Lundi 18 octobre 2021

« Une nouvelle saison»
Nouvelle étape de l’écriture des mots du jour

Notre espèce se préoccupe du temps : celui qui passe, celui du présent, celui qui reste.

Pour inscrire ce temps « dans le marbre », marquer les périodes, dater un évènement, homo sapiens a créé le calendrier.

Pour créer le calendrier, il a fallu d’abord inventer l’écriture, pour inscrire le calendrier sur un support pérenne.

Le consensus scientifique place cette invention au IVème siècle avant notre ère, en Mésopotamie, dans le pays de Sumer. <Ce site> écrit :

« Vers 3400 ans avant J-C que les sumériens inventèrent le premier système d’écriture afin d’enregistrer les transactions commerciales. Cette écriture, appelée cunéiforme, était obtenue par l’empreinte de roseaux sur de l’argile humide. Elle mit plusieurs centaines d’années à évoluer vers un système plus complexe et l’invention de l’alphabet.  »

Et tout naturellement, c’est en Mésopotamie, un millénaire après, que fut inventé le premier calendrier. Sur ce <site> qui parle de l’historique du calendrier, nous pouvons lire :

« Au IIIe millénaire avant J.C, les cités de Babylone sont les premières à appliquer un calendrier, correspondant aux mouvements de la Lune, auquel ils ajoutaient si nécessaire des mois supplémentaires pour conserver une correspondance avec les saisons de l’année. »

Pourtant cette même page évoque une tentative préalable d’un « soi-disant calendrier » qui daterait d’avant l’écriture, en Egypte :

Ce « calendrier » qui daterait du 5e millénaire avant J-C a été découvert dans le sud de l’Égypte, à Nabta Playa.

Cette photo montre une reconstitution du calendrier de Nabta Playa au musée de la Nubie à Assouan.

<Wikipedia> précise :

« Ce monument supposé cérémoniel est impressionnant, même s’il n’est pas très grand (environ 4 mètres de diamètre -). Il consiste en une série de blocs de pierres de grès arrangés en cercle, certaines atteignant deux mètres de hauteur. Sur le cercle, on peut distinguer quatre couples de pierres plus grandes formant comme des « portes ». À l’intérieur du cercle, on rencontre deux rangées de pierres, dont la fonction astronomique, s’il y en avait une, n’est pas évidente. Quant aux « portes », deux d’entre-elles, en vis à vis, sont sur une ligne Nord-Sud. Les deux autres paires forment une ligne à 70° à l’Est-Nord-Est, qui s’aligne avec la position calculée du lever du soleil au solstice d’été il y a 6000 ans […] Le solstice d’été correspond aussi au début de la saison des pluies dans le désert. Mais l’âge exact de ce cercle n’est pas connu avec certitude. »

Nous comprenons donc que cette tentative cherche surtout à se repérer dans une année solaire, c’est-à-dire la période d’une révolution de la terre autour du soleil et à distinguer les différentes saisons de l’année.

Il n’y a pas d’inscription dans la durée, au sens du calendrier que nous connaissons aujourd’hui.

Cette découverte ne remet donc pas en cause le lien étroit entre création du calendrier et invention de l’écriture.

Mais pour qu’il existe vraiment un calendrier il a fallu une autre invention d’homo sapiens : l’invention des récits religieux.

J’avais évoqué ce lien lors d’un mot du jour consacré à souhaiter la bonne année : <mot du jour du 12 janvier 2016>.

Car en effet pour qu’il existe un calendrier qui puisse repérer et dater dans le temps, il faut évidemment en plus de la tentative de Nabta Playa, une date origine qui marque la première année : le premier jour, du premier mois de la première année.

Le mot du jour du 12 janvier 2016 faisait le constat de la coexistence de nombreux calendriers autre que le nôtre « le calendrier grégorien » qui marque pour origine la naissance de Jésus de Nazareth, telle qu’elle a été imaginée par des théologiens.

Pour évoquer cette origine il faut regarder cette émission de l’historien Patrick Boucheron : < La crucifixion de Jésus | Quand l’histoire fait dates >

Notre calendrier se base donc sur un récit religieux comme le calendrier hébraïque, le calendrier musulman et bien d’autres.

Notre calendrier se base sur une année qui commence le 1er janvier depuis  l’édit de Roussillon de 1564 de Charles IX.

Mais force est de constater que si nous fêtons le 1er janvier, notre vie culturelle, économique dans son organisation ne tient quasi aucun compte du 1er janvier.

C’est un autre découpage du calendrier qui est primordial pour nous : l’année scolaire.

Or l’année scolaire ne commence pas au premier janvier mais en septembre.

Et la vie culturelle met ses pas dans cette année scolaire, mais pour le théâtre, les concerts on ne parle pas d’année mais de « saisons». On parle aussi de saison sportive ou de saison de chasse.

Bien sûr la <saison> est d’abord cette période de l’année qui observe une relative constance du climat et de la température. L’année est divisée en 4 saisons qui durent trois mois et se situent entre les 2 solstices et les 2 équinoxes . Actuellement nous sommes en automne.

Et je ne résiste pas au plaisir de partager une photo d’automne canadien découvert sur le net.

On parle aussi des saisons de la vie.

Pour ma part, à 63 ans je peux dire que je suis au bel automne de ma vie.

Ainsi, en faisant référence aux saisons de concerts ou de théâtre, j’ai trouvé pertinent de parler, pour recommencer après la trêve estivale à écrire régulièrement des mots du jour, d’une nouvelle saison.

Cette aventure des mots du jour a commencé le 9 octobre 2012. Ce qui signifie que ce 18 octobre 2021, je commence la 10ème saison de mots du jour.

Le 18 octobre 2012, le mot du jour était : « Il est nécessaire de mettre fin aux petits privilèges d’un grand nombre pour pouvoir préserver les grands privilèges d’un tout petit nombre ! » ce qui constituait un jugement qu’Emmanuel Todd portait sur certaines mesures du gouvernement.

C’est une nouvelle saison, ce n’est pas la dernière.

C’est au moins mon souhait si ma santé continue à le permettre.

C’est pourtant une saison particulière : il s’agit de la dernière réalisée intégralement alors que je reste en activité en tant que fonctionnaire d’état.

En janvier 2023, je prendrai ma retraite et une dernière étape de vie commencera.

C’était un mot du jour un peu plus personnel pour commencer cette nouvelle saison 2021/2022.

<1606>

Lundi 13 avril 2020

« Par l’infinie ruse
De l’extrêmement petit
Nous avons compris
Vraiment l’indispensable »
Quatrain que m’a inspiré cette histoire collective et mondiale qui nous arrive

Mot de jour spécial pendant la période de confinement suite à la pandémie du COVID-19
François Cheng nous a expliqué la force de la concision d’un quatrain.

J’ai souvent écrit des mots du jour fort long, parfois ou souvent trop long.

J’essaye donc de synthétiser ce que cette expérience nous apprend dans un quatrain, 5 ; 7, 5, 7.

« Par l’infinie ruse
De l’extrêmement petit
Nous avons compris
Vraiment l’indispensable »

<1396>

Dimanche 5 avril 2020

«La symphonie N°2 « Résurrection »
Gustav Mahler

Mot de jour spécial pendant la période de confinement suite à la pandémie du COVID-19

Dimanche dernier, ARTE a retransmis, un concert qui a eu lieu en 2019 à Barcelone.

Dans une salle somptueuse

Une interprétation magistrale

D’un très grand chef d’œuvre symphonique du répertoire.

Vous trouverez ci-après trois liens qui vous permettront de regarder et écouter ce moment magique :

<REPLAY ARTE>    <Sur Youtube>   <Sur Molotov>

La lecture de ce mot du jour peut donc s’arrêter là et basculer vers le visionnage de ce concert. Voici l’essentiel.

Mais on peut aller un peu plus loin…

D’abord s’intéresser à cette extraordinaire salle de concert <
Palau de la Música Catalana> “Le palais de la musique catalane » construit entre 1905 à 1908.

Wikipedia nous apprend que les bâtisseurs ont fait appel à des structures avancées telles que l’utilisation de nouveaux profils laminaires : il s’agit d’une structure métallique centrale stabilisée par des contreforts et des voûtes d’inspiration gothique. L’architecte innove par l’utilisation de murs-rideaux et fait appel à une grande variété de techniques artistiques : sculptures, mosaïques, vitraux et ferronneries.
L’architecte est catalan comme il se doit à Barcelone Lluís Domènech i Montaner. Cette salle a d’ailleurs mêlé son histoire avec celle de la Catalogne et ses combats contre le fascisme et pour l’indépendance.

Certains prétendent qu’il s’agit de la plus belle salle de concert du monde.

La salle de concert est le seul auditorium en Europe à n’être éclairé pendant la journée que par la lumière naturelle.

Le chef d’orchestre de ce concert Gustavo Dudamel dit :

« La beauté, l’aura de cette salle sont uniques au monde.
C’est un espace qui n’a rien de conventionnel.
A chaque venue, on y découvre quelque chose de nouveau. »

Ensuite, on peut s’intéresser à l’interprétation et aux interprètes.

L’Orchestre est l’Orchestre Philharmonique de Munich.
Ce fut déjà l’Orchestre qui fut celui du concert de la 8ème symphonie de Mahler que j’ai essayé de raconter lors du <mot du jour du 20 février 2019>

Cet orchestre fondé en 1893 fut dirigé plusieurs fois par Gustav Mahler qui le dirige dès 1897, et qui y crée ses Quatrième et Huitième Symphonies. C’est le disciple de Gustav Mahler, Bruno Walter qui assurera la création du Chant de la terre de Mahler en 1911, toujours avec cet orchestre.

Orchestre qui connut son apogée, entre 1979 et 1996, lorsque son directeur musical fut Sergiu Celibidache, musicien exceptionnel à qui je n’ai pas encore consacré de mot du jour, mais cela ne pourra durer.

Le chef d’orchestre est Gustavo Dudamel.

Un des plus grands chef d’orchestre actuel, né en 1981, il a été nommé en 2009 donc à 28 ans directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles, soit un des plus grand orchestre du monde, c’est absolument unique. L’orchestre a d’ailleurs décidé de renouveler son contrat jusqu’à 2026.

Très jeune, il était arrivé à convaincre et à se faire conseiller par les grands chefs : Claudio Abbado, Daniel Barenboïm et Simon Rattle.

Mais ses débuts et son apprentissage, a eu lieu dans ce formidable programme d’éducation musicale El Sistema qui a été fondé par José Antonio Abreu au Venezuela et qui propose une méthode d’apprentissage alternative de la musique en permettant une intégration sociale de jeunes défavorisés.

L’élite de ces musiciens intègre l’Orchestre symphonique des jeunes du Venezuela Simón Bolívar. D’abord violoniste dans cet orchestre, il en devient rapidement le chef et fait des tournées mondiales avec cet orchestre d’une qualité remarquable.

Il faut voir et écouter cet orchestre, dirigé par Dudamel, jouait <Mambo de West Side Story Bersntein>

Et voici avec cette même formation, <Dudamel qui dirige aussi la 2ème symphonie de Mahler>

Avec Annie et Florence nous avons eu la chance de le voir avec son orchestre de Los Angelés. Chef charismatique, formidable musicien, il emporte l’adhésion.

Ce concert a aussi mis en valeur un chœur espagnol « Orfeó Català & Cor de Cambra del Palau de la Música Catalana » (Simon Halsey Director)

Et aussi deux solistes remarquables :

La soprano israélienne Chen Reiss, soprano et surtout une mezzosoprano américaine que je ne connaissais pas : Tamara Mumford

Quand elle se lève pour chanter, la première surprise est sa voix grave et profonde.

Et puis, il y a l’émotion qu’elle dégage dans son interprétation et qui émeut même Gustavo Dudamel.

Après les interprètes, il faut aussi s’intéresser à l’œuvre.

D’ailleurs l’œuvre est première par rapport aux interprètes.

La 2ème symphonie est la symphonie la plus populaire de Mahler probablement celle la plus souvent jouée dans les salles de concert. Elle fut créée le 13 décembre 1895 à Berlin.

Gustavo Dudamel la décrit de la manière suivante :

« C’est un hymne à la vie éternelle
Un hymne à la continuité.
Un hymne à la résurrection perpétuelle »

Cette symphonie est si populaire que lorsqu’on a vendu la partition originale aux enchères, elle est devenue la partition la plus chère de l’Histoire, le 29 novembre 2016, à Londres. Le manuscrit d’un morceau du compositeur autrichien a atteint le prix record de 5,32 millions d’euros.

Photo dédicacée par Mahler au chef belge Sylvain Dupuis qui avait programmé la 2ème à Liège en 1899 et invita le compositeur à la diriger à son tour l’année suivante.

Pour en savoir plus, il peut être pertinent de se référer au site <Esprits Nomades> :

« La Deuxième symphonie semble d’une seule coulée, emportant l’auditeur vers l’élan final, vers l’au-delà. Pourtant elle aura mis plus de six ans à venir au monde. […]
Mahler aimera toujours cette œuvre et en ferra sa carte de visite auprès des orchestres […]
Mahler l’a dirigée treize fois et l’a choisie pour son concert d’adieu à Vienne afin de marquer la fin de son règne de 10 ans comme directeur de l’Opéra de Vienne. […]
Plus qu’une musique c’est une vision. Vision spirituelle et métaphysique et aussi description des combats tumultueux pour arriver à la lumière. Le thème est vieux comme le monde : le problème de la vie et de la mort résolu par la résurrection.

Bien des forces antagonistes se combattent, en cela elle est la plus beethovénienne des musiques de Mahler. »

La mezzo chante dans le quatrième mouvement :

« L’homme est accablé d’une si grande souffrance !
L’homme est accablé d’une si grande peine ! »

A cela le chœur et les deux solistes vont répondre dans le 5ème mouvement :

« Ressusciter, oui, tu vas ressusciter, […]
O crois, mon âme, crois
que rien n’est perdu pour toi !
Tu as maintenant ce que tu as désiré,
ce que tu as aimé, ce pour quoi tu as lutté !
O crois que tu n’es pas née en vain,
que ce n’est pas en vain que tu as vécu et souffert !
Ce qui a été engendré doit passer, ce qui est passé doit ressusciter ! Cesse de trembler ! Prépare-toi ! Prépare-toi à vivre ! […]
Ressusciter, oui, tu vas ressusciter, mon âme, seul instant !
Et ce que tu as vaincu
te mènera vers Dieu ! »

C’est merveilleusement beau.

La salle, les interprètes, l’œuvre et un dernier point pourrait être ma relation personnelle avec cette œuvre.

La relation notamment en concert. Je pense que c’est l’œuvre symphonique que j’ai le plus souvent entendu en concert.

Nous avons déjà eu deux concerts de la 2ème de Mahler à l’Auditorium de Lyon et cette saison, il est prévu le 23 mai que nous ayons à nouveau cette symphonie dirigée par Jukka-Pekka Saraste à Lyon. Le confinement sera-t-il terminé ?

Et puis je l’ai entendu plusieurs fois à Paris.

Mais deux concerts sont restés très forts dans ma mémoire.

  • Le mardi 26 avril 1988, à la salle Pleyel, nous avons assisté Annie et moi à notre premier concert en commun, ce fut la 2ème symphonie de Mahler avec l’orchestre de Paris dirigé par Eliahu Inbal.

Depuis nous ne nous sommes plus quittés.

  • Et puis le mercredi 30 mai 2012, à Angers, sur l’insistance de mon ami Didier, avec Didier et Hélène j’ai assisté au dernier concert dans lequel j’ai vu mon frère Gérard jouer.

Il était, alors, le super soliste de l’orchestre philharmonique des pays de la Loire et menait donc l’orchestre dans cette 2ème symphonie dans le cadre de la commémoration des 40 ans de l’Orchestre.

Dans le cadre de l’épreuve de COVID-19, il ne me semble pas trop tôt de parler de résurrection.

Il est important, quand on se trouve dans l’épreuve, de savoir qu’il y aura une fin et un nouveau départ.

<1388>

Lundi 16 décembre 2019

« Les gâteaux de Noël alsaciens »
Patrimoine culinaire alsacien

Depuis une tradition ancestrale qui remonte au moins au début des années 2000, Annie et moi fabriquons dans notre cuisine des gâteaux de Noël alsaciens appelés dans le langage de là-bas les « Bredele ».

Faire ces gâteaux, c’est d’abord un plaisir des yeux et une satisfaction olfactive délicate et harmonieuse.

C’est aussi un plaisir du goût et de la saveur.

Et puis c’est un plaisir du partage et du don.

Certaines et certains qui ont bénéficié de ce don les années passées, quand arrive la période de Noël, réclament d’ailleurs le renouvellement de l’offrande.

Mais faire des gâteaux de Noël prend du temps et nécessite une attention assez exclusive.

Je ne peux pas faire des bredele et en même temps écrire des mots du jour sur la Chine.

Alors j’avais deux solutions :

  • Suspendre l’écriture des mots du jour
  • Ou écrire des mots du jour sur le sujet qui m’occupait en ce moment avec Annie.

Je vais donc décliner, avec l’aide d’Annie, dans les jours qui viennent les recettes de certains gâteaux de Noël.

Il y a quelques questions techniques.

Comme celle par exemple du poids d’un œuf alsacien.

J’avais déjà consacré un mot du jour, celui du <25 décembre 2017> à ce détail technique.

En effet, quand on vous dit pour une recette il faut prendre 600g de farine, 500g de sucre et 6 œufs, la dernière mesure est imprécise.

Vous n’arriverez pas au même résultat si ces 6 œufs pèsent comme le prévoit les alsaciens 300 g ou s’ils pèsent 350 g ou plus rarement 250 g.

Mais la technique ne suffit pas, il faut aussi savoir prendre son temps et y mettre… un supplément d’âme et de générosité.

Nous avons été initiés par notre inoubliable amie Françoise.

Avant Noël, elle venait à Lyon et pendant plusieurs jours faisait des gâteaux pour ses enfants, pour nous, un tout petit peu pour elle.

C’était le moment le plus heureux et le plus magique de la période de Noël.

C’est elle qui nous a transmis, ce secret du poids de l’œuf alsacien, révélation qui lui avait été donnée par une vielle alsacienne.

Elle nous a aussi offert ce livre : « Bredele et gâteaux de Noël » de Thierry Kappler.

Mais comme je l’ai écrit la technique est indispensable mais ne suffit pas.

Elle nous a aussi montré le supplément d’âme, la joie de faire pour que cette joie puisse se retrouver dans les gâteaux offerts et savourés.

J’ai trouvé sur <ce site> quelques explications alsaciennes :

« En dialecte, leur nom varie selon que l’on est Hautrhinois (Bredala) ou BasRhinois (Bredele) et, à Strasbourg, on les appelle bredle »…

J’exprime un doute sur ce dernier point, à Strasbourg j’ai toujours entendu parler comme pour le reste du Bas-Rhin de Bredele.

L’article poursuit :

« Bredele vient du mot allemand « Brot »qui signifie « pain ». Ce sont donc littéralement des « petits pains ». Leur petite taille est leur point commun à tous, puisqu’elle ne dépasse pas 34 cm, que ce soit en hauteur, en largeur ou en diamètre.

Il existe des bredele spécifiques, ceux que l’on confectionne à l’approche de Noël (Winàchta) : on les appelle les Winàchtsbredele, ou petits gâteaux de Noël. Selon un dicton alsacien : « Quand au crépuscule rougeoie l’horizon, on dit que c’est le Christkindel (l’enfant Jésus) qui allume le four pour faire cuire les bredele…  ». Traditionnellement, la confection des bredele commence dès la fin novembre et se poursuit tout au long de l’Avent.

Cela s’explique par le fait que, jusque dans les années 1950, les bredele servaient aussi à décorer le sapin de Noël. Pendant longtemps, les décorations du sapin faisaient office de cadeaux : les bredele et les petits pains d’épices étaient souvent les seuls présents que recevaient les enfants puisque les ingrédients entrant dans leur composition étaient rares et chers (farine blanche, fruits confits, épices, sucre de canne, beurre).

Les théories sur l’origine des bredele sont nombreuses. De mémoire d’Alsacien, “Ça existe depuis toujours !”. Certains indices laissent à penser que la fabrication des bredele viendrait des traditions des peuples païens qui ont vécu en Alsace. En effet, les Celtes et les Romains offraient aux dieux des petits gâteaux à base de farine et de miel.

D’autres indices sur la fabrication des bredele sont révélés par les moules qui servaient à les façonner. Les plus anciens retrouvés aux abords du Rhin datent du 14e siècle. Et la première recette de bredele à être mentionnée dans des écrits du 16e siècle est celle du “Anisbrod “, littéralement “pain à l’anis “, l’ancêtre des actuels Springerle et Anisbredele.

Au 16e siècle, les moules à bredele étaient fabriqués en terre cuite, un matériau permettant plus facilement des décors fantaisie et résistant à la cuisson. Puis, à partir du 18e sont apparus les moules métalliques et les emportepièces et, avec eux, d’innombrables formes différentes.

A partir du 19e siècle certains ingrédients de base deviennent plus accessibles, comme le sucre de canne, la farine, le beurre, les fruits à coques et les épices. La créativité et l’inventivité des boulangers alsaciens n’a alors plus de limites, et de multiples recettes de petits gâteaux très variés voient le jour. »

Je vais tenter, humblement, de transmettre un peu de cette tradition dans les prochains mots du jour.

Cette année sera pour moi particulière, puisque convaincu que «les cellules de trop de vie» qui se sont développées dans mon organisme sont particulièrement friandes de sucre, je ne mange plus de sucre raffiné depuis le 18 janvier.

Il reste le plaisir des yeux et la satisfaction olfactive délicate et harmonieuse et surtout la joie du partage et du don.

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Mardi 10 décembre 2019

« Un mercredi, il y a cent ans… »
Une histoire qui commence

C’était un mercredi, il y a cent ans, le 10 décembre 1919.

Dans une ville minière, d’environ 6000 habitants, au nord-est de la Lorraine, dans une maison familiale, un enfant venait de naître au monde.

C’était un garçon.

Son père était revenu dans cette maison, depuis un an à peine, soldat d’une armée vaincue.

Mais ce 10 décembre, il était citoyen d’une Nation triomphante et père d’un septième et dernier enfant, le seul à être né français.

Un an auparavant, quand il était enfin de retour, ce fut quelques jours trop tard pour accompagner son 5ème enfant, une fille du nom de Pauline, à sa dernière demeure à l’âge de 10 ans. Elle avait succombé à la grippe espagnole le 20 novembre 1918, 9 jours après l’armistice.

Félix, le père de l’enfant qui venait de naître, fut celui dans sa lignée qui fit sortir sa famille du néolithique. Aussi loin qu’on remontait le temps qu’il était possible de connaître, la famille était constituée de paysans qui vivaient dans des fermes. Lui a quitté la ferme pour se rendre vers une petite ville qui s’était construite sur un territoire industriel émergeant autour de l’activité des mines de charbon.

Il avait conservé quelques lopins de terre pour la nourriture domestique mais avait changé de métier et était devenu menuisier.

La mère s’appelait Katherine avec un « K » car elle était née dans une commune près de Mannheim qui se trouve actuellement dans le Bade-Wurtemberg mais qui historiquement faisait partie du Palatinat.

Elle n’était donc pas comme Félix, née sur ce territoire tant disputé entre les germains de l’est et les germains de l’ouest qui sont les Francs. Elle est née sur le territoire des germains de l’est.

D’ailleurs leur mariage fut célébré à Mannheim.

Le père était travailleur, rude, peu enclin au dialogue et pas très drôle.

Katherine était douce, pleine d’humour et aimait chanter.

Dans cette famille pauvre à la sortie de la terrible grande guerre, la vie n’était pas simple.

Mais quand il y avait quelques loisirs, la famille se réunissait faisait de la musique et chantait ensemble.

Dans cette ambiance et probablement sous l’influence de sa mère, le jeune garçon s’éveillait à la musique, à la poésie et à l’art.

Mais quand il exprima son souhait d’embrasser le métier de musicien et plus précisément de violoniste, la réponse du père fut catégorique et sans appel :

« Musicien est un métier de fainéant, tu seras menuisier comme ton père et tu feras de la musique comme tout le monde en amateur »

Le jeune Rodolphe bien qu’obéissant savait ce qu’il voulait et ne se soumit que provisoirement.

Il attendait patiemment l’âge de la majorité qui était de 21 ans, pour échapper à l’autorité parentale et réaliser son rêve devenir musicien professionnel.

Mais en ces temps troublés, il a eu 20 ans en 1939 et une nouvelle guerre allait embraser l’Europe, la France et l’Allemagne.

Il partit donc à la guerre, mais avant de finir ses classes la France était vaincue par l’étrange défaite de 1940 selon le livre du grand historien Marc Bloch.

Quand les autorités allemandes invitèrent les alsaciens les lorrains de revenir dans leur région natal en leur promettant qu’il ne serait pas incorporé dans la Wehrmacht il écouta le conseil d’un sage adjudant qui lui dit : « Les allemands vont perdre la guerre, et quand ils auront besoin de troupes pour leurs derniers combats, ils obligeront tous ceux qu’ils trouveront à incorporer leur armée ».

Il l’écouta et passa les années de guerre dans la petite ville de Renaison dans la Loire, près de Roanne à 100 km de Lyon.

Il ne revint dans sa région natale qu’à la fin de la guerre en 1945, il avait déjà 26 ans. C’était le temps de trouver épouse.

Il rencontra une jeune femme qui n’était pas française, mais polonaise, issue de l’immigration de travail que réclamaient les houillères de Lorraine. Elle devint française par le mariage.

Toute cette petite histoire, que je préfère appeler l’histoire à hauteur d’homme, rencontre la grande histoire et relativise beaucoup des idées et des concepts qu’on entend développer par des idéologues qui rêvent un passé qui n’a jamais existé.

La France est mélange, mélange entre peuples germains, francs, alamans, teutons, burgondes quelques latins bien sûr et aussi comme dans cet exemple des slaves et bien d’autres

Nous sommes loin de nos ancêtres les gaulois…

Il devint père une première fois en 1947 puis en 1949.

Pour nourrir sa famille, il accepta les métiers qu’il pouvait exercer. Malgré les difficultés, malgré un départ bien tardif il poursuivit son rêve de faire de la musique et d’approfondir la musique et la pratique du violon.

Il alla prendre des cours dans la ville allemande proche de Sarrebruck.

Il accéda enfin à son objectif de faire du violon son métier, lorsqu’il eut l’opportunité de participer à la création de l’école de musique de Forbach en 1951. Il avait 31 ans. Les conditions financières étaient exécrables pendant de nombreuses années, il lui fallut exercer d’autres missions pour parvenir à des revenus toujours modestes mais permettant de vivre. Mais il ne se plaignait jamais car il pratiquait le métier qu’il aimait.

Il devint un professeur remarquable qui apprit le violon à des générations d’élèves de 1951 à 1991. Les enfants et même à la fin les petits enfants de ses premiers élèves devinrent aussi ses élèves.

Il disait :

« Avant de leur apprendre le violon, j’essaye surtout de leur faire aimer la musique »

Et le miracle, c’est qu’il y parvint le plus souvent.

Vous savez compter, il a pris sa retraite en 1991, il avait 72 ans.

C’est aussi une leçon par rapport à nos débats sur les retraites. On peut travailler jusqu’à 70 ans, mais cela dépend du métier, cela dépend du sens qu’on peut lui donner. Notre problème de retraite n’est-il pas avant tout un problème de travail, de travail de seniors, de condition et de qualité de travail ? Et du sens de tout cela ?

En 1958, ce garçon né en 1919, à Stiring-Wendel, devint mon père.

Il était aussi compréhensif, bienveillant et tendre que son père était dur et rigide.

Avant de quitter la communauté des vivants en 2009, il chanta encore des chansons à ses infirmières jusqu’à ses derniers instants de lucidité.

Nous ne sommes pas des individus venus un jour au monde et qui nous construisons nous même. Nous nous inscrivons dans une lignée familiale et sommes le fruit des transmissions que nous avons su accueillir.

Mon père m’a appris à aimer la musique.

Il m’a aussi appris la bienveillance.

Il m’a aidé à avoir confiance en moi.

Il m’a conduit à aimer la vie.

<1323>

Lundi 9 décembre 2019

«Réaliste, indestructible et révolutionnaire dans un monde uniformément fade et mécanisé»
Philippe Sollers en évoquant Martha Argerich

Cette saison, c’est la fête des pianistes exceptionnels à l’Auditorium de Lyon.

Il ne manque que Grigory Sokolov.

Daniel Barenboïm est déjà venu en octobre.

Evgeni Kissin viendra en janvier et Murray Perahia en avril.

Et ce dimanche, 8 décembre, Martha Argerich était là.

Et c’est quelque chose qu’elle soit là, tant il est vrai qu’il lui arrive de renoncer à venir quand elle ne se sent pas prête.

C’est au moins sa réputation.

<Wikipedia> affirme :

« Elle n’a jamais été poursuivie en rupture de contrat simplement parce que, jalouse de son indépendance, elle n’en a jamais signé. »

Si cette affirmation est exacte, il faut être Martha Argerich pour être programmée dans un concert, sans que l’organisateur ne dispose d’un contrat solide avec l’artiste et accepte cette incertitude.

Mais quand elle est présente, la prestation tient de l’exception.

Elle arrive même à convaincre que le concerto de piano n°1 que Beethoven a composé à 25 ans, encore bien éloigné de sa maturité, constitue un chef d’œuvre.

En me replongeant dans sa biographie, j’ai appris que ce même 1er concerto de Beethoven qu’elle a interprété à Lyon était aussi au programme de son premier concert à Buenos Aires où elle est née en 1941.

Lors de ce premier concert elle avait 8 ans !

Elle a commencé le piano vers 4 ans et à le travailler vraiment à 5 ans.

Elle ne voulait pas devenir pianiste, elle voulait devenir médecin. Ses parents ont certainement insisté beaucoup.

L’Express dans un article de 2000 : « Le jour où Martha Argerich osa jouer » raconte :

« Il était une fois à Buenos Aires une petite fille de 2 ans et 8 mois qui se planta devant un piano et reproduisit instantanément l’air que fredonnait sa puéricultrice, parce qu’un petit camarade venait de lui dire: «T’es pas cap’ de jouer du piano.» Mais, cinquante-six ans plus tard, Martha Argerich n’en finit pas de regretter d’avoir relevé ce défi. «J’aime jouer du piano mais je déteste être pianiste», ne cesse-t-elle de répéter. Elle est sans doute la pianiste la plus inspirée et la plus torturée de notre époque. Si elle figure simplement en bonne place dans le hit-parade des concerts annulés, elle est la seule à refuser de se produire seule sur une scène, depuis dix-neuf ans. Plus exactement était, car, le 25 mars dernier, elle se résignait enfin à offrir un récital au public enthousiaste de Carnegie Hall. »

Cet article apporte une autre information, Martha Argerich ne veut plus jouer seul sur scène, elle a toujours besoin de partager la musique avec des amis.

Ce dimanche, elle a d’abord joué de la musique pour deux pianos avec un autre pianiste né à Buenos Aires : Eduardo Hubert.

Le concerto de Beethoven, elle l’a jouée avec un orchestre de chambre hongrois remarquable : L’orchestre de chambre Franz-Liszt de Budapest dirigé par Gabor Takacs-Nagy.

Ce concert new-yorkais dont parle l’Express et qui était donc une exception depuis 19 ans et qui l’est redevenue depuis, était tout à fait particulier.

En 1990, Martha Argerich a été atteint par le cancer : un mélanome. Elle avait été traitée avec succès. Malheureusement, elle a rechuté en 1995 avec des métastases pulmonaires et un envahissement des ganglions lymphatiques. Un nouveau traitement institué au John Wayne Cancer Institute lui a permis d’obtenir une nouvelle rémission. Et le concert de Carnegie Hall était organisé au profit du John Wayne Cancer Institute de Santa Monica (Californie), dirigé par le Dr Morton, qui a su traiter la grave affection cancéreuse dont elle souffre.

Martha Argerich est donc une survivante qui défie les statistiques morbides des récidives cancéreuses et de leurs complications métastasiques.

Quand elle joue sur scène, on voit son plaisir, son espièglerie à faire de la musique avec d’autres avec une technique sans faille et une émotion à fleur de peau.

J’ai aussi emprunté à l’article de l’express l’exergue de ce mot du jour. C’est un portrait littéraire de Martha Argerich écrit par Philippe Sollers «Réaliste, indestructible et révolutionnaire dans un monde uniformément fade et mécanisé», Et comme l’écrit le journaliste son jeu, toujours fidèle au texte de la partition, est d’une liberté et d’une spontanéité absolues, comme si la musique naissait sous ses doigts pour la première fois.

Martha Argerich fuit les journalistes et les interviews.

Et c’est donc quasi inespéré de la voir simple, attachante dans un documentaire tourné en 1972 par la <Télévision Suisse> à l’époque où elle était mariée avec le chef Charles Dutoit.

Un autre documentaire plus court sur <Euronews> la montre en Italie, en 2012, alors qu’elle prépare un concert avec Antonio Pappano.

Sur la page de présentation de ce documentaire, on lit :

« La pianiste virtuose a fait chavirer Rome dernièrement en interprétant le Concerto de Schumann aux côtés de musiciens qu’elle estime exceptionnels : […] Farouchement attachée à son indépendance, rejetant les règles imposées par la carrière et la célébrité, Martha Argerich n’interprète pas la musique, elle l’incarne. “Il est impossible de séparer la personne de la musicienne : elle est la musique,” affirme le chef Antonio Pappano […] Pour Martha, la musique n’a de sens que si elle est partagée. Insoumise et courageuse, la virtuose a lutté toute sa vie contre la solitude. “Friedrich Gulda m’avait dit : “il faut que tu apprennes tout avant 16 ans parce qu’après on devient un peu stupide,” raconte la musicienne, “je trouvais que je menais la vie d’une personne de quarante ans quand j’en avais 17 et je voulais vivre la vie des jeunes étudiants de mon âge qui étaient libres, qui s’amusaient un peu, qui n’avaient pas le trac et qui n’avaient pas ces problèmes. Je trouvais que ma vie était triste,” poursuit-elle, “je faisais des voyages, seule, j’étais très timide, je suis très timide parce que je crois que cela, on ne le perd pas !” lance-t-elle avant de souligner : “à présent, il y a des amis partout, alors on prend soin de moi.” »

Et puis il faut voir Martha Argerich jouer :

Très jeune <La polonaise héroïque> de Chopin.

Et en 2010, à Varsovie avec un orchestre polonais <le concerto n°1 de Chopin>. Il est rare qu’un musicien classique affiche plus de 2 800 000 vues sur youtube.

A Leipzig, <le concerto de piano de Schumann> dans une interprétation lumineuse.

Et des plus petites pièces : <Une petite œuvre de Bach> dans laquelle, elle excelle.

Et un de ses bis fétiches <la sonate K141 de Scarlatti> dans laquelle s’exprime sa virtuosité.

Et pour finir France musique qui pose la question <Peut-on percer le mystère Martha Argerich ?>

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Mercredi 25 septembre 2019

« Cécile »
Je ne savais pas quel autre mot du jour écrire aujourd’hui

J’aime beaucoup le prénom de Cécile, c’est la sainte patronne des musiciens.

Selon le récit chrétien, il s’agissait d’une martyre du IIème siècle de notre ère et en allant au martyre, elle entendit la musique de Dieu et se mit à interpréter des chants mélodieux. C’est pourquoi Sainte Cécile qui est fêtée le 22 novembre est la patronne des musiciens.

<Si vous voulez en savoir plus> sur la patronne des musiciens.

Les compositeurs de l’époque baroque et aussi classique ont composé plusieurs odes à Sainte Cécile.

Dans ce concert <diffusé par Arte> il y a trois œuvres dédiées à Sainte Cécile de Purcell, de Haendel et de Haydn.

Plus récemment le domaine des chansons a aussi célébré Cécile.

<Cécile, ma fille> de Nougaro, <Cecilia> de Simon and Garfunkel, reprise en version française par Joe Dassin, <Cécile> de Julien Clerc.

Dans les années 1970, les parents aimaient donner ce prénom à leurs filles.

Cécile était le prénom d’une de nos chères collègues.

Une jeune femme pétillante qui semblait irradier la joie de vivre. Pleine d’empathie pour les autres, c’était un bonheur de travailler avec elle.

Le mot du jour est né dans une structure professionnelle par une suggestion de Betty.

Le premier fut écrit et envoyé le 9 octobre 2012 par courriel à 6 destinataires :

Betty, Fabien, Pierre, Jérôme, Anne-Laure et Cécile.

Après avoir longtemps travaillé dans la même structure, je fus appelé à d’autres fonctions, sur ma demande, le 2 janvier 2014. Ce même jour, la première à m’écrire un message fut Cécile :

«Bonjour Alain,
Quelle tristesse à mon arrivée au bureau de voir que tu n’étais plus là ! Le bureau semble vide…

Et Thierry m’a dit que tu avais pris tes nouvelles fonctions……SNIF……Tu vas nous manquer (enfin à moi c’est sûr) !

Mais heureusement que tu n’es pas loin et je sais très bien que tu es heureux de ce changement donc me voilà rassurée !
Pour toi l’année 2014 est donc l’année du changement ! Je te souhaite une belle et heureuse année remplie d’amour, de joie, de bonheur et une excellente santé bien sûr.

Je suis certaine que tu vas t’épanouir dans ce nouveau poste.

Les agents de ton service ne savent pas encore la chance qu’ils ont d’avoir un chef comme toi, mais je pense qu’ils vont vite s’en apercevoir !

Bises
Cécile»

Cécile est entièrement dans ce message ; enthousiaste, bienveillante, généreuse et attentionnée.

Cécile est partie de la communauté des vivants, elle n’avait pas cinquante ans.

La cérémonie des adieux a eu lieu hier.

Notre univers de relations qui nous construit, qui nous inspire, qui nourrit notre quotidien comprend toutes celles et tous ceux que nous avons rencontrés et avec qui nous avons pu construire des échanges qui nous ont fait du bien.

Cette communauté de relations comprend des vivants et aussi ceux qui sont partis. Tant il est vrai que « Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. ».

Mais quand le départ est aussi brutal, incompréhensible surtout pour les plus proches il est nécessaire de revenir à cette recommandation d’Anton Tchekov « Enterrer les morts et réparer les vivants. »

Réparer les vivants, parce que les vivants doivent continuer leur route.

Alain Damasio écrivait :

« Le vivant n’est pas une propriété, un bien qu’on pourrait acquérir ou protéger.
C’est un milieu, c’est un chant qui nous traverse dans lequel nous sommes immergés, fondus ou électrisés.
Si bien que s’il existe une éthique en tant qu’être humain.
C’est d’être digne de ce don sublime d’être vivant.
Et d’en incarner, d’en déployer autant que faire se peut les puissances.
Qu’est-ce qu’une puissance ?
Une puissance de vie !
C’est le volume de liens, de relations qu’un être est capable de tisser et d’entrelacer sans se porter atteinte.
Ou encore c’est la gamme chromatique des affects dont nous sommes capables
Vivre revient alors à accroitre notre capacité à être affecté.
Donc notre spectre ou notre amplitude à être touché, changé, ému.
Contracter une sensation, contempler, habiter un instant ou un lieu.
Ce sont des liens élus. »

Une puissance de vie ! C’est le volume de liens, de relations qu’un être est capable de tisser et d’entrelacer sans se porter atteinte.

Et pour clôturer cet article selon le conseil de Jean-Philippe, finissons par la cathédrale Sainte Cécile d’Albi que les hommes ont érigée pour s’inscrire dans la durée.

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Vendredi 17 mai 2019

« Attale, La Tante Bouchère »
Marie-Françoise Seyler

Les vacances sont, au moins pour moi, un moment privilégié pour lire.

Et parmi ces lectures, il y eut d’abord « Attale, La Tante Bouchère ».

J’ai déjà parlé de notre amie Françoise lors du <mot du jour du 22 octobre 2018>.

Car nous l’appelions Françoise, alors que son prénom de l’état civil était Marie-Françoise. Nous savons qu’à cette époque les parents aimaient particulièrement donner le prénom Marie, parfois en y ajoutant un autre prénom pour permettre de distinguer entre toutes les Marie.

Nous avons, Annie et moi, eu la grâce de la compter parmi nos amis.

Nous avons aussi eu la grâce de lui dire « Adieu » avant qu’elle ne quitte la communauté des vivants. Car nous savions alors, elle comme nous, que nous ne nous reverrions pas vivants.

Mais elle avait écrit un dernier roman, avant de poser la plume, d’arrêter de gambader, se coucher et ne plus se relever.

Ce livre est un petit bijou.

Il raconte la vie d’une jeune orpheline qui devient femme dans le monde rural autour et pendant la seconde guerre mondiale. Dans cette région que je connais bien puisque c’est là où je suis né.

Mais je n’ai pas cette connaissance intime de la ruralité, des choses de la terre et des plantes qu’avait Françoise.

Dans une langue simple mais précise, elle décrit les combats de cette jeune fille, protestante au milieu d’un village catholique, femme dans un monde d’hommes, dans un monde en ébullition et très dur. S’il existe de précieux moments d’empathie, ils sont rares.

Très rapidement, elle perd sa mère et son père ne supporte pas d’être seul. Peu à peu, Attale se rend compte qu’elle ne peut plus faire confiance et elle devient encore plus solitaire. Mais elle garde tout au long de sa vie, malgré les vents contraires, une force intérieure et une liberté qui irradie le roman.

J’ai lu avec gratitude ce dernier cadeau de Françoise.

Martine après l’avoir lu, m’a fait ce retour :

« Je viens de finir la lecture de ce beau roman qui relate le parcours de cette femme célibataire, Attale , courageuse qui affronte sa vie difficile mais à laquelle elle tient tellement !
C’est une femme qui sert encore d’exemple  aujourd’hui, persévérante et bouleversante avec ce vécu gravé dans sa chair mais qui ne l’empêchera jamais d’avancer. »

Monique qui l’a lu également a eu ces mots :

« Il m’a rappelé entre autre, bien des souvenirs que nous a racontés Pauline ma belle maman, lors de l’évacuation en Charente ….
Puis le retour en Lorraine qui fut très décevant… habitat saccagé … vols … Il fallait tout refaire …
Enfin il n’y a pas que ça dans le roman … les souffrances psychologiques d’Attale avec ce père …abuseur … mais aussi taiseux …
Puis  la perte de Zac son ami… Un très beau livre qui touche le fond du cœur. »

C’est un roman du terroir, un roman de vie et de combat écrit par une écrivaine qui nous parle de choses qu’elle connaît, qu’elle a vécu et compris.


Je dirai simplement : Merci Françoise.

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Jeudi 16 mai 2019

« La 10ème symphonie »
Dimitri Chostakovich

J’ai déjà évoqué Dimitri Chostakovitch et une de ses grandes œuvres :  l’opéra «Lady Macbeth du district de Mzensk».

C’était le mot du jour du lundi 1 février 2016.

Je racontais ses démêlés avec le pouvoir stalinien et Staline lui-même.

Pendant la guerre, la composition de la 7ème Symphonie « Léningrad » puis de la « Huitième », deux œuvres épiques et célébrant l’héroïsme et le courage du peuple soviétique l’avait fait rentrer en grâce auprès du dictateur et de ses affidés.

Il finit ce cycle des symphonies de guerre, par sa neuvième créée le 5 novembre 1945 à Leningrad. Staline voulait une musique flamboyante célébrant la victoire de l’armée rouge et une œuvre dédiée à sa gloire personnelle. Mais Chostakovitch fit tout autre chose, une œuvre légère, traduisant un soulagement de la fin de la guerre et de la souffrance. Une musique manifestement non militariste.

Chostakovitch fut de nouveau écarté de tout poste officiel, on ne joua plus ses œuvres et il craignait toujours d’être envoyé au goulag.

Artistiquement, il fut condamné pour «formalisme» par Jdanov, président de l’Union des Compositeurs

Et il fallut attendre la mort de Staline, pour qu’enfin il puisse faire exécuter ce chef d’œuvre qu’est la dixième symphonie.

La dixième symphonie se compose de quatre mouvements.

Le plus connu est le deuxième mouvement. Une course à l’abime qui ne s’arrête pas d’une violence sans pareil. Il dure entre 4 et 5 minutes.

Voici par exemple une interprétation de ce mouvement par l’orchestre du Concert Gebouw d’Amsterdam sou la direction d’Andris Nelson : <C’est Ici>

Mais cette version par un remarquable chef et un orchestre superlatif est bien trop sage à mon goût.

Beaucoup plus mal enregistré, voici une version plus convaincante dans l’esprit par <Gustavo Dudamel dirigeant le Simón Bolivar Youth Orchestra of Venezuela>

Peut-être que certains seront sensibles à cette <version présentée comme du heavy métal>. Ce n’est absolument pas mon cas.

A tout prendre, je préfère cette version dansée par <Beyonce>. Au moins elle n’abime pas la musique du chef d’œuvre de Chostakovitch. Bien que selon moi, cette danse n’apporte rien à la musique qui se suffit à elle-même.

Si vous voulez entendre cette musique dans sa démesure et sa violence, il faut écouter <cet enregistrement de Karajan> au sommet de son art avec son orchestre berlinois.

Ce mouvement est un cri de colère et de rage contre Staline.

Dans ses Mémoires, Chostakovitch a écrit :

« Il est difficile de dessiner l’image d’un homme politique mais ici j’ai rendu son dû à Staline ; avec moi il a trouvé chaussure à son pied. On ne peut guère me reprocher d’éviter un phénomène repoussant de notre réalité ».

Il a dit aussi que c’était un « portrait au vitriol de Staline ». Pour approfondir vous pourrez lire <cet article>

Mais cette symphonie ne se résume pas à son deuxième mouvement, elle s’ouvre par un long premier mouvement qui s’apparente à une marche funèbre, peut-être en l’honneur des victimes du dictateur. Elle s’achève de manière tonitruante comme un chant de victoire après nous avoir bousculés dans tous les méandres de l’émotion.

Samedi 27 avril, nous sommes allés, avec Annie, à l’auditorium de Lyon pour écouter une interprétation de ce monument.

Je ne savais rien du chef qui allait diriger.

Quand j’ai commencé à lire le programme je compris que le chef d’orchestre était particulièrement jeune : 23 ans.

J’étais un peu inquiet : n’était-ce pas un peu jeune pour s’attaquer à une telle œuvre ?

Je demandais par texto à mon ami Bertrand : «Connais-tu Klaus Mäkelä ?»

La réponse fut négative.

J’étais un peu rassuré, il venait d’être nommé directeur de l’Orchestre Philharmonique d’Oslo. Les norvégiens sont des gens sérieux et l’Orchestre Philharmonique d’Oslo a toujours accueilli des directeurs qui allaient devenir les meilleurs par la suite.

Et…

Ce fut une révélation. Ce jeune chef finlandais est remarquable et je pus renvoyer un message à Bertrand :

« Tu en entendras parler c’est un chef exceptionnel. Surtout à son âge »

Une interprétation ébouriffante, maîtrisée et profondément vécue.

Depuis je me suis intéressé à ce jeune chef qui est aussi un violoncelliste de très haut niveau.

Il dispose bien sûr d’un site : <Klaus Mäkelä>

On y lit cette critique de Classique News du 14/12/2018, après un concert avec l’orchestre du Capitole de Toulouse :

« Klaus Mäkelä, jeune maestro superlatif – Le génie n’attend pas le nombre des années

Parmi les chefs invités par l’Orchestre du Capitole, il y en a de toutes sortes. Ce n’est pas fréquent qu’un chef aussi jeune, 23 ans , fasse une impression aussi consensuelle et évidente sur d’autres qualités que la jeunesse. Le très jeune chef finlandais Klaus Mäkelä est déjà un très grand chef.

Les génies de la baguette sont rares et les plus audacieux ont su se l’attacher. Qu’apporte ce chef de si génial ? Une autorité bienveillante et naturelle, des gestes très clairs et dont la souplesse révèle une belle musicalité. Cet artiste est également un violoncelliste de grand talent ! La précision de la mise en place, la clarté des plans sont sidérantes. Il encourage l’orchestre et ne le bride pas. Il faut dire que l’Orchestre du Capitole atteint un niveau d’excellence qui permet à un chef musicien d’atteindre de suite des sommets.

Après l’entracte, le chef dirige avec un réel plaisir communicatif la pièce de Stravinski qu’il préfère, Petrouchka. Il faut reconnaître que son interprétation est marquée par une confiance absolue et une solidité remarquable. Rien ne vient ternir une énergie invincible. L’orchestre du Capitole répond comme un seul à cette direction précise et le résultat est particulièrement lumineux et même éclatant. Chaque instrumentiste est parfait. »

Ce texte est très proche de ce que j’ai vécu le 27 avril.

Quelquefois grâce à la toile, d’heureux hasards peuvent être rencontrés.

Vous trouverez derrière ce lien : <Klaus Mäkelä qui dirige la 10ème de Chostakovitch avec the Gothenburg Symphony>

Pour les impatients, le deuxième mouvement commence à 25 :40.

Et quand il joue au violoncelle, c’est très bon aussi : <un extrait du concerto de Dvorak>

Le talent n’attend pas les années.

Un bien belle rencontre.

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Mercredi 20 février 2019

« La symphonie N°8 « des Mille » »
Gustav Mahler

C’est ainsi que se conclut la présentation de la 8ème symphonie de Mahler dans le livret qui accompagnait le concert auquel nous avons assisté ce dimanche à la Philharmonie de Paris avec Annie et Florence.

Expérience unique, fabuleuse et totale.

Mais comment en parler ?

La musique, la symphonie « des Mille » de Gustav Mahler, cela peut s’écouter, se vivre, se vibrer mais cela ne peut pas s’écrire, il n’y a pas de mots pour le raconter !

Alors ?

Je vais pourtant le tenter, par approches successives, en superposant les angles de vue et d’appréciation.

Vous pouvez avoir une première approche et un reflet de ce que nous avons vécu en écoutant et regardant sur le site de la Philharmonie de Paris, l’enregistrement du concert qui restera en ligne pendant 6 mois.

Vous trouverez cette vidéo derrière ce lien : <Concert du 17 février 2019>


La première approche est certainement à trouver dans l’Histoire de la Musique Occidentale.

Je me souviens de cet historien arabe qui a dit un jour, lors d’une émission : « la civilisation occidentale ne peut se prévaloir d’aucune supériorité sur les autres civilisations, ni sur les valeurs, ni sur la politique, ni sur la littératur, ni sur l’architecture, ni sur les arts graphiques, il n’y a qu’un domaine où elle n’a pas d’équivalent : Aucune civilisation n’a généré de Bach, de Mozart, de Beethoven.»

Car c’est une longue histoire qui remonte au moyen âge, passe par la renaissance, par Machaut, De Lassus, Monteverdi, Bach, Haydn. Et à chaque époque, les musiciens ont approfondi ce que leurs prédécesseurs ont appris et ont continué à créer.

Parmi les différentes formes musicales l’une est apparue assez tardivement : la symphonie. Ce n’est, en effet, que dans le deuxième tiers du XVIIIe siècle, en pleine période de classicisme que le genre s’est stabilisé.

C’est Joseph Haydn, appelé le « père de la symphonie » qui a fixé sa structure. Mozart y a ajouté son génie.

Puis il y eut Beethoven qui impressionna tous les successeurs et finit son œuvre symphonique par la 9ème qui se finissait par un chœur : le célèbre « ode à la joie ».

Après, il y en eut beaucoup d’autres : Berlioz, Schumann, Brahms, Bruckner, Dvorak etc.

Et puis, il y eut Mahler

Et Mahler dans sa 8ème symphonie, va aller jusqu’aux limites du possible avec un orchestre gigantesque, un orgue, un piano, 2 chœurs adultes, un chœur d’enfant et 8 solistes vocaux.

En se fondant dans la tradition, en y ajoutant son propre génie mélodique et son immense science de l’orchestre il va créer une œuvre d’une ampleur gigantesque, aboutissement de l’histoire de la symphonie occidentale.

Les musicologues puristes vous diront qu’Arnold Schoenberg a encore élargi l’orchestre, par rapport à cette œuvre, pour ses « Gurre Lieder ». Mais avec le déploiement vocal et choral, rien ne surpasse en puissance, la 8ème symphonie de Mahler.

La seconde approche doit probablement partir de l’Histoire de Gustav Mahler lui-même.

Après la 8ème symphonie, il écrira encore 3 œuvres : la 9ème, le Chant de la terre, et des fragments de la 10ème symphonie. Ces 3 œuvres seront créées au concert après le décès de Gustav Mahler

La 8ème sera la dernière qui sera jouée, en concert, du vivant du compositeur et Gustav Mahler dirigeait sa création à Munich, avec l’Orchestre Philharmonique de Munich, le même qui a interprété la symphonie au concert de ce dimanche à Paris.

L’effectif que dirigea Mahler à cette occasion mobilisait 1030 interprètes. L’imprésario chargé de la promotion de ce concert, Emil Gutman, y trouva l’inspiration pour appeler cette symphonie par le surnom de « Symphonie des Mille » qu’il inscrivit sur les affiches publicitaires.

Gustav Mahler marqua sa désapprobation pour ce titre qu’il trouva trop publicitaire. Il a trouvé cette campagne « extravagante » digne de « Barnum et Bailey » célèbre et immense cirque assurant un show jamais connu jusque-là, à la fin du XIXème siècle.

Ce nom restera cependant pour la postérité, même si aujourd’hui le nombre d’interprètes ne dépasse plus 500, à Paris ils étaient un peu plus de 350.

Il faut aussi reconnaître que la campagne publicitaire fonctionna très bien. <Ce site> rapporte :

« 19 heures 30, Munich, le 12 septembre 1910. Tout en verre et en acier, l’immense et nouvelle salle de concert de l’Exposition Internationale est déjà pleine à craquer. Trois mille quatre cents auditeurs y sont entassés devant huit cent cinquante choristes habillés de noir et de blanc (cinq cents adultes et trois cent cinquante enfants) qui ont pris place sur l’immense estrade aménagée pour l’occasion, serrés autour de l’orchestre, l’un des plus vastes jamais réunis depuis la création du célèbre Requiem de Berlioz, en l’occurrence cent quarante-six musiciens, auxquels s’ajoutent les huit solistes vocaux, plus huit trompettes et trois trombones à l’autre bout de la salle.

C’est la première impatiemment attendue de la Huitième Symphonie de Mahler. Dans la salle on reconnaît un grand nombre de visages célèbres. Outre la famille régnante de Bavière au grand complet, il y a aussi quelques princes de l’art contemporain, les compositeurs Richard Strauss, Max Reger, Camille Saint-Saens, Alfredo Casella, les écrivains Gerhard Hauptmann, Stefan Zweig, Emil Ludwig, Hermann Bahr et Arthur Schnitzler, les chefs d’orchestre Bruno Walter, Oskar Fried et Franz Schalk, le metteur en scène le plus illustre du moment Max Reinhardt, etc. etc.  »

J’ai lu que Georges Clemenceau était également présent.

Ce fut un triomphe !

Le seul vrai triomphe de Gustav Mahler en tant que compositeur. Compositeur qui aujourd’hui est le plus joué par les plus grands orchestres symphoniques du Monde, il était reconnu comme le plus grand chef d’orchestre vivant mais était vilipendé comme compositeur : on l’accusait de réaliser un amalgame des œuvres des grands compositeurs qu’il dirigeait plutôt que de créer une œuvre spécifique.

On a écrit que Claude Debussy a ostensiblement quitté la salle au plein milieu de l’exécution de la première symphonie de Mahler. Aujourd’hui des spécialistes de Debussy prétendent que ce n’est pas possible car son savoir vivre l’en aurait empêché. C’est pourtant ce que l’on a écrit.

Le temps a fait son œuvre, aujourd’hui plus personne ne discute son génie.

Le grand spécialiste de Gustav Mahler, Henry-Louis de La Grange écrit :

« La création munichoise de la Huitième Symphonie devait être suivie d’un des plus grands triomphes de l’histoire de la musique. Le génie incomparable avec lequel Mahler a équilibré les masses sonores, la richesse évidente de l’invention mélodique, à partir d’un nombre très limité de cellules, la splendeur des deux codas, ne pouvaient manquer de fasciner son public. Ce jour-là, Mahler qui venait tout juste d’atteindre cinquante ans et dont la carrière entière n’avait été qu’une suite presque ininterrompue d’échecs et de demi-succès, fut littéralement sidéré de voir la salle entière hurler, trépigner et applaudir avec transport dans un délire collectif de quelque vingt minutes. Les enfants du chœur, en particulier, à qui il n’avait cessé de prodiguer conseils et attentions pendant les répétitions, n’en finissaient plus d’applaudir, ni d’agiter leur mouchoir ou leur partition. Pour lui, ils représentaient cet avenir qu’il sentait bien lui échapper. A la fin du deuxième concert, lorsqu’ils se précipitèrent tous ensemble à l’avant de la galerie qui leur était réservée pour lui donner des fleurs et lui serrer la main, lorsqu’ils hurlèrent à tue-tête: “Vive Mahler! Notre Mahler!”, lorsque le compositeur eût reçu d’eux la seule couronne de lauriers, il ne put retenir ses larmes. Plus tard, une phalange d’admirateurs déchaînés l’attendra à l’extérieur de la salle pour continuer de l’acclamer. Il aura peine à se frayer un passage jusqu’à son automobile, d’où il devra encore remercier du geste cette foule exaltée qui ne peut se résigner à le voir disparaître.

Ce soir-là, tous les témoins ont noté la pâleur extrême de Mahler (si magnifiquement décrit par Thomas Mann sous le nom d’Aschenbach dans Mort à Venise). Rien, sauf peut-être ce teint cireux, ne peut alors laisser pressentir la fin prochaine. Pourtant, un témoin anonyme, et qui ne lui a jamais adressé la parole, saura bien lire l’avenir sur ce visage étrange. C’était un “jeune artiste” qui, pendant les acclamations, confie au critique viennois Richard Specht : « Cet homme mourra bientôt. Regardez ces yeux ! Ce n’est pas le regard d’un triomphateur qui marche vers de nouvelles victoires. C’est celui d’un homme qui sent déjà le poids de la mort sur son épaule. »

Et en effet, Gustav Mahler décéda le 18 mai 1911, soit 8 mois après la création de la « symphonie des Mille ».

La troisième approche est celle de considérer l’œuvre en elle-même.

Mahler écrivit dans une lettre du 18 août 1906 à Willem Mengelberg
le directeur musical de l’orchestre du Concert-Gebouw d’Amsterdam :

«C’est ce que j’ai fait de plus grand jusqu’ici. Et de si singulier, par la forme et le contenu, qu’il est impossible d’en parler par lettre. Imaginez que l’univers se mette à résonner! Ce ne sont plus des voix humaines, mais des planètes et des soleils qui gravitent »

De façon formelle, cette œuvre est divisée en deux parties :

Une première qui est une hymne religieuse du moyen âge : « Veni Creator Spiritus » qui en appelle à la Pentecôte et à la venue de l’Esprit créateur.

Et une seconde qui occupe les 2/3 de la durée de l’œuvre qui est la mise en musique du Second Faust de Goethe. Une œuvre littéraire emblématique du génie allemand. Moi je prétends que Goethe devait être sous l’effet de certaines drogues pour écrire de tels textes. Par exemple :

« Et pleine d’amour dans son vacarme
La masse d’eau se précipite dans l’abîme,
Destinée aussi à arroser la vallée ;
L’éclair, qui frappe de son feu
Pour purifier l’atmosphère
Qui porte en son sein poison et vapeur ;
Ce sont des messagers de l’amour, ils proclament
Que ce qui crée sans cesse nous entoure.
Que mon être intérieur s’y enflamme aussi,
Où mon esprit, confus et froid,
Agonise, prisonnier de mes sens affaiblis,
Attaché dans des chaînes douloureuses.
ô Dieu ! apaise mes pensées,
éclaire mon cœur qui est dans le besoin ! »

Annie, plus habituée aux textes ésotériques y trouve davantage de sens.

En résumé, Faust a fait beaucoup de bêtises sous l’influence de Méphistophélès. Puisque Faust a vendu son âme au diable pour vivre une seconde jeunesse. A la fin il devrait aller en enfer selon les standards religieux, mais Marguerite qui l’aimait le sauve par des prières.

Et Faust se trouvera donc après sa mort dans la félicité et ce que Mahler a mis en musique est la fin de ce second Faust.

Musique sublime qui magnifie ce texte étonnant.

Vous trouverez derrière ce lien : <L’humanité perpétuée> une analyse savante de cette scène finale de Faust.

J’ai trouvé une présentation assez humoristique et décalée d’un musicien qui poursuivait le projet  déraisonnable et exaltant de monter cette œuvre avec des chœurs amateurs de Bourg en Bresse : <Première Partie> et <Seconde Partie>

Vous trouverez une analyse plus classique derrière ce <lien> :

La quatrième approche est celle d’essayer de décrire comment on peut recevoir une telle œuvre dans une magnifique salle de concert et avec de remarquables interprètes.

Bien sûr je ne suis capable que d’essayer en toute humilité de tenter de décrire mon propre ressenti.

Un jour j’ai appris qu’il existait des concerts, mais peut-on appeler cela des concerts ?, dans lesquels on se rend avec des boules Quies. Pour moi cela reste un mystère : Peut-on aller voir des peintures dans un musée avec un bandeau noir sur les yeux ?

Mais quand un orchestre de 120 musiciens avec un orgue et plus de 200 choristes jouent et chantent à pleine puissance, le volume en décibels est très important. Mais il n’y a aucune saturation que de la plénitude, du souffle. La salle se remplit de son, les fibres les plus intimes du corps vibrent et l’émotion submerge.

Le grand chef d’orchestre roumain Sergiu Celibidache, disait quand on vient me voir à la fin d’un concert en me disant c’était magnifique ! C’était sublime ! Cela ne m’inspire pas beaucoup. Mais quand on me dit : cela m’a fait du bien, alors je pense que le concert était bon.

Récemment j’ai échangé avec mon ami Gérald qui est aux portes de la retraite et qui me disait son désir de remplir le reste de sa vie encore de quelques beaux voyages. Pour ma part c’est un absolu d’avoir pu vivre en concert cette œuvre unique qui est jouée rarement, en raison des moyens qu’il faut mettre en œuvre pour l’interpréter. Pour moi, c’est aussi un voyage, un voyage au pays de l’émotion.

Les derniers vers de Goethe mis en musique par Mahler sont :

« L’indescriptible
Est ici réalisé ;
L’éternel féminin
nous entraîne vers les cieux. »

Vous pouvez donc écouter et voir une vidéo de ce concert sur le site de la Philharmonie : <Concert du 17 février 2019>. Bien sûr ce n’est qu’un reflet de ce qui se vit en concert, dans la salle.

Pour faire une comparaison, pour les amoureux du voyage, c’est comme une belle photo des pyramides de Gizeh ou du Taj Mahal.


Pour les enregistrements audio de cette symphonie, je propose deux versions

La version de Georg Solti avec l’orchestre de Chicago et la version de Giuseppe Sinopoli avec le Philharmonia de Londres


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