Mercredi 18 septembre 2013

Mercredi 18 septembre 2013
«Le Droit ne fait pas Justice.»
François Sureau
Ce propos, qui me paraît plein de sens, a été tenu le 14/09/2013 dans l’émission “les Matins de France Culture” par François Sureau.
François Sureau est avocat, il s’occupe notamment des réfugiés politiques pour les défendre devant l’Administration et les Tribunaux français.
Mais avant, il a été maître de requêtes au Conseil d’Etat.
Il a alors vécu un épisode qui l’a marqué à jamais et avec lequel il doit vivre.
Nous étions au début des années 1980. Fraîchement sorti de l’ENA, le jeune juriste débarque au Palais-Royal, émerveillé de siéger au milieu des maîtres du droit qui ont enthousiasmé ses études.
Le bonheur se teintant toujours de désenchantement chez Sureau, il se voit affecté dans une obscure section, où il traite de démembrement rural et de l’indemnisation compliquée des rapatriés d’Algérie.
Puis avec enthousiasme, il accepte de rejoindre la commission qui statue sur le sort des demandeurs d’asile ayant essuyé un refus de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Et c’est là que sa vie va croiser celle de Javier Ibarrategui, militant basque exilé en France. Ce dernier demande l’asile politique à la France, car il se dit menacé de mort dans son pays.
Pour la justice française, l’affaire est délicate. Accéder à cette demande, c’est nier le retour de l’Espagne à la démocratie et à l’État de droit.
Javier Ibarrategui, dit à la commission “si vous me renvoyez en Espagne, je serai assassiné.”
Dans cette affaire, le Droit a été dit : la demande de Javier Ibarrategui a été refusée.
Il est donc retourné en Espagne et des groupes d’extrême droite, des anciens franquistes, l’ont assassiné.
C’était le Droit, ce n’était pas la Justice.
François Sureau a expliqué pendant l’émission :
« Ce que le Droit vise à faire, c’est à maintenir l’ordre public.
Réaliser ce compromis tout à fait étrange entre les demandes individuelles, l’Intérêt Général, les nécessités du Bien commun, s’incarnant dans des normes quelquefois contradictoires.
Le Droit, sert à éviter l’arbitraire
L’arbitraire public, Javier Ibarrategui a pu s’expliquer devant un juge, la décision a été prise dans le cadre d’une procédure documentée.
L’arbitraire privé comme interdire à une personne à se faire justice soi-même.
En résumé : éviter un mal social pire »
De la décision de la commission et du drame qui en découlera François Sureau a tiré un bref récit dont j’ai lu plusieurs critiques très enthousiastes :
François Sureau
Le chemin des morts
Collection Blanche, Gallimard
Parution 05-09-2013
<160>