Mercredi 13 novembre 2019

« Mais vivre sans tendresse, on ne le pourrait pas »
Chanson interprétée par Marie Laforêt

Ce 11 novembre, je regardais par la fenêtre de mon salon et je découvrais les couleurs d’automne qui paraient les arbres de rouge, d’orange, de marron et de vert.

J’étais saisi par la beauté de ce moment. Mon premier réflexe fut de prendre une photo, mais j’arrêtais mon élan.

A quoi bon vouloir tout photographier ?

C’est vouloir privilégier la vie dans le futur où on pourra regarder la photo prise, photo qui ne sera jamais aussi belle que ce que je voyais avec mes yeux, dans le présent de ce que je vivais.

Alors j’ai plutôt appelé Annie et sa sœur Simone qui nous offrait sa visite, pour partager cette beauté ensemble, partager ce cadeau.

« La vie c’est cadeau. »

C’est ce que dit Marie Laforêt dans cet entretien à France 5 de 2005.

Elle en avait fait une chanson d’ailleurs.<Cadeau>

Elle est morte le 2 novembre 2019.

Les goûts, les affections ne se commandent pas.

Bien qu’il y eut une véritable ferveur populaire au moment de la mort de Johny Halliday par les gens de ma génération et même de la précédente, je n’éprouvais rien pour lui.

Mais j’aimais les chansons de Marie Laforêt. Elle avait une voix unique, elle était actrice autant que chanteuse et savait communiquer tous les registres de l’émotion.

C’était une personnalité complexe, avec sa part d’ombre.

Elle est née Maïtena Doumenach. C’est Louis Malle qui trouvera son nom de scène : <Marie Laforêt>.

Elle raconte qu’elle a été violée à 3 ans par un voisin. Viol sur lequel des mots n’ont pu être prononcés que bien tard.

On trouve aussi dans un magazine que je n’ai pas l’habitude de lire, une anecdote sur le tournage de « Plein Soleil » de René Clément, film qui l’a rendu célèbre comme il a rendu célèbre un jeune acteur de 25 ans : Alain Delon.

Ce dernier, bellâtre en sa splendeur, lui a simplement lancé : « Tu veux que je te saute ? ». #Meeto n’était pas encore à l’agenda. Elle lui en gardera une rancœur tenace.

Comme tant d’autres elle a connu dans sa vie la violence faite aux femmes.

L’émission <C à vous> lui a rendu un bel hommage, en insistant sur son recul et sa modestie par rapport à son talent, contrairement à Alain Delon.

Elle a dit :

« Ma carrière est de bric et de broc, mais ma vie est remplie du début à la fin »

Cette émission rappelle aussi qu’elle a incarné au Théâtre le rôle de Maria Callas dans ses Master Class.

J’aimais et j’aime toujours particulièrement, parmi ses chansons, « La tendresse », parce qu’elle est belle et parce qu’elle dit une chose simple, mais simplement vraie.

« La Tendresse » est une chanson française écrite par Noël Roux, mise en musique par Hubert Giraud.

Elle a d’abord été interprétée par Bourvil en 1963, et l’année suivante en 1964 elle a été reprise par Marie Laforêt qui l’a rendue célèbre.

Voici les paroles de cette chanson simple

On peut vivre sans richesse
Presque sans le sou
Des seigneurs et des princesses
Y’en a plus beaucoup
Mais vivre sans tendresse
On ne le pourrait pas
Non, non, non, non
On ne le pourrait pas

On peut vivre sans la gloire
Qui ne prouve rien
Etre inconnu dans l’histoire
Et s’en trouver bien
Mais vivre sans tendresse
Il n’en est pas question
Non, non, non, non
Il n’en est pas question

Quelle douce faiblesse
Quel joli sentiment
Ce besoin de tendresse
Qui nous vient en naissant
Vraiment, vraiment, vraiment

Le travail est nécessaire
Mais s’il faut rester
Des semaines sans rien faire
Eh bien… on s’y fait
Mais vivre sans tendresse
Le temps vous paraît long
Long, long, long, long
Le temps vous parait long

Dans le feu de la jeunesse
Naissent les plaisirs
Et l’amour fait des prouesses
Pour nous éblouir
Oui mais sans la tendresse
L’amour ne serait rien
Non, non, non, non
L’amour ne serait rien

Quand la vie impitoyable
Vous tombe dessus
On n’est plus qu’un pauvre diable
Broyé et déçu
Alors sans la tendresse
D’un cœur qui nous soutient
Non, non, non, non
On n’irait pas plus loin

Un enfant vous embrasse
Parce qu’on le rend heureux
Tous nos chagrins s’effacent
On a les larmes aux yeux
Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu…
Dans votre immense sagesse
Immense ferveur
Faites donc pleuvoir sans cesse
Au fond de nos cœurs
Des torrents de tendresse
Pour que règne l’amour
Règne l’amour
Jusqu’à la fin des jours

<1306>

Lundi 30 septembre 2019

« Nous n’allons pas célébrer le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique, mais rendre hommage aux peuples pré colombiens, en particulier aux peuples des caraïbes les tainos arawaks »
Jacques Chirac

Ce lundi nous sommes donc en deuil national. Notre ancien Président de la République, Jacques Chirac, est décédé.

Selon un sondage récent « Jacques Chirac serait le meilleur président de la Vème République » avec Charles de Gaulle quand même.

Et il est, toujours selon les sondages, extraordinairement populaire et a laissé une image « sympathique » : 87% le considèrent comme “proche des gens” et “incarnant bien la France”. Sa personnalité est considérée comme “charismatique” par 83% des sondés, et “dynamique” pour 75%.

C’est très étonnant…

<Il faut écouter Mediapolis d’Olivier Duhamel> pour savoir que les émissions spéciales qu’ont diffusées les chaines de télévision ont fait de mauvais score. Ainsi quand France 2 a décidé de se mettre en émission spéciale et TF1 a décidé de ne pas le faire, il y a eu un transfert énorme de téléspectateurs de France 2 vers TF1. Et si les journaux du lendemain ont fait de meilleures ventes qu’un jour normal, il n’y a aucune comparaison possible avec la mort de Johny Halliday.

Parce que quand même si on reprend des chiffres sérieux des élections présidentielles depuis 1974 et qu’on compare le résultat au premier tour de chaque président élu, là où se révèle les vrais sympathisants et les plus ou moins convaincus, on constate que

  • Chirac a obtenu en 1995, 20,84% (il est vrai que c’était un miracle puisque tout le monde pensait que Balladur serait élu) mais en 2002, alors qu’il était président sortant sans adversaire sérieux dans son camp il a obtenu 19,88 %
  • Giscard en 1974 a eu 32,60 %
  • Mitterrand en 1981, 25,85 % et 34,10 % en 1988
  • Sarkozy en 2007, 31,18%
  • Hollande en 2012, 28,63%
  • Macron en 2017, 24,01 %

C’est le président le plus mal élu de tous les présidents.

Jean-Louis Boulanges dans <le nouvel esprit public> de ce dimanche a probablement révélé une part de vérité :

« Que Chirac soit apprécié de tous n’est pas étonnant, puisqu’il n’a cessé de dire tout et son contraire sa vie politique durant. Ainsi, tout le monde a un morceau de Jacques Chirac dont il peut se réclamer. »

<Sur France Inter> Gilles Finkelstein a dit la même chose :

« Il a été là si longtemps et il a été si changeant que, comme l’a dit Johny, on a tous quelque chose de Jacques Chirac. Ça a fini d’être vrai, il y a au moins un moment, un discours, un acte où nous avons pu nous reconnaître en lui. »

Pour ma part, je ne crois pas qu’il fut un bon président de la république et je n’avais pas particulièrement d’affection pour lui.

Comme l’ont dit Jean-Louis Bourlanges et Gilles Finkelstein c’était un démagogue, une sorte d’archétype de démagogue !

Il en était pleinement conscient. Plusieurs journaux dont Libé rapportent qu’il avait lancé à son équipe de campagne présidentielle de 1995.

«Je vous surprendrai par ma démagogie»

Un jour qu’on l’interrogeait sur ses convictions de droite ou de gauche, il avait eu cette réponse :

«Vous voulez le fond de ma pensée  ? Vous voulez vraiment  ? Eh bien franchement, je n’en sais rien.»

C’est le même article de Libé qui rapporte cette réponse.

Il a vécu sa vie politique sur des trahisons multiples :

  • En 1974, membre de l’UDR, il trahit Chaban-Delmas candidat de l’UDR pour rallier Giscard d’Estaing. Ce dernier lui offrira pour le prix de trahison le poste de premier ministre.
  • Deux ans plus tard il démissionne et s’oppose à Giscard d’Estaing, pourquoi pas. Mais aujourd’hui, il est documenté qu’en 1981 les responsables du RPR donnaient comme consigne oral à leurs militants et sympathisants qu’il fallait voter Mitterrand contre Giscard au second tour.
  • En 1995, il fut lui-même trahi par Balladur, Sarkozy et Pasqua.

Il s’en suivit une campagne, où comme il l’a donc prédit lui-même, d’une démagogie inimaginable. Il prit pour slogan « la fracture sociale ». Gilles Finkelstein analyse très justement que pour être élu dans une élection présidentielle il faut parvenir à imposer le thème principal puis faire croire qu’on est la solution. C’est ce qu’il est parvenu à faire contre Balladur, mais il n’avait pas le début de l’esquisse d’une solution. D’ailleurs, une fois au pouvoir, très rapidement ce thème n’était plus du tout prioritaire.

En 2002, il fit de même avec Jospin et parvint à imposer le thème de l’insécurité.

Ce fut un animal politique qui sut méthodiquement détruire toute concurrence dans son camp et tout homme ou femme qui s’opposait à lui. A la fin, il fut quand même écarté par Sarkozy qui le traita de « roi fainéant ». Sa haine à l’égard de Nicolas Sarkozy n’eut pas de répit. Probablement que dans sa popularité, il y a une part de cette aversion anti sarkozienne qui plut beaucoup à tous ceux que Sarkozy indisposait.

Alors, il était sympathique avec tous ceux qui n’étaient pas des concurrents politiques. Il était capable d’aller vers les gens avec empathie et visiblement aimait cela.

Tout n’a pas été négatif.

  • Il a su s’opposer à cette guerre imbécile que Bush fils a déclenché en Irak,
  • Il a mis fin au récit gaulliste mensonger sur une France sans tâche pendant la guerre, lors de son remarquable discours du Vel d’Hiv,
  • Il a mis fin à la conscription, de cette obligation pour les jeunes garçons de passer une année voire plus dans l’armée.
  • Il a été un des hommes de droite qui a voté l’abolition de la peine de mort.
  • Il a lancé des plans qui ont eu un impact positif : le plan cancer, le plan sécurité routière et aussi la charte de l’environnement.

Vous trouverez des précisions dans cet article de Sciences et Avenir

On sait moins qu’il participa à la création de l’ANPE.

La création de l’Agence nationale pour l’emploi date du 13 juillet 1967. A l’époque, le pays ne compte guère à l’époque que 430 000 chômeurs, soit 2,1 % de la population active. L’ordonnance créant l’ANPE est signée, entre autres, par le secrétaire d’Etat aux Affaires sociales chargé des problèmes de l’emploi : Jacques Chirac.

Mais si on creuse un peu plus, on pourra trouver quand même un point où Jacques Chirac fut grand et visionnaire.

Car la bienveillance s’efforce toujours de trouver, au milieu des défauts, les qualités.

Françoise Giroud avait révélé une part de son jardin secret :

« D’habitude, les hommes lisent Playboy ou Lui cachés derrière un ouvrage de poésie. Chirac, lui, lit un livre de poésie caché derrière un Playboy »,.

Il eut la passion des autres cultures, c’est-à-dire des cultures non européennes.

Il fut le chantre des « arts premiers » terme qu’il parvint à imposer à « art primitif » qui sous-tend une hiérarchie qu’il récusait.

Le musée du quai Branly, qui a pris le nom de « Jacques Chirac » fut la concrétisation de ce beau combat.

L’année même où il refuse la guerre en Irak, il annonce la création d’un département des arts de l’Islam au Louvre.

Mais il était aussi passionné des arts et de l’Histoire de la Chine, de l’Inde et du Japon. Jamais, il n’étala cette immense culture de l’ailleurs publiquement.

Jean-Jacques Aillagon qui le connaissait bien explique :

« Chirac avait une vision de la France ouverte, généreuse, faite de collages et de synthèses. Il était contre le choc des civilisations. C’est un enfant de la première moitié du XXe siècle, de la négritude, du musée imaginaire d’André Malraux et de l’appel de Stockholm. »

On sait maintenant que lycéen il séchait des cours pour des visites répétées au Musée Guimet, à Paris, musée des arts asiatiques.

On pourrait croire que ce sont des récits qui revisitent l’histoire de Jacques Chirac pour y mettre un grain d’élévation.

Rien ne serait plus faux, aujourd’hui les témoignages se multiplient pour démontrer que cette culture n’était pas feinte, mais profonde et précise.

Ainsi, un voyage officiel à Shanghaï manque de tourner à l’incident diplomatique lors de la visite du Musée de la ville. « Ils ont voulu nous tester en sortant une silhouette en bronze d’un cochon et en prétendant qu’il s’agissait d’un objet du VIIe siècle avant J.-C. Chirac dit : “Ils sont fous, c’est du Xe siècle avant J.-C. », raconte Christian Deydier. Petite passe d’armes, les esprits s’échauffent de part et d’autre, avant que lesdits spécialistes chinois n’admettent leur erreur…

Et lors d’un voyage les 21 et 22 octobre 2000, en Chine il se rendit à Yangzhou, ville natale du président chinois de l’époque, Jiang Zemin, pour admirer les beaux paysages ainsi que la culture de cette ville ancienne.

Accompagné de Jiang Zemin, Jacques Chirac visita le musée de Yangzhou et les tombeaux de la dynastie des Han. À la fin de sa visite, M. Chirac a demandé à aller voir le Grand Canal creusé dès la dynastie des Sui. Ce canal relie Hangzhou, au Sud de la Chine, à Beijing, via les provinces du Jiangsu, du Shandong, du Hebei et la ville de Tianjin. Ce désir particulier initia une conversation sur l’ascension et la chute des Sui. À propos du nombre d’empereurs de la dynastie des Sui, un Chinois a affirmé sans réfléchir : « Deux, les empereurs Wendi et Yangdi des Sui ». « Mais non, l’a immédiatement corrigé Jacques Chirac. Ils étaient trois. Le dernier est l’empereur Gongdi, qui régna de l’an 607 à 608 ; Li Yuan était le prince régent. »

Le matin du 22 octobre, alors que le président Jiang prenait le petit-déjeuner avec le président Chirac, il dit à ce dernier :

« J’ai vérifié hier soir et vous aviez raison, la dynastie des Sui a bien eu trois empereurs. Le troisième fut l’empereur Gongdi ».

<France Culture a invité Jean-Jacques Aillagon> ancien ministre de la Culture, sous la présidence de la République, qui a narré l’histoire suivante :

En 1991, Jean-Jacques Aillagon était directeur des affaires culturelles de la Mairie de Paris. Et se souvenant qu’en 1492, l’Europe découvrit l’Amérique, il envoya plusieurs fiches à Jacques Chirac pour lui proposer de créer un évènement culturel à Paris pour célébrer ce 500ème anniversaire. Le maire de Paris ne lui répondit pas, mais lui demanda de passer le voir :

« Ecoutez Aillagon, on ne va quand même pas célébrer le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique.

Nous autres européens, nous nous sommes comportés de façon ignoble.

Nous avons détruits des civilisations. Nous avons anéantis des peuples.

Nous avons importé nos maladies.

Nous avons fait croire que notre religion était meilleure que celle des peuples soumis.

Nous n’allons pas célébrer le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique, mais rendre hommage aux peuples pré colombiens, en particulier aux peuples des caraïbes les tainos arawaks.

Vous savez bien sur tout sur la civilisation des tainos arawaks. ?

Ma culture sur la civilisation des tainos et des arawaks était à l’époque très sommaire et je réponds « bien sûr » Monsieur le Maire

Si vous n’en savez pas assez, allez voir Jacques Kerchache et vous pourriez peut-être, lui confier le commissariat de cette exposition qui pourrait se dérouler au Petit Palais.»

Et cette <exposition> eu lieu au Petit Palais en 1992. Si vous suivez le lien que je vous donne vous entendrez même Jacques Chirac montrer son érudition et présenter des pièces de l’exposition.

Ce qu’il y a de grand dans ce « jardin secret » de Jacques Chirac, c’est son ouverture au monde et sa compréhension que l’Europe n’est ni seule, ni au centre du monde mais qu’il y avait d’autres civilisations tout aussi respectables, qu’il a étudié et qu’il s’est efforcé de connaître et d’approfondir.

Cela explique aussi peut-être, au-delà des contingences politiques, pourquoi il s’est opposé de suivre la « petite civilisation américaine » (en terme de profondeur historique) dans sa guerre à l’Irak, lieu de la Mésopotamie et de la civilisation islamique de Bagdad.

Jacques Chirac un antidote au choc des civilisations !

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Vendredi 20 septembre 2019

« Puisqu’on peut mourir du jour au lendemain, quel risque je prends à tenter de faire ce qui me plaît ? »
Alex Beaupain

C’est encore Frédéric Pommier qui m’a guidé vers cette phrase, cette histoire, cet article publié le 15 septembre 2019 par « le Monde ».

Alex Beaupain est né à Besançon en 1974, il est auteur-compositeur-interprète et aussi compositeur de musiques de films français.

Ce chanteur sort un sixième album, et « Le Monde » l’interroge dans sa série <Je ne serais pas arrivé là si…> dans laquelle le journal interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence.

Et Alex Beaupain raconte :

« La réponse est sordide, mais évidente : si mon amoureuse, Aude, n’était pas morte quand j’avais 26 ans. C’est l’événement fondateur.

Nous étions ensemble depuis dix ans. C’était un premier amour, très fort, très fusionnel.

Et puis un soir, nous étions avec des amis en boîte de nuit, à Paris, et elle a eu un arrêt cardiaque. Mort subite. On n’en connaît toujours pas la raison. C’était en novembre 2000.

Ce décès brutal a déclenché deux choses.

En partant de cet événement, j’ai commencé à écrire de bonnes chansons, plus intéressantes, plus profondes.

Et puis, devant l’absurdité de cette disparition, je me suis dit : puisqu’on peut mourir du jour au lendemain, quel risque je prends à tenter de faire ce qui me plaît ? »

Et il ajoute :

«  Face à un deuil, certains se replient, d’autres se libèrent. Moi, cela m’a profondément libéré. Avant, j’étais un garçon assez velléitaire. J’avais fini par décider, trois ans plus tôt, d’essayer d’être chanteur. Mais la mort d’Aude m’a rendu plus volontaire. D’autant qu’elle croyait beaucoup en moi, beaucoup trop par rapport au petit talent que j’avais à l’époque. Elle avait par exemple décidé que c’est elle qui travaillerait, pour que je me consacre aux chansons. Elle m’avait offert le piano numérique sur lequel je joue encore.

[…] Je ne sais pas si j’ai fait son deuil, mais j’ai réussi à faire quelque chose de ce deuil. Quelque chose de l’ordre de l’énergie, de la vie. Quelle chance de pouvoir ainsi élever des tombeaux aux gens qu’on a aimés, et de continuer à les faire vivre – même si je suis athée !

La mort d’Aude a été assez exceptionnelle de ce point de vue : elle a suscité des livres de sa sœur, Isabelle Monnin, le film de Christophe Honoré, mes chansons… J’en ai peut-être abusé. »

La carrière d’Alex Beaupain a été lancée en 2007 par le film de Christophe Honoré : « Les chansons d’amour », pour lequel il a écrit la musique récompensé par le César 2018 de la meilleure musique de film.

Il reconnait tout ce que ce film lui a apporté :

« Encore un « Je ne serais pas arrivé là si » ! Ce film a sauvé ma carrière. Après avoir pensé que je m’étais totalement planté, le fait que mes chansons intégrées à ce film soient écoutées, appréciées, m’a rassuré. Avec juste un doute : est-ce qu’elles plaisent quand elles sont interprétées par de bons acteurs, et sont insupportables quand je les chante, moi ? »

Les « Inrocks » avaient écrit à propos de ce film :

« Un drame musical enchanteur, un film gai et grave sur l’amour et l’absence. Sublime. »

<Liberation> a aussi consacré un article à ce film, à l’épisode fondateur et à la personnalité du chanteur :

«  Alex Beaupain. Ce dandy pop, 34 ans, a longtemps chanté sa compagne disparue subitement. Drame qui a fait la trame du film «les Chansons d’amour» de Christophe Honoré. […]

Alex Beaupain écrit et chante des chansons d’amour, de perte, et de confusions des sexes et des sentiments. Novembre est son mois et la pluie, sa saison. Il chante sa vie, puisque la vie ne lui a pas donné le choix. Mais avec cette distance élégante, qui rend le très grave suffisamment léger pour en faire des refrains. Dandy mais pas poseur, il laboure le petit sillon de la pop romantique des chanteurs sans voix qui reliait déjà Françoise Hardy à Etienne Daho. Et aujourd’hui, il est probablement un des auteurs les plus talentueux de la chanson française.

Tout a vraiment commencé quand tout s’est effondré. D’une façon aussi violente qu’absurde. Ce soir de novembre 2000, lui et son amoureuse sortent en boîte de nuit avec des amis. Elle s’écroule. D’un coup, sans prévenir, comme si la vie lui avait été retirée d’un claquement de doigts. Il n’en dira pas plus. «Mes chansons sont déjà suffisamment impudiques comme ça. Je n’ai pas envie que les détails de ce moment-là se retrouvent imprimés dans un journal.» Il nous fera même promettre de ne pas écrire son nom. Ce sera donc A.

Elle et lui vivent depuis six ans un amour de jeunesse, à la vie à la mort, qui n’a pas eu le temps de négocier les premières concessions. Ils se sont embrassés pour la première fois à Besançon. Après le bac, ils partent à Paris pour intégrer Sciences-Po et vivre ensemble. En couple modèle. «Il ne faisait aucun doute pour moi que c’était la femme de ma vie», dit-il. «C’était un pôle d’attraction d’une force incroyable. D’ailleurs on était rarement ami de l’un ou de l’autre, mais presque toujours des deux à la fois», se souvient Didier Varot, ami du couple et à l’époque directeur artistique d’une maison de disques. Leur appartement est ouvert aux quatre vents, et à ces soirées de tarot qui ont du mal à s’épuiser avant cinq heures du matin. Il est étudiant velléitaire et secrètement auteur-chanteur-compositeur. A. est son seul public. Elle le pousse, l’encourage. Il fait comme s’il ne l’entendait pas. Christophe Honoré, à l’époque apprenti cinéaste, est l’un des premiers à être mis dans la confidence de cette ambition rentrée. Il exige une invitation formelle pour un concert à domicile. «Un moment horriblement stressant», se souvient Alex Beaupain. Honoré aime immédiatement les chansons et le convainc de se mettre au travail. Il envoie plusieurs titres à une cinquantaine de producteurs. En retour : deux courriers qui ne donneront rien. Si ce n’est l’envie de faire son premier concert dans un bar minuscule, le Paris-aller-retour. Son petit frère est à la guitare, lui au piano. A. au premier rang.

Trois semaines après la mort de A., Alex écrit une chanson, Brooklyn Bridge.«D’un seul coup je trouve une profondeur que je n’avais jamais réussi à approcher.» Cette mort devient, malgré lui, un puits d’énergie positive, d’urgence créatrice. Son drame, son inspiration. «C’est ma culpabilité : écrire des belles chansons grâce à sa disparition.» Alors il la chante, elle, leur vie, leur amour, cette absence inconsolable et ses larmes qui ne «servent à rien». Chaque petit détail de leur vie à deux vient s’incruster dans ses couplets.

Ses copains lui payent de quoi aller enregistrer à Besançon une maquette. En 2005, son premier disque, Garçon d’honneur, sort. Un bide commercial. Mais un an plus tard, Christophe Honoré lui propose d’écrire une comédie musicale à partir de ses chansons et de son histoire. Ce sera les Chansons d’amour. Le film est écrit en quelques semaines. Les chansons enregistrées en six jours. Alex Beaupain se tient à distance du tournage, sauf pour une scène. C’est lui qui interprète le chanteur lors du concert où l’héroïne, jouée par Ludivine Sagnier, décède. Sur scène, il chante Brooklyn Bridge. La boucle est bouclée. Le film est sélectionné à Cannes et la bande originale reçoit un césar. Depuis Alex Beaupain vit (chichement) de sa musique. »

Il n’est pas, nécessaire de philosopher longuement, mais de se répéter simplement cette phrase de vie, d’évidence et d’énergie :

«Puisqu’on peut mourir du jour au lendemain, quel risque je prends à tenter de faire ce qui me plaît ?  »

Alex Beaupain a bien sûr un site qui lui entièrement dédié : http://alexbeaupain.artiste.universalmusic.fr/

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Jeudi 11 juillet 2019

« Seul le meilleur est acceptable »
Herbert von Karajan (5 avril 1908 – 16 juillet 1989)

Karajan est né dans une famille autrichienne et il avait aussi un ancêtre paternel originaire de Grèce comme Sappho de Mytilène.

Il est né à Salzbourg, la ville où est né Mozart

Le 16 juillet 2019, cela fera 30 ans qu’il a quitté la communauté des vivants.

Il y a 30 ans j’étais plus jeune et je crois que j’étais très injuste dans mon appréciation sur ses qualités et son importance dans la musique.

Je me souviens de discussions passionnées avec mon ami Bertrand G. qui considérait que c’était le plus grand.

Moi je ne voyais que la part d’ombre

Le fait qu’il avait par deux fois adhéré au parti nazi, pour sa tranquillité et pouvoir continuer à exercer son métier. Il n’était cependant pas dans les grâces d’Hitler qui le traitait de « freluquet autrichien ».

Je n’aimais pas, à l’époque, son côté autocrate, je disais « dictatorial ».

Je n’aimais pas ses interprétations et préféraient toujours d’autres interprétations.

Chaque fois qu’il y avait une histoire drôle à ses dépens je m’en délectais.

Comme celle qui mettait en scène 3 grands chefs de l’époque qui se disputait pour savoir qui est le plus grand.

« C’était d’abord Bernstein qui disait : c’est moi le plus grand parce que je suis aussi compositeur et que j’ai composé West Side Story,

Solti s’approchait alors en disant : Dieu m’a dit…

Immédiatement interrompu par Karajan répliquant : comment ça je ne t’ai rien dit. »

Mon frère m’a rapporté que lorsque l’Octuor de Paris dont il était membre, était allé à Berlin pour un concert à la Philharmonie, lui et ses collègues avaient demandé au chauffeur de taxi de les emmener à la Philharmonie. Le chauffeur de taxi avait conclu :

« Ah oui au Karajan Circus »

Ou cette autre histoire :

C’est Karajan qui prend un taxi à Berlin. Le chauffeur lui demande : « Où dois-je vous emmener Maestro ? ». Et la réponse de Karajan : « N’importe où, partout on a besoin de moi ! ».

Et cette manie de diriger les yeux fermés dans les années 1970 !

Simon Rattle dit aujourd’hui :

« Les dernières années lorsque Karajan se mit à diriger les yeux ouverts. […]. Ce contact visuel établi sur le tard avec ses musiciens, après des années où il sembla commander à des escadrons fanatisés, est comme une rédemption. »

Et il est vrai qu’à la fin de sa vie, Karajan est tombé gravement malade et il ne pouvait plus garder les yeux fermés pour une question d’équilibre.

Et je me souviens que Yehudi Menuhin disait : « Il est tombé malade et a gagné énormément en humanité.»

Mais ce n’était que l’écume des choses !

J’ai beaucoup appris depuis et notamment à travers les propos de Christophe André sur « l’admiration »

« L’admiration, c’est la volonté de porter son regard sur ce qui rend le monde meilleur. […]

Admirer quelqu’un alors qu’on connait bien ses travers !

L’admiration est un contraire de la mesquinerie qui va chercher les défauts derrière les qualités.

Plusieurs travaux de psychologie positive ont mesuré en laboratoire les conséquences de différentes formes d’admiration […] ont confirmé qu’admirer nous rend meilleur, plus proche des autres, plus altruiste, plus motivé à progresser »

Et maintenant 30 ans après, je vois surtout son extraordinaire capacité d’aller vers la plus grande qualité d’interprétation, l’approfondissement.

Dans des propos rapportés par le Figaro Magazine du 22 juillet 1989, il disait :

« Seul le meilleur est acceptable !

La maladie affolante de notre société c’est de ne pas demander le meilleur possible »

Contrairement à d’autres grands chefs, et à ceux d’aujourd’hui qui folâtrent d’un orchestre vers l’autre et qui ont la responsabilité de deux voire trois orchestre, lui a été le chef d’un seul orchestre : l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Parfois il allait diriger l’Orchestre Philharmonique de Vienne mais revenait toujours à son orchestre, dans un travail en profondeur pour obtenir une pate orchestrale et une qualité unique et phénoménale.

Et que dire lorsqu’on sait qu’alors il était tout à la fin de sa longue carrière et qu’il entendit Evgeny Kissin 16 ans alors, jouer du piano il fut ému aux larmes.

Son épouse Eliette Mouret raconta comment malgré ses tentatives répétées de lui faire rencontrer Pablo Picasso, elle n’arriva jamais à l’organiser, Karajan parvint toujours à se défiler.

Après la mort du peintre, son épouse lui demanda si ça ne l’aurait pas intéressé de le connaître. Il répondit :

« Si bien sûr, beaucoup, mais je ne pouvais pas m’imaginer que ce serait intéressant pour lui de me rencontrer »

Il était aussi visionnaire et a pleinement participé à l’essor des nouvelles technologies audio.

<Il joua un rôle éminent dans l’émergence du CD>

Evidemment, 30 ans après c’est devenu un support du passé.

Jamais Karajan ne fit de concessions à l’exigence musicale.

Ce fut un des plus grands musiciens interprètes du XXème siècle.

Je me délecte aujourd’hui à écouter les enregistrements qu’il a laissés à l’Histoire.

Et si je dois en choisir qu’un petit nombre je prendrai :

Le Pélléas et Mélisande de Debussy


Le Parsifal de Wagner


Et son anthologie des œuvres de Berg, Webern et Schoenberg


Et une madeleine de Proust : Les préludes de Liszt


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Jeudi 14 février 2019

« La petite seconde d’éternité
Où tu m’as embrassée
Où je t’ai embrassée »
Jacques Prévert

Pour la Saint Valentin, ces vers de Jacques Prévert (1900-1977) extrait du poème « Le Jardin »

Le jardin

Des milliers et des milliers d’années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d’éternité
Où tu m’as embrassée
Où je t’ai embrassée
Un matin dans la lumière de l’hiver
Au parc Montsouris à Paris
A Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.

Ce poème est extrait du recueil « Paroles » qui a été publié pour la première fois en 1946.

C’est Jean-Louis Trintignant qui m’a fait découvrir ce poème, alors qu’il était l’invité de de Léa Salamé sur France Inter le <jeudi 13 décembre 2018>

J’avais déjà cité cette émission, lors du mot du jour du 14 décembre 2018, parce que Jean-Louis Trintignant s’était exprimé sur la crise des « gilets jaunes » :

« Entre les gens qui nous gouvernent et les gens qui souffrent, il y a un fossé. […] Macron je pense que c’est un homme honnête mais il n’a jamais eu faim. Il n’est pas assez proche du peuple »

Il avait aussi ajouté cette profession de foi :

« Je reste de gauche bien sûr. Les progrès sont des progrès de gauche. Les progrès de droite sont stupides. »

Mais il était invité à cette émission pour parler du spectacle qu’il donnait du 11 au 22 décembre 2018 à la Porte Saint Martin, spectacle de poésie sur de la musique argentine.

Pendant l’émission il a déclamé ces vers de Prévert.

« La petite seconde d’éternité où tu m’as embrassée… »:

Il a ajouté :

« Mais Prévert, c’était sans doute un type merveilleux. Je l’ai connu un petit peu. »

Il a cité aussi d’autres poètes comme par exemple Pierre Reverdy qui a écrit :

« On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux »
(tiré de «plupart de temps» )

Il a aussi été invité par Claire Chazal sur la 5, <émission> dans laquelle on voit de courts extraits du spectacle.

Mais, finissons par un autre poème de Prévert tiré du recueil « Paroles »

Paris at Night

Trois allumettes, une à une allumées dans la nuit

La première pour voir ton visage tout entier

La seconde pour voir tes yeux

La dernière pour voir ta bouche

Et l’obscurité toute entière pour me rappeler tout cela

En te serrant dans mes bras.

<1191>

Jeudi 7 février 2019

« Un homme qui lit en vaut deux »
Edmond Charlot

Mardi, j’ai parlé du livre de Frédéric Gros « Désobéir ».

Hier, j’ai rappelé un mot du jour d’il y a 4 ans qui parlait des bibliothèques.

Et aujourd’hui, je vais évoquer un homme exceptionnel, qui était un insoumis et qui était un libraire, un bibliothécaire et un éditeur.

Edmond Charlot est cet homme qui disait non.

Il est connu comme le premier éditeur d’Albert Camus.

Edmond Charlot est né en 1915 à Alger, alors que l’Algérie était colonie française.

Wikipedia nous apprend que sa famille était de longue date en Algérie puisque son arrière-grand-père paternel débarque en 1830 en Algérie et que ses ancêtres maternels, y sont arrivés en 1854.

Il croise Albert Camus au lycée d’Alger et leur professeur de philosophie commun, Jean Grenier encouragea Camus à écrire et conseilla à Edmond Charlot de se lancer dans l’édition

Et c’est ainsi que Charlot édita à Alger, en mai 1937, le premier livre d’Albert Camus : « L’envers et l’Endroit » qui est dédié à Jean Grenier.

Mais avant cette première, Edmond Charlot, sous ses initiales « E. C. », avait publié en mai 1936 (à 500 exemplaires) « Révolte dans les Asturies », pièce de théâtre collective écrite d’après un scénario de Camus et interdite par la municipalité d’Alger. Dès le début de sa vie d’adulte (21 ans) Edmond Charlot su dire Non et braver les interdits.

Mais sa première grande aventure fut d’ouvrir un lieu singulier et exceptionnel. Il demanda à Jean Giono l’autorisation d’utiliser le titre de son livre paru en 1936 : « Les Vraies Richesses ».

Je cite wikipedia :

«Edmond Charlot ouvre le 3 novembre 1936 à Alger, 2 bis rue Charras, à deux pas des facultés, une minuscule librairie « Les Vraies richesses », offrant Rondeur des jours de Giono, qu’il publie à 350 exemplaires sous la même enseigne, à ses premiers clients. Tout à la fois bibliothèque de prêt, maison d’édition et galerie d’art (des dessins et trois toiles de Bonnard y sont exposés dès l’ouverture pendant trois mois), elle devient l’un des principaux lieux de rencontre des intellectuels d’Alger, écrivains, journalistes et peintres »

Et à l’entrée de cette librairie, bibliothèque, maison d’édition, galerie d’Art, Edmond Charlot avait affiché cette phrase : « Un homme qui lit en vaut deux ».

C’est ce qu’a raconté Kaouther Adimi dans l’émission « La grande librairie » où elle était venu présenter son livre « Nos richesses » qui évoque le personnage d’Edmond Charlot et surtout sa librairie, bibliothèque « Les vraies richesses » qui existe encore, la rue a été rebaptisé Hamani.

J’ai découvert cette histoire, ce personnage et l’écrivaine algérienne Kaouther Adimi née en 1986, aussi à Alger, alors que je faisais des recherches sur désobéir de Frédéric Gros qui était invité de cette même émission..

La BNF avait commémoré le centième anniversaire d’Edmond Charlot et décrit ainsi son aventure :

« En 1936, Edmond Charlot (1915-2004), soutenu par son professeur de philosophie Jean Grenier, ouvre en plein cœur d’Alger une librairie, « Les Vraies Richesses », qui publie notamment les premières œuvres d’Albert Camus et prend immédiatement place dans la vie littéraire et culturelle algéroise. Le débarquement allié du 8 novembre 1942 favorise l’essor des éditions Charlot, qui étendent leur champ de publication aux auteurs de la France combattante puis à la littérature méditerranéenne. À la Libération, la maison d’édition tente l’aventure parisienne, tout en maintenant son siège social à Alger. Elle s’ouvre alors aux plus grands noms de la littérature internationale et aux jeunes auteurs français. Après une percée spectaculaire, elle disparaît à la fin des années 1940, affaiblie par des difficultés économiques et par la forte concurrence qui divise l’édition française au lendemain de la guerre. Edmond Charlot poursuit alors ses activités de libraire-éditeur sous d’autres horizons, et joue un rôle de médiateur culturel aussi bien dans le monde de la radio que dans celui de la coopération.

Ce colloque vise à montrer le contexte historique dans lequel est née cette maison d’édition, à mettre l’accent sur son développement et sur les hommes, auteurs et administrateurs, qui l’ont permis, à souligner enfin l’originalité et les innovations des éditions Charlot dont les ouvrages sont aujourd’hui recherchés par les bibliophiles. Il veut également illustrer la diversité des engagements d’Edmond Charlot, au service de la littérature, de l’information et de la culture. »

Charlot a côtoyé et édité les plus grands écrivains et intellectuels de son temps, de Camus à Giono, en passant par André Gide, Vercors, Bernanos, Moravia, Saint Exupery, Frison Roche, Joseph Kessel…

Il participa aussi aux activités de la France Libre et publia à Alger « Le silence de la mer » de Vercors qui était un ouvrage interdit par le Régime de Vichy. Il fit d’ailleurs de la prison mais pu être rapidement libéré grâce à l’intervention d’une de ses connaissances auprès du Ministre de l’Intérieur.

Le reste peut être lu sur la page wikipedia qui lui est consacré

En septembre 1961, pendant la guerre d’Algérie Edmond Charlot subit, comme « libéral » opposé à tous les attentats, deux plasticages attribués à l’OAS qui détruisent la quasi-totalité de ses archives, de sa correspondance et des notes de lecture de Camus. Le directeur de Radio-France à Alger lui confie alors la réalisation de pages culturelles quotidiennes. En décembre 1962, quand la radio est remise à l’Algérie, il revient à Paris.

Il aura ainsi diverses activités culturelles à Paris mais décèdera en avril 2004, presque aveugle et dans une situation financière assez dégradée à Béziers.

Vous pourrez visionner <interview d’Edmond Charlot réalisée au printemps 2003> par RFI.

Cette destinée donne vraiment envie de lire le roman Kaouther Adimi : « Nos Richesses »

Beaucoup d’articles sont consacrés à ce livre et en regard au destin d’Edmond Charlot.

Ainsi « L’Humanité » : « Entrée dans les Vraies Richesses d’Edmond Charlot »

Kaouther Adimi explique notamment :

«  C’était un homme hors du commun. J’ai pour lui une immense affection sans l’avoir jamais rencontré. Il ouvre sa librairie-maison d’édition à seulement 20 ans, avec ce slogan : « Des jeunes par des jeunes pour des jeunes. » C’est ambitieux. Il aime la littérature avec passion. C’est sa boussole. Durant la Seconde Guerre mondiale, il manque de papier. Il doit à cause de cela refuser l’Étranger de Camus. Charlot est le grand éditeur résistant de la France libre. Il est en lien avec de Gaulle. Pourtant, à la fin du conflit, il est quasiment oublié. À Paris, ses concurrents ne lui laissent aucune place. Il est mis à la porte de sa maison d’édition par ses amis, ceux qu’il avait accueillis à bras ouverts… Rentré à Alger complètement ruiné, il ­remonte une nouvelle librairie qu’il nomme Rivages. Il se fait plastiquer à deux reprises. Il ne renonce pas pour autant. À la retraite, il s’installe à Pézenas, où il ouvrira avec sa femme une ultime petite librairie.

J’ai emprunté des éléments d’information à partir d’interviews. J’ai effectué un travail considérable sur les archives existantes, sans me priver d’inventer. Je le fais ­notamment réagir sur les massacres de Sétif en 1945, alors qu’il était à Paris.

Il est très jeune quand il édite la pièce de Camus Révolte dans les Asturies, interdite par le maire d’Alger. Il publiera Vercors. Étiqueté comme résistant libéral, il aura maille à partir avec les communistes. Son grand projet : éditer tous les auteurs de la Méditerranée quels qu’ils soient. Je n’ai pas voulu faire l’impasse sur le contexte historique, en m’efforçant toutefois de ne rien figer. Dans le texte, j’utilise le « nous », qui me permet de raconter en même temps la petite et la grande histoire. Ce « nous » appartient à la mémoire collective, c’est le « nous » de ceux qui habitent le pays. J’ai imaginé la fermeture de la librairie comme simple ­prétexte narratif pour mieux raconter le lieu. J’avais en tête l’anecdote – je l’ai d’ailleurs utilisée – selon laquelle Edmond Charlot, pensant que sa librairie avait dû baisser le rideau, aurait dit en riant : « Peut-être qu’aujourd’hui on y vend des beignets. » J’ai voulu pointer du doigt le peu d’intérêt qu’on a le plus souvent pour ce type de lieux si essentiels. J’ai été récemment peinée par la disparition de certaines librairies à Alger, comme la librairie l’Espace Noun. La librairie des Beaux-arts, rue Didouche Mourad, a échappé in extremis au même sort.

[…] Par bonheur, le local des Vraies Richesses est toujours ouvert et l’on y trouve des livres d’Edmond Charlot. C’est une bibliothèque de prêt. »

Sur le site de France Info : « L’hommage de Kaouther Adimi à Edmond Charlot »

Il y aussi cette page : <Les richesses que dévoile Kaouther Adimi>

Et ces blogs :

<Les librairies d’Edmond Charlot>

Edmond Charlot, reviens la littérature algérienne a besoin de toi >

Une belle rencontre.

Je ne sais pas si homme qui lit en vaut exactement deux, mais il est certain qu’il grandit intérieurement.

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Jeudi 13 décembre 2018

« La beauté de la fêlure : Le Kintsugi»
Art japonais pour réparer ce qui est cassé

Le récit japonais raconte qu’à la fin du XVe siècle, le shogun (chef de guerre) Ashikaga Yoshimasa aurait renvoyé en Chine, un bol de thé chinois auquel il tenait et qui était endommagé, pour le faire réparer. Mais la réparation chinoise lui avait fortement déplu. Et il aurait donc demandé à des artisans japonais de trouver un moyen de réparation plus esthétique, et qui prenne en compte le passé de l’objet, son histoire et donc les accidents éventuels qu’il a pu connaitre.

C’est cette démarche qui aurait été à l’origine de l’art traditionnel japonais de la réparation de la céramique cassée avec un adhésif résistant aspergé ensuite de poudre d’or.

Cet art s’appelle « le Kintsugi. ». Le terme «  Kintsukuroi » désignant quant à lui l’art de réparer l’objet de façon à ce qu’il devienne plus solide et plus beau cassé.


Dans cet art, je dirai cette philosophie, La casse d’une céramique ne signifie plus sa fin mais un renouveau.

Il ne s’agit donc pas de cacher les réparations, mais de mettre en avant la zone brisée en recouvrant les fissures d’or. C’est donc par le métal symbole de valeur, symbole de richesse  que les fêlures seront comblées, réparées, embellies.

Il existe des sites qui parlent de cet art pour l’étendre à la vie humaine et à la maladie : « La vie Kintsugi »

Nous sommes ici dans une philosophie de vie qui pense quand quelque chose qui a de la valeur se brise, il ne faut pas le jeter, le mettre de côté, mais le réparer pour qu’il devienne plus beau et plus fort.

Bien sûr cela peut certainement s’appliquer aux humains et aux sociétés humaines.

Le mot du jour du 17 Juin 2016 évoquait une idée proche, un livre d’Abdennour Bidar : «Les tisserands : réparer ensemble le tissu déchiré du monde».

<Le site Cosmopolitan> donne plus de détail sur cette technique :

« De kin, l’or, et tsugi, la jointure, le kintsugi évoque l’art japonais de réparer un objet cassé en soulignant ses fissures avec de l’or plutôt qu’en les camouflant. Les éclats de l’objet cassé sont récoltés, nettoyés et recollés à la laque naturelle. Une fois l’objet sec et poncé, on souligne ses fissures à l’aide de plusieurs couches de laque. Enfin, on saupoudre ses “cicatrices” de poudre d’or.  »

Certaines pages ne parlent que du kintsugi, dans sa mission première de réparer la céramique : « Qu’est-ce que le kintsugi, la technique de réparation à la japonaise ?  »

<J’ai trouvé aussi cette vidéo qui montre cet art en action>

Une jeune auteure veut en tirer des leçons de vie, c’est ainsi que Céline Santini a écrit : «  Kintsugi, L’art de la résilience ».

Céline Santini a un propos plus ambitieux sur le site <esprit-kintsugi>, probablement qu’elle a aussi l’intention de vendre son livre et d’autres services.

Il faut certainement séparer le bon grain et l’ivraie.

Mais j’ai trouvé fécond et apaisant, dans ce monde troublé, insatisfait, violent, qui casse et sépare beaucoup, de mettre en avant un art qui a pour but de réparer, de rendre plus beau et plus fort.


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Lundi 3 décembre 2018

« Grigory Sokolov »
Un pianiste exceptionnel

Annie et moi sommes allés, comme chaque année, au concert que donne annuellement Grigory Sokolov à Lyon.

Cette année c’était le 8 novembre et je n’en ai pas fait un mot du jour le lendemain, parce que le 9 novembre je commençais mon itinérance intellectuelle et historique sur la guerre 14-18, sa fin et ses conséquences.

Cette itinérance étant terminé, je peux revenir à cet artiste.

Souvent on lit « le meilleur » pour parler d’un sportif ou d’un artiste, dans un domaine. Quand j’étais plus jeune, il m’arrivait aussi de tomber dans cette faiblesse de la compétition à tous les niveaux.

Aujourd’hui, il me semble que notamment dans le monde de l’art, il n’y a pas à faire de classement mais simplement à ressentir ou à comprendre ce qu’un artiste peut apporter.

Un artiste peut apporter le divertissement et ce n’est pas rien de divertir.

Dans d’autres domaines et dans la musique particulièrement et sur un piano singulièrement, l’artiste peut rechercher la performance.

<Par exemple vous pouvez voir Yuja Wang jouer la célèbre marche turque de Mozart arrangée d’une manière époustouflante.>

C’est une incontestable performance qui d’ailleurs ravit le public et le divertit aussi un peu.

Grigory Sokolov ne fait ni l’un, ni l’autre.

Dans le monde des pianistes il existe une autre typologie :

  • Les cogneurs ;
  • Et les autres ceux qui ont un toucher aérien, souple, magique, je ne sais comment les définir. Mais ce ne sont pas cogneurs.

Dans ce domaine, les cogneurs ne sont pas forcément des hommes, il existe des cogneuses.

Je peux vous donner l’exemple d’une pianiste très célèbre, je vous avoue que je ne comprends pas pourquoi, qui « cogne » un prélude de Rachmaninov : <Valentina Lisitsa – Prélude opus 23 N° 5 de Rachmaninov>.

Grigory Sokolov appartient au second type, ceux qui ne cognent pas. Cette même œuvre de Rachmaninov jouée par lui <donne cela>. Ce n’est pas une vidéo, il existe <une vidéo> dans laquelle on le voit « toucher » le piano, mais le son est assez mauvais.

Cette œuvre de Rachmaninov est surtout une œuvre très technique et brillante, il ne faut pas en attendre trop d’émotions, mais il y a quand même un monde entre l’exécution de Valentina Lisitsa et l’interprétation de Sokolov, un éléphant et un oiseau.

Lorsqu’il y a quelques années, après avoir lu certains articles sur lui, nous sommes allés la première fois l’écouter à l’Auditorium, la salle était à moitié pleine. Mais chaque année, probablement par le bouche à oreille, la salle se remplit davantage, cette année elle était pleine.

Grigory Sokolov est probablement un peu timide, peut-être même un peu autiste. Il rentre sur scène discrètement et rapidement. Il exige un éclairage minimum. Il passe toujours derrière le piano, pour que l’instrument le protège du public, il salue une fois, se met au piano et joue tout de suite. Et c’est le miracle. Cet homme fait parler son piano, la musique vous touche alors au plus profond de votre humanité, de votre âme si on se laisse aller au lyrisme.

Et même quand il joue un bis, une œuvre technique et brillante comme ce morceau de Couperin, il y met une légèreté et un sens de l’ineffable qui n’appartient qu’à lui : <Grigory Sokolov – Couperin – Le tic-toc-choc ou Les maillotins>

Je ne suis pas seul à penser et éprouver cela, le critique <Christian Merlin> écrit :

« Il y a un mystère Sokolov. On ne vous parle pas seulement de l’homme, de son côté autiste, qui apprend par coeur les horaires de train et les codes-barres, et ritualise son entrée en scène comme ses saluts. On vous parle bel et bien du pianiste. Une fois de plus, le récital que Grigory Sokolov a donné au Théâtre des Champs-Élysées[…] fut un moment hors de l’espace et du temps. Un moment passé à se demander: «Comment fait-il?»

Question que les pianistes présents dans la salle se posaient constamment, tentant par exemple de comprendre son jeu de pédale: sans avoir l’air d’y toucher, Sokolov alterne résonance et son étouffé sur une même note, comme s’il tirait les registres d’un orgue. Et tout cela avec des marteaux sur des cordes! Il y a sa souplesse de poignet aussi, cet art du trille où l’on a l’impression que même le nombre de battements est calculé. Cette façon de murmurer tout en jouant au fond du clavier, ou de tonner sans être brutal. En un mot, la maîtrise absolue, surhumaine, de quelqu’un qui travaillait encore sur scène une demi-heure avant le début du concert, empêchant le public arrivé en avance d’entrer, et serait capable de démonter et de remonter le piano pièce par pièce.

[…] il nous a tout simplement hypnotisé, nous faisant perdre le sens de l’orientation dans le temps, comme une image de l’éternité. Six bis, dont deux miraculeux intermezzi de Brahms, nous ont laissé écrasés par cette recherche d’absolu. »

Comme l’écrit Christian Merlin, à la fin de son concert, il joue de nombreux bis souvent plus de 5 et des bis qui sont souvent une œuvre à part entière. Ainsi à Lyon après avoir interprété les 4 impromptus opus 142 de Schubert, son premier bis fut un autre impromptu de l’autre série celle opus 90.

Et quand Sokolov joue Schubert cela donne un moment d’extase : <Grigory Sokolov – Schubert Impromptu Nr. 2 Es-Dur>

Un critique suisse parle du : « Triomphe du dépouillement pour un pianiste qui vit dans son monde, comme hanté par une mission hors normes. »

Grigory Sokolov, décide d’un programme unique pour une année, programme qu’il approfondit sans cesse et avec lequel il va faire tous ces concerts agrémentés de nombreux bis qui eux seront différents.

Ainsi le programme joué à Lyon le 8 novembre sera aussi joué entre autre

  • Le 5 Décembre 2018 à la Philharmonie du Luxembourg
  • Le 8 Décembre 2018 au Théâtre des Champs-Elysées à Paris
  • Le 6 mars 2019 au Palau de la Música Catalana à Barcelone
  • Le 10 mars 2019 à l’Auditorium Rainier III à Monte Carlo

Il finira le 29 mai 2019 à Milan

Pour les toulousains, c’est trop tard car c’était le lundi 4 juin 2018

Et pour une dernière pièce la <Gigue de la 1ère Partita de Bach>

<1159>

Mercredi 3 octobre 2018

«Si les arméniens et les juifs n’aimaient pas vraiment la vie, ils auraient tous deux disparu depuis bien longtemps.»
Charles Aznavour

Charles Aznavour vient de décéder ce 1er octobre 2018. Il a écrit plus de 1000 chansons, il a surtout écrit de bien beaux textes que j’ai déjà convoqués deux fois pour les mots du jour.

Une première fois pour exprimer ce que j’avais ressenti après avoir entendu, Polina Jerebtsova, auteur du « Journal de Polina, Une adolescente tchétchène » qui évoquait la guerre que la Russie a mené en Tchétchénie

La chanson avait pour titre « Les enfants de la guerre » qui débutait ainsi :

Les enfants de la guerre
Ne sont pas des enfants
Ils ont l’âge de pierre
Du fer et du sang
Sur les larmes de mères
Ils ont ouvert les yeux
Par des jours sans mystère
Et sur un monde en feu
Les enfants de la guerre
Ne sont pas des enfants
Ils ont connu la terre
À feu et à sang
Ils ont eu des chimères
Pour aiguiser leurs dents
Et pris des cimetières
Pour des jardins d’enfants

C’était le mot du jour du 24 septembre 2013

Et c’est bien sûr à Charles Aznavour, arménien, né en 1924, 9 ans après le début du génocide arménien que j’ai emprunté les mots pour évoquer cette faille de l’humanité le 8 avril 2015

J’expliquais que si les arméniens commémorent le génocide arménien le 24 avril, parce que le 24 avril 1915 correspond à l’arrestation de 300 intellectuels et notables arméniens à Constantinople et a été suivi par tout le mécanisme génocidaire, c’était le 8 avril 1915, à Zeitoun, ville de Cilicie au Nord l’Alep, que les exactions avaient commencé : <Massacres à Zeïtoun>

J’avais pris pour exergue un extrait de la chanson « ils sont tombés »

«Ils sont tombés pour entrer dans la nuit éternelle des temps, au bout de leur courage
La mort les a frappés sans demander leur âge puisqu’ils étaient fautifs d’être enfants d’Arménie.»

Mais je crois qu’on peut citer ce texte plus longuement :

«Ils sont tombés, sans trop savoir pourquoi
Hommes, femmes, et enfants qui ne voulaient que vivre
Avec des gestes lourds comme des hommes ivres
Mutilés, massacrés, les yeux ouverts d’effroi.
Ils sont tombés en invoquant leur Dieu
Au seuil de leur église ou au pas de leur porte
En troupeau de désert, titubant, en cohorte
Terrassés par la soif, la faim, le fer, le feu.
Nul n’éleva la voix dans un monde euphorique
Tandis que croupissait un peuple dans son sang
L’Europe découvrait le jazz et sa musique
Les plaintes des trompettes couvraient les cris d’enfants.

Ils sont tombés pudiquement, sans bruit,
Par milliers, par millions, sans que le monde bouge,
Devenant un instant, minuscules fleurs rouges
Recouverts par un vent de sable et puis d’oubli.
lls sont tombés, les yeux pleins de soleil,
Comme un oiseau qu’en vol une balle fracasse
Pour mourir n’importe où et sans laisser de traces,
Ignorés, oubliés dans leur dernier sommeil.
Ils sont tombés en croyant, ingénus,

Que leurs enfants pourraient continuer leur enfance,
Qu’un jour ils fouleraient des terres d’espérance
Dans des pays ouverts d’hommes aux mains tendues.
Moi je suis de ce peuple qui dort sans sépulture
Qui choisit de mourir sans abdiquer sa foi,
Qui n’a jamais baissé la tête sous l’injure,
Qui survit malgré tout et qui ne se plaint pas.
Ils sont tombés pour entrer dans la nuit
Éternelle des temps, au bout de leur courage
La mort les a frappés sans demander leur âge
Puisqu’ils étaient fautifs d’être enfants d’Arménie.»

Bien sûr Charles Aznavour a beaucoup agi pour la reconnaissance de ce génocide qui a touché le peuple de ses ancêtres et œuvré pour aider l’Arménie contemporaine.

Quand l’Arménie a été frappée par un séisme, il a organisé une collecte de fonds pour aider les sinistrés et écrit une autre chanson : « Pour toi Arménie ».

Mais ce que je trouve remarquable chez cet homme c’est qu’il ne s’est pas figé sur le seul malheur de son peuple.

Il s’est toujours senti proche de l’autre peuple ayant subi un grand génocide : le peuple juif.

Il a chanté « Yéroushalaim »

C’est sur ce site que j’ai appris que lors d’un voyage en Israël, il avait dit : « Si les arméniens et les juifs n’aimaient pas vraiment la vie , ils auraient tous deux disparu depuis bien longtemps  »

Et les tziganes, autre peuple victime de la monstruosité des nazis étaient également chers à son cœurs : « Les deux guitares »

Le journal « Têtu » rappelle aussi qu’en 1972 :

La France pénalise toujours l’homosexualité, qu’elle considère encore comme une maladie mentale. Cette même année pourtant, Charles Aznavour séduit le pays avec « Comme ils disent». Une chanson qui dépeint la vie d’un homme gay avec une intelligence, une bienveillance et une finesse qui manque encore à beaucoup aujourd’hui.

Il fut aussi soutien du féminisme « Le Droit Des Femmes »

C’étaient les bons combats, la sensibilité, la bienveillance et la profondeur des textes mis au service de ces causes.

Et que dire de cette chanson qui ne peut que toucher les filles et les fils qui doivent dire un dernier adieu à leur maman : « La Mamma »

Claude Askolovitch a consacré une remarquable <revue de presse le 2 octobre> à Aznavour :

« Et d’un monde enfoui, quand un petit arménien de Paris portait une petite bague avec la faucille et le marteau, et serait pendant la guerre le témoin de l’héroïsme des résistants métèques et communistes. Il l’a raconté dans l’Humanité.. 

« Ma mère partait avec la voiture d’enfant où des armes étaient dissimulées. Les armes servaient, on les remettait dans la voiture, maman rentrait à la maison. » Et à la maison, Charles apprenait à jouer aux échecs avec un poète communiste et arménien qui s’ennuyait, caché, il s’appelait Missak Manouchian et serait le premier des fusillés de l’affiche rouge…

C’était Charles Aznavour, un auteur-compositeur-interprète, avant tout un poète et qui faisait aussi du cinéma.

<1122>

Vendredi 8 juin 2018

« Le stone balancing est un art, un hobby, une façon de méditer, un art de vivre. C’est tout ça à la fois ! »
Emmanuel Fourcarde, 29 ans, alias Manu Topic

Emmanuel Fourcade avait pour métier, tapissier d’ameublement. Il a mis son métier entre parenthèse pour se consacrer exclusivement à sa passion le « stone balancing »

Il a pris pour nom d’artiste : Manu Topic

J’ai appris son existence grâce à ce site

<Un homme qui maintient l’équilibre entre les pierres>

Ce sont des œuvres éphémères en pierres.

Il me semble que le texte n’est pas utile, il suffit de regarder les photos.

Equilibre.
Harmonie
Fragilité
Patience
Maîtrise

Œuvre éphémère mais la photo les transforme en moment d’éternité.

Sur le site on lit : « Cette incroyable maîtrise des éléments qui consiste à empiler des pierres et à les maintenir dans un équilibre parfait est un art à part entière. En France, cet homme est l’un des rares à pratiquer cette discipline qui révèle, au grand jour, l’ensorcelante beauté de la nature à travers d’impressionnantes œuvres éphémères. »

Amoureux de la nature, Emmanuel Fourcarde, 29 ans, alias Manu Topic, découvre le stone balancing grâce à celui qui a popularisé cet art aux Etats-Unis, Michael Grab.

Il se consacre désormais à cet art étonnant et éphémère..

 

 

<Une vidéo montre Michael Grab à l’oeuvre>

Cette discipline consiste à créer des structures de pierres en jouant sur les points de pressions, la gravité et le contrepoids pour un résultat final à la fois spectaculaire et esthétique. Manu en donne sa définition :

 

Manu Topic donne sa  définition :

« Le stone balancing est un art, un hobby, une façon de méditer, un art de vivre. C’est tout ça à la fois ! »


Il dit aussi :

« J’ai le besoin vital d’être au contact de la faune et de la flore. Je peux partager un bel instant avec la nature… sans laisser de traces. »

 

 

 

 

Bien sûr, ses œuvres disparaissent assez rapidement. Quelques heures suffisent pour que la Nature casse le fragile équilibre créé par l’artiste.

<Ici une vidéo montrant le travail d’un autre adepte de cet art>

Et un autre artiste qui joue avec les lois de l’équilibre

 

L’article nous apprend qu’il existe un Championnat du Monde de stone balancing.

Lionel Terray avait écrit en 1961, un livre consacré à l’alpinisme auquel il a donné le titre : « Les Conquérants de l’inutile ». Il me semble que ce titre « les conquérants de l’inutile » pourrait être utilisé merveilleusement pour cet art du stone balancing.

Mais ils créent la beauté et la beauté n’est jamais inutile.

En outre, l’aspect éphémère de ces œuvres ne symbolise t’il pas simplement la fragilité de notre existence sur terre..

<Ici vous verrez une vidéo qui montre la naissance d’une œuvre de Manu Topic>

Et si vous cherchez Manu Topic ou  stone balancing ou même stone balance sur internet vous trouverez d’autres merveilles.

 

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