Vendredi 12 décembre 2014

Vendredi 12 décembre 2014
« Il est des moments où une cure de gauchisme est nécessaire.»
Michel Rocard
J’avoue un faible depuis longtemps pour Michel Rocard. Cette phrase extraite d’une tribune qu’il vient de publier dans le Monde a de quoi surprendre.
Mais finalement elle est compréhensible, car dans ce dérèglement de l’économie libérale, l’explosion des inégalités et l’arrogance des hyper riches et des puissants il peut être sain de s’adonner à une cure de gauchisme.
Michel Rocard rappelle cependant qu’il ne suffit pas d’être gauchiste et il fait dire à Karl Marx : « Camarades, c’est bien de vouloir changer le monde. Mais vous n’y arriverez que si vous commencez à travailler comme des forcenés pour comprendre comment il marche… », ce qui ne doit donc pas être le cas des gauchistes d’aujourd’hui selon l’ancien patron du PSU.
Et il finit son propos par cette belle phrase : «   [renforcer la chance] de voir éclore la société des hommes à la place de celle de l’argent.   »
Voici le propos remis dans son contexte, l’article complet se trouve en pièce jointe.
« Cela appelle une dernière réflexion nécessaire, concernant le gauchisme. Qu’est-ce que le gauchisme sinon l’attitude consistant à refuser le discours politiquement correct auquel se sont ralliées les institutions et les chefs en place ? Il est des moments où une cure de gauchisme est nécessaire.
Le gauchisme, je connais, j’en sors, j’en suis, c’est ma famille. J’avais 16 ans, mon pays baignait dans la joie de la liberté retrouvée. Il tomba d’accord, tout entier, socialistes compris,  pour  entreprendre en Indochine la reconquête de son empire colonial. Je dénonçai cette honte, et me découvris gauchiste. Moins de dix ans après, rebelote, à propos de l’Algérie. L’accord était général. De nouveau, je fus gauchiste, et moins seul dès le début. Nous sauvâmes au moins l’honneur de la gauche.
Et puis un bref moment – Mai 68 – je fus un chef gauchiste, estampillé extrémiste par le ministère de l’intérieur, pour avoir osé réclamer le droit à la parole dans la société hiérarchisée.
Franchement, n’y avait-il pas aussi quelque gauchisme à proclamer, dix ans plus tard, que l’accord solennel de toute la gauche autour du programme commun de gouvernement puis des 110 propositions du candidat ne préparait pas la vraie transformation sociale dont la France et le monde avaient besoin ?
Une cure de gauchisme n’est donc ni pour me surprendre ni pour me déplaire. Mais, mais… le fondateur du gauchisme, au fond, est un camarade à nous qui s’appelait Karl Marx. J’ai grand crainte que nos gauchistes d’aujourd’hui ne soient en train d’oublier sa plus forte leçon. Il ne l’a pas écrite comme telle, c’est sa vie qui la donne. Elle est évidente à résumer : « Camarades, c’est bien de vouloir changer le monde. Mais vous n’y arriverez que si vous commencez à travailler comme des forcenés pour comprendre comment il marche… »
En l’absence d’une soudaine explosion générale, aussi peu probable que souhaitable, ce sera lent. Le peuple que nous défendons aura toujours besoin de ses emplois, c’est- à-dire que la machine marche. Or elle ne peut fonctionner que dans ses règles, qui certes ne sont pas les nôtres, mais sont celles dont elle a besoin. Si nous avons ensemble une vraie confiance et une vraie unité autour de notre vision de l’avenir long, nous n’avons pas le droit de dérégler la machine par des brutalisations de court terme qui peuvent l’affaiblir. Il n’y a de gauchisme utile que pertinent et cohérent.
Voilà la raison qui nous fait obligation de renouveler, renforcer, réunir notre Parti socialiste, dans la France d’aujourd’hui, le seul outil de demain. Ce faisant, nous pourrions même contribuer au réveil de quelques partis frères, renforçant par-là la chance de voir éclore la société des hommes à la place de celle de l’argent. »