Mardi 4 avril 2017

« Quand on pense… Qu’il suffirait que les gens ne les achètent plus pour que ça se vende pas ! »
Coluche «Misère, Coluche, album Coluche : l’intégrale, vol. 3, 1989 chez Carrère.»

Cette pensée de Coluche a été citée par Thierry Marx lors de l’émission évoquée hier dans laquelle il était question de la manière dont nous nous nourrissions et de de l’importance que nous accordions à l’alimentation.

Dans le domaine de l’alimentation, et des conséquences que cela implique pour le modèle agricole, notre responsabilité, notre influence, notre capacité d’agir se trouve, beaucoup moins dans notre «droit de vote» que dans nos «actes de consommation». Mais cette pensée dépasse la seule alimentation.

Je suis de plus en plus convaincu que notre plus grand pouvoir, celui dont nous disposons pour influer sur le monde, est celui de notre choix de consommer ou de ne pas consommer, tel ou tel produit, tel ou tel service.

Dans plusieurs mots du jour ce sujet de ce que nous consommons, de ce que notre consommation dit de nous, ce qu’elle signifie pour le monde dans lequel nous vivons, a été abordé.

Le mot le plus terrible a été celui du philosophe allemand Peter Sloterdijke qui écrivait : «La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. » (Mot du jour du 30 octobre 2013).

Dans le même esprit, mais un plus doux, le mot du jour du 14 avril 2014 citait Annie Arnaux : «Je suis de plus en plus sûr que la docilité des consommateurs est sans limite

Annie Arnaux avait écrit un livre à teneur sociologique sur un Hypermarché qu’elle fréquente souvent : «Regarde les lumières mon amour», il s’agit des paroles d’une maman à son enfant en montrant des lumières de Noël qui illuminaient les escalators du temple de la consommation décrit par Annie Arnaux

Le 14 mai 2013, après le drame de l’usine textile du Bengladesh, (l’immeuble de neuf étages qui s’est effondré près de Dacca le 24 avril, avait fait 1 127 morts), deux chercheurs en sciences humaines, Michel Wieviorka et Anthony Mahé, posaient cette question terrible : « Sommes-nous capables de regarder en face (la vie de) ceux qui nous permettent de consommer comme nous le faisons ? »

Nous voulons consommer beaucoup et le moins cher possible.

Lors du mot du jour du 11 février 2016, j’avais tenté une analyse sur notre trouble de la personnalité :

«En réalité nous sommes chacun 1/3 de producteur 1/3 de consommateur et 1/3 d’être social. Ce dernier tiers correspondant à celui qui contribue à l’Etat providence et qui bénéficie aussi de l’Etat providence.

C’est à ce dilemme que Jean-Paul Delevoye, le dernier Médiateur de la république, apportait cette évidence : « L’économie est mondiale mais le social est local !»

Eh bien nous avons accepté, comme une évidence, que celui qui devait être privilégié dans notre être oeconomicus c’était le 1/3 consommateur.»

Et le mot du jour du 20 Janvier 2016 citait le concept décrit par l’économiste et sociologue américain Thorstein Veblen décédé en 1929 : « La consommation ostentatoire »

Veblen expliquait que la consommation est statutaire, elle sert à celui qui en fait un « usage ostentatoire » à indiquer un statut social.

« Le besoin de consommer et de posséder compense la peur de ne pas être reconnu et d’être faible.»

Dans cette explication l’acte de consommer est destiné à se sentir exister par le regard des autres, qu’on imagine envieux et admiratifs.

Je finissais cette chronique par cette conclusion : « Le mot du jour n’a aucune vocation de prêcher une morale mais simplement poser des questions auquel il appartient à chacun, s’il le souhaite, de répondre pour sa part.»

Le mot de Coluche a fait revenir dans ma mémoire ces quelques réflexions distillées lors de l’aventure des mots du jour. Descartes avait édicté cette sentence «Je pense donc je suis !». S’il revenait parmi nous aujourd’hui probablement qu’il dirait : «Je consomme donc je suis !».

<Vous trouverez cette citation et d’autres de Coluche derrière ce lien>

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