Mercredi 12 mai 2021

« J’ai choisi la musique pour sa capacité à dire des choses que je ne comprenais pas avec les mots. »
Sonia Wieder-Atherton

Hier, j’évoquais Christa Ludwig qui m’a accompagné pendant de longues années de découvertes et d’approfondissement musical.

Je dirais que je la connaissais musicalement. Depuis sa mort, les nombreux articles et entretiens que j’ai vus et lus m’ont aidé à mieux connaître la femme qu’elle était.

Je connaissais Christa Ludwig. Mais je ne connaissais pas Sonia Wieder Atherton.

Je savais bien qu’elle existait et qu’elle jouait du violoncelle, mais je n’avais jamais eu la curiosité d’écouter un de ses disques ou de l’entendre parler de son art.

C’est Augustin Trapenard, dans son émission « Boomerang » qui m’a fait découvrir la personne qu’elle était et aussi une violoncelliste et musicienne accomplies.

C’était l’émission du 31 mars 2021 : <Les cordes sensibles de Sonia Wieder-Atherton>

Elle a beaucoup travaillé avec la cinéaste Chantal Ackerman dont elle a été la compagne.

Elle interroge les sons et la musique et en parle divinement.

Augustin Trapenard la présente comme « musicienne et conteuse ».

C’est une violoncelliste prodige qui a suivi une voie toute traditionnelle et a été l’élève des plus grands. Elle a aussi été l’élève de Rostropovitch qu’elle a beaucoup admiré.

Depuis cette émission, je me suis procuré plusieurs disques d’elle et j’ai été absolument captivé.

Elle joue des œuvres très classiques que je connais bien comme < La sonate pour Arpeggione de Schubert> ou le premier concerto de Chostakovitch. Des interprétations techniquement irréprochables et surtout avec une sensibilité immédiatement communicative.

Et puis elle va par d’autres chemins.

Par exemple ce lied de Gustav Mahler que chante merveilleusement Christa Ludwig, <Ich bin der Welt abhanden gekommen> elle l’arrange pour violoncelle et son violoncelle est comme une voix, il n’y a pas les paroles, mais le violoncelle chante : <Mahler par Sonia Wieder Atherton>

Elle partage avec Augustin Trapenard cette vision

« J’ai choisi la musique pour sa capacité à dire des choses que je ne comprenais pas avec les mots. La musique raconte aussi une histoire, et le violoncelle a été mon premier outil de conteuse ».

Après elle va encore vers d’autres chemins, voici <Une prière juive> portée par le seul violoncelle. Ce morceau fait partie d’un disque intitulé <Chants Juifs>

Elle dit :

« Ce cycle de chants juifs est né de ma recherche sur la musique juive liturgique. Une musique aux racines si anciennes, qui a accompagné le peuple juif durant des siècles de pérégrinations. Je me suis intéressée à des mélodies de différentes sources, mais ce qui m’a véritablement inspirée, c’est le chant des cantors, ou hazans, et son expressivité intérieure, intime, contenant pourtant une telle force d’expression. Dans cette musique, le populaire et le sacré se confondent. Qu’elle soit gaie ou triste, lente ou rapide, prière, chant populaire ou encore danse, elle est toujours partage et intimité. J’ai senti que je connaissais cette musique depuis toujours, depuis bien avant ma naissance, c’était une impression étrange. »

Elle explique sa relation particulière avec son instrument :

« La première fois que j’ai entendu le son d’un violoncelle, j’ai été hypnotisée, soulevée dans l’univers, totalement happée. J’essaie de toujours revenir à cette sensation ».

Et puis elle a voulu entrer dans le monde de Nina Simone.

Nina Simone rêvait d’être la première concertiste de musique classique. Une société rétrograde et raciste l’a empêché d’atteindre ce rêve. Elle se tournera alors vers le jazz et deviendra selon les spécialistes que je ne suis pas, une des plus grandes chanteuses de jazz de l’Histoire.

Sonia Wieder atherton dit : .

« Dans mes créations, j’essaie d’amener des œuvres au violoncelle, de créer des rencontres entre la musique classique et d’autres registres, d’inventer de nouveaux langages ».

Le disque qu’elle a consacrée à Nina Simone s’appelle <Little Girl Blue…>

Voici un des morceaux de ce disque : <Black is the Colour of my True Love’s Hair>

Elle dit encore :

« Une interprétation, c’est comme le fil d’un funambule : parfois on tombe, on se laisse dépasser par l’émotion ».

Et puis je finirais par une histoire qu’elle raconte après avoir parlé avec émotion de l’œuvre et du parcours de Nina Simone dans l’émission de Trapenard :

« C’était une des premières fois que j’ai joué pour des jeunes adolescents. Je leur faisais découvrir la musique. Je leur jouais plein de morceaux et je leur demandais à quoi cela les faisait penser. Et j’ai joué alors un mouvement de Chostakovitch très puissant, très rythmique, très violent, très intense. Et je leur demande et là ça vous fait penser à quoi ?

Moi ça me fait penser au vent ! Moi ça me fait penser à la tempête ! Moi ça me fait penser à des gens très méchants…

Et puis il y a une petite fille qui lève la main et qui dit :
« Moi ça me fait penser à une maman qui a deux enfants. Elle a un petit garçon et une petite fille et elle préfère son petit garçon. Et ça me fait penser ce que cela fait à la petite fille ! »

C’est pour moi une histoire qui a une force inouïe
Cela signifie que cette colère dans la musique, elle a pu entrer dans le cœur de cette petite fille et allé dans l’endroit qui n’avait jamais été exprimé et qui lui a fait dire cela. »

C’est la puissance d’expression de la musique qui éclaire encore mieux les paroles de Sonia Wieder-Atherton que j’ai mises en exergue.

Si vous voulez aller plus loin, il y a une série de cinq entretiens d’une demi-heure sur France Musique dont le cinquième « La musique doit être là où bat le cœur du monde ». C’était en 2017.

Plus récemment en février une autre émission de France musique « C’est très physique, voire animal d’entrer sur scène »

Hier je finissais le mot du jour en disant de Christa Ludwig par ces mots « Une grande Dame, une immense musicienne. ».

Aujourd’hui j’ai envie d’écrire : « Une belle âme et une bouleversante conteuse qui chante avec un violoncelle »

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Lundi 19 avril 2021

« Deux siècles après sa naissance, Baudelaire reste énormément subversif »
Antoine Compagnon

Baudelaire dont le prénom est Charles est né à Paris le 9 avril 1821. Il est mort dans la même ville 46 ans après.

Il est donc né il y a deux cents ans.

L’année dernière, lors du premier confinement, je lui avais dédié le mot du jour du 26 avril 2020 : « Anywhere out of the world (N’importe où hors du monde».

France Inter avait invité le 9 Avril Antoine Compagnon pour lui rendre hommage « Deux siècles après sa naissance, Baudelaire reste énormément subversif »

Il parle d’abord de son admiration pour le poète mais explique surtout son côté :

« Toujours inattendu, toujours provoquant »

Et il ajoute :

« Il est l’inventeur de la modernité et celui qui insulte cette modernité à longueur de pages. C’est une démarche très violente. »

Parce que l’auteur de ces vers inoubliables :

« Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble ! »

A aussi écrit des vers d’une grande violence, notamment contre les Belges.

C’est ce que lui reproche Alex Vizorek, humoriste belge, sur la même radio <Baudelaire et la Belgique>

Dans son billet Vizorek cite des extraits évocateurs.

Vous trouverez derrière <ce lien> ces textes écrits par Baudelaire.

Par exemple :

« Qu’on ne me touche pas ! Je suis inviolable ! »
Dit la Belgique. — C’est, hélas ! incontestable.
Y toucher ? Ce serait, en effet, hazardeux [sic],
Puisqu’elle est un bâton merdeux »”

Ailleurs, il traite la Belgique de « Pays des singes »

Jean-Baptiste Baronian essaye d’expliquer <Pourquoi Baudelaire détestait à ce point les Belges ?>

Dans l’univers des tenants de la « cancel culture » ou du « woke », il devrait être effacé !

Mais dans l’univers des gens raisonnables on s’arrêtera à ses chefs d’œuvre

Car je crois qu’il faut regarder ce qui est grand chez les humains plutôt que de s’attarder sur ce qui les rend petit et futile :

« Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »
L’albatros, « les fleurs du mal »

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Mercredi 14 avril 2021

« Je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie. Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie m’attirent; je me sens leur frère. »
Victor Hugo, « L’année terrible » – « A ceux qu’on foule aux pieds »

J’ai déjà évoqué le fait que beaucoup des grands écrivains français vivants en 1871 ont eu une attitude très hostile à l’égard de la Commune : Flaubert, Anatole France, Georges Sand.

Et aussi Emile Zola. Il existe un article sur Wikipedia qui décrit les divers supports utilisés par l’écrivain pour son travail de critique : « Emile Zola et la Commune de Paris ».

Vous pourrez aussi lire cet article plus engagé : « Zola contre la commune » qui cite certains de ses articles.

Il y eut bien sûr des écrivains qui défendaient la Commune. Jules Vallès était communard et il écrivit son livre « L’insurgé 1871» en 1886 dans lequel le héros de sa trilogie, Jacques Vingtras, son double fictionnel, participe activement à la commune.

Il était un des animateurs de la Commune et jouait un rôle prépondérant en raison de son journal « Le Cri du Peuple ».

Il sera condamné à mort par contumace le 14 juillet 1872, mais il avait pu s’échapper et vécut en exil en Angleterre et en Suisse.

La dédicace de son livre « L’insurgé » est la suivante :

« Aux morts de 1871
À TOUS CEUX
qui, victimes de l’injustice sociale,
prirent les armes contre un monde mal fait
et formèrent,
sous le drapeau de la Commune,
la grande fédération des douleurs,
Je dédie ce livre. »

Il était clairement dans le camp des anarchistes contre les bonapartistes de tous bords et donc aussi les socialistes autoritaires.

On cite souvent Rimbaud comme défenseur de la Commune et on discute même sa présence sur les barricades. Il n’avait que 16 ans en 1871 : « Rimbaud à l’heure de la Commune de Paris ».

Mais le grand écrivain de ce temps était Victor Hugo.

Son attitude à l’égard de la Commune fut nuancée. Il n’aimait pas qu’on attaque la République, c’est-à-dire le pouvoir de Thiers qui était issu d’élections. L’insurrection contre la République ne s’inscrivait pas dans son univers mental.

Sa première rencontre avec l’insurrection communale s’est réalisée lors d’une tragédie personnelle : Son second fils des cinq enfants qu’il a eu avec Adèle Foucher, Charles Hugo est mort le 13 mars 1871 à 44 ans.

Victor Hugo écrit à des amis, le 14 mars :

« Chers amis, je n’y vois pas, j’écris à travers les larmes ; j’entends d’ici les sanglots d’Alice [épouse de Charles], j’ai le cœur brisé. Charles est mort. Hier matin, nous avions déjeuné gaîment ensemble, avec Louis Blanc et Victor. »

L’enterrement de Charles Hugo

Et l’enterrement a lieu au Cimetière du Père Lachaise, le 18 mars 1871, le premier jour de la Commune de Paris.

Un blog de Mediapart rapporte ce récit :

« Le cortège doit remonter la rue de la Roquette jusqu’à la porte centrale du cimetière. Déjà, à proximité de la prison, une femme a crié : « A bas la peine de mort ! ». Le père Hugo conduit le deuil. Spontanément quelques fédérés en armes commencent à faire une haie d’honneur au cortège, puis bientôt il y a en aura une centaine. On parvient à la barricade qui ferme la rue de la Roquette : alors les fédérés et les insurgés déblaient la barricade. Les drapeaux rouges s’inclinent au passage du cortège. »

Après la cérémonie et le deuil, il va aller à Bruxelles pour régler les affaires de succession de son fils et sera peu concerné par ce qui se passe à Paris.

Mais son hostilité disparaîtra, dès qu’il comprendra l’ampleur des massacres de la semaine sanglante.

Et s’il n’a pas soutenu la commune, il deviendra le soutien des communards.

Le site du « Sénat » explique :

« C’est de Bruxelles qu’il suit les événements. Il n’approuve pas les excès de la Commune mais supplie le gouvernement de Versailles de ne pas répondre aux crimes par des crimes : en réponse à l’exécution de 64 otages par la Commune, le gouvernement de Versailles fusille 6000 insurgés.
Après la chute de la Commune, Hugo fait savoir que sa porte est ouverte aux exilés. […]. Sa position n’est pas comprise et dans la nuit du 27 au 28 mai, sa maison est lapidée. Il est ensuite expulsé de Belgique en dépit des violentes protestations qui se sont élevées au Sénat et à la Chambre des députés. Réfugié au Luxembourg, il rédige son poème “L’année terrible“.
Le 1er octobre 1871, il regagne Paris.
En janvier 1872, il est battu aux élections législatives : les électeurs lui reprochent son indulgence envers les Communards.
En janvier 1876, sur la proposition de Clemenceau, il est candidat au Sénat et élu au second tour. Le Sénat lui sert de tribune pour poursuivre son combat en faveur de l’amnistie des Communards ».

Il est assez aisé de trouver son discours du 22 mai 1876 qu’il fait au Sénat en faveur de l’amnistie des communards :

« J’y insiste ; quand on sort d’un long orage, quand tout le monde a, plus ou moins, voulu le bien et fait le mal, quand un certain éclaircissement commence à pénétrer dans les profonds problèmes à résoudre, quand l’heure est revenue de se mettre au travail, ce qu’on demande de toutes parts, ce qu’on implore, ce qu’on veut, c’est l’apaisement ; et, messieurs, il n’y a qu’un apaisement, c’est l’oubli.
Messieurs, dans la langue politique, l’oubli s’appelle amnistie.
Je demande l’amnistie. Je la demande pleine et entière. Sans conditions. Sans restrictions. Il n’y a d’amnistie que l’amnistie.
L’oubli seul pardonne. […]

Profitons des calamités publiques pour ajouter une vérité à l’esprit humain, et quelle vérité plus haute que celle-ci : Pardonner, c’est guérir !
Votez l’amnistie. »

Il n’aura pas gain de cause cette année-là. La loi d’amnistie sera votée le 11 juillet 1880

Mais après la semaine sanglante, il fera surtout ce qu’il sait faire, il écrira des poèmes.

Il a écrit un poème en l’honneur de Louise Michel qu’il connaissait et que j’ai déjà évoqué lors du mot du jour consacré à la célèbre institutrice : <Viro Major> (« Plus qu’un homme »),

Et puis il écrira un recueil de poèmes qu’il nommera : « L’année terrible »

Ce recueil est classé par mois et commence par la guerre de 1870, le désastre de Sedan puis arrive mars 1871, il parle du deuil et de l’enterrement de son fils.

En mai il s’insurge contre les incendies de Paris : « Paris incendié »

« Mais où ira-t ‘on dans l’horreur ? et jusqu’où ? »

Mais déjà il explique la raison de la colère du peuple :

« J’accuse la Misère, et je traîne à la barre

Cet aveugle, ce sourd, ce bandit, ce barbare,
Le Passé; je dénonce, ô royauté, chaos,
Tes vieilles lois d’où sont sortis les vieux fléaux !
Elles pèsent sur nous, dans le siècle où nous sommes.
Du poids de l’ignorance effrayante des hommes ;
Elles nous changent tous en frères ennemis; »

Et puis se trouve ce poème que j’ai vu souvent citer ces dernières semaines : « A qui la faute ? »

Dans lequel il fustige d’abord un homme qui a incendié une bibliothèque :

« Tu viens d’incendier la Bibliothèque ?
— Oui.
J’ai mis le feu là.

— Mais c’est un crime inouï

Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C’est ton propre flambeau que tu viens de souffler
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C’est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage !
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage. »

Tout le reste de ce chant est un hymne à la gloire du livre et des bienfaits qu’il apporte.

Et vient cette conclusion :

« Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l’erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un nœud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit; ta démence, il te l’ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute!
Le livre est ta richesse à toi! c’est le savoir.
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !

Je ne sais pas lire. »

Au fur et à mesure des textes, Hugo se montre de plus en plus compassionnel et compréhensif :  « Les Fusillés »

« Partout la mort. Eh bien, pas une plainte.
O blé que le destin fauche avant qu’il soit mûr!
O peuple !

On les amène au pied de l’affreux mur.

C’est bien. Ils ont été battus du vent contraire.
L’homme dit au soldat qui l’ajuste : Adieu, frère.
La femme dit : — Mon homme est tué. C’est assez.
Je ne sais s’il eut tort ou raison, mais je sais
Que nous avons traîné le malheur côte à côte ;
Il fut mon compagnon de chaîne; si l’on m’ôte
Cet homme, je n’ai plus besoin de vivre. Ainsi
Puisqu’il est mort, il faut que je meure. Merci. —
Et dans les carrefours les cadavres s’entassent.
Dans un noir peloton vingt jeunes filles passent;
Elles chantent; leur grâce et leur calme innocent »

Et puis arrive ce XIIIème poème du mois de Juin « A ceux qu’on foule aux pieds »

« Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie
M’attirent; je me sens leur frère; je défends
Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants;
Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire,
Oublier leur injure, oublier leur colère,
Et de quels noms de haine ils m’appelaient entre eux.
Je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux.
Mais surtout c’est le peuple, attendant son salaire,
Le peuple, qui parfois devient impopulaire,
C’est lui, famille triste, hommes, femmes, enfants,
Droit, avenir, travaux, douleurs, que je défends ; »

Victor Hugo le dit avec des mots sublimes.

Certainement, La Commune n’avait aucune chance de gagner ni contre les prussiens, ni de prendre le pouvoir.

La commune était désorganisée. Elle poursuivait des objectifs certes nobles et justes. Mais elle n’avait pas les moyens d’en organiser la mise en œuvre dans la paix.

Elle se trouvait dans une impasse.

Mais la répression des versaillais, la semaine sanglante ne permet pas de douter : Je suis avec eux, de leur côté, je me sens leur frère.

<1553>

Mercredi 25 février 2021

«Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter même en rêve.»
Khalil Gibran, vos enfants, « Le prophète »

C’est la première fois que j’utilise le même texte pour deux mots du jour. Je l’avais utilisé il y a bien longtemps, tout au début de l’aventure du mot du jour en décembre 2012.

Mais comme exergue j’utilise un autre des vers de ce poème qui parle des enfants.

Les enfants qui n’appartiennent pas à leurs parents qui ne peuvent en faire leur objet de domination, leur objet d’exploitation, leur objet sexuel.

Les enfants qui sont les fils et les filles de l’appel de la vie à elle-même.

C’est avec ce poème qui célèbre la sacralité de l’enfant que je termine cette série consacrée au sacrilège de l’inceste.

Même si les évolutions sont lentes et peuvent décourager des victimes qui trouvent que la prise de conscience reste insuffisante notamment chez celles et ceux qui ont laissé faire, n’ont pas voulu voir, n’ont pas su agir, je crois qu’il existe une lame de fond qui emporte avec elle les anciennes croyances et structures qui ont couvertes et laissé faire ce crime de masse à l’égard des enfants.

Des livres ou des podcasts comme cette série de 6 émissions < Ou peut-être une nuit> qui fait référence aux paroles de la chanson « L’aigle noir de Barbara » et qui a été réalisée par la journaliste Charlotte Pudlowski ouvrent de plus en plus le cercle de la compréhension et celui de l’intolérance à des pratiques et des théories sur lesquelles les pervers se sont appuyés pour pratiquer leurs sordides agissements.

Certains propos ne peuvent plus être tenus, plus être écrits.

Les choses bougent.

Estelle nous a indiqué en commentaire lors du premier mot du jour de la série vers « le magistral travail d’Ariane Bilheran » https://www.arianebilheran.com

Sur ce site j’ai trouvé une interview datant du 12 janvier 2021 du Dr Régis Brunod, pédiatre et pédopsychiatre très intéressante : «Préserver l’innocence des enfants»

Je republie donc ce magnifique poème de Khalil Gibran

« Une femme qui tenait un nouveau-né contre son sein dit :
Parle-nous des enfants.

Il dit:

Vos enfants ne sont pas vos enfants
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même
Ils passent par vous mais ne viennent pas de vous
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas

Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées
Car ils ont leurs propres pensées
Vous pouvez accueillir leurs corps, mais pas leurs âmes
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter même en rêve

Vous pouvez vous efforcer d’être semblables à eux
Mais ne cherchez pas à les rendre semblables à vous
Car la vie ne revient pas en arrière ni ne s’attarde avec hier
Vous êtes les arcs à partir desquels vos enfants,

Telles des flèches vivantes, sont lancées
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini,
Et Il vous tend de Sa puissance
Afin que les flèches soient rapides et leur portée lointaine.

Puisse votre courbure dans la main de l’Archer être pour l’allégresse
Car de même qu’Il chérit la flèche en son envol, Il aime l’arc en sa stabilité »

Khalil Gibran

<1531>

Lundi 8 février 2021

« Car il y a toujours de la lumière. Si seulement nous sommes assez braves pour la voir. Si seulement nous sommes assez braves pour l’être.»
Amanda Gorman

Et enfin, il est parti.

Nous commencions à avoir des doutes, des craintes, il ne partirait pas et il appellerait ses électeurs les plus farouches à prendre les armes.

Il a bien eu des propos ambigus et ses partisans ont compris qu’ils devaient marcher vers le Capitole. Une fois devant le Capitole, ce n’était pas clair sur ce qu’il convenait de faire. En face, les forces de sécurité ne savaient pas, non plus, quoi faire.

Sur une sorte de malentendu, cette foule vociférante est entrée dans le lieu sacré de la démocratie américaine.

S’agissait t’il d’une révolution ? ou d’un coup d’État ?

Non !

Ces factieux sont entrés dans le capitole, non pour faire un coup d’état mais pour s’y prendre en photo. Faire des selfies !

C’est comme si César arrivant devant le Rubicon, au lieu de prononcer cette phrase célèbre « alea jacta est » et de marcher sur Rome, s’était assis au bord de la rivière et avait sorti sa canne à pêche.

J’étais donc soulagé qu’un homme décent, qu’on peut cependant critiquer sur de nombreux points, investisse la fonction de Président des États-Unis.

J’ai suivi, avec attention, l’ensemble de la cérémonie d’investiture du 20 janvier.

Cette cérémonie et ce qui a précédé nous montre toute la distance qui existe entre les États-Unis et la France.

Le jour d’avant, les reportages nous ont montré un Joe Biden en pleurs, au moment de quitter l’État du Delaware.

Il est resté en effet 36 ans sénateur de Delaware et il exprimait son émotion au moment de le quitter pour rejoindre Washington et dans un moment lyrique il a dit

« L’écrivain James Joyce a dit à un ami que quand viendrait l’heure de sa mort on trouverait gravé dans son cœur le nom de Dublin, et bien excusez mon émotion à l’heure de ma mort c’est le Delaware que l’on trouvera dans le mien ».

Très bien !

Mais, à ce stade je dois informer, celles et ceux qui ne le saurait pas que le Delaware est un des plus grands paradis fiscaux qui existe sur cette terre qui en possède de nombreux.

L’excellent journal « Les Echos » vous expliquera cela très bien <Le Delaware, paradis fiscal « made in USA »>.

Le président des États Unis a donc représenté, pendant la plus grande partie de sa vie politique, un État dont la fonction principale est de permettre à tous les escrocs de la planète d’éviter de payer les impôts et taxes qu’ils doivent au bien commun.

Le matin de la cérémonie d’investiture, Joe Biden et de nombreux représentants politiques de Washington se sont retrouvés à la cathédrale St Matthew de Washington pour placer cette journée sous la bénédiction divine.

Ceci nous apprend deux choses, la première c’est que Joe Biden est catholique comme John Kennedy et que décidément les américains et les français n’ont pas la même relation entre la politique et la religion.

D’ailleurs, Joe Biden a ensuite prêté serment en posant sa main sur une Bible. Ce n’est pas obligatoire, c’est une tradition. Si un jour un président musulman est élu, il pourra très bien prêter serment sur le Coran.

Dans son discours d’investiture qui a surtout insisté sur la nécessité de se réunir le peuple américain et de se respecter, il a quand même eu cette phrase étonnante, en parlant du peuple américain :

« we are a good people ».

Nous sommes dans le registre de la morale qui me parait un peu décalé dans un discours politique. Je pense qu’en France , il y aurait eu beaucoup de moqueries si cette phrase avait été prononcée par un président élu. Vous trouverez l’ensemble du discours de Joe Biden derrière ce <Lien>.

Mais il y eut, un moment de grâce lors de cette cérémonie qui éclipsa tout le reste.

Une jeune femme, noire, de jaune vêtu, s’approcha de la tribune et déclama un texte : <The Hill We Climb>, « La colline que nous gravissons »

Cette jeune femme s’appelle Amanda Gorman

<Le Monde> décrit avec beaucoup de justesse ce texte et la manière dont cette jeune femme lumineuse l’a déclamé en s’aidant de ses bras et de ses mains pour soutenir, souligner et partager son texte. :

« Un texte de sa composition, pétri de fragilité, d’espoir et d’appel à l’unité, la poétesse de 22 ans a conquis un auditoire et promu au passage un genre méconnu du grand public : la force du verbe et de l’éloquence. »

On apprend ainsi que plusieurs présidents, Clinton, Obama ont invité des poètes à leur investiture, mais jamais une poétesse aussi jeune. Elle est née en 1998.

Il semble que ce soit John Fitzgerald Kennedy qui ait initié cette pratique en 1961. Ce furent toujours des présidents démocrates, les républicains n’ont visiblement pas le goût de la poésie.

<Wikipedia> nous apprend qu’enfant elle était affectée d’un trouble de la parole qui l’empêchait de bien prononcer certaines lettres. C’est une difficulté qu’elle a manifestement surpassée

Encouragée par sa mère, elle a poursuivi de brillantes études obtenant en 2020 un diplôme de sociologie de l’université Harvard.

Ses dernières années, elle a obtenu plusieurs prix ou diplômes de poésie, c’est ce qui l’a fait connaître et notamment découvrir par Jill Biden, l’épouse du président.

Elle montre son espérance dans son pays bien qu’au départ elle ne soit pas partie avec tous les atouts :

« Nous, les successeurs d’un pays et d’une époque où une maigre jeune fille noire, descendante d’esclaves et élevée par une mère célibataire, peut rêver de devenir présidente, et se retrouver à réciter un poème à un président. »

La colline que nous gravissons est bien sûr une référence à la colline du Capitole qui venait d’être souillée par des individus qui refusaient le verdict des urnes et les décisions des juges qui avaient rejeté les contestations.

La colline qu’il s’agit de gravir pour s’élever.

Elle a aussi fait référence, en évoquant « une union plus parfaite », au préambule de la Constitution américaine :

« Nous, le peuple des États-Unis, en vue de former une union plus parfaite, d’établir la justice, d’assurer la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer la prospérité générale et d’assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous ordonnons et établissons la présente Constitution pour les États-Unis d’Amérique. »

Ce texte date de 1787. A cette date, les femmes n’avaient pas le droit de vote et une grande partie de la population américaine était esclave.

Alors, il est loisible de se moquer et de constater que ce texte était totalement décalé par rapport à la réalité.

Mais il y a aussi une autre manière de regarder ce texte : celui d’un récit qui explique ce qui doit advenir, vers quelle destinée il faut aller. Et là, force est de constater que bien que nous soyons encore loin de la perfection, beaucoup de chemin a été accompli.

Amanda Gorman regarde l’avenir et  essaye de fonder un récit qui puisse contribuer à l’unité :

« Ainsi, nous ne regardons pas ce qui se trouve entre nous, mais ce qui se trouve devant nous. Nous comblons le fossé parce que nous savons que, pour faire passer notre avenir avant tout, nous devons d’abord mettre nos différences de côté. Nous déposons nos armes pour pouvoir tendre les bras les uns aux autres. Nous ne cherchons le mal pour personne mais l’harmonie pour tous. Que le monde entier, au moins, dise que c’est vrai. Que même si nous avons fait notre deuil, nous avons grandi. Que même si nous avons souffert, nous avons espéré ; que même si nous nous sommes fatigués, nous avons essayé ; que nous serons liés à tout jamais, victorieux. Non pas parce que nous ne connaîtrons plus jamais la défaite, mais parce que nous ne sèmerons plus jamais la division. »

Et je retiens aussi cette belle phrase, si pertinente pour toutes celles et ceux qui savent que la coopération nous rend plus fort que l’affrontement et la compétition :

« la victoire ne passera pas par la lame, mais par tous les ponts que nous avons construits. C’est la promesse de la clairière, la colline que nous gravissons si seulement nous l’osons »

<France Culture> décrit le processus de création d’Amanda Gorman en citant le New York Times :

« Gorman a commencé le processus, comme elle le fait toujours, avec des recherches. Elle s’est inspirée des discours des leaders américains qui ont essayé de rassembler les citoyens pendant des périodes de division intense, comme Abraham Lincoln et Martin Luther King. Elle a également parlé à deux des précédents. »

Il cite aussi le Los Angeles Times dans lequel dans un entretien la jeune poétesse parle des fractures américaines et du rôle de son texte :

« Je dois reconnaître cela dans le poème. Je ne peux pas l’ignorer ou l’effacer. Et donc, j’ai élaboré un poème inaugural qui reconnaît ces cicatrices et ces blessures. J’espère qu’il nous fera progresser vers leur guérison ».

Ce journal suisse a titré : <La jeune poétesse Amanda Gorman vole la vedette à Joe Biden>

Libération titre : <Et soudain, la voix «féroce et libre» de la poète américaine Amanda Gorman> en faisant référence à une expression qu’elle a insérée dans son texte :

« Nous ne reviendrons pas à ce qui était, mais nous irons vers ce qui sera : un pays meurtri, mais entier ; bienveillant, mais audacieux ; féroce et libre. »

Telerama annonce : <Soudain, la jeune poétesse Amanda Gorman entre dans l’Histoire>

Et, la presse canadienne donne cette appréciation <Amanda Gorman, lumière de l’investiture >

Et c’est en évoquant la lumière qu’Amanda Gorman termine son magnifique texte et c’est cette conclusion que je mets en exergue de ce mot du jour.

Les récits sont essentiels pour nous rassembler et sans l’espoir de la capacité de changer les choses pour un meilleur avenir, notre vie est vaine

Sur le site de la Radio télévision Suisse on trouve une traduction du texte d’Amanda Gorman :

« Le jour vient où nous nous demandons où pouvons-nous trouver la lumière dans cette ombre sans fin ?
La défaite que nous portons, une mer dans laquelle nous devons patauger. Nous avons bravé le ventre de la bête.
Nous avons appris que le calme n’est pas toujours la paix. Dans les normes et les notions de ce qui est juste n’est pas toujours la justice.

Et pourtant, l’aube est à nous avant que nous le sachions. D’une manière ou d’une autre, nous continuons.
D’une manière ou d’une autre, nous avons surmonté et été les témoins d’une nation qui n’est pas brisée, mais simplement inachevée.
Nous, les successeurs d’un pays et d’une époque où une maigre jeune fille noire, descendante d’esclaves et élevée par une mère célibataire, peut rêver de devenir présidente, et se retrouver à réciter un poème à un président.

Et oui, nous sommes loin d’être lisses, loin d’être immaculés, mais cela ne veut pas dire que nous nous efforçons de former une union parfaite.

Nous nous efforçons de forger notre union avec détermination, de composer un pays qui s’engage à respecter toutes les cultures, les couleurs, les caractères et les conditions de l’être humain.

Ainsi, nous ne regardons pas ce qui se trouve entre nous, mais ce qui se trouve devant nous. Nous comblons le fossé parce que nous savons que, pour faire passer notre avenir avant tout, nous devons d’abord mettre nos différences de côté. Nous déposons nos armes pour pouvoir tendre les bras les uns aux autres. Nous ne cherchons le mal pour personne mais l’harmonie pour tous. Que le monde entier, au moins, dise que c’est vrai. Que même si nous avons fait notre deuil, nous avons grandi. Que même si nous avons souffert, nous avons espéré ; que même si nous nous sommes fatigués, nous avons essayé ; que nous serons liés à tout jamais, victorieux. Non pas parce que nous ne connaîtrons plus jamais la défaite, mais parce que nous ne sèmerons plus jamais la division.

L’Écriture nous dit d’imaginer que chacun s’assoira sous sa propre vigne et son propre figuier, et que personne ne l’effraiera. Si nous voulons être à la hauteur de notre époque, la victoire ne passera pas par la lame, mais par tous les ponts que nous avons construits. C’est la promesse de la clairière, la colline que nous gravissons si seulement nous l’osons. Car être Américain est plus qu’une fierté dont nous héritons ; c’est le passé dans lequel nous mettons les pieds et la façon dont nous le réparons. Nous avons vu une forêt qui briserait notre nation au lieu de la partager, qui détruirait notre pays si cela pouvait retarder la démocratie. Et cet effort a presque failli réussir.


Mais si la démocratie peut être périodiquement retardée, elle ne peut jamais être définitivement supprimée. Dans cette vérité, dans cette foi, nous avons confiance, car si nous avons les yeux tournés vers l’avenir, l’histoire a ses yeux sur nous. C’est l’ère de la juste rédemption. Nous la craignions à ses débuts. Nous ne nous sentions pas prêts à être les héritiers d’une heure aussi terrifiante, mais en elle, nous avons trouvé le pouvoir d’écrire un nouveau chapitre, de nous offrir l’espoir et le rire.

Ainsi, alors qu’une fois nous avons demandé : “Comment pouvons-nous vaincre la catastrophe ?” Maintenant, nous affirmons : “Comment la catastrophe pourrait-elle prévaloir sur nous ?”

Nous ne reviendrons pas à ce qui était, mais nous irons vers ce qui sera : un pays meurtri, mais entier ; bienveillant, mais audacieux ; féroce et libre. Nous ne serons pas détournés, ni ne serons interrompus par des intimidations, car nous savons que notre inaction et notre inertie seront l’héritage de la prochaine génération. Nos bévues deviennent leur fardeau. Mais une chose est sûre, si nous fusionnons la miséricorde avec la force, et la force avec le droit, alors l’amour devient notre héritage, et change le droit de naissance de nos enfants.

Alors, laissons derrière nous un pays meilleur que celui qui nous a été laissé. À chaque souffle de ma poitrine de bronze, nous ferons de ce monde blessé un monde merveilleux. Nous nous élèverons des collines de l’Ouest aux contours dorés. Nous nous élèverons du Nord-Est balayé par les vents où nos ancêtres ont réalisé leur première révolution. Nous nous élèverons des villes bordées de lacs des États du Midwest. Nous nous élèverons du Sud, baigné par le soleil. Nous reconstruirons, réconcilierons et récupérerons dans chaque recoin connu de notre nation, dans chaque coin appelé notre pay s; notre peuple diversifié et beau en sortira meurtri et beau.

Quand le jour viendra, nous sortirons de l’ombre, enflammés et sans peur. L’aube nouvelle s’épanouit alors que nous la libérons. Car il y a toujours de la lumière. Si seulement nous sommes assez braves pour la voir. Si seulement nous sommes assez braves pour l’être. »

Voici le texte original  <The Hill We Climb Amada Gorman>

Je redonne le lien vers la vidéo : <The Hill We Climb>

<1520>

Mardi 22 décembre 2020

« Ce sourd entendait l’infini »
Victor Hugo évoquant Ludwig van Beethoven

Quand un géant parle d’un autre géant…

« Ce sourd entendait l’infini.
Penché sur l’ombre, mystérieux voyant de la musique, attentif aux sphères, cette harmonie zodiacale que Platon affirmait, Beethoven l’a notée.
Les hommes lui parlaient sans qu’il les entendît ; il y avait une muraille entre eux et lui ; cette muraille était à claire-voie pour les mélodies de l’immensité.
Il a été un grand musicien, le plus grand des musiciens, grâce à cette transparence de la surdité.
L’infirmité de Beethoven ressemble à une trahison ; elle l’avait pris à l’endroit même où il semble qu’elle pouvait tuer son génie, et, chose admirable, elle avait vaincu l’organe, sans atteindre la faculté.
Beethoven est une magnifique preuve de l’âme.
Si jamais l’inadhérence de l’âme et du corps a éclaté, c’est dans Beethoven.
Corps paralysé, âme envolée.

Ah ! vous doutez de l’âme ?
Eh bien ! écoutez Beethoven. Cette musique est le rayonnement d’un sourd.
Est-ce le corps qui l’a faite ?
Cet être qui ne perçoit pas la parole engendre le chant.
Son âme, hors de lui, se fait musique. Que lui importe l’absence de l’organe !
Le verbe est là, toujours présent. Beethoven, tous les pores de l’âme ouverts, s’en pénètre.
Il entend l’harmonie et fait la symphonie.
Il traduit cette lyre par cet orchestre.

Les symphonies de Beethoven sont des voix ajoutées à l’homme.
Cette étrange musique est une dilatation de l’âme dans l’inexprimable.
L’oiseau bleu y chante ; l’oiseau noir aussi.
La gamme va de l’illusion au désespoir, de la naïveté à la fatalité, de l’innocence à l’épouvante.
La figure de cette musique a toutes les ressemblances mystérieuses du possible.
Elle est tout. Profond miroir dans une nuée. Le songeur y reconnaîtrait son rêve, le marin son orage, Élie son tourbillon où il y a un char, Erwyn de Steinbach sa cathédrale, le loup sa forêt.
Parfois elle a des entre-croisements impénétrables.
Avez-vous vu dans la Forêt-Noire ces branchages démesurés où la nuit est prise comme un épervier dans un filet et se résigne sinistrement, ne pouvant s’en aller ?
La symphonie de Beethoven a de ces halliers inextricables.
Et. tout à coup, si le rossignol était là, il se mettrait à écouter, croyant que c’est quelqu’un comme lui qui chante.
Le rossignol se tromperait, c’est mieux que lui. Il n’est que dans l’ombre, Beethoven est dans le mystère.
La mélodie du rossignol n’est que nocturne, celle de Beethoven est magique.
Il y a dans l’âme des jeunes filles une fleur qui chante ; c’est celle fleur-là qu’on entend dans Beethoven. De là une suavité incomparable.
Plus qu’un chant, une incantation. Cependant la vie réelle entre brusquement dans ce songe. Au milieu de son monstrueux et charmant poème, Beethoven donne un bal, il improvise une fête, il secoue des castagnettes, il tape sur un tambourin ; toutes les danses tournoient et passent, depuis la valse jusqu’au jaléo ; les bras entrelacés serrent les seins contre les poitrines; à l’écart, dans la clairière, le jeune homme rougissant salue une étoile où il voit une vierge ; des sourires de belles filles apparaissent, montrant des dents pleines de lumière ; des enfants et des moineaux jasent, les troupeaux bêlent, on entend la clochette des vaches rentrantes ; il y a des chaumières sous des saules ; et c’est là le bonheur, la famille, la nature, la prairie, la floraison d’août, la jeunesse, la joie, l’amour, avec l’horreur secrète d’Irminsul debout là-bas, sous des arbres, dans les ténèbres.
Puis vient le tutti, le finale, le dénouement ; le mirage se déforme, se déchire, s’ouvre, il s’y fait une profondeur. et l’on croit être au jour du Rosch-Aschana, et l’on croit voir les innombrables têtes d’Israël soufflant, joues gonflées, dans les cuivres et l’on assiste, ébloui par cette gloire, à la fête furieuse des trompettes.

Les symphonies de Beethoven sont des resplendissements d’harmonie. Les répliques de la mélodie à l’harmonie font de cette musique un intraduisible dialogue de l’âme avec la nature. Ce bruit-là pense. Dans cette végétation il y a le nid, dans cette église il y a le prêtre, dans cet orchestre il y a le cœur humain. Cette grandeur sert à faire aimer.

Insistons-y, et finissons par où nous avons commencé. Ces symphonies éblouissantes, tendres, délicates et profondes, ces merveilles d’harmonie, ces irradiations sonores de la note et du chant, sortent d’une tête dont l’oreille est morte.
Il semble qu’on voie un dieu aveugle créer des soleils. »
(texte destiné primitivement à William Shakespeare ; cote B.N. N.a.f. 24776, folio 85 ; Œuvres complètes, volume « Chantiers », Robert Laffont, 1985, p. 1015-1016)

<Julie Depardieu lit de larges extraits de ce texte> sur les ondes de France Musique.

« Il semble qu’on voie un dieu aveugle créer des soleils » aurait aussi pu être l’exergue de ce mot du jour ou « Écoutez Beethoven. Cette musique est le rayonnement d’un sourd. »

Hugo fréquentait Liszt qui avait transcrit toutes les symphonies de Beethoven pour piano. Il jouait aussi toutes les œuvres de piano de Beethoven. Liszt a fait aimer Beethoven à Hugo et lui a aussi fait découvrir Schubert.

<Ce site> en dit davantage. Je lui emprunte la reproduction d’un tableau de Joseph Danhauser, représentant Alexandre Dumas, Victor Hugo, George Sand, Niccolò Paganini, Gioacchino Antonio Rossini et Marie d’Agoult, tous réunis autour du piano sur lequel joue Liszt, piano surmonté d’un buste de Beethoven.

<L’Obs> signale aussi ce texte et évoque d’autres écrivains parlant de Beethoven.

Je remets tous ces écrivains et musiciens dans leur existence chronologique :


Victor Hugo parle des symphonies. Julie Depardieu était accompagnée par la 6ème symphonie.

Hugo écrit  «Beethoven donne un bal, il improvise une fête, il secoue des castagnettes, il tape sur un tambourin ; toutes les danses tournoient et passent, depuis la valse jusqu’au jaléo». Wagner a appelé la 7ème symphonie «l’apothéose de la danse». C’est pourquoi, je propose l’allegretto de la 7ème symphonie, interprété par <L’orchestre Philharmonique de Berlin et Karajan>

Et pour la version intégrale, écoutez <L’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam et Carlos Kleiber>. Interprétation époustouflante d’un chef d’orchestre génial maniant une gestique inhabituelle.

La 7ème symphonie date de 1812, 10 ans après le Testament d’Heiligenstadt.

<1512>

Vendredi 4 décembre 2020

« J’ai parfois, l’impression que lorsqu’on parle de soi, on fait une sorte de cadeau aux autres en leur disant : vous voyez vous n’êtes pas seul »
Anne Sylvestre

Il n’était pas dans mes projets d’écrire tout de suite un nouveau mot du jour consacré à cette enchanteresse des mots et des chansons.

Mais voilà, un vieil homme est mort, il avait été élu président de la république il y a 46 ans, je n’avais pas encore le droit de vote. C’était il y a donc très longtemps.

Et puis hop, toute l’espace médiatique ne parle plus que de lui, il n’y a plus de place pour la chanteuse de « J’aime les gens qui doutent »

J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer
J’aime les gens qui disent et qui se contredisent et sans se dénoncer
J’aime les gens qui tremblent, que parfois ils ne semblent capables de juger

Marc m’a écrit pour me dire qu’il aimait aussi la version de Vincent Delerm : <Ici il la chante avec Jeanne Cherhal, et Albin de la Simone>

Ce n’est pas que celui qui jouait de l’accordéon à l’Elysée fut un homme sans qualité.

Je lui consacrerai peut-être des mots du jour, mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui je veux continuer d’évoquer celle qui a écrit la chanson que ma belle-maman adorait comme me l’a révélée Annie : <Clémence en vacances>

Clémence, Clémence
A pris des vacances
Clémence ne fait plus rien
Clémence, Clémence
Est comme en enfance
Clémence va bien

Elle n’avait jamais fait la Une des magazines

Parce que vous comprenez, ce n’est pas juste !

Cette fois, l’hommage était unanime, tout le monde avait enfin reconnu son talent, tout le monde l’aimait.

Alors Paris-Match, l’Express et tous les autres prévoyaient de mettre l’auteure d’une « sorcière comme une autre » en couverture. Christiane nous a envoyé un lien vers une interprétation de <Pauline Julien>

Mais pour les couvertures, c’est raté !

Nous verrons sur les couvertures le crâne dégarni du châtelain de Chanonat qui s’est retiré dans l’Aveyron.

Alors moi j’ai continué à chercher des vidéos sur internet

Et j’ai trouvé, Patrick Simonin qui l’avait interviewé <Sur TV 5 Monde>; Elle avait 63 ans et fêtait les 40 ans de scène.

Lors de l’émission elle a dit :

« [Mes chansons] c’est la vie, c’est les gens qui m’intéressent.

Ce qui leur arrive. Ce qu’ils disent, qu’ils vivent.

Quand on parle de soi, on parle des autres.

J’ai parfois, l’impression que lorsqu’on parle de soi, on fait une sorte de cadeau aux autres en leur disant : vous voyez vous n’êtes pas seul.

Je me considère un peu comme une sorte d’écrivain public.

Parce qu’il se trouve que j’ai un don de dire les choses.

Alors je dis peut-être les choses à la place d’autres qui ne trouvent pas les mots. »

Et puis j’ai trouvé une trace encore plus ancienne : <Radioscopie de Chancel en 1978>

Et puis ce duo avec Pauline Julien cité ci-avant : < <Rien qu’une fois>

Dans une interview que j’ai regardé, elle reprochait au journaliste de ne parler que de ces chansons sérieuses, alors qu’elle a écrit beaucoup de chansons pleines d’humour.

Et j’ai trouvé son jubilé des 50 ans de scène <Concert au Trianon – 2007> et c’est vrai qu’elle est très drôle

Dans ce spectacle elle chante notamment : <Ça ne se voit pas du tout>

François Busnel l’avait reçu à la Grande librairie parce qu’elle venait d’écrire <Coquelicot> un livre sur ses mots préférés. Ce même soir Daniel Pennac était invité aussi. Vous apprendrez le sens du verbe : « débarouler »

Et puis il y a les cinq émissions de Hélène Hazéra « A voix nue » qui datent de 2002.

Et pour finir un autre moment d’humour : < Petit bonhomme >

<1502>

Jeudi 03 décembre 2020

« Juste une femme ».
Anne Sylvestre, titre d’une chanson et d’un album

Aujourd’hui, je ne saurais parler que d’Anne Sylvestre.

J’aurais pu connaître ses fabulettes, alors que j’étais enfant puisque le premier album est paru en 1962, j’avais quatre ans.

Mais il n’en fut pas ainsi, je l’ai connue alors que j’étais devenu père et que j’écoutais ces merveilles avec mes enfants.

Ces chansons sont toujours des histoires qu’elle raconte avec malice « Le Toboggan », avec du vécu « Les Sandouiches Au Jambon », pédagogie familiale « Cécile et Céline », naturaliste « Tant De Choses », poésie « Balan Balançoire », lumineuse « La Petite Rivière ».

Les paroles sont simples, compréhensibles par des enfants mais les phrases ont du sens et expliquent les choses de la vie.

Je prends l’exemple de cette chanson « Je t’aime » :

Ce sont les mots les plus doux
Comme deux bras autour du cou
Comme un grand rayon de soleil
Ce sont des mots Merveille
Ce sont des mots légers, légers
Un papillon qui vient voler
Pour faire plaisir à une fleur
Ce sont des mots Douceur

Ce sont des mots tout ronronnants
Comme le chat quand il est content
Comme le duvet d’un poussin
Ce sont des mots Câlin
Ce sont des mots qui tiennent chaud
Comme la laine sur le dos
Comme une lampe dans le noir
Ce sont des mots Espoir

Ce sont des mots qu’on peut garder
Dans son cœur toute la journée
On peut les dire et les redire
Ce sont des mots Sourire
Ce sont les mots les plus précieux
C’est la prunelle de tes yeux
Tu n’entendras jamais les mêmes
Ecoute bien: je t’aime

Mais c’est encore plus tard que j’ai appris qu’Anne Sylvestre n’était pas qu’une chanteuse pour enfants bien qu’elle fut « fabuleuse » dans cette quête de distraire, d’enchanter et d’enseigner les enfants.

Elle était chanteuse tout simplement, chanteuse avec des textes d’une poésie, d’une profondeur et d’une force extraordinaire.

Le spécialiste de musique, Bertrand Dicale, donne un avis avec lequel je suis pleinement d’accord : « Anne Sylvestre était une des plus grandes plumes de l’histoire de la chanson »

Je lis aussi :

« On doit à cette femme des morceaux gigantesques d’intelligence et de subtilité »
Valérie Lehoux, Télérama, 17 septembre 2007.

Elle savait parler aux enfants comme aux adultes, de sujets légers et de sujets beaucoup plus durs.

Elle a toujours défendu la cause des femmes et dénoncé la violence et l’injustice dont elles étaient victimes.

Et j’ai choisi comme exergue de ce 1501ème mot du jour, le titre d’une de ses chansons « féministes » qui était aussi un titre d’album : « Juste une femme ». Et j’ai trouvé pertinent de citer des extraits de cette chanson tout au long de cet article.

« Petite bedaine
Petite sal’té dans le regard
Petite fredaine
Petite poussée dans les coins »

Cette chanson a été créée en 2013, Anne Sylvestre a presque 80 ans puisqu’elle née le 20 juin 1934 à Lyon. Elle écrit cette chanson dans la suite de « l’affaire DSK », et ne le cache pas aux journalistes qui l’interviewent alors. Elle exprime sa colère face à tous ceux qui relativisent la gravité des agressions sexuelles. Le texte d’Anne Sylvestre jette au monde l’indignation et l’exaspération qui explosera quatre ans plus tard des dizaines de milliers de femmes, lors de la déferlante #Metoo.

Mais ce n’était pas sa première chanson qu’on peut déclarer féministe : « La Faute à Eve », « La vaisselle », « Une sorcière comme les autres », et « Rose » peuvent être classés ainsi.

« C’est juste une femme
C’est juste une femme à saloper
Juste une femme à dévaluer »

Un seul mot du jour lui a été dédié jusqu’à présent. C’était lors de la série sur mai 68 et le mot du jour à la lutte pour la dépénalisation de l’avortement. Elle avait écrit en 1973 la chanson : « Non, Non tu n’as pas de nom »

J’avais pris pour exergue un extrait de cette chanson : « Ils en ont bien de la chance, ceux qui croient que ça se pense. Ça se hurle ça se souffre, c’est la mort et c’est le gouffre »

Cette chanson avait été écrite, deux ans après le manifeste publié en 1971 par Le Nouvel Observateur dans lequel 343 Françaises célèbres reconnaissant avoir avorté. L’année suivante, le « procès de Bobigny », celui d’une jeune fille ayant avorté avec l’aide de sa mère et défendue par Gisèle Halimi, fait grand bruit puis en 1973, 331 médecins déclarent publiquement avoir pratiqué des avortements, crime que la loi punit sévèrement.

Anne Sylvestre écrit l’hymne de cette lutte. Mais elle précisait que ce n’était pas une chanson sur l’avortement, mais une chanson sur l’enfant ou le non-enfant.

« Petit pouvoir, p’tit chefaillon
Petite ordure
Petit voisin, p’tit professeur
Mains baladeuses »

Elle portait une blessure intérieure.

Daniel Cordier était du côté de la France Libre et De Gaulle, le père d’Anne Sylvestre était de l’autre côté, celui de Pétain et du Régime de Vichy.

Car elle est née Anne-Marie Beugras. Son père, Albert Beugras, fut l’un des bras droits du collaborateur Jacques Doriot pendant la seconde guerre mondiale. Sauvé de justesse de la condamnation à mort à la Libération, il purgea dix ans de prison à Fresnes. Elle ne s’est libérée de ce secret que dans les années 1990. Elle le partageait avec sa sœur Marie Chaix, écrivaine et secrétaire de Barbara.

<Le Monde> dans l’hommage qu’il lui a consacré, en dit davantage :

« Marie Chaix, […] raconte, dans Les Lauriers du lac de Constance (Seuil, 1974), la fuite, lors de la débâcle allemande – « Anne, assise près de toi, muette, serrant sa poupée » –, l’arrivée semi-clandestine chez un oncle, à Suresnes (Hauts-de-Seine), la disparition de leur frère, Jean, sous un bombardement, les hommes armés qui viennent quelques jours plus tard, cherchant Albert Beugras. « Et la famille du traître. » Marie a 3 ans, Anne 10.

Longtemps Anne Sylvestre a caché son secret, refusant de dire que Marie Chaix était sa sœur : « J’avais 10 ans, la photo d’Albert Beugras était partout, des pages entières dans les journaux. C’était mon père, un père aimant. Je suis allée à son procès, maman y tenait, elle a eu raison. On m’avait mise à l’école chez les dominicaines. Mes camarades chapitrées par leurs parents, m’ont placée en quarantaine. La directrice, qui était la sœur du colonel Rémy, résistant notoire, elle-même déportée, m’a défendue et sauvée. »

[…] Elle aime les marges et déteste la droite radicale. En 1997, elle publie un album succulent, Chante… au bord de La Fontaine, douze chansons inventées à partir du fabuliste, dénonciation des loups patrons de bistrots glauques, qui font la peau du petit mouton noir et frisé qui a taggé leurs murs. « Le racisme, la banalisation de la discrimination me font froid dans le dos, et cette façon de dire : “On n’y peut rien” ! », dit-elle alors. Le spectacle est créé à La Comedia de Toulon, « en solidarité pour ce théâtre qui avait en face de lui une mairie Front national ».

Anne Sylvestre écrira une chansons paru dans l’album « D’amour et de mots », sorti en 1994. Cette chanson a pour titre «Roméo et Judith». Elle y chante ces vers

«J’ai souffert du mauvais côté
Dans mon enfance dévastée
Mais dois-je me sentir coupable»

On ne choisit pas ses parents

« Mais c’est pas grave
C’est juste une femme
C’est juste une femme à humilier
Juste une femme à dilapider »

<Libération a republié un portrait de 2019> la qualifie justement d’artiste féministe et libre. Dans cet article, le journaliste pose la question : « Mais ces chansons, elles ne sont jamais vraiment passées à la radio. Pourquoi ? ».

La réponse d’Anne Sylvestre est dubitative :

«Il ne faut pas trop faire réfléchir les gens, j’imagine.»

Les médias sont, en effet, passés grandement à côté de son immense talent. Pour ma part, je ne l’ai compris que récemment il y a environ 5 ans, après avoir entendu une émission de radio.

Alors Pourquoi ?

« Le Monde  » suggère :

« Anne Sylvestre n’a pas toujours eu la place qu’elle méritait dans la chanson française. Il est vrai qu’elle n’a pas tout fait pour. Elle n’était pas tous les jours de bonne humeur. « »

Une autre explication se trouve peut-être dans les sujets abordés par la chanteuse.

Parmi ses premières remarquables chansons, en 1959 avec « Mon mari est parti» qui est une chanson sur la guerre à l’heure où la France est aux prises avec ce qu’on appelle les «événements» en Algérie.

Et Pendant toute sa carrière, elle s’intéresse aux faits de société, et notamment à la condition des femmes, revendiquant le terme de chanteuse « féministe », qui fut parfois lourd à porter. Elle dit elle-même

« Je suppose que ça m’a freinée dans ma carrière parce que j’étais l’emmerdeuse de service, mais ma foi, si c’était le prix à payer… »

Mais l’explication qui semble la plus vraisemblable est que c’est l’immense succès des « Fabulettes » qui a vampirisé l’autre partie de son œuvre.

Elle a raconté à <France Culture> que le succès des fabulettes ont peut être joué un rôle de frein pour la réputation de sa carrière de chanteuse universelle :

« Je ne me suis pas méfié suffisamment puisque beaucoup de gens ont continué à me considérer comme une chanteuse pour enfants, sans faire attention du tout à mon répertoire qui est quand même un répertoire de chanteuse pour les “gens”, les adultes.

Ainsi, elle évoque l’anecdote de cette petite fille à qui l’on demandait de citer des chanteuses qu’elle aimait. La liste de chanteuses et chanteurs passant à la radio s’allonge. “Mais, et Anne Sylvestre que tu aimes tant ?”. La petite fille de répondre étonnée : “Oooh, mais ce n’est pas pareil, Anne Sylvestre ce n’est pas une chanteuse !”. La chanteuse sourit : “Vous voyez, moi j’étais un meuble”. »

Ainsi le succès des Fabulettes, soutenues par toutes les écoles de France, dont les ventes se comptent en millions ont conduit l’auteure-compositrice-interprète y être exclusivement identifiée, alors qu’elle avait écrit près de quatre cents chansons « adultes », dont des chefs-d’œuvre tels que « Lazare et Cécile », « Les Gens qui doutent », « Maryvonne »

Le Monde rapporte sa colère devant une « fake news » :

« On a dit : quand Anne Sylvestre a eu moins de succès, elle s’est reclassée dans la chanson pour enfants. Faux.
Ce sont deux répertoires distincts, deux activités parallèles.
J’ai commencé à chanter en 1957 et, dès 1961, je me suis mise à écrire des chansons pour les enfants, par plaisir et pour ma fille. Parce que je voulais retarder la crétinisation…
En 1963, pour me faire plaisir, Philips avait accepté d’enregistrer un 45-tours où il y avait Veux-tu monter sur mon bateau, Hérisson.
Je savais ce qui est au centre des préoccupations quotidiennes des enfants, le rôle du vélo, des nouilles…
Avec les Fabulettes, j’ai pu les structurer, leur donner le goût de la liberté, du plaisir de chanter. »

Anne Sylvestre a toujours refusé de chanter ses Fabulettes sur scène. Elle a dit :

«  Et puis une salle remplie d’enfants… ça me fait peur !»

Et dans la Grande table du 06/02/2014 elle a dit :

« Je suis heureuse et fière d’avoir écrit les Fabulettes. Mais je ne suis pas une chanteuse pour enfants. »

Mais celles et ceux qui ont écouté avec attention son autre répertoire savent combien il est grand.

<TELERAMA> raconte

« Une jeune femme vient de lui sourire. Sans rien dire. Mais avec dans les yeux une joyeuse reconnaissance. « Voilà ce qui arrive dans la rue : des gens m’offrent leur sourire. C’est joli. » Ceux-là, c’est sûr, ont écouté son œuvre. Pas seulement ses Fabulettes pour enfants mais aussi ses chansons pour adultes. Ils savent combien elles sont précieuses. Pour qui connaît le répertoire français, le nom d’Anne Sylvestre égale ceux de Brassens, Brel, ­Barbara, Ferré, Trenet. On ne le dit pas assez ? Si seulement les radios et les télés avaient daigné diffuser ses chansons, tout le monde saurait. Mais l’histoire s’est écrite autrement, et le trésor s’est partagé avec plus de discrétion, scène après scène, disque après disque. »

« Mais c’est pas grave
C’est juste une femme
C’est juste une femme à bafouer
Juste une femme à désespérer »

Christine Siméone a titré son hommage : <Mort d’Anne Sylvestre après 300 chansons et une vie passée à raconter les gens> et nous apprend qu’Anne Sylvestre est l’autrice de 18 albums de “Fabulettes”, pour les enfants, et d’une vingtaine d’albums pour les adultes. Parisienne et citadine dans l’âme, Anne Sylvestre est montée pour la première fois sur scène en 1957, dans le cabaret parisien “La Colombe” où ont également débuté Jean Ferrat, Pierre Perret, Guy Béart ou Georges Moustaki.

Et elle cite Georges Brassens qui écrit, en 1962, au dos d’une des pochettes de disques d’Anne Sylvestre :

« On commence à s’apercevoir qu’avant sa venue dans la chanson, il nous manquait quelque chose et quelque chose d’important. »

<TELERAMA> a tenté de sélectionner les dix plus grandes chansons d’Anne Sylvestre, « Juste une femme » en fait partie. Et ajoute :

« Nous en avons choisi dix…Nous aurions pu en prendre vingt, ou trente, tant [son] répertoire est l’un des plus riches et des plus beaux de la chanson française. Curieusement méconnu, mais à la hauteur de ceux de Barbara, Brassens, Brel. »

Il est difficile de choisir parmi tant de beautés, j’avoue une faiblesse pour cette chanson « Écrire pour ne pas mourir »

Elle a dit

« Écrire pour ne pas mourir, écrire fait beaucoup de bien. »

Et aussi « Je me vois comme un écrivain public : je trouve les mots » ou encore « Les mots, il faut les laisser venir, et il faut aller les chercher »

Elle n’a pas arrêté.

« Y a-t-il une vie après la scène ? Je m’aperçois, après cinquante ans de chanson, qu’à part ma famille et mes amis proches, il n’y a qu’une seule chose qui m’intéresse, écrire et chanter. C’est mon bonheur, c’est ma vie », racontait-elle à Bertrand Dicale dans les pages du Figaro pour

Jamais elle n’a posé le micro. Elle avait encore une tournée prévue pour jouer son spectacle « Nouveaux manèges », notamment quatre dates à la Cigale en janvier 2021.

Mais dès qu’une femme […]
Est traitée comme un paillasson
Et quelle que soit la façon
Quelle que soit la femme
Dites-vous qu’il y a mort d’âme

C’est pas un drame
Juste des femmes »

Le texte intégral de « Juste une femme » peut être trouvé <ICI> et son interprétation <ICI>

Je vous donne aussi le lien vers <Ecrire pour ne pas mourir> elle chante dans l’émission de Pivot, puis répond à ses questions.

Et je finirai par ce bel hommage du Rabbin Delphine Horvilleur :

« Anne Sylvestre
Bien souvent, on me demande qui je rêverais de rencontrer.
Depuis longtemps, c’est ton nom que je cite.
Je rêvais de te croiser, pour simplement de te dire merci. »

<1501>

Vendredi 30 octobre 2020

«Ils parlent une langue que je ne comprends pas, pourtant c’est la même que moi.»
Parole de la chanson « l’autre rive » chantée par les facteurs chevaux

Sommes-nous condamnés à parler un jour de pandémie et le lendemain du terrorisme ?

Et quand ça va vraiment mal, faut-il parler des deux…

Heureusement, qu’il nous reste la culture et l’Art.

La culture dont nous avons tant besoin et qui souffre aujourd’hui de la situation créée par la pandémie.

La culture qui si l’on croit les annonces gouvernementales, n’est pas essentielle, puisque les salles de spectacles sont fermées.

Je ne connaissais pas Fabien Guidollet et Sammy Decoster qui ont fondé ensemble un duo qu’ils ont appelés « Facteurs chevaux. »

J’écoutais une émission de France Culture, « la Grande Table », l’invité était Fabrice Lucchini.

Et puis la journaliste Olivia Gesbert a brusquement annoncé : « Nous allons écouter une chanson »

Ce fut un moment sublime.

Et elle dévoila qu’il s’agissait de la chanson <L’autre rive> que les facteurs chevaux interprétaient et qui faisait partie de leur dernier album « Chante-nuit» paru en juin 2020, juste après le premier confinement.

Alors j’ai voulu en savoir un peu plus.

Ce site : https://www.detoursdechant.com/concerts/facteurs-chevaux/ les présente de manière subtile.

« Pénétrer dans l’univers des Facteurs Chevaux risque d’ouvrir une brèche spatio-temporelle dans votre quotidien, sans certitude de retour à la normale. […]

Suivre les Facteurs Chevaux, c’est accepter d’oublier le dernier métro et le café du lundi matin pour se propulser dans la pureté du son de la voix et du bois. C’est se laisser charmer par le murmure de l’un, le baryton de l’autre, s’ouvrir aux mots qui refusent toute temporalité et naviguer à vue dans un espace pétri de mysticisme, de légendes et de réflexions empiriques. […]

Ebloui, sonné, interloqué ou enchanté… chacun réagira à sa manière selon son pouvoir d’émerveillement et sa dose de nihilisme. Mais vous l’aurez compris le voyage auquel nous convie ce disque – gravé dans le vinyle de notre époque – est hors des cartes routières et c’est pour cela que son souvenir ne peut que s’imprimer de manière indélébile dans les méandres de ceux qui iront jusqu’au bout du chemin.»

Il me semble que c’est assez juste.

Leur premier album « La Maison sous les eaux » paru en 2016 avait été présenté par les Inrockuptibles de cette manière :

« Superbe premier album d’un duo français buissonnier, pratiquant un folk singulier.

D’abord il y a ce nom, Facteurs Chevaux, qui met la puce à l’oreille autant que l’eau à la bouche. Une telle référence oblique au facteur Cheval, fameux représentant de l’art brut admiré par les surréalistes, ne peut émaner que de gens aimant prendre la clé des champs et gambader allègrement sur les sentiers buissonniers. […]

Après avoir travaillé ensemble sur les disques de Verone, les deux gaillards se lancent avec Facteurs Chevaux dans une nouvelle aventure 100 % nature. Conçues dans un village du massif de la Chartreuse, avec deux guitares acoustiques, une autoharpe et deux voix, les huit chansons réunies sur leur premier album, La Maison sous les eaux, semblent jaillir, vives et claires, comme l’eau d’une source. Évoquant les comptines d’un folklore perdu ou inconnu, ces chansons mêlent des textes teintés d’une douce étrangeté à des musiques d’une fervente sobriété. A la fois spontané et raffiné, élégant et divagant, l’ensemble distille un parfum aussi subtil que pénétrant. »

<3C> est une société de production bordelaises de spectacles et tournées. Je pense qu’elle doit être, comme d’autres, en grande difficulté en ce moment. Elle présente le nouveau disque « Chante-nuit ».

« C’est dans un village du massif de la Chartreuse que Sammy Decoster et Fabien Guidollet façonnent leurs chansons épurées : une guitare et des harmonies vocales pour des textes-contes en français qui convient les esprits de la forêt ou les légendes des montagnes. A l’instar de l’illustre Facteur Cheval, Sammy et Fabien se font maçons d’édifices fragiles, triturent une glaise musicale faite d’argile harmonieuse pour en faire un palais idéal.

On avait laissé Fabien Guidollet et Sammy Decoster sur la branche de l’arbre où leur magnifique premier album La Maison sous les Eaux les avait assis en 2016 : duo acoustique aux harmonies vocales entêtantes parcourant les sous-bois d’une France rurale, largement ignorée par le milieu des musiques actuelles.

Le soleil s’est couché derrière le château et a laissé la place à une nuit peuplée de créatures fantastiques tandis que Facteurs Chevaux semblent s’être réconciliés avec l’humain, auquel ils concèdent une certaine empathie, quand il veut bien se donner la peine (comme eux) de regarder vers le haut.

Et de fait leur nouvel album, Chante-Nuit, est empreint tout au long de ses neuf titres d’une soif d’apesanteur, fuyant l’immobilisme, la boue et les rancœurs, pour mettre en valeur l’imagination, la danse et finalement susciter l’espoir. »

Les paroles de cette chanson « L’autre rive » sont les suivantes :

Oh ton cœur est si léger-beau qu’il ne prend pas racine dans un pot
oh ton coeur est si léger-beau qu’il ne prend pas racine dans un pot
c’est pourquoi tu trépignes au milieu des autres
ils parlent une langue que je ne comprends pas
pourtant c’est la même que moi
je suis le frère d’une autre rive
et je flotte à la dérive
je te rejoindrai ma fille à mille lieues de là
oh tu t’es envolée là-haut
moi je reste étrange et sot
étourdi détrempé d’eau

J’ai choisi, comme exergue, la phrase « ils parlent une langue que je ne comprends pas, pourtant c’est la même que moi. » parce qu’elle correspond à ce que je ressens.

Je ne comprends pas de quoi, ils parlent.

Evoquent-ils la mort ?

Je ne le sais pas.

Mais je sens que c’est très beau. <L’autre rive>

J’ai acheté l’album.

Il existe aussi <Cette vidéo>

Et si vous aimez cela, une autre chanson : <Facteurs Chevaux – Firmament>

<1479>

Jeudi 29 octobre 2020

«Un Lièvre en son gîte songeait (Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) »
Jean de La Fontaine

Nous sommes donc à nouveau confinés.

Et que peut-on, le lendemain, raconter ?

Nous sommes dans notre gîte à songer….

Comme le lièvre dont La Fontaine parlait

Un Lièvre en son gîte songeait
(Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) ;
Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
“Les gens de naturel peureux
Sont, disait-il, bien malheureux.
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite ;
Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers.
Voilà comme je vis : cette crainte maudite
M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.
Et la peur se corrige-t-elle ?
Je crois même qu’en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi. ”
Ainsi raisonnait notre Lièvre,
Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet :
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.
Le mélancolique animal,
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit : ce lui fut un signal
Pour s’enfuir devers sa tanière.
Il s’en alla passer sur le bord d’un étang.
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
“Oh! dit-il, j’en fais faire autant
Qu’on m’en fait faire ! Ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l’alarme au camp !
Et d’où me vient cette vaillance ?
Comment ? Des animaux qui tremblent devant moi !
Je suis donc un foudre de guerre !
Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. ”

Le Lièvre et les Grenouilles
Jean de La Fontaine

Dans une autre fable, La Fontaine parlait de confinement.

Certain Ours montagnard, ours à demi léché,
Confiné par le Sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellérophon, vivait seul et caché.
Il fût devenu fou : la raison d’ordinaire
N’habite pas longtemps chez les gens séquestrés.
Il est bon de parler, et meilleur de se taire ;
Mais tous deux sont mauvais alors qu’ils sont outrés.
Nul animal n’avait affaire
Dans les lieux que l’Ours habitait ;
Si bien que tout Ours qu’il était,
Il vint à s’ennuyer de cette triste vie.
Pendant qu’il se livrait à la mélancolie,
Non loin de là certain Vieillard
S’ennuyait aussi de sa part.
Il aimait les jardins, était prêtre de Flore,
Il l’était de Pomone encore.
Ces deux emplois sont beaux ; mais je voudrais parmi
Quelque doux et discret ami.
Les jardins parlent peu, si ce n’est dans mon livre :
De façon que, lassé de vivre
Avec des gens muets, notre homme, un beau matin,
Va chercher compagnie, et se met en campagne.
L’Ours, porté d’un même dessein,
Venait de quitter sa montagne.
Tous deux, par un cas surprenant,
Se rencontrent en un tournant.
L’Homme eut peur : mais comment esquiver ; et que faire ?
Se tirer en Gascon d’une semblable affaire
Est le mieux : il sut donc dissimuler sa peur.
L’Ours, très mauvais complimenteur,
Lui dit : « Viens-t’en me voir. » L’autre reprit : « Seigneur,
Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire
Tant d’honneur que d’y prendre un champêtre repas,
J’ai des fruits, j’ai du lait : ce n’est peut-être pas
De nos seigneurs les Ours le manger ordinaire ;
Mais j’offre ce que j’ai. » L’Ours l’accepte et d’aller.
Les voilà bons amis avant que d’arriver ;
Arrivés, les voilà se trouvant bien ensemble :
Et bien qu’on soit, à ce qu’il semble,
Beaucoup mieux seul qu’avec des sots,
Comme l’Ours en un jour ne disait pas deux mots,
L’Homme pouvait sans bruit vaquer à son ouvrage.
L’Ours allait à la chasse, apportait du gibier ;
Faisait son principal métier
D’être bon émoucheur ; écartait du visage
De son ami dormant ce parasite ailé,
Que nous avons mouche appelé.
Un jour que le Vieillard dormait d’un profond somme,
Sur le bout de son nez une allant se placer
Mit l’Ours au désespoir ; il eut beau la chasser.
« Je t’attraperai bien, dit-il, et voici comme. »
Aussitôt fait que dit : le fidèle émoucheur
Vous empoigne un pavé, le lance avec raideur,
Casse la tête à l’Homme en écrasant la mouche ;
Et non moins bon archer que mauvais raisonneur,
Raide mort étendu sur la place il le couche.
Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ;
Mieux vaudrait un sage ennemi.

L’ours et l’amateur des jardins
Jean de La Fontaine (1621-1695)

Pendant le confinement de la première vague Fabrice Luchini avait enregistré et diffusé sur Instagram des fables de la Fontaines.

Un internaute a compilé ces enregistrements dans une vidéo que vous trouverez <ICI>

La première fable de cette série est l’ours et l’amateur des jardins.

Il cite le début du lièvre et des grenouilles vers la 16ème minute.


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