Lundi 7 décembre 2020

« Tous les mots du jour sur De Gaulle que je n’écrirai pas. »
Un acte manqué mais écrit

L’année 2020 restera probablement dans l’Histoire comme celle où une grande partie de l’Humanité, pour lutter contre une pandémie, a fait appel à cette technique archaïque du confinement.

Ce confinement et la Covid19 auront beaucoup occupé notre temps de cerveau disponible et peut être même un peu plus…

Dans mon écriture du mot du jour, je n’ai pas échappé à cette pente qui a consisté à accorder une grande place à ces sujets.

Or, 2020 est proche de son terme et elle est aussi une année de trois grands anniversaires que je cite dans l’ordre chronologique inverse :

  • Le 60ème anniversaire de la mort d’Albert Camus
  • Le 130ème anniversaire de la naissance de Charles de Gaulle, mais aussi le 80ème anniversaire de l’appel du 18 juin et encore le 50ème anniversaire de sa mort.
  • Le 250ème anniversaire de la naissance de Ludwig van Beethoven

Je voulais consacrer une série de mots du jour à chacun de ces 3 grands hommes.

Régis Debray dit souvent :

« La culture, c’est le culte de nos grands morts »

La série sur Camus a été écrite. Mais je n’ai pas la possibilité et l’énergie d’écrire deux autres séries, d’ici la fin de l’année.

Il faut donc faire un choix. Ce choix sera d’écarter celui qui occupe une place de centriste, dans l’énumération chronologique citée ci-dessus.

Mais je vais quand même, sans développer, citer quelques questions que j’aurais aimé poser et certaines réflexions qui me viennent parfois, à l’écoute de certains propos d’hommes politiques ou de commentateurs.

Car en effet, quand on écoute aujourd’hui les représentants de tout l’échiquier politique, tous se réclament de l’héritage de De Gaulle et surtout on a l’impression que sous sa présidence nous vivions un âge d’or et dans un monde où tout n’était qu’ordre, luxe et volupté.

Il ne s’agit pas de contester la dimension historique de Charles De Gaulle et son rôle positif et éminent pour la France et encore ses qualités d’homme D’État.

Mais il s’agit de s’interroger si on n’en fait pas un peu trop ?

Et une autre question : Est-ce que vraiment vous auriez envie, si la possibilité technique était à votre portée, de revenir vivre dans la France de De Gaulle ?

J’aurais fait appel à Jacques Julliard pour reconnaître que «De Gaulle était un génie de l’incarnation», incarnation de l’État et de la France.

J’aurais beaucoup utilisé des chroniques de Thomas Legrand sur France Inter et La Croix, pour approfondir certains sujets :

Et soit j’aurais nuancé le propos de Julliard ou j’aurais écrit un autre mot du jour sur cette autre réalité :  «  De Gaulle et l’incarnation… le drame de ses successeurs »

Il aurait alors fallu, entre autres questions, reparler de ces institutions de la Vème république qui avait été faites pour De Gaulle. Le pouvoir disproportionné d’un seul homme en est le fruit. Encore faut-il se rappeler que De Gaulle avait institué, en quelque sorte, le référendum révocatoire. Il considérait que le Président de la République avait un lien fort et particulier avec le peuple qui pouvait justifier ce pouvoir. C’est pour cela qu’il a imposé la réforme de l’élection au suffrage universel du président. Mais dans l’esprit et dans la pratique de De Gaulle, il était nécessaire de retourner régulièrement devant le peuple, entre les élections, par la voie du référendum pour s’assurer que ce lien particulier existait toujours et en cas de désaveu, il fallait partir. C’est qu’il a fait.

Aucun de ses successeurs n’a eu ce cran.

Certains diront que cette manière de pratiquer le référendum n’est pas sain parce qu’il le pousse vers le plébiscite. C’est vrai, mais le pouvoir excessif du président de la république n’est pas sain non plus et le référendum révocatoire donnait au moins la possibilité de mettre fin au mandat quand le peuple n’avait plus confiance en son monarque républicain.

Un autre sujet qui me tient à cœur c’est que De Gaulle fut un des premiers adepte des fake news, ou pour parler français des infox.

Thomas Legrand parle de « Mythes et de mensonges de De Gaulle »

Parce que quand même il a prétendu que :

  • La France n’avait pas perdu la guerre en 1940
  • Qu’elle l’avait gagnée en 1945
  • Que la France était uniformément résistante sauf quelques cas très marginaux
  • Que le Régime de Vichy n’a jamais représenté la France
  • Que la France est restée une des grandes Nations qui influence les affaires du monde

C’est ce qui s’appelle un récit, en l’occurrence le récit gaulliste. Le récit comme pour les religions, n’a qu’un rapport ténu avec la réalité et la vérité mais constitue le fondement de la croyance. Or la croyance est essentielle pour que la société tienne ensemble. Le récit permet de croire à quelque chose qui nous dépasse et nous survit.

La revue « L’Histoire » avait aussi écrit sur ce sujet : « Le mensonge patriotique » qui permettra par ce fameux récit à ce que la France ne tombe pas dans la guerre civile à la sortie de la guerre.

A côté de ces mythes, il y a les mensonges comme celle de ‘Algérie Française et le fameux : « Je vous ai compris ».

J’aurais aussi souhaité m’interroger sur les sujets :

  • « De Gaulle et la liberté de l’information »

La presse écrite était à peu près libre, en revanche les sources principales d’information du plus grand nombre de français : la télévision et la radio étaient sévèrement encadrés. Il existait un ministre de l’Information. Les titres du journal de 20 heures étaient envoyés à ce ministre avant diffusion. Les membres de l’opposition n’étaient jamais invité à la télévision sauf pendant les campagnes électorales. Il faut se rappeler que la radio faisait partie de l’ORTF, c’est-à-dire de la même maison que la télévision et ne jouissait également que d’une liberté surveillée. Aucune radio privée ne pouvait émettre sur le sol français. D’où la notion de radio périphérique qui est une station de radio que l’on pouvait écouter en France jusqu’en 1981, mais dont l’émetteur ne se trouvait pas sur le sol français. On peut citer, parmi les plus connues, Europe 1, RTL et RMC, respectivement basées en Allemagne de l’Ouest, au Luxembourg et à Monaco.

  • « De Gaulle et la société française : le culte du chef, de la hiérarchie et du paternalisme »

C’était aussi une société bien plus machiste qu’aujourd’hui et en tout cas très corsetée. Mai 68 n’est pas sorti de nulle part, mais d’une société qui était devenu assez invivable pour de jeunes énergies et épris de liberté de mœurs, d’information.

Il y aurait aussi eu des réflexions sur « la corruption » à cette époque. On vante toujours l’honnêteté de Gaulle et très probablement à juste titre. Mais ce n’était pas le cas de plusieurs personnes de son entourage.

Et dans ce cadre il aurait fallu parler du « Service d’action civique » connu sous l’acronyme « SAC »

  • « De Gaulle et l’économie »

Dans ce domaine il eut fallu parler du PLAN, de la politique industrielle, de l’idée de la participation et aussi « que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille »

Et tant d’autres sujets qui serait venu au cours de l’écriture, le rapport compliqué avec les États-Unis et la Grande Bretagne, la réconciliation avec l’Allemagne, la décolonisation….

Voici la liste des articles de « La Croix » dans lesquels j’aurais puisés :

De Gaulle, un récit hors du commun – Aujourd’hui, la construction du mythe. De Gaulle, le mythe français (1/8)

De Gaulle : la participation, une timide troisième voie – Aujourd’hui, « la question sociale ». De Gaulle, le mythe français (2/8)

De Gaulle, le catholique – Aujourd’hui, sa foi, entretenue comme un jardin secret. De Gaulle, le mythe français (3/8)

De Gaulle et le Volatile – Aujourd’hui, ses prises de bec avec « Le Canard enchaîné ». De Gaulle, le mythe français (4/8)

De Gaulle… même Le Pen ! – Aujourd’hui, l’hommage opportuniste rendu par Marine Le Pen. De Gaulle, le mythe français (5/8)

De Gaulle et l’incarnation… le drame de ses successeurs…- Aujourd’hui, l’incarnation de la France. De Gaulle, le mythe français (6/8)

Les mythes (et mensonges) du général – Aujourd’hui, des coups de bluff magistraux. De Gaulle, le mythe français (7/8)

De Gaulle, l’homme qui pouvait – Aujourd’hui, la nostalgie d’un président en pleine puissance. De Gaulle, le mythe français (8/8)

Et puis les émissions de Thomas Legrand sur France Inter :

https://www.franceinter.fr/emissions/de-gaulle-2020/archives-27-06-2020-24-08-2020

La liste des émissions

En tout cas, pour moi la réponse à la question posée au début est claire : je ne souhaiterais pas revenir à l’époque de De Gaulle, et je trouve assez vain de vouloir aujourd’hui se réclamer du Gaullisme dans un monde qui a si profondément changé.

Le personnage et le rôle de De Gaulle reste dans l’Histoire absolument considérable et je reviendrai vers le livre de Daniel Cordier « Alias Caracalla » qui montre un homme exceptionnel face à des défis qui semblaient hors de portée et qu’il a surmonté grâce à sa force intérieure et son amour pour la France.

<1503>

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *