Mardi 30 Juin 2015

Mardi 30 Juin 2015
«Les États Unis ont choisi de nous écouter
et de ne pas entendre ce que nous avions à leur dire.»
Dominique Moisi
Je choisis de parler des écoutes par la NSA des présidents français : Chirac, Sarkozy, Hollande parce que j’ai trouvé les réflexions que Dominique Moisi, conseiller spécial de l’IFRI (L’institution français des relations internationales), a exprimé lors de l’émission < le Club de la presse du 24-06-2015>  particulièrement pertinentes.
Il a répondu à la question de Nicolas Poincaré: «Qu’est ce qui nous choque dans l’attitude des américains ?»
«Il ne peut pas y avoir de surprise, on n’apprend rien, mais c’est quand même profondément choquant. C’est une dérive des pratiques diplomatiques.»
Mais il a surtout eu ce développement à  partir de 6:50 environ
«Du temps de guerre froide quand on allait à Moscou à l’ambassade de France et que l’on voulait avoir une conversation sérieuse, on vous emmenait dans une pièce spéciale, sorte de caisson, dans laquelle on pouvait parler sans crainte d’être écouté.
Il semble désormais qu’à l’ambassade de France de Washington on fasse la même chose.
Cela signifie que la notion d’adversaire et de partenaire s’est un peu fondue.
Il est vrai que le choc du 11 septembre a conduit les américains de manière systématique, avec d’extraordinaires  moyens technologiques et peu de sens politique,  à choisir de nous écouter et de ne pas entendre ce que nous avions à leur dire.
Ils nous écoutent, mais ils ne nous entendent pas quand nous leur disons “qu’aller en Irak c’est dangereux”. Je pense que cela correspond à un système bureaucratique qui rencontre une émotion particulièrement forte.
Tout doit être fait, même ce qui n’a pas de sens,  pour protéger la vie des citoyens américains et accessoirement les affaires des entreprises américaines.»
Pour expliquer et décrire la réaction “ferme mais mesurée” de la France (convocation de l’ambassadrice, réaction publique et conversation téléphonique Hollande/Obama)  il a utilisé cette formule de De Gaulle : «Je me sentis saisi d’une émotion calculée»(1)
«On ne peut pas faire moins que l’Allemagne, on est quand même le shérif adjoint des États Unis dans les affaires du Monde.»
Puisqu’il a cité De Gaulle, ce dernier aurait aussi dit : «Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts.»  (cité dans un article de La Tribune :< Écoutes : l’impérialisme 2.0 », Éric Walther, La Tribune (France), nº 55, 5 juillet 2013, p. 8>)
Et puis il y a ce propos de François Mitterrand rapporté par Georges-Marc Benamou dans son livre <Le dernier Mitterrand>. Dans ce livre on s’est surtout arrêté à la révélation explicite de l’euthanasie de François Mitterrand, qui a eu la chance de pouvoir disposer de l’entourage, des moyens et de la protection pour pouvoir mourir simplement et librement quand il ne souhaitait plus poursuivre  sa vie devenue trop pénible.
Mais ce que je voudrais souligner ici, ce sont les propos suivants qu’il aurait confié, à la fin de sa vie et à la lumière de son expérience, à l’écrivain : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique. Oui, ils sont très durs les américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. »
Vous trouverez ces propos rapportés <ici>
Toujours est-il que les Etats-Unis restent un paradoxe où cohabitent la plus grande modernité et aussi la plus grande régression où des croyants veulent imposer le créationnisme dans l’enseignement, où les armes constituent un tabou qui est la cause de tant de morts.
Où la liberté la plus grande (La cour suprême vient de reconnaître le mariage homosexuel pour tout l’État fédéral) côtoie un système répressif digne parfois des régimes totalitaires.
Peut-être faut-il revenir à cette pensée de Nietzsche : «Seule la contradiction nous rend fécond»
(1) Une recherche approfondie nous amène à préciser ce que De Gaulle a vraiment écrit : «  Dans certains cas, je suis amené à improviser mes propos. Alors, me laissant saisir par une émotion calculée, je jette d’emblée à l’auditoire les idées et les mots qui se pressent dans mon esprit. Mais, souvent, j’écris d’avance le texte et le prononce ensuite sans le lire : souci de précision et amour-propre d’orateur, lourde sujétion aussi, car, si ma mémoire me sert bien, je n’ai pas la plume facile.» Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, Le Salut, 1959, p. 127.