Lundi 31 Août 2015

Lundi 31 Août 2015
« Une fois qu’une société a atteint un certain seuil de richesse, la poursuite de son développement économique est sans influence sur l’évolution du bien-être moyen de sa population. »
Constat appelé le paradoxe d’Easterlin
Je vais innover cette semaine, car les 5 mots du jour de la semaine renverront tous à la même émission : «L’esprit Public du 26/07/2015», dans laquelle l’économiste Daniel Cohen donnait sa vision du système économique d’aujourd’hui et de demain.
Daniel Cohen fait partie de ses rares économistes qui me plaisent bien parce qu’il ne fait ni partie de ces économistes croyants aux vertus absolues du libéralisme et qui pense que tout va s’arranger, il suffit de libérer encore davantage les marchés et faire reculer le rôle de la puissance publique à sa portion congrue, ni de ceux qui sont aussi des croyants mais d’une autre religion celle où le Politique peut tout régler, il suffit d’avoir la volonté et d’accumuler les Lois et les contraintes.
Les 3 premiers mots seront consacrés au contexte. C’est-à-dire les forces et les contraintes qui sont à l’œuvre. Le quatrième sera consacré à une réflexion sur la grande incertitude économique d’aujourd’hui. Le cinquième permettra d’aborder les esquisses de pistes que Daniel Cohen se risque à formuler pour faire face à ces questions existentielles.
Je commence donc par le premier élément de contexte qu’on appelle le paradoxe d’Easterlin
<Richard Easterlin>, est un économiste né aux Etats-Unis en 1926.
Je cite Wikipédia : C’est un « théoricien de l’économie du bien-être, il est le créateur du paradoxe qui porte son nom, selon lequel la mesure du développement de l’économie d’une société par le biais de l’évolution du produit intérieur brut (PIB) n’est pas pertinente. Plus précisément, Richard Easterlin a mis en évidence le fait qu’une fois qu’une société a atteint un certain seuil de richesse, la poursuite de son développement économique est sans influence sur l’évolution du bien-être moyen de sa population. »
«L’évolution de ce bonheur est en réalité, selon Easterlin, à mettre en corrélation relative avec celle de la richesse des membres les plus fortunés de la société. En clair, ce sont ces derniers qui sont les plus heureux, mais uniquement parce que l’augmentation de l’inégalité leur permet de progresser économiquement plus vite que le reste de la population ; cela signifie donc qu’un membre d’une société dont l’évolution de la fortune se situe dans la moyenne ne se déclarera pas plus heureux, à l’inverse des éléments qui progressent plus rapidement. C’est donc, plus prosaïquement, le revenu relatif, et non sa progression brute, qu’il convient de prendre en compte.
Cette relativité de l’évolution (pourtant existante) du sentiment de bien-être, comparativement à la croissance économique, aboutit donc à un paradoxe. »
L’indicateur du <bonheur intérieur net (BIN)>, institué par le magazine économique français L’Expansion et un think tank canadien, le «  Centre d’étude des niveaux de vie », se veut la traduction statistique des travaux de Richard Easterlin.
Daniel Cohen est convaincu que ce paradoxe est bon, c’est-à-dire qu’il décrit bien la réalité des sociétés modernes.
Selon lui, toutes les études statistiques convergent, il existe en effet une corrélation faible entre la richesse d’une société (au-delà d’un certain seuil cependant) et le bien être d’une population mesuré à travers des enquêtes de satisfaction ou d’un indicateur plus neutre : le taux de suicide.
Ainsi, si on prend les États-Unis, pays le plus évolué dans le monde capitaliste, le taux de bien être ne cesse de stagner voire de décliner depuis les années 60 selon différentes enquêtes qui ont été faites.
Si on prend la France, nous sommes deux fois plus riches aujourd’hui qu’en 1970, et selon différents indicateurs de bien-être, nous sommes  exactement au même niveau qu’en 70.
Daniel Cohen explique que ce paradoxe a parfois été mal compris, car certains pensent qu’il signifie qu’il n’y a pas de conséquence sur le bien être dans le fait de s’enrichir.
Ce n’est pas ce que dit Easterlin. Ce qu’il décrit c’est que la richesse devient très vite un élément d’accoutumance.
En revanche, la croissance, elle, est déterminante pour développer le sentiment de bien-être
C’est elle qui, si elle est présente, contribue au bien-être des sociétés. C’est-à-dire, le fait que vous sachiez que vous allez être plus riche demain qu’aujourd’hui. C’est la promesse que vous puissiez vous hisser au-dessus du niveau que vous avez atteint.
Alfred Sauvy disait « Le moderne est un marcheur qui n’atteint jamais l’horizon qu’il voit ».
Un autre critère déterminant dans cette réflexion est la comparaison avec le voisin (il semblerait même que la comparaison avec le beau-frère est essentielle) : car en période de croissance, on pense quasi toujours qu’on pourra s’en sortir mieux que lui  et cette conviction paraît très importante pour le bien-être.
Daniel Cohen conclut :
« Alors bien sûr, c’est quelque chose de déterminant
Déterminant, quand on est dans une économie où il y a plus de croissance, il n’y a plus de moteur, il n’y a plus cet essence pour avancer. C’est comme une drogue.
Les dérèglements politiques ont certainement beaucoup plus à voir avec cette perte de la croissance qu’on veut le reconnaître généralement.  »
Suite au prochain épisode…
Daniel Cohen a écrit un livre publié le 26 août 2015 : <Le-Monde est clos et le désir infini>
L’Obs a fait également sa “Une” sur ce livre

Vendredi 28 Août 2015

Vendredi 28 Août 2015
« Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? »
Capitaine Robert Lewis
Robert Lewis était le co-pilote de la superforteresse B-29 “Enola Gay” qui a largué “au-dessus de Hiroschima une bombe de 4,5 tonnes surnommée « Little Boy », avant d’effectuer un virage de 158 degrés pour s’éloigner. Quarante-trois secondes plus tard, à 600 mètres d’altitude, l’engin explose. A l’éclair foudroyant succède une boule de feu d’un kilomètre de diamètre, puis une terrible onde de choc, qui secoue violemment le bombardier. En quelques secondes, une gigantesque colonne de fumée s’élève jusqu’à 12 000 mètres d’altitude. Terrifié, le capitaine Lewis s’écrie : « Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? »”
Nous sommes en août 2015, c’était il y 70 ans que les américains ont largué le 6 août 1945  “Little boy” sur Hiroshima, et le 9 août  “fat-man” sur Nagasaki.
Du point de vue technique “fat-man” (au plutonium) était plus puissante que Little Boy (à l’uranium) mais la destruction fut toutefois moins importante à cause de la nature vallonnée du terrain à Nagasaki.
C’est un moment essentiel de l’Histoire, de l’Humanité et des sciences. C’est un moment de fracture. Car depuis ce mois d’août 1945, la science et le progrès qui étaient des valeurs uniquement positives depuis les Philosophes des Lumières, sont remis en question parce qu’ils ont leur part d’ombre : ils peuvent produire le mal absolu.
Un des physiciens qui avaient participé à l’élaboration de la bombe dans le projet Manhattan, Kenneth Bainbridge, avait dit au Directeur du projet Oppenheimer : « Now we are all sons of bitches » (Maintenant nous sommes tous des fils de pute). Par la suite,  Bainbridge s’engagera pour mettre fin aux essais d’armes nucléaires et pour garder le contrôle des futurs développements de ce domaine.
<Albert Camus écrivit son fameux éditorial du 8 août 1945 dans < Combat >: […] Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner. […]
Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. »
Michel Serres dans un entretien plein d’optimisme, dans une merveilleuse émission de France Culture : “Les racines du ciel”, dit cependant : «Je suis un enfant de Hiroshima et de Nagasaki. » Il explique qu’il était étudiant en mathématiques et qu’il se destinait à la Physique, mais que l’explosion des bombes l’a fait changer de route et il s’est orienté vers la philosophie et l’Histoire des sciences. >>>http://www.franceculture.fr/emission-les-racines-du-ciel-serie-grands-temoins-la-passion-de-l-avenir-avec-michel-serres-2015-08-
Grâce au travail des historiens et à l’ouverture des archives, nous savons aujourd’hui que la version officielle : «L’utilisation de la bombe a permis d’abréger la guerre, d’économiser un million de morts car le Japon ne voulait pas mettre fin à la guerre » est un mensonge. Il fallait que la bombe explose parce que les américains voulaient pouvoir expérimenter, en réel,  l’effet de la bombe notamment pour montrer à leur Congrès que son coût était justifié et surtout ils voulaient montrer leur puissance destructrice pour pouvoir mieux imposer leurs conditions à la sortie de la guerre. Il fallait même une deuxième explosion pour pouvoir tester une autre version de la bombe. Ce documentaire diffusé sur France 3 montre les véritables raisons de Hiroshima et de Nagasaki.
Ce documentaire révèle aussi la censure et le silence qui ont été imposés sur les effets de la radioactivité des années après l’explosion. L’autre mensonge de 1945 étant que la bombe produit sa puissance destructrice pendant environ une minute et n’a plus aucune conséquence sur les humains après cette minute.
Pour finir, je voudrais aussi mettre l’accent sur cette petite phrase trouvée dans un article du Monde “Nagasaki, la ville catholique atomisée” décrivant le vol de la seconde bombe : Après avoir été béni par le chapelain de la base de Tinian dans les Mariannes, l’équipage du bombardier B-29 avec à bord “Fat Man”, la seconde bombe atomique, prit la direction de Kyushu.
Le chapelain, nous apprend le Larousse, est un prêtre chargé d’assurer le service religieux dans une église non paroissiale, une chapelle de communauté religieuse, d’hôpital, de l’armée… Cette dernière incise pour revenir sur le concept éthéré de « religion de paix.» Le représentant d’«une religion de paix.» a béni les hommes et la bombe qui allait donner la mort à des milliers de gens…
HIROSHIMA
NAGASAKI

Jeudi 27 Août 2015

Jeudi 27 Août 2015
« La nature humaine est positivement étonnante »
Laurent Goffaux, médiateur belge entre les victimes et leur Agresseur

En ce qui concerne les choses de l’humanité, les belges ont souvent beaucoup d’avance sur les Français.

Une loi belge permet aux victimes de rencontrer leurs agresseurs dans un processus de résilience.

Je joins au présent message <un article> qui décrit ces rencontres et leurs effets je vous donne deux exemples :

Déborah 34 ans s’en prend à celui qui les a cambriolés :

« On travaille comme des damnés pour avoir ce qu’on a et vous, en 30 secondes, vous nous prenez tout ».

Elle raconte leur vie désormais sur le qui-vive, les réveils en sursaut la nuit. L’argent qu’il a fallu avancer pour réparer la porte du garage, la perte d’un DVD sur lequel son professeur de théâtre avait rassemblé cinq années de ses prestations sur scène.

« C’est comme si on avait pris une partie de ma vie, qu’on l’avait déchiré en petits morceaux et qu’on les avait mis à la poubelle. »

Car le Professeur est décédé et toute copie impossible.

Mais, le pire, ce sont les photos. Celle de sa petite fille d’un an stockées sur l’ordinateur depuis sa naissance et pas encore imprimée. Les seules qui existaient. Dans le box des accusés, Pascal 46 ans est sans réaction. Le juge ne parviendra pas à en tirer un mot. Et puis, des mois plus tard, Déborah et son mari reçoivent une lettre dans laquelle Pascal demande à les voir. Le courrier émanant du service Médiante, Habilité par le ministère de la Justice à organiser des rencontres entre auteurs et victimes d’infraction en présence de médiateurs.

[…] en fait, depuis l’audience, Pascal est rongé par les remords. Il est revenu furieux dans sa cellule.

Sa longue expérience de cambrioleurs lui a pourtant rendu familière les salles de tribunal, mais ce jour-là, pour la première fois, il s’est trouvé face à des parties civiles et a mesuré les dégâts causés. Il rumine pendant trois jours, son regard s’attarde sur les photos de ses trois enfants affichées au mur, il mesure qu’elle perte représenterait la disparition de ces clichés et ce que Déborah peut ressentir : « cela m’a anéanti. »

Après la rencontre, Déborah a expliqué : « nous voulions comprendre et nous sommes sortis rassurés. Nous avons eu en face de nous un être humain. Il peut changer et s’en sortir. »

Pascal, quant à lui, décrit l’une des plus belles rencontres de son existence :

« Ils m’ont apporté la paix, ils m’ont donné une nouvelle vie. »

La Belgique est le seul pays au monde, à avoir institué, en 2005, la possibilité, pour les justiciables victimes d’un délit ou d’un crime, d’en rencontrer l’auteur.

Le mot du jour est le propos d’un médiateur de ce type dans une rencontre très surprenante :

En août 2012, la femme la plus honnie de Belgique, Michelle Martin, l’ex épouse de Marc Dutroux, bénéficie d’une liberté conditionnelle qui soulève l’indignation.

Jean Denis le jeune père d’une des petites victimes, interpelle dans la presse celle qui pour lui est pire que Dutroux :

« Maintenant que vous n’êtes plus sous l’influence de votre ex-mari, allez-vous dire réellement ce qui s’est passé ? Madame, j’ai besoin de savoir pour continuer à vivre. Pourquoi ne pas avoir nourri les petites alors que Dutroux vous avez laissé de l’argent pour se faire ? Et surtout, c’est un père qui vous le demande : comment se comportait ma fille Julie ? Je n’ai pas envie de vous supplier comme les petites ont dû le faire. Ce n’est pas possible que vous restiez enfermée dans votre silence. Ou alors vous n’êtes pas un être humain. »

Madame Martin a répondu. La rencontre a duré quatre heures. Deux ans plus tard, Laurent Goffaux, un des deux médiateurs qui a officié durant cet incroyable face-à-face fait ce commentaire :

« La nature humaine et positivement étonnante. »

Il n’en dira pas plus, secret professionnel !

Le titre de l’article est « Je n’ai plus envie de me venger. »

<542>

Mercredi 26 Août 2015

Mercredi 26 Août 2015
« La maison en paille»
Maison de l’avenir ?
Une association a été créée en 2006 pour promouvoir la construction de maisons à l’aide de paille : Le Réseau Français de la Construction Paille (RFCP). Elle a pour objectif d’encourager et de développer ce type d’éco-construction.
L’association a emménagé dans la maison feuillette, une maison historique, située à Montargis dans le Loiret qui est le plus ancien bâtiment au monde construit en ossature bois et en isolation paille. Cette maison a été conçue en 1920 par l’ingénieur Émile Feuillette, et acquise par le RFCP en 2013 pour préserver ce patrimoine, elle est le symbole de la durabilité de la construction paille.
Vous trouverez toute explication sur le site de cette association : <http://cncp-feuillette.fr/>

La Maison Feuillette
Mais j’ai découvert cette association et son projet par une émission de France Inter : http://www.franceinter.fr/emission-planete-environnement-la-construction-en-paille dont voici un extrait :
« [L’ingénieur Emile Feuillette] voulait répondre à la demande de reconstruction – nous étions après la guerre – avec une offre peu chère et surtout rapide. Aujourd’hui on estime que la France compte 3 500 bâtiments en paille. Il s’en construit 500 par an. Il ne s’agit pas seulement de maison individuelle de plein pied. A Saint-Dié dans les Vosges, un logement social grimpe sur 8 étages.
C’est la maison écolo par excellence. Fraiche en été,  chaude en hiver. Pas d’humidité. La paille est un isolant thermique sans comparaison. Un simple poêle à bois suffit à se chauffer.
Les ballots sont compressés pour obtenir une densité compatible avec les normes de sécurité. Et notamment la résistance au feu. On évacue ainsi un maximum d’oxygène. Les tests montrent qu’en y mettant le feu, la paille ne s’enflamme pas,  elle se consume lentement. D’ailleurs la construction en paille vient d’obtenir des Règles professionnelles qui sont reconnues par le secteur du bâtiment et les assureurs. Même si certains se font encore tirer l’oreille. Une liste de professionnels de l’assurance est disponible sur le site internet du réseau français de la construction paille.
Les bâtiments bénéficient comme les autres de la garantie décennale.
C’est  une maison qui se construit rapidement. Une fois montée l’ossature en bois, le squelette de la maison, on glisse les ballots dedans. Les murs sont recouverts d’un enduit à base de chaux ou de terre. Une fois terminée, rien ne distingue cette maison des autres. Au point que certains propriétaires aménagent à l’intérieur une fenêtre de la vérité. Un vitrage qui laisse voir le mur en paille.
Ce type de maison est souvent bâti en auto construction participative. Avec l’aide des  copains, des amis qui mettent la main…  à la paille tandis qu’un professionnel accompagne le chantier.
La paille est une machine à stocker le CO2, elle en consomme pour grandir puis le gaz est conservé pendant toute la durée de vie du bâtiment.»
Vous trouverez toute explication sur le site de cette association : <http://cncp-feuillette.fr/>
Et si les meilleurs solutions étaient les plus simples ?

Mardi 25 Août 2015

Mardi 25 Août 2015
« J’aime ce style de vie, qui touche à quelque chose de très juste.»
Léonard Slatkin, à propos de sa vie en France et à Lyon
Depuis quatre ans, pour les passionnés de musique classique symphonique, les Lyonnais ont beaucoup de chance, car le chef de l’orchestre national de Lyon est un grand chef d’orchestre : Léonard Slatkin.
C’est un américain. Il est né à Los Angeles. Son père et sa mère étaient de brillants musiciens qui avaient créés un quatuor à cordes très célèbre : le quatuor Hollywood. Ils étaient très connus dans le monde du cinéma. Léonard Slatkin raconte, enfant, il se souvient avoir été sur les genoux de Frank Sinatra.
Il se définit lui-même comme un parfait américain.
Dans la présentation de la prochaine saison de l’orchestre de Lyon, Léonard Slatkin a accepté de répondre à une interview. Il parle beaucoup de musique, de ses expériences mais il y a un petit paragraphe sur Lyon et plus précisément sur la vie en France. Je voudrais partager avec vous cet avis éclairé sur la France par quelqu’un qui vient des Etats-Unis et qui a toujours vécu là-bas :
« J’adore Lyon. Ma femme et moi avons un appartement qui donne sur les quais et l’université. Si je me lève tôt, je vois le soleil se lever et je ne parle pas des couchers tout aussi magni6ques.
Cet endroit est exactement ce que j’espérais trouver en France : boulangerie, bouchons, fromagerie… une vie de quartier.
J’aime d’autant plus ça que nous n’avons pas l’équivalent aux États-Unis. À la fin de chacun de mes concerts, de mes répétitions ou de mes rendez-vous, je sais que je vais retrouver une vie formidable, à laquelle je n’avais jamais vraiment pensé auparavant.
J’avais 66 ans lorsque je suis venu à Lyon, pas si jeune, et en plus l’Américain type, tout le monde me voit comme ça ! Si quelqu’un m’avait alors demandé si j’envisageais de quitter les États-Unis et de m’installer en France, j’aurais probablement dit non. Aujourd’hui, je peux dire oui. J’aime ce style de vie, qui touche à quelque chose de très juste. L’idée d’être dans une ville de culture, qui a porté un pan entier de l’histoire du cinéma, une ville de gastronomie, une vieille ville fantastique, et dans le même temps aussi visionnaire dans sa relation à l’avenir… Je pense que personne ne pourrait dire : jamais je ne pourrais m’installer ici…
Sauf moi il y a cinq ans ! »
« wie Gott in Frankreich leben », c’est à dire heureux comme Dieu en France disent les allemands.
Sans que cette thèse ne fasse l’unanimité, certains prétendent que cette expression serait d’origine yiddish, la communauté juive exprimant ainsi sa reconnaissance à l’égard de la révolution française qui avait voté l’émancipation grâce au rôle prépondérant de l’Abbé Grégoire et de Mirabeau.
Il est utile qu’un homme, venu de l’autre côté de l’Océan, nous rappelle les joies simples de notre art de vivre.
Un petit lien vers un extrait de la marche impériale de Star Wars dirigé par Slatkin à la tête de l’orchestre National de Lyon : https://www.youtube.com/watch?v=Ek7HJlXG3DM

Lundi 24 Août 2015

Lundi 24 Août 2015
« One Day On Earth »
Un jour sur Terre
Delphine Simard
Dans l’art difficile de ne presque rien faire, on peut regarder longuement et avec lenteur la nature.
Un article m’a fait découvrir des vidéos montrant une compilation de scènes de la vie animale, de paysages et de plantes réalisés par une québécoise Delphine Simard.
Je n’ai pas trouvé d’informations sur cette poète et technicienne de l’image sur le Web.
Elle utilise au mieux les techniques vidéo (pour filmer de tous petits détails ou montrer en accéléré le déploiement de la nature) avec une infinie patience pour montrer des scènes où la beauté et la poésie tutoient la perfection.
On y voit des fleurs éclore, des champignons pousser, des renards courir, des cerfs manger, une goutte d’eau qui tombe sur une fourmi et bien d’autres choses encore…
Voici ces 4 vidéos qui durent chacune entre 10 et 12 minutes
Certains destinataires reçoivent le mot du jour sur leur adresse professionnel et ne peuvent, ni ne doivent d’ailleurs, regarder ces vidéos pendant leurs heures de travail, je joins ci-dessous quelques photos en attendant et pour aiguiser le désir de voir.

Vendredi 21 Août 2015

Vendredi 21 Août 2015
«Comment paraître intelligent ? »
Pierre Ménard
Hier, je parlais de l’injonction d’être productif, actif, tout le temps même pendant les périodes de loisirs et de vacances.
Il existe une autre injonction qui nous est faite de manière constante, celle d’être intelligent.
En juillet, j’ai eu le privilège d’accueillir un jeune homme brillant et destinataire des mots du jour.
Me laissant aller à mon penchant naturel de la dérision et de l’humour simple, accoutré en outre d’habits offensant l’élégance avec pour couronnement une casquette dont je reconnais moi-même le ridicule, ce garçon observateur a émis cette observation perspicace et malicieuse : «Quand on te voit, on se demande vraiment si c’est toi qui écris les mots du jour.»
Tout en étant ridicule, j’ai de la réparti et de la mémoire et j’ai donc pu objecter le tout premier mot du jour de la série [du 9 octobre 2012] : « Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries, que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes » (Devise Shadok)
Mais cette interpellation judicieuse et avisée m’a fait comprendre l’importance de paraître intelligent (le fait d’être réellement intelligent est davantage question subjective et polémique que démonstration scientifique.)
Chance, un homme, Pierre Ménard, a étudié ce problème et a écrit un article sur le Huffington Post dont je partage avec vous les extraits qui me semblent les plus éclairants sur cette problématique qui nous concerne tous :
«On se plaint avec raison des discriminations qui touchent les femmes, les noirs, les homosexuels, les petits, les roux, les gros… et ceux qui ont le malheur d’être tout cela à la fois. Pourtant, il existe une discrimination bien plus odieuse, et d’autant plus scandaleuse qu’elle est socialement acceptée: celle qui frappe les imbéciles.
Peut-être passe-t-elle inaperçue en raison de son importance même. Depuis deux siècles, l’esprit a en effet supplanté la naissance pour l’accès aux situations les plus enviables. Si Saint-Simon pouvait s’offusquer au XVIIe siècle de voir des « gens sans naissance » accéder au pouvoir et se boucher le nez au passage des roturiers, personne ne se vante aujourd’hui d’atteindre une quelconque position en raison du carnet d’adresses de ses parents. La méritocratie a triomphé, et rares sont ceux qui songeraient à la remettre en cause.
Parallèlement, l’enseignement s’est étendu jusqu’aux couches les plus humbles de la population et le monde de l’entreprise a supplanté l’organisation traditionnelle des sociétés ; l’artisan, le paysan ou le soldat (dont l’activité intellectuelle était loin d’être débordante) disparaissant au profit du cadre. Mêlant méritocratie et libéralisme, la société est devenue une gigantesque machine à classer, soumettant ses sujets à un tri permanent de la crèche à la maison de retraite.
La conséquence est que l’intelligence est passée de luxe à nécessité. Pendant longtemps, on ne demandait pas à un homme (encore moins à une femme), à quelques exceptions près, d’être doué d’un esprit particulièrement profond, mais, selon les classes et les époques, d’être bien né, riche, pieux, courageux, travailleur ou docile.
Plus encore qu’un luxe, l’intelligence pouvait même être un vice. L’être intelligent, par sa promptitude à tout remettre en question, constitue indéniablement une menace pour toute société dont le fondement est la tradition plutôt que le changement. […]
Or, il est triste de l’admettre, mais cette faculté ne concerne fatalement qu’un petit nombre d’élus. Stultorum numerus est infinitus, “le nombre des sots est infini”, lit-on déjà dans la Bible (Ecclésiaste, I, 15).
[…] Le langage lui-même vient confirmer la prégnance de la bêtise, puisque si l’on ne trouve que quelques équivalents du mot intelligence (esprit, entendement, génie), ceux concernant l’imbécillité sont innombrables: ignorant, inculte, incompétent, incapable, primitif, arriéré, bête, abruti, brute, ahuri, balourd, benêt, borné, bouché, idiot, imbécile, gourde, lourdaud, fruste, gauche, stupide, obtus, butor, sot, grossier… pour ne citer que les plus polis.
[…] Soyons clair, il sera difficile de devenir intelligent. Aucun traitement ne pourra vous permettre d’y remédier en profondeur […] Vous ne serez pas le premier à le faire. Napoléon, pour ne citer que lui, faisait retoucher ses portraits pour y grossir la taille de sa tête, légèrement plus petite que la moyenne, afin de faire ressortir son génie à une époque où l’on pensait que l’intellect était fonction de la forme et de la taille du crâne.
[premier conseil]  faites l’acquisition d’une paire de lunettes. Conseil basique, certes, mais efficace.
Montesquieu affirme ainsi dans les Lettres persanes (1721) qu’un homme qui porte des lunettes ne peut pas être un fat. […] L’idée avancée par Montesquieu est loin d’être une boutade. Mme d’Aulnoy remarque au milieu du XVIIIe siècle que les riches espagnols ont coutume, pour avoir l’air intelligent, de porter des lunettes, bien que cela leur soit inutile. Jacques Chirac se serait lui-même prêté au jeu pour renforcer sa crédibilité au début de sa carrière, poussant paraît-il le vice jusqu’à poser pour des photos de campagne électorale avec une monture dépourvue de verres afin d’éviter les reflets. Les grands avocats américains recommandent eux aussi fortement à leurs clients de venir aux procès affublés de besicles selon le New York Daily News. Un homme ayant besoin de correction est en effet jugé plus fiable, plus intelligent et surtout plus intègre que les autres.»
Comme Pierre Ménard n’est pas totalement stupide, il arrête sur ce point son article gratuit et renvoie vers son livre payant pour distiller d’autres conseils. Ce livre a le même titre « Comment paraître intelligent ? » mais avec cette précision «Ou Petit bréviaire destiné à ceux qui ne le sont pas, écrit par quelqu’un qui aurait besoin de le lire »
Toutefois, il était aussi l’invité, avec d’autres de l’émission de France Culture : Comment revenir plus intelligent à la rentrée : http://www.franceculture.fr/emission-du-grain-a-moudre-comment-revenir-plus-intelligent-a-la-rentree-2015-07-02
Dans cette émission, Elena Pasquinelli, philosophe, chargée de recherches au sein du département de sciences cognitives de l’École Normale Supérieure a définitivement mis fin à cette légende : “Nous utilisons bien 100% de notre cerveau et non pas 10% comme le prétendent des sots qui n’ont aucune compétence en science cognitive”
Elle a également totalement écarté ces conseils qui sont prodigués dans nombre de magazines par exemple manger des fruits secs…
A priori pour améliorer son intelligence, il faut surtout l’utiliser en lisant, en restant curieux, en méditant…
Mais notre conseiller en “paraître” a ajouté un autre conseil pour paraître intelligent : « apprendre par cœur des citations et les prodiguer à bon escient dans les conversations.»
Dans ce cas, je vous conseille d’apprendre quelques-uns des mots du jour et de les replacer habilement.
Il n’en reste pas moins que c’est un exercice quotidien d’« essayer de paraître intelligent.»

Jeudi 20 Août 2015

Jeudi 20 Août 2015
« L’art difficile de ne presque rien faire »
Denis Grozdanovitch
Qu’as-tu fait de tes vacances ? Question rituelle.
Car il faut faire ! Être actif.
Qu’est-ce que tu as fait de tes vacances cela signifie qu’on a fait quelque chose qu’on les a fait fructifier dans le sens où on s’est bien activé, qu’on a vu plein de choses
L’oisiveté est la mère de tous les vices, prétendent le pasteur, le moraliste et l’économiste.
Normalement les vacances ont été créées pour se reposer. Mais la morale du travail, de l’efficacité, a rattrapé les loisirs qui doivent être productifs, efficaces, racontables.
 Plusieurs invités participaient à cette émission, dont Denis Grozdanovitch, écrivain, qui a écrit un livre : « L’art difficile de ne presque rien faire », que j’ai choisi pour ce mot du jour d’après le silence d’un mois.
Une autre invité Mona Chollet, journaliste et essayiste, a introduit l’émission par ces propos :
« L’oisiveté demande un luxe de temps phénoménal. C’est un temps qu’on cesse de mesurer, de compter, c’est un temps de plus en plus rare, tant est grand l’injonction d’être productif et rentable. On ne sait plus que travailler, tout devient travail. On est pris dans cette malédiction de l’efficacité, de la rentabilité de la productivité. Faire quelque chose de concret, de palpable. Pour ne pas avoir l’impression de perdre son temps. Cela nous marque profondément et on a beaucoup de mal à s’en extraire. »
Cyril Morana, professeur de philosophie, invité aussi, vient de rédiger la postface de la réédition d’un ouvrage du philosophe latin Sénèque :« éloge de l’oisiveté »
« Pour Sénèque oisiveté n’est pas la paresse c’est plutôt une retraite méditative. Sénèque est un stoïcien C’est un moment de mise à l’écart devant l’agitation de la cité, pour prendre le temps de réfléchir. Réfléchir à la beauté du monde. Faire le bilan du temps qui vient de s’écouler de notre existence et peut-être se dire qu’on a perdu beaucoup de temps
On voit donc que l’oisiveté pour Sénèque n’est pas une paresse mais bien un temps très fécond. C’est un temps qui précède une action qui deviendra enfin pertinente, une action mûrie dans la réflexion. »
Pour revenir à l’auteur du mot du jour :” Denis Grozdanovitch”, il était un ancien champion de France junior de tennis destiné à une brillante carrière mais qui n’a pas persévéré.
Il explique que ce qu’il aimait dans le tennis, c’était de jouer, de s’amuser.
Il s’est vite rendu compte que ce n’était pas ce qui était demandé : “On nous demandait d’être comme disent les américains des killers”.
A Roland Garros, aucun tennisman ne s’amuse plus, ce sont des robots qui en plus souffrent.
Les loisirs sont insidieusement influencés par la morale du travail.
Mais il a élargi son propos à la sphère économique.
Il faut dire qu’il est un adepte de la décroissance qui se réfère à Jacques Ellul et plus récemment Serge Latouche et son livre ” décoloniser l’imaginaire”
Mais il a surtout cité un extrait d’un livre de Bertrand Russell «éloge de l’oisiveté »
Bertrand Russell (1872 -1970) est un mathématicien, logicien, philosophe, homme politique et moraliste britannique. Russell est considéré comme l’un des plus importants philosophes et mathématiciens du XXe siècle. Son œuvre, qui comprend également des romans et des nouvelles, fut couronnée par le prix Nobel de littérature en 1950. Il était à l’origine communiste mais il avait rencontré Lénine et a dit « j’ai immédiatement vu que cet homme était un fanatique et je pense que les choses vont tourner très mal.»
Voilà cet extrait :
« Supposons qu’à un moment donné, un certain nombre de gens fabriquent des épingles
Ils fabriquent autant d’épingles qu’il en faut pour le monde entier, en travaillant huit heures par jour
Quelqu’un met au point une invention qui permet au même nombre de personnes de faire deux fois plus d’épingles qu’auparavant.
Mais le monde n’a pas besoin de plus d’épingles. Les épingles sont déjà si bon marché qu’on n’en achètera guère davantage même si elles coûtent moins cher.
Dans un monde raisonnable tous les travailleurs de cette usine commenceraient à travailler quatre heures par jour au lieu de huit heures. Et tout irait comme avant.
Mais dans le monde réel on craindrait que cela ne démoralise les travailleurs. Les gens continue donc à travailler huit heures par jour.
On fabrique donc trop d’épingles. Des entreprises font faillite. La moitié des ouvriers se trouve au chômage. Au bout du compte, la somme du temps de loisirs global est le même dans les deux cas
Mais dans le second cas la moitié des individus est condamnée à l’oisiveté totale. Quant à l’autre moitié, elle continue à trop travailler.
Finalement le loisir inévitable devient cause de misère pour tout le monde, plutôt que d’être une source de bonheur universel.
Peut-on imaginer plus absurde ? ».
Voici à nouveau  le lien vers cette émission instructive qui fait réfléchir : http://www.franceculture.fr/emission-du-grain-a-moudre-d-ete-peut-on-encore-ne-rien-faire-2015-07-31.