Mardi 04/02/2014

Mardi 04/02/2014
« Il y a moins d’humanité dans notre société,
tout est fait pour que plus personne ne voit l’autre. »
Mohamed Zghonda
Mohamed Zghonda est chauffeur livreur. Il est un de ces ouvriers qui a été interrogé et suivi par Eve Charrin qui a écrit le livre « La course ou la ville » au Seuil, dans la collection “Raconter la vie” dirigée par Pierre Rosanvallon
J’ai entendu le témoignage de Mohamed Zghonda, lors de l’émission « l’invité d’Inter du 9 janvier 2014 » où l’invité était Pierre Rosanvallon, le célèbre Historien.
Mohamed Zghonda expliquait :
« Avant je faisais mes livraisons avec une feuille et un stylo
Maintenant j’ai un scan connecté à Internet
Au moment où je livre un colis, le centre « de livraison », le client savent l’heure exacte où j’ai livré le colis.
Si je reviens avec des colis que je n’ai pas pu livrer ou que j’ai livrés avec retard, on me demande de m’expliquer !
On est calibré pour livrer de 50 à 60 clients. Le temps de travail sur un secteur est de 5 heures. Cela signifie que je dois mettre moins de huit minutes pour livrer un client.
En réalité, on cavale du matin jusqu’au soir avec cette boule au ventre : est-ce que je vais pouvoir tout livrer ?
A l’heure actuelle on n’est que sur un mot : Productivité, réduction des coûts.
Nous sommes devenus des machines, nos clients sont devenus des inconnus.
Cela devient dur, mais comme tout dans la vie, il n’y a pas que notre métier.
Il y a moins d’humanité dans notre société, tout est fait pour que plus personne ne voit l’autre.
C’est cela qui est un peu triste. »
Pierre Rosanvallon a précisé les consignes qu’on donne aux chauffeurs livreurs : « Surtout quand vous livrez, ne regardez jamais les gens dans les yeux, baisser la tête ».
De cette manière, il y a moins de risque d’établir une communication avec l’autre sortant du cadre et ayant pour conséquence d’allonger “inutilement” le temps de livraison.
Pierre Rosanvallon a créé une collection “Raconter la vie” qu’il explique ainsi :
«  De nombreux Français se trouvent aujourd’hui oubliés, incompris, pas écoutés. Ils se sentent exclus du monde des gouvernants, des institutions et des médias. Le pays, en un mot, ne se sent pas représenté, comme si ce qu’il vivait ne comptait pas.
Raconter la vie veut rompre avec cette situation, qui mine la démocratie et décourage les individus. Ce projet a l’ambition de répondre au besoin de voir les vies ordinaires racontées, les voix de faible ampleur écoutées, la réalité quotidienne mieux prise en compte.
Donner la parole, rendre visible, c’est aider les personnes à retrouver leur dignité, à résister. C’est leur permettre de rassembler leur vie dans un récit qui fait sens, de l’insérer dans une histoire collective.
 Donner la parole contribue aussi à encourager l’intérêt pour autrui, nécessaire pour mieux faire société, combattre les préjugés et les stéréotypes, construire un monde vraiment commun.
Pour cela, Raconter la vie se propose d’écrire le roman vrai de la société et invite tous ceux qui le souhaitent à en être les personnages et les auteurs. »
Pour décrire cette initiative Rosanvallon a écrit un livre “Le parlement des invisibles”
Et puis il y a un site qui présente la démarche et les livres qui sont écrits dans cette collection http://raconterlavie.fr/