Mercredi 10 juin 2020

«Pause»
Un jour sans mot du jour

Le temps a manqué pour que puisse finaliser un mot du jour pour ce 10 juin 2020

Pour votre réflexion, je vous invite à lire la tribune de François de Closets, publié le 29 mai 2020 sur le site du Monde : « La génération prédatrice du « toujours plus », née autour de 1950, devrait avoir honte »

Le journaliste accuse les 150 signataires d’une tribune publiée sur le site du « Monde« le 26 mai et appelant à une « révolution de la longévité », de « revendiquer l’argent que nos enfants n’auront pas ».

« Publiée sur le site du Monde le 26 mai, une tribune appelait le pays à prendre soin de la génération des « nouveaux vieux » nés autour de 1950. Que l’on permette à un « ancien vieux » né dans les années 1930 d’y répondre. Et tout d’abord de poser aux signataires de ce texte plusieurs questions. N’éprouvent-ils pas de la gêne, pour ne pas dire de la honte, en regardant leurs enfants et petits-enfants ? Ne sont-ils pas conscients d’appartenir à une génération prédatrice qui laisse à ses descendants une nature dévastée et 2 000 milliards d’euros de dettes accumulées sans la moindre justification ? Croient-ils vraiment que nous n’y sommes pour rien ?

Leur texte fait référence au « défi de la longévité ». Fort bien. Celui-ci ne se traduit-il pas, en premier lieu, par le fait que l’on conserve plus longtemps la pleine possession de ses moyens, bref que nous sommes en état de travailler à un âge plus avancé que nos parents ? Et qu’avons-nous fait ? Notre génération du « toujours plus » a fixé la retraite pour tous, et pas seulement pour les ouvriers, à 60 ans, mettant ainsi cinq années de plus à la charge de nos enfants. Et pour que ces années soient confortables, nous nous sommes octroyé un niveau de vie supérieur à celui des actifs. C’est ainsi que la part de la richesse nationale affectée aux soins de la vieillesse atteint chez nous le chiffre record de 14 % du PIB. Et ce n’est pas assez, il faudrait y rajouter 10 milliards d’euros alors même que les budgets explosent de partout.

J’éprouve une immense gratitude vis-à-vis des moins de 60 ans qui ont accepté ce sacrifice, qu’ils vont payer très cher, pour nous sauver. Les auteurs de la tribune le rappellent eux-mêmes : le Covid-19 ne représente une menace mortelle que pour les plus de 64 ans. Les jeunes générations pouvaient parfaitement vivre avec et laisser mourir les anciens. C’est d’ailleurs ce que notre génération a fait, entre 1968 et 1970, avec la grippe de Hongkong, tout aussi géronticide. Nous n’avons pas, que je sache, arrêté le pays pour sauver nos parents. Donc nous sommes redevables aux moins de 60 ans et devons apporter tous nos efforts à la lutte contre l’épidémie.

Je dois avouer que l’argument sur le risque de discrimination, face au déconfinement, m’a beaucoup choqué. Cette crise est double, sanitaire et économique. L’une nécessite le confinement pour faire obstacle à la propagation du virus, l’autre exige que la France reprenne au plus vite le travail pour remettre en marche l’appareil de production. Il était donc naturel de demander aux actifs de sortir pour aller travailler et aux retraités de rester chez eux pour faire obstacle au virus. En vérité, c’est nous qui aurions dû le proposer. Au lieu de quoi le chœur des indignés a dénoncé une discrimination fondée sur l’âge. Indignation d’autant plus malvenue que nous nous étions écharpés tout au long de 2019 sur l’âge auquel devait s’établir la discrimination entre les actifs et les retraités. Vraiment, renoncer à promener le virus pour manifester notre gratitude aurait eu plus de cachet.

Que la fin de vie en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’ait rien de réjouissant, c’est un fait. Que chacun préfère finir sa vie chez soi, c’est bien naturel et les services sociaux agissent en ce sens. Que la dégradation de nos facultés rende ce séjour de plus en plus difficile, il ne faut pas l’oublier. Nous pouvons mieux faire et, pour les vieux comme pour les handicapés, il faut secouer l’égoïsme des bien-portants. Mais nous ne pourrons jamais avoir trois ou quatre personnes pour permettre le maintien à domicile de chaque personne impotente et dépendante. Dans un monde de familles éclatées, avec les progrès de la médecine qui vont multiplier les années de dépendance, nous serons de plus en plus nombreux à finir nos jours dans un établissement spécialisé et médicalisé. Telle est la réalité et nous n’avons pas à nous en scandaliser.

En revanche, arrivé au très grand âge, une question devient essentielle : le choix de sa mort. Des pays voisins et civilisés nous montrent en ce domaine des solutions que nous devrions suivre afin que chacun puisse décider de la voie qu’il souhaite emprunter à son heure dernière pour quitter le monde. Mais, de cette question essentielle, les promoteurs de la « révolution de la longévité » ne parlent pas.

Nous ferions bien de nous faire modestes, de nous mettre au service des générations qui nous suivent, ce qui va bien au-delà des seuls soins apportés à nos petits-enfants. Et, plutôt que revendiquer l’argent que nos enfants n’auront pas, demandons plus de liberté pour nous-mêmes, notre dernière liberté. »

<Mot sans numéro>

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