Vendredi 21 avril 2023

« Une librairie qui meurt, ce n’est pas une page qui se tourne, c’est un livre qui se ferme, à jamais !»
Henri Loevenbruck

C’est en me promenant, à Lyon entre la basilique d’Ainay et la Place Bellecour, que j’ai vu l’annonce :

« Fermeture de la Librairie »

C’était une librairie particulière.

Elle avait pour adresse  : 14 Rue du Plat.

Elle avait pour nom : « Raconte-moi la terre »

Librairie du voyage, des cultures du monde et aussi de la transition écologique, c‘était une librairie-café, car on pouvait aussi y aller déguster un café.

Elle disposait même d’une salle de conférence en sous-sol.

Annie l’avait découverte et  y avait organisé, plusieurs fois, des réunions et des rencontres de travail.

Car le lieu était accueillant.

La Grande Librairie l’avait visité et il en reste <une vidéo>.

La Période après Covid a été trop compliquée, l’équilibre financier ne permettait pas de continuer

C’est triste, une librairie qui ferme.

Dans mon monde idéal il y a beaucoup de librairies et il n’y a pas Amazon.

Du moins pas Amazon comme il fonctionne actuellement

Il pourrait peut-être se justifier si son unique objet était de livrer tous les livres du monde à des Librairies avec à l’intérieur des humains, cultivés qui aiment les livres, c’est-à-dire des libraires. Ces libraires qui font partager à celles et ceux qui viennent dans leur magasin le goût de lire et les aide à choisir.

J’avais écrit une série de mots sur Amazon, elle avait débuté le 24 juin 2021 « Amazon nous veut-il du bien ? »

En France, selon <le syndicat de la Librairie> il existe 3.500 librairies indépendantes.

C’est beaucoup plus qu’aux États-Unis. D’après <cette publication> de 2019, sur tout le territoire des États-Unis il existe moins de 2 300 librairies indépendantes.

Dans mon monde idéal, il n’y aurait pas Amazon.

Mais je suis un réaliste, dans notre monde Amazon existe.

Fallait-il pour autant que notre Président, en pleine période de manifestations sur les retraites, décore le fondateur Jeff Bezos ?

Plusieurs journaux nous ont relaté cette incongruité :

Mais il semble que ce soit « Le Point » qui a dégainé le premier : <Les indiscrets – Macron décore Bezos en secret> :

« Cérémonie fastueuse mais confidentielle, jeudi 16 février en fin d’après-midi au palais de l’Élysée : Emmanuel Macron a remis les insignes de la Légion d’honneur à l’Américain Jeff Bezos, 4e fortune mondiale (111,3 milliards de dollars fin 2022), de passage à Paris.
L’événement, prévu depuis plusieurs semaines, ne figurait pas à l’agenda officiel et n’a été suivi d’aucun communiqué.
L’Élysée avait-il peur d’un fâcheux télescopage le jour où des milliers de manifestants défilaient contre la réforme des retraites ?
Seuls quelques invités triés sur le volet ont assisté à la réception.
Beau joueur, le fondateur d’Amazon avait convié le patron de LVMH, Bernard Arnault, qui le devance désormais (1er, selon Forbes, avec 184,7 milliards de dollars). »

La Légion d’honneur naît le 19 mai 1802 par la volonté du Premier consul, Napoléon Bonaparte.

Elle visait à l’époque à récompenser les citoyens français. D’abord pour saluer la bravoure ou la stratégie militaire, mais aussi pour gratifier des civils en raison de leur mérite au profit de la patrie.

Le site de <l’Ordre de la Légion d’Honneur> explique que :

« Les légionnaires œuvrent au bénéfice de la société et non dans leur intérêt exclusif. Les décorés, dans toute la diversité de leurs activités, contribuent au développement de la France, à son rayonnement, à sa défense. »

Il est donc légitime de se poser les questions suivantes :

  • Jeff Bezos œuvre t’il au bénéfice de la société ou dans son intérêt exclusif ?
  • Contribue t’il au développement de la France ? à son rayonnement ? à sa défense ?

Pour contribuer à la Défense, il faudrait déjà qu’il paie les impôts, en France, en proportion de ses profits, ce qui de source sûre n’est pas le cas.

Pourquoi le président de la République a-t’il distingué le fondateur d’Amazon, à l’Élysée, jeudi 16 février, en pleine cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites ?

Parce qu’il crée de l’emploi en France, semble être l’argument.

Il couvre, en effet, la France d’entrepôts. Cela fait-il rayonner la France ?

Le Monde rappelle que la décoration d’un grand patron étranger par l’Élysée n’est pas sans précédent : Jamie Dimon, le patron de la banque JPMorgan Chase a reçu la Légion d’honneur en novembre 2022.

Et avant Emmanuel Macron,

  • Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, avait été fait commandeur de la Légion d’honneur par François Hollande,
  • Le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, avait été décoré par Nicolas Sarkozy
  • Jacques Chirac avait distingué Shoichiro Toyoda, le patron du constructeur japonais Toyota.

« Le Monde » analyse que :

« [Cette distinction] accordée par M. Macron à M. Bezos illustre la dualité de la politique du président à l’égard du fondateur d’Amazon. Comme ailleurs, il a pratiqué le « en même temps ». Sous sa présidence, la France a poussé des régulations européennes renforçant les responsabilités et le respect de la concurrence des plates-formes comme Amazon. Elle a instauré une taxation des services numériques et obligé les services comme Prime Video (filiale d’Amazon) à consacrer 20 % de leur chiffre d’affaires à produire des programmes français.

Parallèlement, Emmanuel Macron a favorisé l’essor de l’e-commerce, en particulier d’Amazon, dont il a inauguré un entrepôt à Amiens, en 2017. L’Élysée a toujours rappelé que l’entreprise américaine et son patron créaient des emplois en France. En 2020, l’exécutif s’est opposé à un moratoire sur l’ouverture de nouveaux entrepôts d’e-commerce, soutenu entre autres par la convention citoyenne pour le climat, et à un alignement de leur fiscalité sur celle des magasins physiques, réclamée par certains élus. »

Selon l’AFP, la présidence française a justifié aussi cette décoration par le fait que :

Jeff Bezos est « un partenaire des initiatives pour la protection du climat et de la biodiversité menées par la France, en particulier sur la protection des forêts »

A la fin de 2021, M. Bezos était présent à la COP26 de Glasgow, quand le président français a présenté la « grande muraille verte ». Le milliardaire américain a promis de verser 1 milliard de dollars (945 millions d’euros) à ce projet de reforestation en Afrique, qui veut allier action publique et soutien privé.

Bon…

Ne serait-il pas judicieux qu’il cesse plutôt de polluer et d’utiliser de l’énergie pour envoyer des milliardaires faire un tour dans l’espace ?

Et je pense à une autre Librairie lyonnaise en difficulté : « La Librairie Diogène » située au cœur du Vieux Lyon

Cette Librairie a été créée en 1973, dans un immeuble du XVe siècle : la maison Le Viste.

Librairie généraliste, elle propose des livres de toutes époques, sur tous sujets, et de tous prix sur plus de 300 m2, trois niveaux et deux boutiques.

Elle s’adresse au collectionneur, au bibliophile averti à la recherche d’ouvrages de collection mais aussi à tout amoureux du livre qui aime chercher dans cette caverne d’Ali Baba qui renferme des trésors d’intelligence et de culture.

Cette fois ce sont les propriétaires qui veulent l’éviction de la Librairie pour utiliser autrement ces locaux.

Vous pouvez faire comme Annie et moi et les 32897 autres lecteurs qui ont signé <La pétition> qui refuse la fermeture de la Librairie Diogène.

Cette librairie dispose aussi d’un site qui la présente et explique aussi le conflit avec les propriétaires : https://librairiediogene.fr/

Henri Loevenbruck a écrit la phrase que j’ai mis en exergue dans son livre <Le Mystère Fulcanelli>

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Je vous invite à lire en commentaire la réponse de Blanche Gardin à une proposition d’Amazon Prime

Jeudi 30 mars 2023

« Ils n’ont pas vu un artiste exprimant un avis, mais un fournisseur retardant la livraison de la marchandise à son client. »
Réflexions personnelles suite à une attitude médiocre d’une partie du public de l’auditorium de Lyon le 17 mars

Ce jour-là, Annie et moi n’étions pas au concert de l’Auditorium de Lyon.

C’était le vendredi 17 mars, un jour après la décision du gouvernement d’utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter la réforme de la retraite par le Parlement.

François Apap, bassoniste et représentant de l’Orchestre national de Lyon a pris la parole avant le concert pour dire l’opposition des musiciens à cette réforme et en donner les raisons.

<BFM TV> a mis en ligne une vidéo de ce moment.

Postérieurement, cette même chaîne a donné la parole au musicien qui s’était exprimé : < On m’a lancé des pièces > :

« Ça a été très compliqué sur scène, parce que j’ai entendu des insultes « ta gueule », « on n’est pas là pour ça », etc. On m’a lancé des pièces sur scène. Ce soir-là, ça a quand même été très violent. On ne s’y attendait pas. L’orchestre s’est très mal senti après cette scène.

Pour François Apape, face aux invectives de la foule qui ont duré de longues minutes, les musiciens auraient dû faire le choix de « sortir de scène, attendre 10-15 minutes dehors avant de revenir pour le début du concert. […]

Un témoin avait rapporté à BFM Lyon que « le public s’était indigné immédiatement, sans savoir de quoi il allait être question, haut et fort. Le discours n’avait même pas commencé qu’on entendait des « remboursés » vindicatifs ».

Selon la « Lettre du musicien » que « Mediapart » a cité dans <un Article> que Christiane m’a fait parvenir :

«  À peine les haut-parleurs avaient-ils annoncé qu’une déclaration précéderait le concert, vendredi 17 mars, que des cris ont fusé dans la salle : « On n’est pas là pour ça ! », « Vous nous faites chier ! ». François Apap a poursuivi sa lecture malgré les quolibets : « J’ai vu des regards haineux tandis qu’on me hurlait : “Ferme ta gueule et joue.” On m’a même jeté une pièce sur scène, traité de “chochotte”, de “connard”… », raconte le musicien.

Des applaudissements ont tenté, en vain, de couvrir les huées : « La salle était en quelque sorte coupée en deux », témoigne Antoine Galvani, secrétaire général du Syndicat des artistes musiciens en Rhône-Alpes (Snam-CGT). »

Il va, sans dire, que si Annie et moi avions été dans la salle nous aurions été du coté des applaudissements. Il y a quelques années, nous avions assisté à un évènement du même type qui avait déclenché un comportement hostile d’une partie public, mais les applaudissements avaient alors couvert les sifflets. Ce ne fut pas le cas, semble t’il, le 17 mars.

Cet article donne aussi une partie des arguments développés par François Apap :

« Je sais que la culture de la musique classique passe pour propre et lisse et que, pour certains, elle devrait le rester. Mais nous devons faire face à une forme de pénibilité encore taboue, qui fait beaucoup de dégâts sur les corps, notamment dans le pupitre des cordes. » Le bassoniste évoque, à l’Orchestre national de Lyon, quatre musiciens absents de leur poste depuis plus d’un an, une majorité contrainte de consulter régulièrement des ostéopathes, mais aussi de souscrire à des assurances supplémentaires, une partie des troubles musculosquelettiques n’étant pas suffisamment prise en charge par la Sécurité sociale.« Nous sommes des sportifs de haut niveau. Mon texte, à cet égard, n’était ni belliqueux ni agressif. Il visait seulement à souligner que tenir deux ans de plus, ce n’est pas possible pour certains d’entre nous, d’autant plus dans un contexte de gel des postes, de concerts annulés, et de salaires qui ne chiffrent pas par rapport aux exigences qu’on nous demande. Cette déclaration englobait aussi les intermittents, les femmes, qui souffrent de carrières hachées… »

L’article montre aussi que cette attitude n’est pas limitée au public de Lyon :

« Faut-il donc tenir pour exceptionnelles les réactions du public de l’Auditorium de Lyon ? En novembre dernier, les ouvreurs et ouvreuses de la Philharmonie, qui tractaient également pour leurs conditions de travail, recevaient un accueil mitigé, voire hostile de la part des spectateurs et spectatrices : « Parfois, on nous répond : “Ne vous plaignez pas, au moins vous avez du travail” », rapportait amèrement une employée. Tandis qu’à Lille, le 19 janvier, une prise de parole similaire à celle de François Apap, juste avant un concert de l’Orchestre national de Lille, rencontrait le même accueil. »

Que dire ?

Il y a donc des personnes probablement aisées, selon mon expérience de l’auditorium, plutôt âgées, probablement déjà à la retraite qui ne tolèrent pas que leur acte de consommation soit interrompu par un avis divergent du leur.

Parce qu’ils pouvaient ne pas être d’accord avec les propos du musicien, c’était leur droit.

Mais il leur appartenait d’écouter avec respect et silence un avis qui était contraire à leurs idées.

Dans quel monde veulent-ils vivre ?

Dans un monde où il n’existe qu’une opinion, la leur ?

Zygmunt Bauman décrivait une telle attitude :

« S’enfermer dans […] une zone de confort, où le seul bruit qu’on entend est l’écho de sa propre voix, où la seule chose qu’on voit est le reflet de son propre visage.»

Ce monde dans lequel ils s’enferment, dans lequel il n’y a plus d’opinions divergentes mais une vérité et des erreurs est un monde triste, stérile, morbide.

Ce sont non des esprits de culture, ouvert à l’art et aux artistes.

Quand le musicien a pris la parole, ils n’ont pas vu un artiste exprimant un avis, mais un fournisseur retardant la livraison de la marchandise à son client.

Ce sont de vils consommateurs.

Le philosophe allemand, Peter Sloterdijke, disait :

« La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. »

Ils n’ont même plus de savoir vivre !

Moi qui pensais, qu’au moins, les bourgeois avaient toujours comme qualité, la politesse.

Force est de constater que celles et ceux qui ont hué le musicien, en étaient dépourvus.

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Lundi 22 novembre 2021

« Si on est connecté à quelque chose de vrai, comme la musique, l’art, la science, la philosophie, le paysage, la nature, alors nous sommes nous-mêmes. »
Maria Joao Pires

Le 25 février 2021, j’écrivais un mot du jour assez désabusé : « Avant nous allions à l’Auditorium de Lyon »

Heureusement que nous pouvons désormais y retourner.

Et samedi, il s’est passé un moment rare, un moment d’éternité : un concert de Maria Joao Pires.

Le chroniqueur culturel lyonnais Luc Hernandez a commenté : « Maria Joao Pires donne un récital en état de grâce »

Et sur Twitter le même écrit :

« On était au concert de la divine Maria Joao Pires hier soir et on ne s’en est pas encore tout à fait remis… Compte-rendu en apesanteur. »

Le concert a commencé par la <13ème sonate de Schubert>. Dans la série que j’avais consacré à Schubert j’avais déjà témoigné de la relation si étroite que Maria Joao Pires entretenait avec Schubert.

Elle avait confié, en avril 2021, à Laure Mézan, à l’occasion de son récital au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence.

« C’est un compagnon de toujours, je m’identifie beaucoup à lui, il y a une facilité de compréhension de son expression (…) une grande acceptation de la souffrance humaine qui le mène à une légèreté, une simplicité chantante et dansante ».

Après, il y eut la suite Bergamasque de Debussy dans laquelle se trouve <clair de lune>, pièce pour laquelle Luc Hernandez écrit :

<un Clair de lune si poétique qu’on croirait l’en­tendre pour la première fois>

Et puis il y eut la seconde partie.

C’était l’ultime sonate de piano de Beethoven la N°32 opus 111. C’était avec elle que j’avais terminé ma série de mots du jour sur Beethoven : <une fraternité universelle>.

Je rappelais ce qu’avait dit Romain Rolland :

« Beethoven a su atteindre « le sourire de Bouddha » dans l’Opus 111. »

J’expliquais que je pensais que ce jugement s’appliquait surtout au second mouvement pour lequel de manière factuelle nous sommes en présence de variations. Mais du point de vue du mélomane et de l’humain, nous sommes en présence d’une immense méditation qui passe par toutes les diversités et richesses des sentiments et l’exploration intime bouleversante de notre humanité.

Et je citais Alfred Brendel :

« L’opus 111 est à la fois une confession qui vient clore les sonates et un prélude au silence. »

Car il s’agit bien de silence, le silence qui constitue l’aboutissement de l’œuvre mais aussi le silence intérieur sans lequel cette œuvre ultime ne peut pas être pleinement accueilli.

En 2016, dans un article du quotidien canadien <Le DEVOIR> Maria-Joao Pires disait qu’il fallait avoir conscience de son corps et porter l’attention à sa respiration. Elle ajoutait

« Les gens passent leur vie à être en dehors d’eux-mêmes, en dehors de leur corps. Ils ne sont pas présents. Leurs pensées sont ailleurs »

Son interprétation fut un moment de grâce.

Mais nos mots sont si pauvres pour exprimer l’ineffable.

Alors je reviendrai aux mots utilisés par cette artiste exceptionnelle.

Elle est née il y a 77 ans à Lisbonne et a commencé très tôt le piano.

Mais elle a attendu très longtemps avant d’oser interpréter cette sonate. Elle a parlé de « sa relation » avec cette sonate avec Alain Lompech sur le site <Pianiste> en février 2021

« D’ailleurs, j’ai travaillé très tard l’opus 111 dans ma vie. Je la connaissais bien sûr depuis longtemps, mais c’était un rêve, c’était un grand plan de la travailler un jour. J’avais un de mes professeurs, quand j’étais toute jeune, au Portugal avant de partir pour l’Allemagne… C’était mon professeur de composition, une personne que j’adorais vraiment, elle était authentique, honnête, avait un caractère vrai et cherchait toujours une vérité dans les choses. Elle m’écoutait jouer, mais ne me donnait pas de cours de piano. Quand j’avais 16 ans, je lui ai dit que je voulais travailler l’Opus 111, j’avais déjà joué pas mal de sonates de Beethoven, une dizaine, et elle m’a dit qu’elle me le déconseillait, qu’il fallait que j’attende, que je n’étais pas prête à la comprendre vraiment. Elle ne m’aurait pas empêchée de la jouer, mais je ne l’ai même pas déchiffrée… […] Puis j’ai eu 50 ans ; c’était le moment de m’y mettre, mais je ne voulais pas le faire comme ça entre deux choses, il me fallait le temps, l’espace pour me poser. En fait, les années ont passé, passé et quand j’ai eu 70 ans, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. Ça a été un vrai événement dans ma vie. Il y a certaines œuvres qu’on connaît très bien mais qu’on n’a jamais jouées et quand on passe à l’acte, c’est l’impact physique qui surprend et fait chaque fois comprendre la différence entre jouer et écouter, même s’il y a une écoute vivante qui peut être très proche de cette sensation. Certaines personnes sont capables d’écouter vraiment, de ressentir physiquement la musique. Quand j’ai joué, c’est un impact très fort tant cette œuvre était attendue, attendue… ça a été comme une révélation à un âge avancé. »

La maturité, l’intériorité lui permettent de créer une relation d’une grande intensité avec le public. Elle dit dans l’article précité du « Pianiste » :

« Quand je suis sur scène, je sens une… je cherche le mot… empathie, c’est ça, une empathie du public pour moi et de moi pour lui, comme s’ils étaient des amis. J’ai cette affection spontanée et naturelle pour lui. »

Beaucoup de pianistes courent après les concours et les prix pour se faire connaître et atteindre la notoriété. Dans <ce journal Belge> elle affirme son opposition de fond aux concours :

« Je suis probablement la personne la plus anti-concours qui soit car l’art est aux antipodes de la compétition. Là où il y a compétition, il n’y a pas d’art ; là où il y a art, il n’y a pas de compétition. J’aide les élèves qui veulent s’y préparer – chacun doit faire son expérience et parvenir à son but par le moyen qu’il choisit – mais je leur dis toujours que si j’étais eux, je n’irais pas. Je leur dis : « Ça va vous faire du mal ». »

Et dans ce même article elle finit, philosophe :

« Avoir confiance en notre destin. Avoir confiance en la vie, c’est être humble, voir ce qui est beau, ce qui est bien, ce qu’on aime faire et si quelqu’un a besoin de nous. Et laisser les choses arriver sans croire que nous pouvons décider de tout.

[…] Bien sûr. La question est de savoir à quoi on est connecté : aux bonnes ou aux moins bonnes choses ? Si on est connecté à quelque chose de vrai, comme la musique, l’art, la science, la philosophie, le paysage, la nature, alors nous sommes nous-mêmes. ».

On trouve sur Internet <cette vidéo de 2016> dans laquelle Maria Joao Pires joue l’arietta de l’opus 111..

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Vendredi 11 juin 2021

« L’amour du cinéma m’a permis de trouver une place dans l’existence »
Bertrand Tavernier

Le 25 avril 2021, le grand cinéaste, Bertrand Tavernier, aurait fêté ses 80 ans.

Mais, il ne les a pas fêtés parce qu’il est mort avant, le 21 mars 2021. Je n’ai pas pu lui rendre hommage immédiatement, car j’ai entamé la série sur la Commune le 22 mars.

Bertrand Tavernier est né à Lyon et il a habité pendant 5 ans dans la villa que possédait ses parents au 4 rue Chambovet.

Cette maison n’existe plus aujourd’hui. Elle a été démolie et le grand jardin de la propriété à été transformé en Parc public : « le Parc Chambovet » qu’Annie et moi avons beaucoup fréquenté pendant le premier confinement, car il constituait le seul espace vert, possédant une dimension de respiration suffisante [5,6 hectares] et se situant dans le kilomètre autorisé nonobstant une marge de tolérance acceptable.

Et, quand on prend la sortie rue Chambovet, deux plaques sont apposées au mur.

En juillet 2008, Telerama avait interrogé des personnes du monde de la culture pour leur faire raconter un lieu qui a marqué leur enfance. L’article du 18 juillet 2008 avait pour titre : « Bertrand Tavernier habitait au 4, rue Chambovet, à Lyon » :

« J’ai passé les cinq premières années de ma vie à Lyon, dans une maison située au 4, rue Chambovet, dans le quartier de Montchat. Nous habitions sur une petite butte, et mon premier souvenir, il m’est déjà arrivé de le raconter, ce sont les fusées éclairantes qui saluent l’arrivée des Américains. On est en 1944, j’ai 3 ans. Dans cette maison, pendant l’Occupation, mon père, René, qui dirigeait la revue littéraire Confluences, a caché Aragon. C’est chez nous que celui-ci a écrit Il n’y a pas d’amour heureux, la légende voulant que ce soit pour ma mère. Mais je n’ai aucun souvenir de lui… Plus tard, la maison a été détruite – je l’évoque dans L’Horloger de Saint-Paul -, et aujourd’hui, sur son emplacement, une plaque dit qu’elle a été le siège du Comité national des écrivains, ce rassemblement d’auteurs résistants.Nous avons emménagé à Paris quand j’avais 5 ans, mais je n’ai cessé de retourner à Lyon, où vivaient mes deux grands-mères. »

Bertrand Tavernier n’a donc vécu que 5 ans à Lyon, mais pour tous il est le cinéaste lyonnais. La Tribune de Lyon dans son numéro hommage a titré « Une passion lyonnaise ».

Et il est vrai que s’il est parti de Lyon, il y est toujours revenu, notamment pour créer l’Institut Lumière en 1982 puis le Festival Lumière .

Et, c’est à Lyon qu’il a tourné son premier long métrage, « L’Horloger de Saint Paul » avec une scène d’ouverture tournée au Garet, ce restaurant où Jean Moulin rencontra pour la première fois celui qui allait devenir son secrétaire, Daniel Cordier, comme on peut le lire dans « Alias Caracalla ».

Un peu plus loin dans le film, il évoque sa maison d’enfance rue Chambovet, lorsque le personnage de Philippe Noiret rend visite à l’ancienne nourrice de son fils.

La tribune de Lyon revient sur la création de l’Institut Lumière avec Bernard Chardère qui affirme :

« Sans Bertrand, on n’aurait jamais pu créer l’Institut Lumière. Il a joué un grand rôle notamment auprès des politiques, et n’a jamais manqué un seul conseil d’administration »

Et il ajoute pour décrire son ami :

« Il avait une boulimie de films, de livres, un peu comme un historien ».

Et en 2009, il crée le Festival Lumière avec Thierry Frémaux. Il disait à ce propos :

« J’ai hérité de Jean Vilar, j’ai toujours vécu avec des gens qui aimaient partager leurs découvertes. […] Avec Thierry Frémaux on s’est battus pour démontrer que le cinéma de patrimoine n’est pas du vieux cinéma, mais un cinéma vivant, par ses thèmes comme par sa forme. »

L’institut Lumière lui a rendu hommage. Les jours qui ont suivi le décès, de nombreux bouquets de fleurs étaient disposés devant les murs de l’Institut.


J’ai choisi comme exergue la phrase que l’Institut Lumière a affiché sur un grand panneau dans le jardin de l’Institut.

Pour ma part, mon premier souvenir de Tavernier fut le documentaire qu’il a réalisé avec son fils, Nils Tavernier en 1996 : « De l’autre côté du périph ». Nous l’avions regardé en famille. Il faut dire que ce documentaire parlait de la cité des grands pêchers et que nous habitions à Montreuil dans le quartier d’à côté, plus proche du centre. Je n’étais jamais allé dans cette cité avant d’avoir vu le documentaire, rude, dur et pourtant plein de tendresse. Je m’y suis rendu après avec le regard de tendresse que les Tavernier m’avait communiqué.

Les Inrocks en parle très bien et donne la genèse de ce documentaire. Je partage, aux deux sens du terme, leur conclusion :

« Véritable film de rencontres, la réussite de De l’autre côté du périph’ tient à ce bouillonnement de paroles brutes, surgies au hasard des errances. Sans jamais se reposer sur une argumentation pesante ­ le propre des films à thèse ­, les Tavernier se sont laissé surprendre. Et ils ont eu raison. Grâce au regard ­ amical, plein de sympathie ­ qu’ils ont porté sur la vie quotidienne de la Cité des Grands Pêchers de Montreuil, la banlieue trouve enfin à la télévision une représentation juste et nuancée, loin des caricatures imposées par les formatages des journaux télévisés.»

Et puis j’ai vu « La vie et rien d’autre ». Je l’avais évoqué lors du premier mot du jour sur la guerre 14-18 : « Mourir pour la Patrie.». C’est un des plus beaux films qu’il m’a été donné de voir dans ma vie.

Gérald m’avait prêté un coffret regroupant plusieurs films de Tavernier dont « La vie et rien d’autre » que nous avons regardé avec le même sentiment d’accomplissement et d’autres que nous connaissions ou que nous découvrions comme « Coup de torchon » que j’ai beaucoup aimé aussi.

Je ne vais pas faire la liste des 30 films que Bertrand Tavernier a tournés et qui sont tous intéressants, certains contiennent des moments de grâce.

Dans ce coffret, il y avait aussi des vidéos de présentation de chaque film par Tavernier et un ou l’autre des acteurs qui avait joué dans le film. Ce qui est remarquable c’est qu’il ne s’agissait pas de présentation de 5 minutes, mais d’une demi-heure ou plus, montrant toute la générosité et la capacité de transmission de Bertrand Tavernier.

L’hommage qui a lui a été rendu, après sa disparition, était unanime.

Enfin, presque unanime. Il y a eu un journaliste de Libération Didier Péron qui a publié le 25 mars, soit 4 jours, après le décès un article « Bertrand Tavernier, que la fête s’arrête » qui commence ainsi :

«L’Horloger de Saint-Paul», «Coup de torchon», «L.627», «la Vie et rien d’autre»… Le réalisateur prolifique et bon vivant, mémoire érudite du septième art et incarnation d’un cinéma populaire et hélas pesant, est mort jeudi. Il allait avoir 80 ans. »

Un cinéma « populaire et hélas pesant ». Où est-il allé chercher cela ?

Ce journaliste devait porter depuis longtemps ce ressentiment au fond de lui, pour écrire cela alors que les cendres étaient à peine froides. Il ne pouvait attendre pour jeter son venin.

Je pense que Claude Askolovitch, dans sa Revue de presse <du 26 mars 2021>, explique partiellement la rosserie de ce journaliste :

« Et c’est la beauté du cinéma, on s’en dispute… et c’est la marque de Libération, de prendre ces disputes aux sérieux et de n’en point démordre. Et quand sur le site de Libération le journaliste politique Rachid Laireche, lui aussi enfant de la cité des Grands Pêchers, se souvient des Tavernier qui ne le trahirent pas, dans les pages culture du journal, sous un titre brillant, “que la fête s’arrête”, rendant hommage au Tavernier militant de gauche engagé, le critique Didier Péron ose des mots cruels pour “un cinéma populaire mais parfois pesant” que Tavernier aurait incarné, cédant parfois à la “démonstration lourdingue”…

En 1999 Tavernier avait mené une révolte des cinéastes contre des critiques jugés assassins pour le cinéma français, à fore de bons mots et d’oukases… Libération était visé, et avait organisé dans ses colonnes un débat entre Tavernier et trois critiques, cela aussi est en ligne. Tavernier disait ceci: “Vous n’arrivez pas à faire passer votre enthousiasme. Quand vous défendez des films, très souvent il n’y a aucune retombée. A votre place, je m’interrogerais.” Il disait aussi cela : «Une opinion n’est pas un fait». Et enfin:«Tout film, comme tout être humain, doit être présumé innocent.»  »

Je suis beaucoup plus en phase avec ces propos de Philippe Meyer dans « la Croix »

« Cet homme était une fontaine, de curiosité, de fidélité, d’insatisfaction. Ça coulait tout le temps. J’ai presque le même âge que lui, j’ai eu la chance de rencontrer des tas de gens, et pas des moindres, qui m’ont beaucoup appris, marqué, montré mais lui… Celui qui dit que personne n’est irremplaçable ne l’a pas connu. »

Et il ajoute pour la place qu’il conservera dans la mémoire collective :

« ll va laisser une double place. Celle de l’auteur qu’il fut. La diversité de son inspiration n’a pas fini d’étonner. On s’était habitué à le voir passer de Que la fête commence à La mort en direct, de La Princesse de Montpensier à Dans la Brume électrique, avec des comédiens tellement différents. Et celle de l’homme de la transmission qui culmine avec son admirable Voyage à travers le cinéma français qui est un chef-d’œuvre de partage. Et les passagers de ce voyage-là, il y en aura. »

Et justement ce « voyage à travers le cinéma français » je l’ai emprunté à la Bibliothèque de Lyon et j’ai été fasciné par la culture, la qualité de la transmission dont était capable cette encyclopédie vivante du cinéma. En plus de 3 heures et huit épisodes, il va nous permettre d’embrasser toute l’histoire du cinéma français.

Dans le premier épisode il parle de Max Ophuls que je connaissais, mais aussi de Jean Grémillon et de Henri Decoin que j’ignorais totalement.

Passionnant !

J’y reviendrai peut-être dans un mot du jour ultérieur.

En tout cas, je ne crois pas que Bertrand Tavernier était pesant. Il était lucide, souvent très profond, toujours bienveillant et humaniste.

J’aime Bertrand Tavernier.


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Mardi 20 avril 2021

« Un réseau militant pour coconstruire un projet socialiste ambitieux, réaliste et partagé »
Jean-Philippe Babau

Après le séisme politique de 2002 : Le Pen au second tour, j’avais décidé comme d’autres à m’engager politiquement. C’est pourquoi, j’ai adhéré au PS. Nous habitions alors à la Croix Rousse, dans le quatrième arrondissement de Lyon. C’est pourquoi j’ai rejoint la section de la Croix Rousse dont le local se trouvait 12 rue Perrod. Le parti socialiste qui a subi quelques déconvenues ces dernières années a du s’en séparer récemment.

Et c’est ainsi que j’ai rencontré Jean-Philippe qui animait un groupe de travail sur l’exclusion et le logement.

J’ai voulu partager cette expérience et nous avons ainsi, avec d’autres camarades, travaillé, sur plusieurs années, en essayant de comprendre techniquement les sujets, en faisant des recherches documentaires entre les réunions mensuelles, en rencontrant des acteurs notamment du logement social, en confrontant nos idées, en nous écoutons et en avançant ensemble, pour finir par rédiger un rapport que nous avons remis aux élus de Lyon, puisqu’à l’époque le PS dirigeait Lyon et la Métropole.

Cette expérience montre qu’il existait des personnes qui acceptaient, à l’intérieur d’un Parti Politique, de donner de leur temps, pour réfléchir à des sujets politiques, sans démagogie, concrètement et pour le bien commun.

Cette manière de faire était assez éloignée de la définition que David Kimelfeld, qui faisait partie de notre section, avait un jour donné :

« Le Parti socialiste est une association formée d’élus, d’anciens élus et d’aspirant à être élus »

Bref, pour lui on ne pouvait être dans un Parti que parce qu’on aspirait à avoir du pouvoir ou une parcelle de pouvoir.

Pour les non lyonnais, il faut préciser que David Kimelfeld a été le Président intérimaire de la Métropole de Lyon pendant que Gérard Collomb avait tenté de jouer au Ministre de l’Intérieur à Paris. Cette lubie lui était venue après la victoire de celui dont il avait imaginé être sinon le tuteur, au moins le conseiller spécial le plus écouté. Après s’être rendu compte de son erreur, il est revenu à Lyon. Il pensait que les intérimaires qui lui devaient leur place se soumettraient à son pouvoir hégémonique et reprendraient leur rôle de vassal dévoué et fidèle. Rôle de vassal qui avait justifié la possibilité de l’intérim.

Il n’en fut rien et il y eut donc affrontement politique à la Métropole comme à la commune de Lyon. La division a entraîné la victoire, sur ces deux terrains, des écologistes qui n’en espéraient pas tant quelques mois auparavant.

Pour ma part, je me suis réjoui de la défaite du baron lyonnais qui à plus de 70 ans ne voulait pas abandonner le pouvoir

Cette manière de penser et de pratiquer la politique en a découragé beaucoup. Le bien public, la réflexion politique a été mis de côté pour garder des places d’élus, rester ou accéder au pouvoir.

Beaucoup aujourd’hui ne croit plus en la politique. Ils pensent qu’elle n’a plus de moyen d’action et s’en détournent.

Jean-Philippe a eu le courage de se lancer dans l’écriture d’un livre qui vante l’engagement politique, le travail en commun pour bâtir un socle de solutions permettant au bien commun de progresser.

Le titre de ce livre qui a paru à la fin de l’année 2020 est « Construisons ensemble ».

Ce titre est complété par l’invitation suivante :

« Un réseau militant pour coconstruire un projet socialiste ambitieux, réaliste et partagé »

Exactement le contraire de ce que Gérard Collomb faisait à la fin de son mandat à Lyon quand il décidait de tout et de Macron à Paris qui étonnamment  a l’air de s’en désoler puisqu’il aurait dit : « Je suis obligé de m’occuper de tout !».

Evidemment, quand deux comportements aussi égocentrés que Collomb et Macron se rencontrent, la co-construction a du mal à se faire.

Mais peut-on sérieusement penser que Mélenchon serait différent ?

Jean-Philippe évoque d’ailleurs le travail que nous avions fait en commun pour évoquer une sorte de modèle de construction d’un projet.

Il évoque les obstacles à dépasser et la nécessité de clarté sur des objectifs rationnels atteignables :

«  Le vivre ensemble ne va pas de soi. Et la mise en œuvre du projet socialiste se heurte à de nombreux obstacles.
Les êtres humains développent des comportements divers, parfois incohérents, parfois violents, guidés par des besoins de reconnaissance, par la peur ou la jalousie de l’autre. Les nouveaux outils de communication promeuvent les comportements narcissiques et égoïstes. La société de consommation attise nos pulsions de possession, d’exclusivité, de reconnaissance. La fin des valeurs traditionnelles place l’individu face à ses propres limites. Les citoyens, sans repères, dans une société atomisée, se retrouvent pris dans une société de production de plus en plus dure, génératrice de stress, et d’une société de consommation, génératrice de frustrations. Dans ce contexte souvent émotionnel, le raisonnement humain, aussi pertinent soit-il, empêche de cerner les situations dans leur globalité, clairement trop complexes. Le débat est mené, sans rationalité, expertise et prise de distance. Les nouveaux réseaux sociaux font la loi, phagocytés par la facho-sphère et les extrémistes de tout poil.
Ce constat ramène à des questions fondamentales sur le sens de l’action politique. Dans une société exacerbant les pulsions des uns et des autres, il faut être clair sur les objectifs du projet socialiste. Qu’est-ce que la politique peut assurer aux citoyens : de l’argent, une place dans la société, une réussite sociale, des règles de vie commune ou des services ?
Certainement tout cela, mais sous peine de malentendus et de rejet, il faut absolument fixer un périmètre clair sur les objectifs du projet. »
Pages 177 & 178

Jean-Philippe insiste sur le travail en commun pour aboutir à un projet qui pourra être porté plus tard par une femme ou un homme.

Alors, qu’aujourd’hui emporté par les ambitions personnelles il est très évident qu’on fait le contraire.

D’ailleurs, les partis politiques ont été remplacés par des mouvements qui se construisent autour de l’ambition d’un ego. Ces mouvements n’ont pas vocation à attirer des militants qui réfléchissent et coconstruisent un projet mais des supporters qui collent des affiches, organisent l’accueil des réunions politiques, applaudissent en chœur quand la voix de son maître s’exprime et acceptent de pratiquer le porte à porte pour vanter les qualités exceptionnelles de leur champion et l’intelligence de son projet auquel ils n’ont pas participé. Jean-Philippe parle de « fan-club d’élus »

Il reste optimiste et propose une autre démarche :

« Si on veut faire face aux enjeux de la société, il est temps de promouvoir un militantisme actif et responsable en associant les militants tout au long du processus de construction du projet. »
Page 249

Pour ce militantisme et la mise en place d’un réseau de co-constructeurs Jean-Philippe veut s’appuyer sur des outils numériques et modernes de communication comme support d’échange.

Je partage sa conclusion :

« L’objet de ce livre était d’abord de partager des valeurs, des principes et un regard sur la société et la politique. A partir du constat sur les difficultés à mettre en place un projet socialiste, j’ai esquissé une méthode et une approche replaçant l’engagement militant au cœur de la construction d’un projet socialiste à la fois ambitieux, réaliste et partagé.
L’objectif d’un projet socialiste doit être de permettre à tous d’accéder à ses droits fondamentaux de manière décente et digne. Chacun a droit au respect, à la liberté, à la justice et à sa part de richesse. Chacun a sa place à la table de la république. Dans un projet socialiste, le collectif n’écrase pas l’individu et l’individu ne peut s’imposer au collectif. Tout est question d’équilibre pour permettre l’émancipation de chacun dans une société pacifiée. »
Page 279

C’est ambitieux mais salutaire.

Celles et ceux qui croient qu’elles et ils n’ont rien à faire de la politique doivent se rendre compte que la politique a beaucoup à faire avec eux et qu’ils en subissent des conséquences.

La démarche de Jean-Philippe dans cette perspective est finalement très rationnelle.

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Mardi 13 avril 2021

« La Commune ne se laisse pas réduire à un événement seulement parisien. »
Maurice Moissonnier

La Revue L’Histoire, consacrée à La Commune pose la question : « Et si la province avait suivi ? »

C’est une professeure, agrégée d’Histoire, Inès Ben Slama qui a rédigé cet article.

Parce qu’en effet, le mouvement insurrectionnel communal en 1871 ne s’est pas limité à Paris. D’autres communes ont participé et notamment Lyon.

Ces insurrections ont duré encore moins de 72 jours.

Comme à Paris, dès que Napoléon III a signé l’acte de reddition de son armée le 2 septembre à Sedan, un mouvement républicain se soulève dans plusieurs villes. Nous savons que la France rurale est plus prudente et probablement souhaite avant tout la paix. Paix que promettent les monarchistes.

Inès Ben Slama raconte

« Le matin du 4 septembre 1870 l’avocat lyonnais Louis Andrieux, emprisonné pour son opposition au Second Empire, est réveillé par des insurgés venus le libérer et le porter en triomphe à l’hôtel de ville : la république y a été proclamée dès 9 heures par des hommes qui, après en avoir informé les villes du Midi par télégraphe, attendent désormais des nouvelles de L’événement Paris. »

Cette proclamation est antérieure à celle qui aura lieu à l’Hôtel de ville de Paris, par Gambetta accompagné par d’autres députés, dans l’après midi du même 4 septembre. Les Historiens estime que la République n’est pas vraiment établie à cette date-là. Les monarchistes à ce moment là n’ont pas encore abdiqué l’ambition de rétablir un roi.

Toutefois la déclaration de Gambetta dit précisément :

«  Français !
Le Peuple a devancé la Chambre, qui hésitait. Pour sauver la Patrie en danger, il a demandé la République.
Il a mis ses représentants non au pouvoir, mais au péril.
La République a vaincu l’invasion en 1792, la République est proclamée. »

Mais les lyonnais s’enorgueillissent qu’ils ont été les premiers comme l’écrit cet article « du Progrès » :

« Et c’est Lyon qui a été la première ville, quelques heures avant Paris, à se mettre sous la bannière républicaine. »

L’article poursuit :

« Le 4 septembre, ce groupe descendu de la Croix-Rousse, Vaise et la Guillotière, s’empare de la mairie à 8 heures, avec à sa tête Jacques-Louis Hénon. Âgé de 68 ans, c’est un des rares députés républicains sous l’Empire. C’est un modéré. Formé en comité de salut public, les militants surgissent sur le balcon. Ils proclament la République à Lyon. La foule massée place des Terreaux les acclame. Une affiche décrète la déchéance de l’Empire.
La municipalité lyonnaise est officialisée le 15 septembre, élue au suffrage universel avec à sa tête Hénon et comme adjoints notamment Désiré Barodet et Antoine Gailleton. »

Aujourd’hui la toponymie de Lyon connaît la rue Hénon, la rue Barodet, tous les deux sur le plateau de la Croix Rousse et la place Gailleton sur la Presqu’ile. Tous les trois furent maire de Lyon.

Mais les républicains modérés étaient contestés par les Internationalistes.

Ainsi, ces derniers remplacent, le 4 septembre, le drapeau tricolore par le drapeau rouge sur l’hôtel de ville. Il y reste jusqu’au 4 mars 1871 affirme le Progrès.

Les membres de la première Internationale sont déjà très actifs sur Lyon depuis le début de l’année 1870.

Wikipedia dans son article sur <La commune de Lyon> rapporte :

« Dès les premiers mois de 1870, les membres lyonnais de l’Association internationale des travailleurs (AIT) travaillent à préparer les ouvriers lyonnais à une éventuelle révolution. En liaison avec Bakounine, ils organisent un grand meeting réunissant plusieurs milliers de participants le 13 mars, qui donne un grand poids à la section locale, alors réélue avec à sa tête Albert Richardo . Le 20 juillet 1870, au deuxième jour de la guerre entre la France et la Prusse, l’AIT organise une manifestation pacifiste de la place des Terreaux à la rue Sala.

Durant le conflit, dans toute la ville les éléments républicains et plus avancés (anarchistes, révolutionnaires socialistes) se préparent à la chute de l’Empire. Les différentes sensibilités tentent de se réunir pour organiser l’après Napoléon III mais ils ne parviennent pas à s’entendre. Toutefois, tous ces milieux sont d’accord sur l’idée d’une autonomie municipale, pour rompre avec les pratiques centralisatrices de l’Empire. »

L’autonomie au niveau d’une commune n’arrive donc pas comme une génération spontanée en mars 1871, mais est préparée en amont.

Alors que Hénon et les républicains modérés sont aux commandes à la mairie, les internationalistes appellent au soulèvement pour instaurer la commune de Lyon.

Les archives municipales conservent l’affiche placardée le 26 septembre 1870 à Lyon.

Sur les 7 articles, j’en souligne deux :

L’article 1er qui entend mettre fin au gouvernement de l’Etat

« Article 1er. – La machine administrative et gouvernementale de l’État, étant devenue impuissante, est abolie. »

Et l’article 5 qui veut centrer le pouvoir sur les communes fédérées :

« Art. 5. – Toutes les organisations municipales existantes sont cassées et remplacées dans toutes les communes fédérées par des comités de salut de la France, qui exerceront tous les pouvoirs sous le contrôle immédiat du Peuple. »

Parmi les signataires vous verrez apparaître le nom de Mikhaïl Bakounine (1814-1876), le socialiste libertaire, théoricien de l’anarchisme. Celui que Marx parviendra à faire exclure de la 1ère internationale lors du Congrès de La Haye de 1872. Ce fut la victoire du socialisme autoritaire, contre le socialisme libertaire.

Bakounine va donc s’investir dans le conflit de pouvoir qui s’ouvre à Lyon en septembre 1870.

Dans l’article wikipedia qui lui est consacré on trouve la description suivante :

« Le 15, Bakounine arrive à Lyon. Il y trouve l’Internationale dans un grand désordre idéologique et se plaint de la voir collaborer avec les républicains, au risque de laisser les plus basses intrigues se développer. Il met fin à cet état de fait. Se tenant éloigné des réunions publiques auxquelles il ne participe qu’exceptionnellement, il prépare le soulèvement avec ses amis intimes de l’Internationale. Le 17 septembre est créé le « Comité du Salut de la France », un organisme qui devait constituer des groupes dans chaque commune pour transformer la guerre en guerre révolutionnaire. Le Comité, dont l’influence ne dépasse pas Lyon, compte en son sein des délégués de différents quartiers de la ville. Il déploie une grande activité, publiant des manifestes et multipliant les réunions publiques. Une coordination est bientôt établie entre groupes révolutionnaires, associations ouvrières et milices de citoyens.

Le 25 septembre, Bakounine rédige la proclamation de la Fédération révolutionnaire des communes. Appelant au soulèvement de la première Commune de Lyon, […]

Le 27 au soir, le Comité central du Salut de la France décide pour le lendemain une grande manifestation. Bakounine, qui n’est pas suivi, souhaite que ce soit une manifestation en armes. Il est prévu d’arriver Place des Terreaux à midi et d’exiger des autorités qu’elles prennent les mesures les plus énergiques pour les besoins de la défense nationale.

Le 28 septembre 1870, ce sont plusieurs milliers d’ouvriers qui débouchent à midi sur la Place des Terreaux. Une délégation entre dans l’Hôtel de ville, mais ne trouve pas d’interlocuteurs. C’est alors qu’une centaine d’hommes force les portes de l’Hôtel de Ville, et y pénètre avec Saignes, Bakounine, Richard, Bastelica et d’autres membres encore du Comité. »

Mais cette insurrection échouera. Les ouvriers réunis sur la Place des Terreaux se retrouvent, sans armes ,face à la troupe et à la Garde nationale des quartiers bourgeois. Cette dernière pénètre bientôt dans la cour intérieure de l’Hôtel de Ville.

Bakounine, s’enfuit et via Gênes regagne la Suisse.

L’agitation qui a eu lieu à Lyon se répète dans d’autres villes.

Inès Ben Slama écrit :

« A Marseille, le 1er novembre, une commission révolutionnaire s’installe à la mairie, avant d’être écartée quelques jours plus tard. Le 5 décembre, une tentative d’insurrection échoue à Rouen. Autant d’exemples qui montrent la vitalité révolutionnaire de la province, en particulier de Lyon et de Marseille, où pas un mois ne se passe sans coup de force contre les autorités instaurées après le 4 septembre. Loin de l’image d’une capitale isolée dans ses protestations, les villes du Sud aspirent elles aussi à davantage d’autonomie municipale et revendiquent la défense de la république. »

Que se passe t’il à partir du 18 mars 1871, date de début de ce que l’Histoire va désigner sous le nom de « la Commune », démarrage des 72 jours ?

Les communards vont tenter de rallier la province.

Inés Ben Slama s’appuie sur le récit d’un ouvrier Charles Amouroux :

« Les autorités cherchant à rallier à leur cause les municipalités et l’opinion des grandes villes. Pour ce faire, des émissaires y sont envoyés afin de convaincre les représentants des villes de leur apporter un soutien moral et de proclamer elles aussi la Commune. Le parcours de l’ouvrier Charles Amouroux, membre de l’Internationale et futur élu de la Commune de Paris, illustre les pérégrinations de ces émissaires parisiens : arrivé à Lyon le 23 mars après avoir été chargé d’y opérer la fusion des Gardes nationales parisienne et lyonnaise, il rentre à Paris confier à deux fédérés une délégation pour Saint-Étienne. Il repart ensuite pour Marseille avec Bernard Landeck, autre membre de l’Internationale. Le 29, la police signale sa présence à Chalabre (Aude), sa commune d’origine, et saisit une affiche manuscrite sur papier rouge dont le texte lui est attribué : « Citoyens, la chambre royaliste voulant tuer la république, le peuple, la Garde nationale et l’armée de Paris ont déclaré sa déchéance. Lyon, Marseille, Toulouse, Saint-Étienne et toutes les villes de France ont suivi le mouvement de Paris. Préparons-nous à faire comme elles. Sauvons l’Ordre et la République ! Vive la République ! Un délégué de Paris. »

Des Communes seront proclamées en 1871 à Lyon et Marseille le même jour (23 mars), puis à Narbonne (24 mars) et au Creusot (26 mars), en même temps que des mouvements insurrectionnels éclatent à Toulouse (24 mars), Saint-Étienne (25 mars), Limoges (4 avril), La Charité-sur-Loire (10-11 avril), Rouen (14 avril), Cosne et Saint-Amand (15 avril), Tullins et Saint-Marcellin (17 avril), Neuvy (19 avril), Montargis (1er mai), Varilhes (2-3 mai), Montereau (7-8 mai), Romans (22 mai), Voiron et Vienne (24 mai).

Et je cite toujours Inés Ben Slama

« C’est à Marseille que la Commune a duré le plus longtemps. Du 23 mars au 4 avril, les républicains menés par l’avocat nîmois Gaston Crémieux dominent la préfecture, où une commission départementale a pris le pouvoir. A l’échelle urbaine, l’afflux récent de migrants des campagnes pour faire marcher une industrie en pleine croissance fait apparaître de nouveaux centres insurrectionnels.

A Lyon, la Croix- Rousse, traditionnelle colline des insurrections, est supplantée en avril par la Guillotière, nouveau quartier ouvrier, où les révolutionnaires, secondés par les envoyés de la Commune de Paris proclament – de nouveau – la Commune. Cependant, à Lyon comme à Marseille, faute de soutien massif de la Garde nationale, les tentatives successives sont rapidement réprimées. »

A Lyon, les heurts auront lieu à l’Hôtel de la ville en bas des pentes de la Croix Rousse et surtout dans le quartier de la Guillotière.

Autour de l’Hôtel de ville, le maire Hénon prendra l’opportunité d’accueillir solennellement « les héros en armes de Belfort » qui avaient résisté avec honneur au siège des Prussiens. L’entrée de cette force d’intervention mettra fin aux troubles autour de l’Hôtel de ville.

<Wikipedia> précise que le dernier bastion se trouvera à Guillotière :

« Le drapeau rouge continua cependant à flotter sur la mairie de la Guillotière, place du Pont. Le 30 avril, après un appel au boycott des élections,elle est occupée par les gardes nationaux qui interdisent l’accès aux urnes avec la complicité de la majorité de la population. Des barricades sont dressées Grand rue de la Guillotière et cours des Brosses (actuel cours Gambetta). L’armée arrive de Perrache, sur ordre du préfet Valentin, face à une foule de 20 000 à 25 000 personnes qui crie « Ne tirez pas ! Crosse en l’air ! On vous fait marcher contre le peuple ! » C’est alors que deux colonnes de fantassins, l’une par le pont de la Guillotière avec Valentin et l’autre par la rue de Marseille avec Andrieux, dispersent les manifestants vers 19h45 en tirant. Les insurgés ripostent de derrière les barricades et la bataille dure jusqu’à 23h, moment où les militaires font donner l’artillerie pour enfoncer les portes de la Mairie de la Guillotière. On compte une trentaine de morts.  »

Maurice Moissonnier conclura son article <Lyon communard>, après avoir constaté que la Guillotière avait remplacé la Croix Rousse dans le cœur insurrectionnel des ouvriers de Lyon :

« En 1871, à Lyon, le dernier bastion communard avait été la Guillotière, quartier du nouveau prolétariat. Pour la première fois on était descendu de la Croix-Rousse — la vieille colline des insurrections du XlXe siècle — pour combattre sur les barricades d’outre-Rhône. Jusqu’en 1849, les révolutionnaires faisaient plutôt le chemin inverse. »

par cette phrase :

« La Commune ne se laisse pas réduire à un événement seulement parisien. »

<1552>

Jeudi 25 février 2021

« Avant, nous allions à l’auditorium de Lyon »
Lieu de nombreuses émotions et dans lequel a eu lieu les victoires de la musique

Avant, le matin, je sortais de chez moi et je me rendais à mon bureau qui se trouvait dans le quartier de la Part-Dieu.

Et de ce lieu de travail que j’ai quitté il y a presque 1 an, j’avais une vue plongeante sur l’auditorium Maurice Ravel…

Mais c’était avant.

Avant, je ne voyais pas que ce bâtiment de l’extérieur.

Avec Annie, nous nous rendions très souvent dans ce bâtiment, pour entendre des concerts avec des musiciens qui jouaient sur scène.

L’émotion, la beauté, les vibrations nous les vivions ensemble avec beaucoup d’autres, plus de 2100 places sont disponibles dans ce lieu.

Souvent, la salle était très remplie.

Quelques mots du jour ont célébré des concerts que nous y avons vécu.

Mais c’était avant.

Alors quand Laurent qui continue à aller au lieu de travail, où j’allais avant, m’a expliqué, qu’il voyait que c’était l’effervescence devant l’auditorium et qu’avec le matériel qu’il voyait débarquer pour organiser et filmer les victoires de la musique classique, il fallait absolument que je regarde France3, hier soir.

J’ai donc regardé.

C’était très bien.

Mais ce n’est pas la même chose que d’être dans la salle et de partager la musique, de la vivre ensemble dans un même lieu.

Ce lieu, cet auditorium qui a été inauguré en 1975 et qui a eu pour nom « Maurice Ravel », parce que Ravel était né en 1875, soit cent avant.

Mais si pour les mélomanes cette période de disette est lourde et désespérante, comme pour les amateurs de cinéma à cause de l’absence de cinéma ou pour les amateurs de théâtre, que dire de l’épreuve que subissent les artistes, tous les acteurs de spectacles vivants qui ne peuvent plus exercer leur art ?

Que dire des artistes culinaires qui nous accueillaient, avant, dans des restaurants dans lesquels nous pouvions nous asseoir et attendre qu’on vienne nous apporter le repas que nous avions choisi ?

Alors, je suis très partisan que le monde d’après soit amélioré par rapport à celui d’avant.

Mais il y a quand même des choses que nous désirons retrouver comme avant : aller au concert, au cinéma, au théâtre, au restaurant.

Vous pouvez trouver des extraits de ce spectacle sur Internet.

Ainsi cet <hommage à Ennio Morricone> décédé le 6 juillet 2020.

Le percussionniste Aurélien Gignoux a été distingué. Je vous invite à regarder <Cette interprétation de Ravel> sur Marimba mise en ligne par France Musique. Cela révolutionnera peut être votre perception de ce que peut faire un percussionniste.

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Mardi 8 décembre 2020

« La fête des lumières à Lyon »
Une fête qui se passe, chaque année, le 8 décembre

Voilà un mot du jour qui au départ me paraissait simple :

La ville de Lyon était menacée par la peste au XVIIème siècle. A cette époque, Il n’existait pas ces grands laboratoires comme Pfizer, Moderna, Sanofi ou Boiron vers qui se tourner pour trouver un médicament ou un vaccin. Alors les notables de Lyon appelés « les échevins » se sont adressés à une autorité à laquelle ils avaient accès : la Vierge Marie qui disposait d’une chapelle sur la colline de Fourvière. Ils ont donc prié la Vierge Marie pour qu’elle éloigne de Lyon cette terrible maladie. Et ils promettaient, en échange, de faire chaque année une fête en son honneur. C’est l’origine de la fête des lumières, parce que le récit raconte que Lyon a été préservée de la peste. Et chaque année, les lyonnais remercie Marie en faisant un pèlerinage vers Fourvière et tous les lyonnais mettent des petites bougies, le 8 décembre, appelées «lumignons » à leur fenêtre  pour commémorer la promesse des échevins et le miracle de la vierge Marie.

A ce stade, on peut émettre trois hypothèses :

  • La première c’est de croire cette histoire au premier degré. Les échevins ont fait appel à une divinité de cette religion polythéiste qu’est le christianisme catholique… J’entends des protestations qui disent que je blasphème : le christianisme catholique est un monothéisme ! Moi je suis désolé, déjà quand on m’explique qu’il y a Dieu, le fils de Dieu et le Saint Esprit, il faut parler d’un monothéisme pluriel. Après, si l’on rajoute les saints et la vierge Marie que l’on peut prier pour obtenir des miracles, ce qui est l’apanage des dieux, il me semble évident que nous sommes en présence d’un polythéisme. Il y a certes une hiérarchie, mais la statue que l’on adore et qui réalise ce qu’on lui demande est un dieu ou une déesse. Donc les échevins ont invoqué la vierge Marie et ont eu gain de cause. Peut-être que Gérard Collomb, échevin moderne aurait dû tenter au début de l’année une démarche analogue pour la COVID 19 ? Qui sait, ça aurait pu marcher.
  • La deuxième, pourrait s’appuyer sur les découvertes les plus récentes qui démontrent la force de l’esprit humain pour lutter contre les maladies. Ainsi le fait de croire sincèrement que la Vierge Marie soit en mesure d’écarter la maladie a permis aux lyonnais et à la force de leur esprit, habité par cette croyance, de lutter efficacement contre la maladie. Dans ce cas, il n’était pas pertinent pour Gérard Collomb de pratiquer cette démarche. La croyance n’est plus au niveau suffisant.
  • La troisième est que par le hasard de l’évolution des épidémies, des routes de commerce et de voyage et par les effets d’un confinement sérieux la ville de Lyon a pu lutter efficacement contre le fléau.

Je n’imagine pas une quatrième hypothèse qui serait que le récit est faux sur les conséquences et que la peste a quand même continué à toucher sérieusement les lyonnais..

J’en étais là, pour expliquer que le maire de Lyon, Michel Noir avait décidé, en 1989, d’accompagner la fête spontanée des habitants et des croyants par des mises en lumière de certains monuments. A partir de 1999, la municipalité a proposé des animations plus importantes réalisées par des professionnels du spectacle. Ces animations lumineuses qui rivalisent par leur créativité et par les moyens qu’elles mobilisent ont transformé cette fête locale en un rendez-vous touristique faisant venir à Lyon, chaque année, un plus grand nombre de visiteurs. En 2018, 1,8 millions de personnes auraient participé à cette fête. Et cette affluence était en recul par rapport aux précédentes années, en raison des mesures de sécurité mises en place en raison du terrorisme.

Certains lyonnais expriment cependant leur désaccord car cette fête institutionnelle et organisée trahirait la tradition.

Et je pouvais conclure triomphalement que cette année, grâce au COVID 19, la fête traditionnelle était enfin de retour et que chaque lyonnais pouvait se réjouir, en mettant des lumignons à ses fenêtres, de renouer avec une fête chaleureuse et se fondant dans la tradition lyonnaise tout en évitant les excès du tourisme échevelé.

En moins de 700 mots, l’article était achevé.

Mais dès que j’ai voulu voir d’un peu plus près je me suis rendu compte que si ma conclusion gardait sa pertinence, l’histoire de l’origine est plus compliquée.

Sur le site officiel de la fête des lumières on trouve le récit suivant :

« Une première église dédiée à la Vierge est construite à Fourvière en 1168. Elle est ravagée lors des guerres de religions qui opposent catholiques et protestants (1562). Restaurée, elle accueille les voeux successifs des habitants et des échevins face aux épidémies. Le 8 septembre 1643, les édiles et conseillers municipaux de l’époque (le prévôt des marchands et les échevins), montent à Fourvière pour demander à la Vierge Marie de protéger la ville de la peste qui arrive du sud de la France. Ils font le voeu de renouveler ce pèlerinage si Lyon est épargnée. Ce vœu est toujours honoré le 8 septembre.

En 1850, les autorités religieuses lancent un concours pour la réalisation d’une statue, envisagée comme un signal religieux au sommet de la colline de Fourvière. C’est le sculpteur Joseph-Hugues Fabisch qui réalise cette statue dans son atelier des quais de Saône.

L’inauguration initialement prévue le 8 septembre 1852 est repoussée au 8 décembre en raison d’une crue de la Saône. Le jour venu, le mauvais temps va de nouveau contrarier les réjouissances : les autorités religieuses sont sur le point d’annuler l’inauguration. Finalement le ciel se dégage… Spontanément, les Lyonnais disposent des bougies à leurs fenêtres, et à la nuit tombée, la ville entière est illuminée. Les autorités religieuses suivent le mouvement et la chapelle de Fourvière apparaît alors dans la nuit.

Ce soir-là, une véritable fête est née ! »

Le 8 décembre dans le calendrier chrétien correspond à la fête de l’immaculée conception, donc à la fête de la vierge Marie. Le 8 décembre date donc non de la première démarche des échevins en 1643, mais d’une fête ultérieure pour inaugurer une statue de la Vierge qui cependant avait vocation à commémorer le « miracle » du XVIIème siècle.

<Lyon Capitale> conteste ce récit à la fois sur la date du premier pèlerinage des échevins et sur la maladie contre laquelle les lyonnais devaient lutter :

« Ainsi, le 12 mars 1643, [les] échevins demandent à la Vierge Marie de protéger la ville d’une épidémie de peste (il s’agissait en fait du scorbut). Ils promettent en échange de faire construire deux statues de la Vierge et de renouveler ces vœux chaque année, le 8 septembre, jour de la Nativité de la Vierge. Lyon est épargné, les échevins respectent leur promesse et renouvellent ce vœu par la suite chaque année. Durant certaines périodes la tradition disparaît, notamment sous la Révolution.

À la fin des années 1840, l’église de Notre-Dame-de-Fourvière, là où les Lyonnais se rendaient pour commémorer le vœu des échevins, a bien vieilli. Les différents bombardements qui ont touché la ville durant la Révolution puis lors des révoltes des canuts ont abîmé les bâtiments de la ville. Dès lors, sans que cela soit lié à la moindre demande ou promesse faite à Marie, les autorités religieuses décident qu’il faut faire reconstruire le clocher en plus grand. Elles décident également d’y installer une statue majestueuse de la Vierge, de cinq mètres de haut. Un concours est organisé pour trouver celui qui réalisera la Vierge et le sculpteur Fabisch est choisi.

Vient alors une grande question pour les autorités ecclésiastiques : quel sera le jour de l’inauguration de la statue, sachant qu’une fête mariale doit être privilégiée. On pense au 15 août, mais ce n’est plus possible, puisqu’il est consacré à la Saint-Napoléon, mise en place par Napoléon III le 16 février 1852. La fête suivante est le 8 septembre, date qui va être choisie jusqu’à ce qu’un événement extérieur change tout. Durant l’été 1852, la ville est inondée, l’atelier du fondeur de la statue est touché. Les autorités décident de repousser les festivités à la fête mariale suivante : le 8 décembre, jour de la conception de la Vierge selon la Bible.

Fin 1852, la ville se prépare à fêter l’inauguration de la statue qui est alors cachée sous un drap, attendant d’être dévoilée. La fête est déjà commerciale puisque les journaux de l’époque vantent les mérites des vendeurs de lumignons et autres éclairages, et certaines publicités sont publiées dans la presse. Néanmoins, le 8 décembre, des orages violents éclatent, les autorités religieuses décident de repousser les festivités au dimanche 12 décembre. Les Lyonnais habitués aux illuminations, une tradition régulière depuis des siècles dans les grandes villes, décident de placer des bougies à leurs fenêtres. La foule envahit les rues, les boutiques qui vendent des éclairages sont prises d’assaut. Ce n’est plus l’Église qui impose le programme à la ville, mais bien l’inverse. Les autorités décident de suivre le mouvement, et illuminent Fourvière. Néanmoins, les festivités officielles pour célébrer cette nouvelle statue se dérouleront ensuite du 12 au 19 décembre. Au final, la tradition retiendra la date choisie par les Lyonnais, celle qui perdurera jusqu’à nous. »

Et puis sur le site officiel de notre Dame de Fourvière, l’auteur essaie de trouver un compromis entre le scorbut et la peste :

« 1638 : Vœu de l’aumône générale : Alors qu’une grave épidémie de scorbut atteint les enfants de la ville et que rien ne semble pouvoir enrayer cette maladie, les administrations de l’Hôpital décident de monter en procession à Fourvière. Progressivement, la maladie diminue et disparaît. Jamais elle ne revint à Lyon.

1643 : Vœu des Echevins : En 1643, alors que la peste fait rage en Europe, la ville de Lyon est menacée par ce fléau. Les notables décident alors de placer la ville sous la protection de la Vierge Marie. Ainsi, le 8 septembre 1643, fête de la Nativité de la Vierge, le prévôt des marchands (équivalent de notre maire) et ses quatre échevins (adjoints), accompagnés d’une foule de Lyonnais, montent en procession à la colline de Fourvière.

C’est dans la chapelle de la Vierge qu’ils font le vœu de monter chaque 8 septembre pour entendre la messe et offrir à l’archevêque sept livres de cire en cierges et flambeaux, et un écu d’or si leur souhait est exaucé.

La cité ayant été épargnée, la tradition se perpétue encore aujourd’hui, manifestant ainsi l’attachement de tous les Lyonnais à la Vierge qui protège leur ville. »

Donc selon ce site il y avait bien peste en 1643 et le scorbut aurait déferlé en 1638.

Bref, dès qu’on creuse un peu tout devient toujours compliqué.

Mais ce qui est certain c’est que les lyonnais fêtent chaque année la fête des lumières, le 8 décembre, que c’est une fête catholique.

Et que cette année, il n’y aura pas de fête organisée et touristique.

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Jeudi 25 juin 2020

«Le point Godwin»
L’instant dans un débat ou dans une discussion où apparait la comparaison avec Hitler ou les nazis

Au commencement, il n’était pas question de « point » mais de Loi Godwin et cette dernière s’appliquait aux discussions en ligne. Reprenons cela.

C’est un avocat américain qui s’appelle Mike Godwin qui a énoncé cette Loi empirique en 1990 :

« Plus une discussion en ligne dure, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de un. »

Ce qui signifie que la probabilité qu’elle se réalise est proche de 100%

Xavier de La Porte avait consacré une chronique en 2014 à ce sujet : <Pour en finir avec le point Godwin>. Il rappelle que Mike Godwin a réalisé ses observations sur Usenet qui constituait des prémices de l’Internet .

C’est pourquoi cette règle s’appliquera facilement à Internet dans une logique de continuité.

Xavier de La Porte fait remonter cette Loi à un philosophe allemand :

« En fait, Mike Godwin applique aux conversations en ligne un phénomène identifié dès le début des années 1950 par le philosophe Léo Strauss sous le nom de « reductio ad hitlerum » (« réduction à Hitler »), et qui consiste à disqualifier l’argumentation de l’adversaire en l’associant à Hitler, au Nazi ou à toute autre idéologie honnie de l’Histoire. »

<Wikipedia> est une nouvelle fois d’un grand secours et permet d’apporter à la fois des nuances et des précisions.

Dans son application première, la Loi de Godwin entend conceptualiser ce moment où l’argument disparaît pour être transformé en des analogies extrêmes essayant de discréditer la position de l’adversaire. Il constitue aussi l’arrêt de la discussion puisque les arguments cessent.

La nuance est que la comparaison avec les nazis n’est pas toujours une figure rhétorique mais peut être légitime quand des paroles ou des actions peuvent rappeler l’époque nazi. C’est le cas lorsque certains commencent à évoquer des discriminations ethniques ou religieuses.

Par exemple, Mike Godwin est intervenu lui-même dans la presse au cours des manifestations de Charlottesville d’août 2017 (rassemblant des supremacistes blancs, des néonazis et d’autres branches de l’alt-right américaine) pour dire que, bien sûr, les participants aux marches pouvaient être comparés à des nazis :

Mais ce n’est pas dans ce cas que la Loi Godwin est pertinente. Il faut plutôt que le sujet de la discussion soit très éloigné d’un quelconque débat idéologique, une comparaison de ce genre est alors considérée comme un signe d’échec de la discussion.

Wikipedia précise :

« Selon Mike Godwin, « le point Godwin » est une expression qui s’est développée dans les milieux francophones : « Pour être tout à fait clair, j’ai inventé la « loi de Godwin », pas « le point Godwin » – cette expression s’est développée chez les francophones. Ceux-ci parlent de « point Godwin » quand ils atteignent, dans la discussion, le stade de la comparaison avec les nazis : ils se décernent mêmes des « points Godwin » par dérision ! J’apprécie cette inventivité linguistique mais, à ma connaissance, cette expression est propre aux francophones.»

C’est pourquoi je trouve intéressant de parler de « point » à partir duquel il est temps de clore le débat, dont il ne sortira plus rien de pertinent.

On dit que l’on a atteint le « point Godwin » de la discussion. Wikipedia analyse :

« Bien que le point Godwin ait originellement le sens de « point de non-retour », les francophones jouent sur deux sens du mot « point », qui peut désigner :

  • soit le moment de la discussion auquel le dérapage survient ; dans ce sens du terme, on atteint le point Godwin ;
  • soit le point en tant que récompense ou mauvais point attribué au participant qui aura permis de vérifier la loi de Godwin en venant mêler Adolf Hitler, le nazisme ou toute idéologie extrémiste à une discussion dont ce n’est pas le sujet ; dans ce sens du terme, on marque ou gagne un point Godwin.»

Recevoir un point Godwin devrait faire réaliser qu’on a été ridicule dans son argumentation.

Il existerait même des « remises de prix » publiques de points Godwin.

Depuis, le point Godwin s’est étendu à d’autres sphères qu’internet.

Par exemple le domaine politique : Le chef d’Etat Recep Tayyip Erdogan, en 2017 a comparé les Pays-Bas et l’Allemagne aux nazis parce que ces deux pays européens avaient refusé l’organisation de meeting turc sur leur territoire.

Pourquoi je parle aujourd’hui du point Godwin ?

Parce que je n’en ai jamais parlé et que cela étend encore les sujets évoqués par le mot du jour.

Mais aussi, parce qu’il a été atteint dans les élections municipales et métropolitaines à Lyon.

Vous savez qu’il est possible que les écologistes s’emparent de la mairie de Lyon et aussi de la métropole de Lyon. C’est pour cette raison que Gérard Collomb s’est associé à la Droite pour éviter ce résultat.

Dans un premier temps, assez naturellement Collomb et ses alliés ont traité les écologistes d’incompétents.

Puis, ils sont allés plus loin, comme le rapporte de journal <Les Echos> Ils les ont traités « d’extrémistes »

« Son camp et celui de la droite dénonçaient le « péril rouge-vert » et « l’extrémisme écologiste ». »

Puis des textes et des mails ont circulé, Annie en a reçu, dans les milieux économiques pour appeler à faire barrage aux écologistes.

Ils se sont nommés « des Acteurs de Lyon ». Ce collectif revendique l’anonymat, de peur d’exposer leurs entreprises qui dépendent parfois de la commande publique.

On peut lire par exemple :

« Les écologistes, c’est la décroissance et la misère. »

Une étape plus loin, Christophe Marguin, président des Toques Blanches lyonnaises qui est une associations de cuisiniers opérant à Lyon, a traité les électeurs des écologistes de « connards ».

Cet homme inélégant est lui-même chef cuisinier du restaurant « Le Président », il est aussi candidat sur la liste LR dans la circonscription Lyon Nord.

Et enfin…

Le Point Godwin a été atteint par un bijoutier lyonnais : Jean-Louis Maier

<Lyon Capitale> rapporte :

« Jean-Louis Maier a franchi un nouveau cap dans un podcast d’Arte Radio publié ce mercredi en comparant les Verts à Adolf Hitler. “Hitler est arrivé au pouvoir démocratiquement. Ce n’était pas une bonne idée”, lâche-t-il. “Le danger est au même niveau entre l’arrivée de Bruno Bernard à la tête de la métropole et celle d’Adolf Hitler pour la population lyonnaise ?”, le reprend le journaliste. “Oui. Quand vous avez perdu la démocratie vous ne la retrouvez pas facilement”, répond, le ton presque inquiet, Jean-Louis Maier. »

Je pense que nous pouvons attribuer le Point Godwin à Monsieur Jean-Louis Maier.

Je me demande quand même si toutes ces agitations ne sont pas contreproductives et ne vont pas conduire des électeurs moins convaincus à voter vert pour rejeter tous ces excès.

Et je ne résiste pas à finir ce mot du jour par une affiche d’antan

Gérard Collomb n’avait pas expliqué, à cette époque, qu’il était pour la retraite à 60 ans …
pour les autres …

Il a fêté le 20 juin ses 73 ans. Dans 6 ans à la fin du mandat qui commencera après les prochaines élections il en aura 79.

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Jeudi 30 avril 2020

« Je pense qu’il faut qu’on ait des masques dans l’espace public. »
Gérard Collomb

Ce matin Gérald m’a envoyé une information, publiée sur Lyon-Mag :

La maire en sursis de Lyon (*) Gérard Collomb veut imposer le port obligatoire du masque dans la ville qu’il dirige encore :

« C’est une mesure forte annoncée ce jeudi matin par Gérard Collomb.

Sur France Info, le maire de Lyon a expliqué qu’à partir du 11 mai, le port du masque devrait être obligatoire dans les rues de la capitale des Gaules.

« Je pense qu’il faut, si on veut éviter d’avoir un rebond sur l’épidémie à la fin du mois de mai, qu’on ait des masques dans l’espace public », a précisé Gérard Collomb, souhaitant s’inspirer des pays asiatiques et nordiques. »

Mais Gérald a immédiatement ajouté :

« De toute façon, impossible à appliquer car la loi interdit de se cacher le visage. Il me semble bien que la loi est supérieure à une décision municipale. Il va donc falloir changer la loi. »

J’ai alors répondu :

« Non je crois que la loi permet de déroger à la règle générale pour des raisons sanitaires. Je vais voir ça, cela occupera ma matinée »

Gérald n’était pas convaincu que cette quête soit utile :

« Je pense que tu as d’autres possibilités d’occupation.

Préparer le prochain mot du jour par exemple. »

Alors pour réaliser ce que je souhaitais faire et écouter son conseil, j’en fais un mot du jour.

Il faut donc en revenir à la source et grâce à Légifrance, c’est un jeu d’enfant

« LOI n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public »

Cette Loi dans son article premier édite l’interdiction :

« Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. »

Voilà une règle simple et sans ambigüité.

Mais nous sommes en France, pays des droits de l’homme, de la nuance et … des exceptions.

Et il suffit d’aller à l’article 2 IIème paragraphe pour constater que l’exception a bien été prévue :

II. ― L’interdiction prévue à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles.

Il y a donc bien eu, dans un bureau obscur du ministre de la justice et qui s’appelait alors ministre de la justice et des libertés et qui était dirigé par Michèle Alliot Marie, un fonctionnaire vigilant qui a imaginé qu’il pourrait exister quelque chose qui ressemble au COVID-19 et a donc soulevé cette petite exception :

« L’interdiction prévue à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est […] justifiée par des raisons de santé. »

Et ainsi grâce à la prévoyance de ce fonctionnaire, bureaucrate disent les ennemis de l’État, il est possible à la fois de respecter la Loi et de porter un masque pour protéger les autres du coronavirus SARS-CoV-2.

Car au-delà de toute polémique, il faut rappeler que le port du masque commun que l’on porte dans la rue n’a pas pour fonction de protéger celui qui le porte, mais de protéger les autres d’une éventuelle contamination que pourrait communiquer le porteur du masque.

(*) Gérard Collomb ne serait plus maire de Lyon sans COVID-19 parce qu’il y aurait une nouvelle équipe municipale au pouvoir. Or, Gérard Collomb ne s’étant pas présenté aux élections municipales mais à la métropole, ne pourrait plus être maire de Lyon.

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