique est supérieure à celle de la loi nationale. Je citerai, parmi d’autres, les 6e et 13e protocoles annexes à la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Sur le plan mondial, l’abolition est aussi consacrée par des protocoles de l’ONU auxquels la France est partie. Or les conventions internationales ont une valeur juridique supérieure à la Loi française.

Cette question est ainsi enserrée dans toute une série d’obligations, rendant juridiquement le rétablissement de la peine de mort quasi impossible.»

C’est l’Article 66-1 de notre constitution qui déclare simplement : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort

Ensuite, il montre avec lucidité combien la peine de mort contre les terroristes seraient contre productives :

«Plus que jamais il nous faut refuser la tentation de la peine de mort. On dit qu’elle serait une arme de dissuasion. Mais pour celui qui se fait exploser à l’aide d’une ceinture, la peine de mort ne peut le faire reculer car il aime la mort. La peine de mort, elle n’est pas dissuasive ici mais elle serait incitative.

Pendant le procès, le terroriste justifierait son action par ses convictions et ferait de ce moment une tribune de propagande.

Pour ceux qui partagent les mêmes convictions, le fait d’aller jusqu’à la mort pour défendre ses convictions donnerait un surcroit de foi dans leurs croyances morbides.

Le condamné deviendrait un martyr.

Et un commando de vengeurs recommencerait.»

Dans un article de l’Express il réaffirme avec encore plus de clarté ce point de vue :

«La peine de mort ne peut pas être dissuasive pour des terroristes qui périssent dans un attentat, en même temps qu’ils donnent la mort à des victimes innocentes. Il existe entre la mort et le terrorisme un rapport secret, une alliance névrotique. De surcroît, pour ceux qui partagent les convictions des djihadistes, celui qui meurt pour la cause qu’il sert est un héros. Le lendemain d’une exécution capitale, on verrait naître des commandos de militants portant le nom de celui qu’ils appelleraient martyr, et la peine de mort susciterait ainsi encore plus de vocations et d’attentats terroristes.»

Dans cet entretien il parle aussi de l’instinct de mort de l’homme, et c’est donc un immense pas vers la civilisation de renoncer à donner la mort. Selon lui, l’homme n’a, dans l’espèce animal dont il fait partie, qu’un seul exemple comparable d’un animal qui tue son semblable sans raison de nourriture, de défense de territoire ou de conquête d’une femelle. Cet instinct de mort, l’homme le partage avec le rat.

Badinter cite son ami Michel Serres qui a dit « L’homme est un rat pour l’homme. »

Robert Badinter montre aussi que l’abolition, même s’il y a des résistances : Chine, certains Etats des Etats-Unis, des dictatures et les pays théocratiques islamiques, est en progrès partout dans le monde.

L’optimisme de Robert Badinter peut se trouver dans ce document qui révèle l’évolution du monde vers l’abolition.

Mais l’exergue de ce mot du jour est une réflexion quant au fait que la France a été l’un des derniers pays d’Europe occidentale à abolir la peine de mort et que d’ailleurs la France est rarement en tête pour les avancées sociétales et les libertés.

Nos prisons ne respectent pas les droits de l’homme, notre traitement des migrants pas davantage et bien d’autres choses.

Hélas, la France n’est pas la patrie des droits de l’homme, elle n’est que le pays de la déclaration des droits de l’Homme comme le dit Robert Badinter

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Mercredi 02/07/2014

Mercredi 02/07/2014
«Crucifiement»
Attacher un homme sur une croix

Le crucifiement est une ancienne méthode d’exécution consistant à placer le supplicié sur une croix, un support en forme de T ou un arbre et à l’attacher par divers moyens (clous, cordes, chaînes, etc.). Il existe plusieurs variantes du supplice que l’on retrouve à différentes périodes (dès l’Antiquité) et dans différentes civilisations.

Plusieurs recherches semblent indiquer que la mort a lieu par asphyxie, du fait de la traction sur les muscles supérieurs qui entraîne une compression du diaphragme.

« Crucifixion » est réservée au supplice du Christ et des œuvres d’art qui décrive ce sujet.

Après le mot et la chose, voici le mot et le sujet.

Souvent pour mot du jour, je connais le sujet mais je dois chercher le mot.

Mot qui éclaire, mot qui explique, mot qui introduit, mot qui provoque.

Comment dénoncer les monstres qui sous le masque de la religion s’adonnent à la cruauté en Irak et en Syrie ?

<Ce groupe qui s’est donné pour nom Etat Islamique de l’Irak et du Levant et qui revendique aujourd’hui le califat a réinventé cet usage barbare et antique pour impressionner les foules qu’il entend soumettre>

Voilà un groupe qui fait la guerre, guerre de religion, s’empare d’une ville, sépare les chiites des sunnites et puis massacre tous les chiites.

Cela nous rappelle les méthodes nazies, mais ils vont encore plus loin dans l’horreur. Quand les nazis assassinaient en masse, ils le cachaient. Ils organisaient même des visites de la croix rouge dans des camps “modèles” de nature à tromper la vigilance du monde.

Rien de tel dans ce groupe de fou haineux. A l’instar de l’ONU ou de la Cour des Comptes, <Il publie son rapport annuel> Rapport de 400 pages où ils énumèrent et détaillent leurs exactions, bref ils se vantent de leurs crimes.

On apprend aussi que ce groupe <est très riche, On estime sa fortune à 2, 3 milliards de dollars>

Et pour tout cela nous pouvons continuer à remercier George W Busch qui par son intervention insensée a préparé le terrain pour ces guerres de religion. Il vit tranquillement dans son ranch du Texas où il peint et expose ses peintures…

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Lundi 2 septembre 2013

«Le silence des chagos»
Shenaz Patel

Le mot du jour fait référence à un livre qui montre le manque de crédibilité des occidentaux à vouloir se poser en défenseur et gardien des droits de l’homme.

L’archipel des Chagos fait partie géographiquement de l’Ile Maurice et de ses dépendances.

Ces îles étaient colonisées par la Grande Bretagne.

Les Etats Unis ont trouvé pertinent d’installer sur l’archipel des Chagos une grande base militaire.

Ils se sont mis d’accord avec le colonisateur et ont signé un bail avec la Grande Bretagne mais avec une condition : que ces iles soient vides d’habitants. La Grande Bretagne a scrupuleusement respecté la condition dans un premier temps en limitant le commerce avec les iles pour finalement en 1973 embarquer de force les habitants qui étaient restés, dans un bateau pour les déporter dans ce paradis du tourisme occidental : l‘ile Maurice, à plus de 2000 km, où ils vivent misérablement leur vie de déportés.


L’armée des Etats-Uniens a donc pu, en toute discrétion, installer une base et des équipements militaires sur l’île de « Diego Garcia »

Dans un premier temps aucune compensation financière n’avait été proposée.

Dans un second temps parce que des bonnes âmes occidentales ont dénoncé ce scandale, quelques compensations furent distribuées.

C’est l’émission « Interception » de France Inter” de hier qui m’a rappelé opportunément cette histoire au moment où les États-Unis veulent punir la Syrie : <Chagos : les déracinés de l’Océan Indien>

La page de l’émission présente le sujet ainsi :

« C ‘est l’histoire des Chagos, un archipel de carte postale, un point sur la carte du monde quelque part dans l’Océan indien juste au sud des Maldives. C’est l’histoire d’îles tropicales aux lagons poissonneux, aux plages de sable blanc parsemées de cocoteraies. C’est l’histoire de descendants d’esclaves originaires du Mozambique et de Madagascar, esclaves débarqués sur ces îles par des navigateurs français pour y récolter le coprah qui fait l’huile de coco.

L ‘histoire de ces Chagossiens que l’on appelait aussi « îlois » aurait pu s’arrêter là jusqu’à ce que l’Empire britannique -qui avait annexé les Chagos à l’issue des guerres napoléoniennes- décide dans les années 60 d’y construire la base militaire de Diego Garcia et de la louer aux Etats-Unis d’Amérique. Les avions de l’US Air Force ont utilisé cette plateforme pour aller bombarder l’Afghanistan et l’Irak… L’Iran est à moins de 4000 kms de là.

Évidemment, une installation aussi stratégique est vouée au secret total. C’est pour cette raison que, de 1966 à 1973, les navires britanniques ont déporté les habitants des Chagos vers l’Ile Maurice, à plus d’un millier de kilomètres de chez eux. Les Chagossiens ont été débarqués sur les quais de Port-Louis sans une explication et sans espoir de retour. »

Mais c’est une autre émission, toujours très instructive, « Rendez-vous avec X » qui me l’avait fait découvrir. C’était l’émission du 22 juin 2013 :

< Les Chagos ou les oubliés de la guerre froide >

« Ce sont des oubliés de la Guerre froide … Des oubliés et des victimes. Un petit peuple purement et simplement expulsé de son habitat traditionnel pour faire place à une gigantesque base militaire. Et comme si cela ne suffisait pas, ces malheureux qui ont dû quitter leurs îles en toute hâte, sans même avoir le temps de rassembler leurs maigres biens, ont ensuite été relogés très loin dans des considérations misérables, sans réelles indemnités. Et avec interdiction de revenir chez eux !  »

Depuis j’ai lu un article de libération de Jean-Michel LE CLEZIO, le prix Nobel de littérature, d’origine Mauricienne qui parle de cette triste et honteuse histoire occidentale à l’occasion d’une décision qui ne fait pas honneur à la Cour européenne des droits de l’homme.

<Les îlois des Chagos contre le Royaume-Uni, suite et fin ?>

J’en tire l’entame et la conclusion dans lesquelles, le Prix Nobel exprime son indignation :

« La décision rendue en décembre 2012, par la Cour européenne des droits de l’homme, de ne pas recevoir la plainte des Chagossiens contre le gouvernement du Royaume-Uni restera comme une des grandes hontes et un déni de justice de l’époque contemporaine. Cette décision est loin d’être courageuse. Elle n’est sans doute pas non plus définitive, car le peuple chagossien a pris conscience depuis de nombreuses années de la solitude dans laquelle il doit livrer combat afin que soient reconnus ses droits au retour dans sa patrie d’origine. […]

Rappelons que la position du gouvernement britannique n’a pas changé depuis la création des Territoires de l’océan Indien, et que Colin Roberts, qui fut Commissionner desdits Territoires ne cacha pas son dédain pour la population chagossienne, (WikiLeaks publia en décembre 2010 son commentaire sur les îlois : «On ne verra plus les traces des pieds des Man Fridays – des sauvages – sur les plages de Diego Garcia.»).
Il affirmait aussi que la création éventuelle d’un parc marin aux Chagos pourrait servir à empêcher définitivement le retour des habitants sur les lieux.
Quant aux Etats-Unis, partenaire du Royaume-Uni dans la création de la base militaire de Diego Garcia, ils n’ont cessé de masquer l’iniquité du traitement infligé aux Chagossiens par les mesures prises en faveur des déportés – mesures qui ne servent qu’à farder la triste vérité. La réalité de la politique menée par les États puissants du monde s’affirme avec un certain cynisme dans la réponse que le gouvernement présent des États-Unis a donnée aux plaignants chagossiens (réponse de la Maison Blanche à la pétition We The People sur les torts infligés aux Chagossiens, 21 décembre 2012) : cette réponse qui reprend les arguments de la Cour européenne, conclut par la promesse du gouvernement américain de continuer à soutenir, comme par le passé, la compensation britannique pour les torts subis par les habitants des Chagos.
Il n’est pas indifférent que la réponse provienne, entre autres signataires, de M. Andrew Shapiro, adjoint au ministre des Affaires politiques et militaires. Ainsi la boucle est bouclée, et l’archipel des Chagos continuera sans doute, sauf élément imprévisible actuellement, à être le porte-avions de l’armée américaine au Proche et Moyen-Orient.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision, dans l’indifférence des puissants de ce monde. Qu’importe une poignée d’îlois, petits agriculteurs, pêcheurs à la ligne dans leur lagon, quand les intérêts stratégiques et militaires sont en jeu, et que ces îles lointaines, perdues au milieu de l’océan Indien, peuvent être transformées à vil prix en une des bases les plus opérationnelles du monde – comme elle le fut pour les bombardiers de la guerre du Golfe ? Et que dire du soupçon de tortures infligées aux détenus de Diego Garcia, comme à Guantánamo ?

Certains des habitants se souviennent encore du jour tragique où ils durent embarquer de force sur le navire qui les déportait, sans pouvoir emmener avec eux leur bétail, ni même leurs chiens restés à aboyer sur la rive.

Les grands de ce monde qui ont rendu cette décision inique, le président David Björgvinsson et ses six assesseurs, devraient pourtant se soucier des gens qu’ils condamnent ainsi au non-retour et à l’exil éternel.
Peut-être devraient-ils – mais cette proposition sans doute amènera un sourire ironique sur leurs lèvres – visiter un jour la modeste maison à Gros-Caillou, un quartier déshérité de Maurice, qui sert en quelque sorte de refuge et de mémoire au peuple des îlois, où sur les murs, les enfants des Chagossiens nés en exil peuvent regarder les images de leur petite patrie qu’ils ne pourront jamais connaître, fût-ce pour fleurir les tombes de leurs ancêtres. »
J.M.G. Le Clezio

L’émission de France Inter donne un certain nombre de liens pour approfondir cette triste histoire dans laquelle l’Occident joue un rôle indigne :

Les Chagos, l’archipel convoité
Article d’Emmanuel Grégoire, géographe, directeur de recherche à l’IRD, membre du Centre d’études africaines (CEAf) de l’EHESS, paru dans la revue Politique africaine en 2005 (n°97). En ligne sur le portail Cairn.info.

Diego garcia : enjeux de la présence américaine dans l’océan indien
Article d’André Oraison, professeur de droit à l’université de la Réunion, paru dans la revue Afrique contemporaine, n° 207, automne 2003. En ligne sur le portail Cairn.info.

Des îles britanniques de l’océan Indien disputées : Diego Garcia et l’archipel des Chagos
Article d’Emmanuel Grégoire, géographe, directeur de recherche à l’IRD, paru dans la revue Hérodote, 2ème trimestre 2010. En ligne sur le portail Cairn.info.

The UK Chagos Support Association
Supporting the Chagos islanders in their struggle against British injustice

Chagos conservation trust
Organisation non gouvernementale britannique œuvrant pour la préservation de l’écosystème de l’archipel.

Cour européenne des droits de l’Homme
Décision d’irrecevabilité de la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire Habitants des îles Chagos contre le Royaume-Uni (décembre 2012).

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