Mercredi 15 avril 2015
L’élection présidentielle au suffrage universel est un poison qui petit à petit peu dévitalise notre démocratie »
Ghislaine Ottenheimer
Les français se mobilisent en masse pour élire leur président au suffrage universel, alors que dans les autres élections l’abstention se trouve dans une tendance d’augmentation. Depuis sa mise en place en 1962 par le Général de Gaulle, les français semblent convaincus que cette élection et la place du président dans nos institutions constituent un atout pour la France.
Tel n’est pas l’avis de Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef à Challenges qui publie un livre « Poison présidentiel » où elle dénonce la place du président république dans notre système politique qui est devenu une monarchie républicaine. De Mitterrand à Chirac, de Sarkozy à Hollande, elle dévoile l’improvisation des décisions, l’esprit de soumission des entourages et la volonté obsessionnelle de l’Elysée d’avoir raison sur tout.
Je dois dire que je suis absolument d’accord avec elle.
Les institutions « bonapartistes » qui mettent en avant un homme chargé de tout régler, de tout régenter de tout décider ne sont plus adaptées à notre temps.
D’abord parce qu’il n’existe plus d’homme de la stature de Bonaparte ou de De Gaulle. Donner ce type de pouvoir à un gestionnaire, un homme politique commun est totalement déraisonnable.
Ensuite de manière plus pragmatique, cette élection présidentielle et le rôle du président posent 3 problèmes majeurs à la France :
1° Elle divise la France en 2 camps. Au premier tour il faut rassembler son camp pour être au second. Or ces deux camps, la Droite et la Gauche sont très désunis à l’intérieur de leur rassemblement et ne parviennent jamais à préparer un programme cohérent de gouvernement. La division en deux camps est aussi un frein terrible au rassemblement des idées, comme l’a montrée le positionnement d’une grande partie de la Droite sur la Loi Macron : ils étaient plutôt pour, mais ils voulaient voter contre parce que la Loi émanait de l’autre camp. Or, on ne peut réformer un pays si on ne dispose pas d’une majorité large et cohérente. Sur les grandes réformes, il faut un large consensus, ce consensus ne se trouvera pas à l’intérieur de la gauche ni à l’intérieur de la Droite.
2° Elle constitue une formidable invitation à la démagogie. Quand on entend convoquer 80% du corps électoral de la France pour désigner « un chef », il faut que ça vaille la peine. Donc il faut promettre et annoncer de grand changement. Ainsi depuis l’élection de François Mitterrand, les candidats élus avaient promis, essentiellement sur le plan économique et social, des mesures qu’ils n’ont pas pu appliquer ou qu’ils ont dû retirer bien vite. Lors des deux dernières élections présidentielles, Nicolas Sarkozy avait promis un ministère de l’identité nationale, il l’a mis en place mais devant la réalité il a été obligé d’y renoncer. François Hollande a promis une super taxation des riches, il l’a mis en place très difficilement, pour un gain mineur et sans que cette réforme ne puisse s’inscrire dans la durée. Démagogie, programme incohérent, promesses non tenues voilà les conséquences de ce système. En Allemagne, on fait des coalitions, on discute d’un programme de gouvernement, on le valide et on s’y tient.
3° Une fois élu, le président vampirise totalement la vie politique. Seul l’aval de l’Elysée permet d’être certain qu’une décision a de réelles chances d’aboutir. Un ministre qui a subi un arbitrage défavorable du premier ministre, va immédiatement en appeler à l’Elysée. Et puis il s’occupe de tout comme l’a montré l’affaire Leonarda et beaucoup d’autres. Tout le monde comprendra et même constate qu’un tel système est voué à l’immobilisme.
Mais comment mieux exprimer ce système que François Mitterrand : « Il y a en France des ministres. On murmure même qu’il y a encore un Premier Ministre. Mais il n’y a plus de gouvernement. Seul le président de la République ordonne et décide. Certes les ministres sont appelés rituellement à lui fournir assistance et conseils. Mais comme les chérubins de l’Ancien Testament, ils n’occupent qu’un rang modeste dans la hiérarchie des serviteurs élus et ne remplissent leur auguste office qu’après avoir attendu qu’on les sonne. »
Le Coup d’État permanent, François Mitterrand, éd. 10/18, 1993, partie 2, chap. II, p. 113
Ce système n’est plus adapté au monde d’aujourd’hui.