Lundi 24 octobre 2022

« Non rien ne m’est interdit, car je détiens le rêve. »
Alicia Gallienne

Depuis longtemps je n’ai plus partagé un poème d’Alicia Gallienne.

Pour l’instant, il y en a eu 4 :

  • Le 7 février 2020 : « L’autre moitié du songe m’appartient »
  • Le 18 février 2020 : « Dire que je t’aime et je t’attends, c’est encore beaucoup trop de pas assez »
  • Le 18 avril 2020 : « A Mozart je dois une Église un arbre et une île»
  • Le 3 mai 2020 : « Pour aller plus haut »

Aujourd’hui, les circonstances me poussent à reprendre ce livre plein de mots magiques :

« Je suis riche de mes heures perdues
De mes phrases mille fois heurtées à elles-mêmes
Je suis riche de mes émerveillements
Et chaque jour je bénis Dieu d’avoir donné
La vertu de se dépasser et de créer l’impossible
Pour cerner ses contours
Avec la délicatesse des doigts amoureux
Exquise sensation que de pouvoir toucher cet au-delà
Aux émanations d’interdit

Non rien ne m’est interdit
Car je détiens le rêve
Entre mes mains pleines de ciel
Car j’ai conquis les oiseaux
Tout au-dessus de l’eau
Où je marche la nuit

Oui tout m’est offert
Tout est possédé de moi
Et le plafond de Chagall est plein d’ailes
De musique et de tentation
ET c’est un dôme du ciel humain
Comme une transcription magique
Et les yeux sont appelés
A se créer leur unique illusion »
Page 191 Conclusion du poème « <La mort du Ciel » où elle a écrit en sous-titre (Si j’ai choisi ce titre, c’est bien pour qu’il ne meure jamais.)
«L’autre moitié du songe m’appartient»
Alicia Gallienne


Le plafond de Chagall orne la grande salle de l’Opéra Garnier où mon frère ainé Gérard a œuvré dans l’Orchestre de 1970 à 1985.

Dans ma famille nous sommes trois frères, Gérard, Roger, et moi qui suis le petit dernier d’une dizaine d’années plus jeune que les deux autres.

Des trois frères, c’est Gérard qui était le roc, jamais malade, toujours super dynamique.

Mais il y a quelques semaines une terrible maladie l’a submergé et ces derniers jours son état s’est brusquement détérioré.

C’est important d’avoir son jardin secret. On dit aussi que les grandes douleurs sont muettes.

Je crois cependant tout en respectant ces deux préceptes, il est aussi essentiel, tout en restant digne, de faire part des sentiments qui nous touchent et qui nous saisissent.

Gérard a eu la grâce d’exercer un métier, dont l’objet est de créer la beauté.

Avec l’Octuor de Paris il a fait le tour du monde.

Plusieurs disques ont été produits avec cet ensemble en vinyle dans les années 70, mais n’ont jamais été reporté en CD.

Parmi ces disques il y a l’emblématique Octuor de Schubert qui donne la composition de l’Octuor de Paris : un quatuor à cordes plus une contrebasse avec 3 instruments à vent : un cor, une clarinette et un basson.

En voici le 3ème mouvement : 

Allegro Vivace

Après l’Opéra de Paris , Gérard est parti à Nantes où il est devenu violoniste supersoliste jusqu’à sa retraite.

Ouest-France l’avait interviewé lors d’une folle journée de Nantes : <Gérard Klam a connu l’âge d’or des orchestres>

Vous comprendrez donc que le mot du jour est interrompu jusqu’à nouvel ordre.

<1725>

Mercredi 7 septembre 2022

« Qui y a-t-il de plus fort que le sentiment d’aimer une femme et d’être aimé par elle ? »
Mikhaël Gorbatchev, évoquant son amour pour son épouse Raïssa

C’est un documentaire un peu étrange qu’« ARTE » a diffusé en l’honneur de Mickhaël Gorbatchev : <Gorbatchev – En aparté>

Ce documentaire restera disponible sur le site d’ARTE jusqu’au 28 février 2023.

Un nonagénaire au visage et au corps gonflés par le diabète avance péniblement, à l’aide d’un déambulateur, dans la maison que l’État russe a mis à sa disposition et dont il possède l’usufruit.

L’homme de la perestroïka et de la glasnost se laisse filmer dans son intimité par le réalisateur Vitaly Manski qui le connaît et le vénère.

Son visage est devenu lunaire, son corps est épuisé. Il est quasi méconnaissable, mais sur le crâne lisse, apparait la fameuse tache de naissance qui est devenu célèbre avec lui.

La présentation de ce documentaire, tournée en 2019, est alléchante : Près de trente ans après l’effondrement de l’Union soviétique, quel regard porte-t-il sur son testament politique, depuis son avènement au pouvoir en 1985 jusqu’à sa démission, le 25 décembre 1991 ?

Il ne dit pas grand-chose, en tout cas rien de nouveau.

Il refuse obstinément de se prononcer sur la politique contemporaine de la Russie de Poutine.

Bernard Guetta explique dans une interview que Poutine a exigé, pour que sa fin de vie reste paisible dans cette maison confortable, que ses commentaires et critiques à son égard restent mesurés.

Ce que j’ai trouvé unique, dans ce documentaire, c’est l’émotion qui se dégage quand ce vieil homme malade parle de son amour pour sa compagne de 46 ans Raïssa Maximova Tilorenko, morte d’une leucémie en 1999 dans un hôpital de Munster.

Des photos ou des peintures la représentant se trouvent partout dans la maison.

A 24 minutes 30 du documentaire, Mikhail Gorbatchev parle de sa fille qui a quitté la Russie et qui vit en Occident, comme ses enfants.

Et Gorbatchev ajoute :

« Du temps de Raïssa, tout le monde était là.
Je n’arrive toujours pas à m’y faire. »

Vitaly Manski le relance alors :

« Lorsque Raissa Maximova est décédé vous avez déclaré à plusieurs reprises que pour vous la vie n’avait plus de sens. »

Et Gorbatchev répond immédiatement :

« C’est vrai ! »

Et quand le réalisateur pose la question : « Comment ça ? » il répète

« Elle n’en a plus ! »

Gorbatchev mange et se tait.

Alors Manski tente une nouvelle relance :

« C’est quoi le sens de la vie ? »

Gorbatchev continue à manger et ne répond pas. Il y a un long silence.

Le questionneur tente une réponse :

« Est-ce que cela ne serait pas d’aimer une femme tout simplement ? Et d’avoir des enfants avec elle ? Il ne faut peut-être pas chercher plus loin … »

Et Le vieil homme brusquement reprend la parole et dit :

« Qui y a-t-il de plus fort que le sentiment d’aimer une femme et d’être aimé par elle ?
Il y a tant de jolies filles, tant de doux noms à entendre.
Mais un seul, dans mon cœur, brille, me parait si beau, si tendre. »

Un peu plus loin dans le documentaire à 32:50, il dit :

« On ne s’est jamais séparé, on était toujours ensemble. On ne faisait qu’un.

On se demande à quoi ça tient.

On me disait qu’elle me menait par le bout du nez.

Ce que je n’ai jamais démenti. En fait, j’étais tout à fait d’accord. Et c’était bien comme ça. […]

Je me souviens d’une interview de Jacques Brel entendu à la radio.

J’étais très jeune mais ces paroles me sont restées.

« Il y a qu’un tout petit nombre de personnes qui sont en capacité de vivre le grand amour toute une vie »

Raissa Tilorenko,et Mikhaël Gorbatchev faisaient partie de ce petit nombre.

C’est d’autant plus difficile pour les hommes de pouvoir qui ont tant besoin de séduire et de se rassurer en séduisant encore.

Dans tous les documentaires que j’ai vu, chaque fois que Gorbatchev parlait de Raissa, de sa mort, de sa dépression après le putsch des conservateurs de juillet 1991, les larmes venaient et il devait s’essuyer les yeux.

Dans un article rédigé par Annick Cojean dans le Monde : < Mikhaël Gorbatchev : une enfance soviétique dans une famille aimante> il révèle :

« Je suis né dans une famille heureuse. Mon père aimait beaucoup ma mère. En fait, ils ne faisaient qu’un. Ma mère était d’origine ukrainienne, région de Tchernigov, mon père de racines russes, région de Voronej. Ils étaient très heureux ensemble. »

Et à cette journaliste il a dit :

« L’éthique et la morale de mon grand-père sont restées mes références. Lui et mon père m’ont servi d’exemple. Je ne les ai pas trahis. Car ce n’est jamais la gloire qui m’a inspiré, ni la conservation du pouvoir. Ce sont les gens simples et dignes que j’avais connus, ceux que l’histoire avait malmenés et qui méritaient de vivre dans un monde libre et démocratique. Et tant pis pour la Nomenklatura que j’ai vexée et secouée ! Je ne veux ni qu’elle me pardonne ni qu’elle me réhabilite.

 Car, de toute façon, j’ai gagné ! Le processus démocratique est irréversible ! J’ai réussi parce que je venais de ce monde de paysans et de cette famille-là. Que je croyais honnêtement dans ce que je faisais. Et aussi… parce que Raïssa était à mes côtés. »

En 2020, juste après son décès à 67 ans, Frédéric Mitterrand a réalisé un documentaire pour France 2 « Mikhaïl et Raïssa, souvenirs d’un grand amour ».

Dans la présentation de son documentaire Frédéric Mitterrand écrit :

« Mikhaïl et Raïssa Gorbatchev se sont rencontrés à Moscou au début des années cinquante, alors qu’ils étaient étudiants. […]

Elle venait d’une famille d’origine bourgeoise et son père cheminot appartenait à l’élite du prolétariat dans un pays où les chemins de fer furent longtemps la seule réponse au défi des grandes distances.

L’un et l’autre avaient largement souffert des séquelles de la grande famine des années 30, de l’invasion allemande et de la terreur stalinienne, le père de Raïssa ayant notamment été envoyé au goulag tandis que sa femme et ses enfants survivaient misérablement dans un wagon de marchandises abandonné dans une gare de Sibérie.

[…] Il est avéré que l’accession au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir suprême en 1985 fut bien le résultat d’une ambition commune et d’une entente sentimentale et intellectuelle profonde avec son épouse à tel point qu’ils étaient autant le partenaire et le meilleur ami l’un de l’autre que mari et femme.

A cet égard, Raïssa Gorbatchev joua un rôle essentiel dans l’affirmation publique de la volonté réformatrice de son époux, tandis que son charme et son élégance fascinaient les medias et l’opinion internationale au cours de visites officielles à l’étranger à l’impact spectaculaire. […]

Sa fin brutale laisse ouverte l’énigme d’un amour de près de cinquante années qui aura résisté aux aléas dramatiques d’une histoire ayant changé la face du monde. »

Le journal « Challenge » énonce cette évidence : « Derrière Mikhaïl et la perestroïka, Raïssa Gorbatcheva »

Cet article cite Margaret Thatcher :

« Raïssa était tout à fait différente, ne ressemblait pas aux gens que l’on avait l’habitude d’associer au système soviétique. C’était une femme sûre d’elle, brillante et vive »

Et cite aussi un ouvrage de Gorbatchev :

« Toute notre vie, où que nous soyons, nous n’avons jamais arrêté de dialoguer avec Raïssa. Une fois devenu secrétaire général et président, j’appelais Raïssa ou elle m’appelait deux-trois fois par jour ».

Et j’ai la faiblesse de croire que si Gorbatchev fut grand et courageux dans l’épreuve et n’utilisa pas la force pour empêcher ce qui allait amener à sa destitution, c’est aussi parce que Raïssa était à ses côtés dans un lien indéfectible et immense.

<1704>

Mardi 10 décembre 2019

« Un mercredi, il y a cent ans… »
Une histoire qui commence

C’était un mercredi, il y a cent ans, le 10 décembre 1919.

Dans une ville minière, d’environ 6000 habitants, au nord-est de la Lorraine, dans une maison familiale, un enfant venait de naître au monde.

C’était un garçon.

Son père était revenu dans cette maison, depuis un an à peine, soldat d’une armée vaincue.

Mais ce 10 décembre, il était citoyen d’une Nation triomphante et père d’un septième et dernier enfant, le seul à être né français.

Un an auparavant, quand il était enfin de retour, ce fut quelques jours trop tard pour accompagner son 5ème enfant, une fille du nom de Pauline, à sa dernière demeure à l’âge de 10 ans. Elle avait succombé à la grippe espagnole le 20 novembre 1918, 9 jours après l’armistice.

Félix, le père de l’enfant qui venait de naître, fut celui dans sa lignée qui fit sortir sa famille du néolithique. Aussi loin qu’on remontait le temps qu’il était possible de connaître, la famille était constituée de paysans qui vivaient dans des fermes. Lui a quitté la ferme pour se rendre vers une petite ville qui s’était construite sur un territoire industriel émergeant autour de l’activité des mines de charbon.

Il avait conservé quelques lopins de terre pour la nourriture domestique mais avait changé de métier et était devenu menuisier.

La mère s’appelait Katherine avec un « K » car elle était née dans une commune près de Mannheim qui se trouve actuellement dans le Bade-Wurtemberg mais qui historiquement faisait partie du Palatinat.

Elle n’était donc pas comme Félix, née sur ce territoire tant disputé entre les germains de l’est et les germains de l’ouest qui sont les Francs. Elle est née sur le territoire des germains de l’est.

D’ailleurs leur mariage fut célébré à Mannheim.

Le père était travailleur, rude, peu enclin au dialogue et pas très drôle.

Katherine était douce, pleine d’humour et aimait chanter.

Dans cette famille pauvre à la sortie de la terrible grande guerre, la vie n’était pas simple.

Mais quand il y avait quelques loisirs, la famille se réunissait faisait de la musique et chantait ensemble.

Dans cette ambiance et probablement sous l’influence de sa mère, le jeune garçon s’éveillait à la musique, à la poésie et à l’art.

Mais quand il exprima son souhait d’embrasser le métier de musicien et plus précisément de violoniste, la réponse du père fut catégorique et sans appel :

« Musicien est un métier de fainéant, tu seras menuisier comme ton père et tu feras de la musique comme tout le monde en amateur »

Le jeune Rodolphe bien qu’obéissant savait ce qu’il voulait et ne se soumit que provisoirement.

Il attendait patiemment l’âge de la majorité qui était de 21 ans, pour échapper à l’autorité parentale et réaliser son rêve devenir musicien professionnel.

Mais en ces temps troublés, il a eu 20 ans en 1939 et une nouvelle guerre allait embraser l’Europe, la France et l’Allemagne.

Il partit donc à la guerre, mais avant de finir ses classes la France était vaincue par l’étrange défaite de 1940 selon le livre du grand historien Marc Bloch.

Quand les autorités allemandes invitèrent les alsaciens les lorrains de revenir dans leur région natal en leur promettant qu’il ne serait pas incorporé dans la Wehrmacht il écouta le conseil d’un sage adjudant qui lui dit : « Les allemands vont perdre la guerre, et quand ils auront besoin de troupes pour leurs derniers combats, ils obligeront tous ceux qu’ils trouveront à incorporer leur armée ».

Il l’écouta et passa les années de guerre dans la petite ville de Renaison dans la Loire, près de Roanne à 100 km de Lyon.

Il ne revint dans sa région natale qu’à la fin de la guerre en 1945, il avait déjà 26 ans. C’était le temps de trouver épouse.

Il rencontra une jeune femme qui n’était pas française, mais polonaise, issue de l’immigration de travail que réclamaient les houillères de Lorraine. Elle devint française par le mariage.

Toute cette petite histoire, que je préfère appeler l’histoire à hauteur d’homme, rencontre la grande histoire et relativise beaucoup des idées et des concepts qu’on entend développer par des idéologues qui rêvent un passé qui n’a jamais existé.

La France est mélange, mélange entre peuples germains, francs, alamans, teutons, burgondes quelques latins bien sûr et aussi comme dans cet exemple des slaves et bien d’autres

Nous sommes loin de nos ancêtres les gaulois…

Il devint père une première fois en 1947 puis en 1949.

Pour nourrir sa famille, il accepta les métiers qu’il pouvait exercer. Malgré les difficultés, malgré un départ bien tardif il poursuivit son rêve de faire de la musique et d’approfondir la musique et la pratique du violon.

Il alla prendre des cours dans la ville allemande proche de Sarrebruck.

Il accéda enfin à son objectif de faire du violon son métier, lorsqu’il eut l’opportunité de participer à la création de l’école de musique de Forbach en 1951. Il avait 31 ans. Les conditions financières étaient exécrables pendant de nombreuses années, il lui fallut exercer d’autres missions pour parvenir à des revenus toujours modestes mais permettant de vivre. Mais il ne se plaignait jamais car il pratiquait le métier qu’il aimait.

Il devint un professeur remarquable qui apprit le violon à des générations d’élèves de 1951 à 1991. Les enfants et même à la fin les petits enfants de ses premiers élèves devinrent aussi ses élèves.

Il disait :

« Avant de leur apprendre le violon, j’essaye surtout de leur faire aimer la musique »

Et le miracle, c’est qu’il y parvint le plus souvent.

Vous savez compter, il a pris sa retraite en 1991, il avait 72 ans.

C’est aussi une leçon par rapport à nos débats sur les retraites. On peut travailler jusqu’à 70 ans, mais cela dépend du métier, cela dépend du sens qu’on peut lui donner. Notre problème de retraite n’est-il pas avant tout un problème de travail, de travail de seniors, de condition et de qualité de travail ? Et du sens de tout cela ?

En 1958, ce garçon né en 1919, à Stiring-Wendel, devint mon père.

Il était aussi compréhensif, bienveillant et tendre que son père était dur et rigide.

Avant de quitter la communauté des vivants en 2009, il chanta encore des chansons à ses infirmières jusqu’à ses derniers instants de lucidité.

Nous ne sommes pas des individus venus un jour au monde et qui nous construisons nous même. Nous nous inscrivons dans une lignée familiale et sommes le fruit des transmissions que nous avons su accueillir.

Mon père m’a appris à aimer la musique.

Il m’a aussi appris la bienveillance.

Il m’a aidé à avoir confiance en moi.

Il m’a conduit à aimer la vie.

<1323>

Mercredi 16 octobre 2019

« Ce matin il est arrivé une chose bien étrange. Le monde s’est dédoublé »
Clara Ysé

Dans mon butinage je suis tombé sur un article du Point qui m’a renvoyé vers <Ce Clip>

Clip étonnant, chanson envoutante, voix androgyne, texte émouvant et beau, j’ai été comme happé.

J’ai fait bien sûr des recherches

Et j’ai compris qu’Ysé était un nom d’artiste.

Cette jeune fille qui chante « J’ai crié que quelqu’un me vienne en aide », s’appelle dans la vie civile Clara Dufourmantelle.

Elle est la fille d’Anne Dufourmantelle.

Cette psychanalyste et philosophe qui a écrit
« La puissance de la douceur » et qui a fait l’objet du mot du jour du <26 septembre 2019>. Le mot qui a suivi celui consacré à <Cécile>

Anne Dufourmantelle qui est morte d’un arrêt cardiaque, conséquence d’un acte spontané de don de soi, pour sauver des enfants qui étaient en train de se noyer.

On comprend mieux le clip et les paroles de cette chanson écrite en hommage à sa mère et pour surmonter l’immense peine.

Elle décrit sa sidération par ces mots :

« Le monde s’est dédoublé, Je ne percevais plus les choses comme des choses réelles.»

Un ami lui vient en aide :

« J’ai accueilli un ami qui m’a pris dans ses bras
Et m’a murmuré tout bas
Regarde derrière les nuages
Il y a toujours le ciel bleu azur
Qui lui vient toujours en ami
Te rappeler tout bas
Que la joie est toujours à deux pas »

Je rappelais dans le mot du jour dédié à Cécile les paroles de Tchekov « Enterrer les morts, réparer les vivants ».

Dans cette chanson cela devient

« Vers un nouveau rivage
Ton cœur est emporté
L’ancien territoire t’éclaire de ses phares »

C’est bouleversant.

Cette chanson se trouve sur un album dans lequel elle chante en français mais aussi en espagnol et en anglais.

J’ai acheté cet album de 6 titres et j’ai appris un nouveau sigle « EP » qui correspond à « extended play », c’est un format de disque qui est plus grand qu’un single qui comporte 2 titres et plus petit qu’un album qui contient au moins 8 titres.

Clara Dufourmantelle a <dit> :

« Cet EP, c’est ce qui m’a permis de vivre »

Oui parce qu’après un évènement brutal comme celui de la mort de sa mère, dans les conditions dans lesquelles cette rupture a eu lieu, il faut continuer à vivre.

La poésie, l’art peut être un moyen.

<Libération> a écrit :

« […] on tombe, interdit, sur la puissance de feu et la folie certaine de la formidable Clara Ysé.

[…] Jonglant entre le français, l’anglais et l’espagnol, Clara Ysé explore un territoire inconnu, en nous bombardant littéralement avec ses bouleversantes chansons habitées par une poésie du réel. Et puis il y a surtout la puissance originale de son chant qui lui permet donc de venir tutoyer ces fameuses figures tutélaires qui elles aussi imaginaient leur propre route sans jamais chercher à se rapprocher d’une quelconque hype éphémère.

Une voix est née. »

Je crois que c’est fort bien écrit et résumé.

Voici les paroles de la chanson : « Le monde s’est dédoublé » de Clara Ysé

Ce matin il est arrivé une chose bien étrange
Le monde s’est dédoublé
Je ne percevais plus les choses comme des choses réelles
Le monde s’est dédoublé
J’ai pris peur j’ai crié que quelqu’un me vienne en aide
Le monde s’est dédoublé
J’ai accueilli un ami qui m’a pris dans ses bras
Et m’a murmuré tout bas

Regarde derrière les nuages
Il y a toujours le ciel bleu azur
Qui lui vient toujours en ami
Te rappeler tout bas
Que la joie est toujours à deux pas

Il m’a dit prends patience
Mon ami prend patience
Vers un nouveau rivage
Ton cœur est emporté
L’ancien territoire t’éclaire de ses phares
T’éclaire de ses phares

Ce matin il est arrivé une chose bien étrange
Le monde s’est dédoublé
J’ai senti le temps se fendre un instant sur les visages même
Le monde s’est dédoublé
Vos corps que je percevais hier encore dans leur exactitude
Ont perdu leur densité

Regarde derrière les nuages
Il y a toujours le ciel bleu azur

Qui lui vient toujours en ami
Te rappeler tout bas
Que la joie est toujours à deux pas
Il m’a dit prends patience
Mon ami prend patience
Vers un nouveau rivage
Ton cœur est emporté
L’ancien territoire t’éclaire de ses phares

Regarde en dessous de la nuit
Y’a toujours le jour qui pose ses lumières
Sur un coin de la terre
Te rappelant tout bas
Que la joie est toujours à deux pas
Je te dis prends patience
Mon ami prends patience
Vers un nouveau rivage
Ton cœur est emporté

L’ancien territoire t’éclaire de ses phares

Regarde derrière les nuages
Il y a toujours le ciel bleu azur
Qui lui vient toujours en ami
Te rappeler tout bas
Que la joie est toujours à deux pas
Il m’a dit prends patience
Mon ami prends patience
Vers un nouveau rivage
Ton cœur est emporté
L’ancien territoire t’éclaire de ses phares
T’éclaire de ses phares

Et <ICI> elle la chante en concert.

Et puis voici une autre chanson de l’EP : <Mama>

<1289>

Mercredi 25 septembre 2019

« Cécile »
Je ne savais pas quel autre mot du jour écrire aujourd’hui

J’aime beaucoup le prénom de Cécile, c’est la sainte patronne des musiciens.

Selon le récit chrétien, il s’agissait d’une martyre du IIème siècle de notre ère et en allant au martyre, elle entendit la musique de Dieu et se mit à interpréter des chants mélodieux. C’est pourquoi Sainte Cécile qui est fêtée le 22 novembre est la patronne des musiciens.

<Si vous voulez en savoir plus> sur la patronne des musiciens.

Les compositeurs de l’époque baroque et aussi classique ont composé plusieurs odes à Sainte Cécile.

Dans ce concert <diffusé par Arte> il y a trois œuvres dédiées à Sainte Cécile de Purcell, de Haendel et de Haydn.

Plus récemment le domaine des chansons a aussi célébré Cécile.

<Cécile, ma fille> de Nougaro, <Cecilia> de Simon and Garfunkel, reprise en version française par Joe Dassin, <Cécile> de Julien Clerc.

Dans les années 1970, les parents aimaient donner ce prénom à leurs filles.

Cécile était le prénom d’une de nos chères collègues.

Une jeune femme pétillante qui semblait irradier la joie de vivre. Pleine d’empathie pour les autres, c’était un bonheur de travailler avec elle.

Le mot du jour est né dans une structure professionnelle par une suggestion de Betty.

Le premier fut écrit et envoyé le 9 octobre 2012 par courriel à 6 destinataires :

Betty, Fabien, Pierre, Jérôme, Anne-Laure et Cécile.

Après avoir longtemps travaillé dans la même structure, je fus appelé à d’autres fonctions, sur ma demande, le 2 janvier 2014. Ce même jour, la première à m’écrire un message fut Cécile :

«Bonjour Alain,
Quelle tristesse à mon arrivée au bureau de voir que tu n’étais plus là ! Le bureau semble vide…

Et Thierry m’a dit que tu avais pris tes nouvelles fonctions……SNIF……Tu vas nous manquer (enfin à moi c’est sûr) !

Mais heureusement que tu n’es pas loin et je sais très bien que tu es heureux de ce changement donc me voilà rassurée !
Pour toi l’année 2014 est donc l’année du changement ! Je te souhaite une belle et heureuse année remplie d’amour, de joie, de bonheur et une excellente santé bien sûr.

Je suis certaine que tu vas t’épanouir dans ce nouveau poste.

Les agents de ton service ne savent pas encore la chance qu’ils ont d’avoir un chef comme toi, mais je pense qu’ils vont vite s’en apercevoir !

Bises
Cécile»

Cécile est entièrement dans ce message ; enthousiaste, bienveillante, généreuse et attentionnée.

Cécile est partie de la communauté des vivants, elle n’avait pas cinquante ans.

La cérémonie des adieux a eu lieu hier.

Notre univers de relations qui nous construit, qui nous inspire, qui nourrit notre quotidien comprend toutes celles et tous ceux que nous avons rencontrés et avec qui nous avons pu construire des échanges qui nous ont fait du bien.

Cette communauté de relations comprend des vivants et aussi ceux qui sont partis. Tant il est vrai que « Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. ».

Mais quand le départ est aussi brutal, incompréhensible surtout pour les plus proches il est nécessaire de revenir à cette recommandation d’Anton Tchekov « Enterrer les morts et réparer les vivants. »

Réparer les vivants, parce que les vivants doivent continuer leur route.

Alain Damasio écrivait :

« Le vivant n’est pas une propriété, un bien qu’on pourrait acquérir ou protéger.
C’est un milieu, c’est un chant qui nous traverse dans lequel nous sommes immergés, fondus ou électrisés.
Si bien que s’il existe une éthique en tant qu’être humain.
C’est d’être digne de ce don sublime d’être vivant.
Et d’en incarner, d’en déployer autant que faire se peut les puissances.
Qu’est-ce qu’une puissance ?
Une puissance de vie !
C’est le volume de liens, de relations qu’un être est capable de tisser et d’entrelacer sans se porter atteinte.
Ou encore c’est la gamme chromatique des affects dont nous sommes capables
Vivre revient alors à accroitre notre capacité à être affecté.
Donc notre spectre ou notre amplitude à être touché, changé, ému.
Contracter une sensation, contempler, habiter un instant ou un lieu.
Ce sont des liens élus. »

Une puissance de vie ! C’est le volume de liens, de relations qu’un être est capable de tisser et d’entrelacer sans se porter atteinte.

Et pour clôturer cet article selon le conseil de Jean-Philippe, finissons par la cathédrale Sainte Cécile d’Albi que les hommes ont érigée pour s’inscrire dans la durée.

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Vendredi 25 mai 2018

« Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles. »
Albert Cohen « Le livre de ma mère » chapitre 27

Ce dimanche est consacré à la fêtes des mères. Pour ce jour je voudrais partager ce mot d’Albert Cohen.

L’immense écrivain, Albert Cohen a écrit un livre : « Le livre de ma mère », livre d’un fils qu’il a consacré à sa mère alors qu’elle ne faisait plus partie de la communauté des vivants.

C’est un livre bouleversant qui est certainement résumé par ces quelques mots que j’ai mis en exergue.

C’est un livre aussi très drôle où il raconte des anecdotes sur sa mère qui est une mère juive.

Mais toutes les mères sont un peu « des mères juives ».

Alors elle est bien sûr inquiète que son fils ne suive pas les règles communautaires :

« Dis mon enfant, à Genève, tu ne manges pas de l’Innommable ? [traduction : du porc].
Enfin, si tu en manges, ne me le dis pas, je ne veux pas savoir. » (page 25)

Ou encore :

« Écoute, mon fils, même si tu ne crois pas en notre Dieu, à cause de tous ces savants, maudits soient-ils, eux et leurs chiffres, va tout de même un peu à la synagogue, supplia t’elle gentiment, fais-le pour moi. (page 24

Elle était simple, pieuse et suivait scrupuleusement les règles religieuses qu’on lui avait enseigné. Elle était pourtant très lucide sur les fondements de sa religion :

« Mon fils, vois-tu, les hommes sont des animaux. Regarde-les, ils ont des pattes, des dents pointues. Mais un jour des anciens temps, notre maître Moïse est arrivé et il a décidé, dans sa tête, de changer ces bêtes en hommes, en enfants de Dieu, par les Saints Commandements, Tu comprends. Il leur a dit : tu ne feras pas ceci, tu ne feras pas cela, c’est mal […]. Moi, je crois que c’est lui qui a inventé les Dix commandements en se promenant sur le Mont Sinaï pour mieux réfléchir. Mais il leur a dit que c’était Dieu pour les impressionner, tu comprends. Tu sais comment ils sont, les juifs. Il leur faut toujours le plus cher. […] Alors, Moïse qui les connaissait bien, s’est dit : si je leur dis que les commandements viennent de l’Eternel, ils feront plus attention, ils respecteront davantage. » (Page 69)

La sagesse des simples…

Mais il n’est finalement que peu question de sujets proprement juifs dans ce livre. Il est bien davantage question de l’histoire universelle des fils avec leur mère.

Et Albert Cohen de raconter ce qu’il a vécu avec sa mère qui était toujours prête à l’impossible pour lui, à toutes les attentions et lui de raconter toutes ces fois où il a manqué de temps, d’attention, de douceur ou même les cas où il a été injuste à son égard. Et nous arrivons au chapitre 27 :

« Et pourtant je l’aimais.
Mais j’étais un fils.
Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles.
Fils des mères encore vivantes, n’oubliez plus que vos mères sont mortelles.
Je n’aurai pas écrit en vain, si l’un de vous, après avoir lu mon chant de mort, est plus doux avec sa mère, à cause de moi et de ma mère.
Soyez doux chaque jour avec votre mère.
Aimez-la mieux que je n’ai su aimer ma mère.
Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c’est ce que je vous dis du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil.
Ces paroles que je vous adresse, fils des mères encore vivantes, sont les seules condoléances qu’à moi-même je puisse m’offrir. […]

Aucun fils ne sait vraiment que sa mère mourra et tous les fils se fâchent et s’impatientent contre leurs mères, les fous si tôt punis.» (page 168-170)

On dit que les hommes de la guerre 14-18, endurcis et prêt à tous les sacrifices, au moment ultime et dans leur plus grande détresse n’avez qu’un mot qui venait spontanément : « Maman »

Fils des mères encore vivantes, n’oubliez pas que vos mères sont mortelles.

Car il y a une vie avant la mort, pendant laquelle vous pouvez agir avec attention, en bienveillance et en douceur.


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Vendredi 16 mars 2018

« Cet Univers ne serait pas grand-chose, s’il n’abritait pas les gens qu’on aime »
Stephen Hawking

Stephen Hawking étaient le père de trois enfants : Lucy, Robert et Tim. Ce sont eux qui ont publié un communiqué où ils ont écrit :

« Nous sommes profondément attristés par la mort de notre père aujourd’hui. C’était un grand scientifique et un homme extraordinaire dont l’œuvre et l’héritage vivront de nombreuses années. […]. Il avait déclaré un jour : “Cet Univers ne serait pas grand-chose s’il n’abritait pas les gens qu’on aime.” Il nous manquera toujours. »

Vendredi dernier, j’avais entendu la chronique de Sonia Devillers sur France Inter consacré aux Jeux Paralympiques où elle décrivait la place des handicapés dans la société. Au moment de l’écoute j’avais l’intention d’en faire un mot du jour et puis… je suis passé à autre chose.

Et ce mercredi 14 mars 2018, l’immense scientifique, Stephen Hawking dont j’avais lu avec passion « Une brève histoire du temps » peu de temps après sa sortie dans les années 1990, est mort. Cet homme était terriblement handicapé : un esprit exceptionnel dans un corps détruit. Lui est même arrivé à faire de son handicap un atout, une marque de fabrique. Il a dit :

« Je suis certain que mon handicap a un rapport avec ma célébrité. Les gens sont fascinés par le contraste entre mes capacités physiques très limitées et la nature extrêmement étendue de l’Univers que j’étudie ».

Lors de la chronique de Sonia Devillers, j’ai appris que 12 millions de français sont handicapés.

Elle exprimait les progrès de la télévision par rapport à la visibilité des handicapés notamment grâce aux jeux paralympiques :

«Mais souvenez-vous, succès d’audience totalement inattendu lors de Rio 2016. Un plébiscite du public. Et du beurre dans les statistiques carrément honteux de la télévision en général. Seulement 0,8% des gens vus à l’écran sont en situation de handicap. Et sans les Jeux Paralympiques ce serait encore moins. […]

Exit animateurs et journalistes handicapés

Souvenez-vous : la télé reste un spectacle visuel qu’on ne veut pas gâcher. Dans les talk-shows, les invités handicapés viennent témoigner du handicap. Ce qui est débile. Ils peuvent intervenir dans tous les champs d’expertises comme n’importe quel valide.

Côté fiction, c’est pareil. Soit, on cause du handicap, soit on montre des héros qui le surpassent en permanence. Mimie Mathy et ses super-pouvoirs sur la Une. « Cain », le commissaire en fauteuil sur la deux. On manque de personnages ordinaires : employés de mairies, médecin, profs… handicapés, mais on s’en fout, leur fonction n’étant pas du tout celle-ci dans le récit. Juste, on s’habitue à voir leur corps à l’écran.

Reste le divertissement. Là, ça bouge, vraiment
Et comme souvent, en matière de diversité, ça vient de « The Voice », sur TF1, qui sélectionne les candidats uniquement à la voix, pas au physique.

On se souvient de Jane, toute jeune malvoyante, face caméra, sans lunettes noires, alors que ses yeux – strabisme et pupilles blanchies – sont très marqués par le handicap. Pas de lunettes, exactement comme le réclame une nouvelle génération d’aveugles qui se bat d’ailleurs pour faire autre chose que de la musique, pour ne pas ressembler à Gilbert Montagné, pour faire des études et du sport. Bref, pour que les modèles de réussite changent. Regarder un champion paralympique triompher à la télé, c’est comme filmer un aveugle sans lunettes. C’est accepter la différence et mettre scène ses espérances »

Lors de sa revue de presse de mercredi, Claude Askolovitch a introduit le sujet du handicap et de l’œuvre de Stephen Hawking par cette phrase :

« La victoire de la pensée sur la chair »

Stephen Hawking est né à Oxford le 8 janvier 1942. Son père, biologiste, souhaite qu’il suive ses pas en étudiant la médecine à Oxford. Il opte pour la physique avant de partir pour Cambridge, afin d’y poursuivre des recherches en astronomie.

Peu après son 21e anniversaire, il apprend qu’il souffre d’une maladie dégénérative paralysante. Les médecins ne lui donnent que deux ans à vivre. Son corps décline inexorablement. En 1974, il est incapable de se nourrir ou de sortir de son lit par lui-même. En 1985, il perd définitivement l’usage de la parole après avoir subi une trachéotomie à la suite d’une pneumonie. Mais son esprit est intact. Et son but simple : « Comprendre complètement l’Univers, pourquoi il est comme il est et pourquoi il existe. »

Le Monde précise la maladie dont était atteint Stephen Hawking :

Stephen Hawking était atteint d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurodégénérative paralysante aussi appelée maladie de Charcot. Une maladie rare, décelée chez environ 2 500 personnes par an en France. Elle fait partie du groupe des maladies des neurones moteurs, qui dégénèrent progressivement et font perdre aux malades le contrôle de leurs muscles.

« La perte de motricité est la conséquence d’une dégénérescence, c’est-à-dire d’une mort cellulaire, des motoneurones, les cellules nerveuses [neurones] qui commandent les muscles volontaires. »

Concrètement, cela commence par une perte de la capacité à bouger les bras, les jambes. Puis lorsque les muscles du diaphragme et de la paroi thoracique sont atteints, les patients perdent leur capacité respiratoire et sont placés sous assistance. C’était le cas depuis des années de Stephen Hawking.

Les médecins continuent à considérer la longévité de l’astrophysicien comme un mystère, la maladie étant incurable. Selon les statistiques médicales, la mort survient habituellement vingt-quatre à trente-six mois après le diagnostic. Le plus souvent, c’est l’incapacité à respirer qui emporte le patient.

Wikipedia nous apprend que les médecins avaient proposé à sa femme d’éteindre la machien qui le raccrochait à la vie mais que cette dernière a refusé et qu’il a donc encore vécu, réfléchi et publié pendant 33 ans :

« En 1985, il a contracté une pneumonie et a dû subir une trachéotomie pour mieux respirer, ce qui l’a rendu définitivement incapable de parler.

C’est à cette époque qu’il est proposé à Jane Wilde Hawking [son épouse] d’éteindre la machine qui le raccroche à la vie. De fait, les médecins n’estiment pas possible que Stephen Hawking puisse un jour se porter mieux. Pour autant Jane Wilde Hawking refuse et les médicaments font peu à peu effet et permettent à Hawking de se remettre partiellement de sa pneumonie.

Walt Waltosz, un informaticien de Californie, a construit un dispositif permettant à Hawking d’écrire sur un ordinateur avec un commutateur dans sa main, tandis qu’un synthétiseur vocal parle pour lui, lisant ce qu’il vient de taper.

Ayant perdu l’usage de ses mains, il utilise à partir de 2001 les contractions d’un muscle de sa joue détectées par un capteur infrarouge fixé à une branche de ses lunettes, pouvant ainsi sélectionner les lettres une par une sur un clavier virtuel d’une tablette dont un curseur balaie en permanence l’alphabet, puis sélectionner des mots grâce à un algorithme prédictif. Ce système lui permet d’exprimer cinq mots à la minute et de donner des cours à l’université de Cambridge jusqu’en 2009.

Face à l’aggravation de son état, Intel met au point depuis une nouvelle interface de contrôle basée sur la reconnaissance faciale des mouvements de ses lèvres et sourcils ».

Le Point a tenté de sélectionner <douze citations inspirantes de Stephen Hawking>

J’en choisis deux parmi elles :

« L’intelligence est la capacité de s’adapter au changement. »

et

« Au fond, j’aurai eu une belle vie. Les personnes handicapées devraient se concentrer sur les choses que leur handicap ne les empêche pas de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables. »

Mais c’est celle que j’ai mis en exergue que je préfère, car elle correspond profondément à ce que je ressens : « Cet Univers ne serait pas grand-chose s’il n’abritait pas les gens qu’on aime ».

Qu’un homme de l’intelligence, de la fragilité corporelle de Stephen Hawking, un homme à qui on avait annoncé à 21 ans qu’il ne vivrait pas plus de 2 ans et qui a vécu par sa volonté et par la science jusqu’à 76 ans ait pu dire cela, constitue une immense leçon d’humanité pour chacun de nous.

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Mercredi 14 février 2018

« Je préfère aux biens
dont s’enivre L’orgueil du soldat ou du roi,
L’ombre que tu fais sur mon livre
Quand ton front se penche sur moi. »
Victor Hugo «Les contemplations»

Pour la saint Valentin, ce poème de Victor Hugo :

Aimons toujours ! Aimons encore !
Quand l’amour s’en va, l’espoir fuit.
L’amour, c’est le cri de l’aurore,
L’amour c’est l’hymne de la nuit.

Ce que le flot dit aux rivages,
Ce que le vent dit aux vieux monts,
Ce que l’astre dit aux nuages,
C’est le mot ineffable : Aimons !

L’amour fait songer, vivre et croire.
Il a pour réchauffer le cœur,
Un rayon de plus que la gloire,
Et ce rayon c’est le bonheur !

Aime ! qu’on les loue ou les blâme,
Toujours les grands cœurs aimeront :
Joins cette jeunesse de l’âme
A la jeunesse de ton front !

Aime, afin de charmer tes heures !
Afin qu’on voie en tes beaux yeux
Des voluptés intérieures
Le sourire mystérieux !

Aimons-nous toujours davantage !
Unissons-nous mieux chaque jour.
Les arbres croissent en feuillage ;
Que notre âme croisse en amour !

Soyons le miroir et l’image !
Soyons la fleur et le parfum !
Les amants, qui, seuls sous l’ombrage,
Se sentent deux et ne sont qu’un !

[..].

Moi qui ne cherche dans ce monde
Que la seule réalité,
Moi qui laisse fuir comme l’onde
Tout ce qui n’est que vanité,

Je préfère aux biens dont s’enivre
L’orgueil du soldat ou du roi,
L’ombre que tu fais sur mon livre
Quand ton front se penche sur moi.

<Si vous voulez lire le poème en intégralité>

Pour Annie et moi, la Saint Valentin ne se fête pas le 14 février, mais le 15.
Le 15 février, il y a 30 ans, nous nous sommes rencontrés à Paris et quelques mois plus tard, nous ne nous quittions plus.

Il n’y aura pas de mot du jour le 15 et le 16 février.

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Vendredi 12 janvier 2018

« Von Herzen – möge es wieder zu Herzen gehen
Venue du cœur puisse t’elle retrouver le chemin du cœur »
Ludwig van Beethoven, phrase mise en exergue de sa « Missa Solemnis »

A plusieurs reprises des collègues et amis, que j’avais connus lors de mon passage dans l’administration centrale de la direction générale des impôts à Bercy entre 1987 et 2002, m’ont écrit pour exprimer un avis positif sur la qualité globale des mots du jour. Mais ils ajoutaient immédiatement une nuance en la justifiant par la crainte que « je prenne la grosse tête ».

Il me semble que cette crainte est injustifiée : tous mes butinages, mes lectures, mes découvertes que je tente de présenter et d’expliquer ne me montre qu’une chose : l’incommensurabilité de mon ignorance à laquelle j’ajouterai la vanité d’essayer de comprendre la complexité du monde et de l’humain. Ce constat ne peut que me pousser à une très grande humilité.

J’aime pourtant l’image que donne Michel Serres pour définir le verbe vieillir : monter un escalier chaque jour pour aller vers un plus d’intelligence, de sagesse, de simplicité et de modération.

Un des mots du jour le plus porteur de sens pour moi est celui qu’a écrit Rachid Benzine : « Le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance mais les certitudes

Je n’aime plus beaucoup mon métier. Je suppose n’être pas seul dans ce cas. J’essaye pourtant de l’accomplir au mieux par devoir et par éthique. Il puise beaucoup de mon énergie et me donne assez peu en retour. Je suis injuste, il me donne un revenu confortable qui me permet de vivre matériellement sans peur du lendemain et m’autorise ainsi à être libre, libre de m’intéresser à bien des choses qui dépassent les contingences matérielles.

Mais du point de vue intellectuel le métier que j’exerce occupe ma journée mais ne la remplit pas.

Ma quête de mots du jour la remplit.

Depuis que jeune, il m’arrivait de comprendre les mathématiques un peu plus vite que certains camarades, j’ai appris que dans l’acte d’explication celui qui en profitait le plus était celui qui expliquait. Confucius aurait dit : «Ce qu’on me dit je l’oublie, ce que je vois je m’en souviens, ce que je fais je le sais.»

Lire, écouter, regarder permet d’approcher une connaissance, mais ce qui permet de l’approfondir est l’acte de vouloir l’expliquer donc écrire. Car écrire demande d’interroger, de poser questions, d’éclairer des points obscurs ou d’avouer qu’on ne comprend pas. Mais s’avouer à soi-même qu’on ne comprend pas accroit paradoxalement la connaissance contrairement aux certitudes pour revenir à cette lumineuse phrase de Rachid Benzine.

Récemment j’ai entendu Hubert Reeves développer le raisonnement suivant : Nous pouvons rationnellement penser qu’un chat comprend moins de choses qu’un humain et qu’il existe donc une limite à sa compréhension. Cet exemple doit nous pousser, nous autres humains de l’espèce homo sapiens, d’admettre qu’il existe des choses que nous ne pouvons pas comprendre et que notre intelligence connaît des limites.

L’homme augmenté cher aux transhumanistes, s’il existe un jour, aura aussi ses limites, peut-être pas les mêmes.

Mais il fallait trouver un exergue à ce 1000ème mot du jour.

Dans notre vie nous rencontrons des personnes, des lieux, des œuvres de l’esprit et aussi des mots.

Parfois, on se souvient de la première rencontre avec un mot. C’est le cas pour moi avec le mot « exergue » qui rappelons le, signifie selon Le Larousse : « Inscription placée en tête d’un ouvrage » mais le CNRS dans son outil lexical en ligne donne une définition plus précise : « Formule, pensée, citation placée en tête d’un écrit pour en résumer le sens, l’esprit, la portée, ou inscription placée sur un objet quelconque à titre de devise ou de légende ».

Ma première rencontre avec ce mot a eu lieu lors de la lecture d’un livret d’un coffret microsillon et je peux encore citer de mémoire cette rencontre qui a eu lieu il y a environ 45 ans :

« Venue du cœur, puisse t’elle retrouver le chemin du cœur » c’est l’exergue que Ludwig van Beethoven a mis en marge de sa partition de sa Missa Solemnis dont il disait qu’elle était son œuvre la plus accomplie.

Sur internet, j’ai d’ailleurs pu trouver une reproduction de la page de la partition annotée de la main de Beethoven. En haut de la page, comme il s’agit du Kyrie, c’est le tout début de la partition. Sur cette reproduction, j’ai réécrit en rouge lisible en renvoyant vers l’écriture de Beethoven.

C’est donc un juste retour des choses que de mettre en exergue, la phrase qui m’a appris ce qu’était un exergue.

Mais il y a une deuxième raison.

J’ai placé ce millième mot du jour dans l’univers de la pensée complexe, de l’effort de comprendre, du travail de l’intelligence et de l’approfondissement.

Or, si en effet, la Missa Solemnis est une des œuvres les plus achevées de Beethoven et de la musique occidentale, c’est une œuvre difficile d’accès.

Si vous avez du mal avec la musique classique, ce n’est certainement avec la Missa Solemnis qu’il faut commencer.

Commencez avec les quatre saisons de Vivaldi qui est un authentique chef d’œuvre, la flute enchantée de Mozart, le concerto de violon de Beethoven, pas avec la Missa Solemnis.

La Missa Solemnis est exigeante, il faut être prêt à affronter la complexité et l’âpreté de son écriture pour en tirer la beauté immatérielle et extatique qu’elle révèle.

Et il y a une troisième raison.

Un des mots du jour récent nous apprenait que nous possédions en réalité trois cerveaux : l’organe qui porte ce nom, les intestins et le cœur.

J’écrivais que pour le cœur, la question restait ouverte. Mais acceptons cette hypothèse que nous agissons aussi par ce que le cœur nous ordonne.

Notre intuition, notre expérience nous pousse à croire que le cœur l’emporte parfois sur la raison.

Alors dans un monde où l’intelligence artificielle a vocation à devenir de plus en plus omniscient, certains prédisent même qu’elle va supplanter l’intelligence humaine, nous gardons, nous autre homo sapiens non augmenté, ce privilège sur la machine de savoir penser avec le cœur.

Je pense qu’il n’est pas difficile de trouver dans les 999 mots du jour précédents, un certain nombre qui sont le fruit de l’intelligence du cœur.

Et je crois plus généralement que quasi dans chacun d’entre eux, il y a une part plus ou moins importante de l’intelligence du cœur.

C’est pourquoi, écrire pour ce millième mot du jour : « Venu du cœur, puisse t’il retrouver le chemin du cœur » me semble une expression adaptée à cette circonstance.

J’avais écrit un mot du jour qui avait fait réagir : « L’homme médiocre parle des personnes, l’homme moyen parle des faits, l’homme de culture parle des idées ». Mais j’avais reconnu les limites et l’incomplétude de cette affirmation lors du mot du jour hommage à Barbara : en écrivant : Barbara me rappelle que j’ai oublié le plus l’important : « L’homme de cœur et en l’occurrence la femme de cœur parle de la vie et de l’amour. »

 

Il est d’usage quand je parle d’une œuvre musicale de donner des liens ou des indications discographiques. Si je ne le fais pas, je suis d’ailleurs rappelé à l’ordre pour que je m’exécute.

Peut-être que le meilleur moyen d’entrer dans cette œuvre se trouve dans l’Agnus Dei dont Beethoven a confié l’introduction à la voix de basse dans une atmosphère de grande profondeur. Vous trouverez <ICI> cette partie de la messe chantée par Gérald Finley, en 2012, au Concertgebouw d’Amsterdam sous la direction inspirée de Nikolaus Harnoncourt.

Pour une interprétation complète de l’œuvre, vous trouverez <ICI> dans un autre haut lieu de la musique classique européenne, à Dresde, avec l’orchestre de la Staatskapelle de Dresde une interprétation dirigée par Christian Thielemann.

Si votre curiosité vous pousse plus loin, je peux vous donner la version audio qui depuis sa sortie fait l’unanimité :

La version d’Otto Klemperer enregistrée en 1966


Mais j’ai un faible pour une version plus récente de Philippe Herreweghe paru en 2012


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Lundi 9 octobre 2017

«L’homme médiocre parle des personnes,
L’homme moyen parle des faits,
L’homme de culture parle des idées »
Citation attribuée quelquefois à Jules Romain d’autre fois à Eleanor Roosevelt

Cette citation que j’ai choisie entre en résonance avec mon expérience de la vie, mais elle doit être expliquée et nuancée.

Je l’ai entendue citer et aussi trouvée à plusieurs reprises sur internet.

Force est de constater qu’on ne sait pas à qui l’attribuer. Même le journal « le Monde » l’attribue à Jules Romain <Ici> mais l’attribue à l’épouse de Franklin Roosevelt <Ici>

Quelquefois, les « faits » sont remplacés par le mot « les évènements ».

Mais ce qu’il y a de plus problématique c’est de désigner les hommes qui ne sont ni moyens, ni médiocres.

Les uns parlent « des grands esprits », d’autres « d’esprits supérieurs ou d’élite ».

Pour ma part, j’ai préféré utiliser le terme plus neutre et probablement plus juste d’homme qui s’inscrit dans une culture et donc qui cherche à comprendre, à expliquer, à mettre en perspective.

Si cette citation entre en résonance avec mon expérience, c’est que j’ai souvent entendu, notamment dans le monde professionnel, des collègues parler d’autres collègues, des collègues absents cela va de soi et en parler pour en dire du mal.

Un jour, j’ai même entendu une personne dire : « Moi si je ne peux pas dire de bien de quelqu’un, je m’abstiens d’en parler. Et notamment de X et Y je n’ai rien à dire ! ». Sorte de stratégie d’évitement.

Je n’ai pas la prétention d’avoir toujours échappé à cette faiblesse, je pense cependant que c’est devenu très rare aujourd’hui. Mais après de tels échanges, je n’ai jamais été satisfait.

D’autres parlent des faits, ils racontent ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu, ce qu’ils ont vécu et encore avec les plus infimes détails. Ce sont des conversations qui entraînent chez moi le plus grand des ennuis.

Ce qui me semble intéressant c’est de parler des faits en en tirant des enseignements donc d’aller vers le monde des idées. Ce qui me parait important c’est ce que l’on apprend des faits, ce qu’ils peuvent signifier.

Donc Oui je préfère échanger sur les idées.

Mais c’est là qu’il faut nuancer.

D’abord, je ne crois pas qu’il y ait trois populations distinctes : l’une des médiocres, l’autre des moyens et la dernière des idées.

Je pense plutôt que cette fracture se situe en chacun de nous, parfois nous sommes médiocres, parfois nous ne sommes que moyens et quelquefois nous arrivons à nous hisser au niveau des idées.

L’intelligence serait alors d’augmenter, dans nos conversations, la part des idées et de faire diminuer celle qui ne nous rend que moyen, voire médiocre.

Ensuite, il faut quand même se méfier des idées et des concepts qui peuvent conduire à des constructions hors sols et quelquefois à des résultats parfaitement inhumains. Par exemple, le soviétisme c’était des idées non confrontées à la réalité et à la critique et conduisaient à des aberrations.

Cette dérive que Brassens avait expliqué dans cette chanson : « Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente ».

Cela étant, je préfère parler des idées que de m’arrêter aux simples faits ou de parler des personnes.

Quand j’ai échangé avec Annie sur ce mot du jour, elle m’a simplement répondu avec son intelligence et sa sensibilité toujours vive : « Et le cœur et les sentiments dans cette énumération, où se trouvent-ils ?».

Car Oui, on peut exprimer brillamment des idées et ne pas savoir parler des sentiments, être incapable de laisser parler son cœur.

« L’intelligence ne sert à rien dans les rapports humains. » disait Françoise Giroud (mot du jour du 16 avril 2013)

Ou comme l’exhortait la famille de Yannick Minvielle, une des victimes du bataclan : «Dîtes aux gens que vous aimez, que vous les aimez.» (mot du jour du 11 décembre 2015)

Car en effet, dans la vie, les idées ne suffisent pas, il faut aussi savoir laisser parler son cœur.

J’espère qu’ainsi cette citation inspirante a été suffisamment nuancée pour insuffler un peu de sagesse.

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